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11/07/2017 | FRANCE | N°16-84405

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 juillet 2017, 16-84405


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Maud X...,
- M. Jean-Luc X..., parties civiles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, sur renvoi après cassation (Crim., 27 octobre 2015, n° 14-84. 952), en date du 3 juin 2016, qui, dans l'information suivie, sur leur plainte, du chef de blessures involontaires aggravées, a dit n'y avoir lieu à suivre contre MM. Ivan Y..., Richard Z... et Philippe A..., et ordonné le renvoi de M. Jean-Paul B...devant le tribunal cor

rectionnel ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 27 j...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Maud X...,
- M. Jean-Luc X..., parties civiles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, sur renvoi après cassation (Crim., 27 octobre 2015, n° 14-84. 952), en date du 3 juin 2016, qui, dans l'information suivie, sur leur plainte, du chef de blessures involontaires aggravées, a dit n'y avoir lieu à suivre contre MM. Ivan Y..., Richard Z... et Philippe A..., et ordonné le renvoi de M. Jean-Paul B...devant le tribunal correctionnel ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 27 juin 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, Mme Dreifuss-Netter, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de Mme le conseiller FARRENQ-NÉSI, les observations de Me LE PRADO, de la société civile professionnelle FABIANI, LUC-THALER et PINATEL, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;

Vu les mémoires personnel et ampliatif communs aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 7 mai 2007, à Grenoble, Mme Maud X... a été victime d'une blessure entraînant une cécité totale d'un oeil et des lésions à la face, à la suite de tirs de grenades de désencerclement dont trois émanant de A..., commandant de police, et de MM. Y... et Z..., brigadiers, agissant sur l'ordre de M. B..., commissaire, et visant à disperser un attroupement ; qu'elle a porté plainte du chef de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité par arme et par personne dépositaire de l'autorité publique ; qu'à l'issue de l'information, le juge d'instruction a renvoyé M. B...devant le tribunal correctionnel pour y être jugé du chef de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité de plus de trois mois, une ordonnance de non-lieu étant rendue à l'égard des trois autres policiers du même chef ; qu'appel a été interjeté par les consorts X..., parties civiles ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation des articles 222-9 et 222-10, 7°, 8° et 10° du code pénal ;

Sur le deuxième moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation de l'article 593 du code de procédure pénale ;

Sur le troisième moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation de l'article 593 du code de procédure pénale ;

Sur le quatrième moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation de l'article 186-3 du code de procédure pénale ;

Sur le premier moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-1, 121-3, 122-4, 222-9, 222-19 du code pénal, préliminaire, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre contre MM. Y..., A... et Z... d'avoir commis les faits pour lesquels ils ont été mis en examen qualifiés de blessures involontaires aggravées, ni tout autre fait ;

" aux motifs propres qu'il est constant que Mme X..., passante de la place Grenelle, a été blessée à 22 heures 52 par l'explosion d'une grenade de désencerclement auquel a procédé un fonctionnaire de police appelé au sein d'un dispositif de maintien de l'ordre pour faire face à une manifestation non autorisée ; que des déclarations des fonctionnaires de police présentent des témoins et des explications fournies par les personnes mises en examen, il ressort que quatre détonations ont été entendues, évoquant l'usage de quatre grenades de désencerclement à 22 heures 52 ; que cependant seules trois personnes ont admis avoir pour chacune d'entre elles utilisé un tel armement, à savoir MM. Y..., Z... et A... ; que l'auteur du quatrième jet de grenade reste non identifié ; que les trois jets décrits par MM. Y..., Z... et A... ont été réalisés conformément à la notice d'utilisation de ces armes à savoir en la lançant au ras du sol comme une boule de bowling ou de pétanque ; que leurs affirmations sur ce point n'ont pas été démenties ; que Mme X... a été touchée par l'une d'entre elles sans qu'il puisse, au terme de la procédure, être déterminé lequel de ces tirs de grenades de désencerclement avait touché la victime ; qu'il est sollicité que ces derniers soient renvoyés devant la cour d'Assises des chefs de violences volontaires aggravées ; qu'aucun élément ne permet cependant de démentir les déclarations de MM. Y..., Z... et A... relatives au respect strict de la doctrine d'emploi des grenades de désencerclement, au sol ; qu'ainsi même si les grenades utilisées sont des armes dangereuses, le contexte dans lequel les tirs ont été effectués, la situation de sous-effectif ayant affecté les policiers face aux manifestants nombreux permettent d'exclure que ces jets de grenade ont été effectués dans le but de causer des violences, mais au contraire pour parvenir à disperser les groupes de manifestants restant sur place et provoquer leur départ ; que l'une des conditions nécessaires à l'existence d'un acte volontaire, à savoir la volonté de causer des violences, fait donc défaut ; que les faits reprochés aux susnommés doivent donc recevoir la qualification de blessures involontaires ; qu'aucun élément ne permet d'affirmer que les blessures subies par Mme X... ont été causées par le tir effectué par M. Y... ou celui de M. Z... ou enfin celui de M. A... ; qu'ainsi, s'agissant de blessures involontaires, en l'absence de certitude du lien existant entre le comportement de MM. Y..., Z... et A... et les blessures subies par la partie civile Mme X..., leur responsabilité pénale ne peut être engagée ; que non-lieu sera ordonné à l'encontre des susnommés sans qu'il soit nécessaire de rechercher si l'ordre reçu était légal ou illégal ;

" et aux motifs adoptés que deux questions de fait n'étaient pas résolues par l'information ; que tout d'abord, alors que quatre détonations avaient été entendues par les protagonistes et les témoins, M. A... indiquait puis maintenait ne pas avoir lancé deux grenades à cet instant mais une seule ; qu'il déclarait au juge d'instruction à propos du lanceur de la quatrième grenade : « à mon sens, il s'agit de toute façon d'un fonctionnaire de police […] Je trouve également inadmissible que la quatrième personne qui a lancé une grenade susceptible d'avoir blessé cette jeune femme ne le dise pas et n'assume pas ainsi ses responsabilités » ; que la seconde question est la détermination de la grenade ayant occasionné les blessures subies par Mme X... puis de la personne l'ayant lancée : qu'en conséquence, si l'action de maintien de l'ordre, sous réserve de l'appréciation du juge du fond, est de nature à engager la responsabilité de l'Etat, aucune responsabilité pénale individuelle n'a pu être établie ; que s'agissant non pas de violences volontaires mais de blessures involontaires, la notion de scène unique de violence engageant la responsabilité de chacun des auteurs ne peut être retenue ;

" 1°) alors que selon l'article 122-4 du code pénal, n'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires ; mais que ni la notice d'utilisation d'une arme ni la doctrine d'emploi ne constituent des dispositions de nature législative ou réglementaire ; qu'en énonçant, pour dire n'y avoir lieu à suivre, que « les trois jets décrits par Ivan Y..., Richard Z... et Philippe A... ont été réalisés conformément à la notice d'utilisation de ces armes à savoir en la lançant au ras du sol comme une boule de bowling ou de pétanque » et qu'il n'est pas possible de « démentir les déclarations de Ivan Y..., Richard Z... et Philippe A... relatives au respect strict de la doctrine d'emploi des grenades de désencerclement, au sol », la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés ;

" 2°) alors que lorsque plusieurs personnes participent à une scène unique de violence dans le cadre de laquelle l'intervention de chacune ne peut être précisée, celles-ci répondent toutes d'une infraction unique de violence qualifiée à raison du dommage final occasionné à la victime ; que pour dire n'y avoir lieu à suivre à l'encontre de MM. Y..., A... et Z..., la chambre de l'instruction a énoncé que « Maud X... a été touchée par l'une [des grenades] sans qu'il puisse, au terme de la procédure, être déterminé lequel de ces tirs de grenades de désencerclement avait touché la victime » ; qu'en se déterminant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que l'on était en présence d'une scène unique de violences justifiant l'imputation du délit de violence à l'encontre de chacun des participants, la chambre de l'instruction a statué par des motifs contradictoires en violation des textes susvisés ;

" 3°) alors que le jet d'une grenade peut recevoir la qualification de violences même si la victime n'était pas spécifiquement visée par celui-ci ; que pour dire n'y avoir lieu à suivre, la chambre de l'instruction a énoncé que « le contexte dans lequel les tirs ont été effectués, la situation de sous-effectif ayant affecté les policiers face aux manifestants nombreux permettent d'exclure que ces jets de grenade ont été effectués dans le but de causer des violences, mais au contraire pour parvenir à disperser les groupes de manifestants restant sur place et provoquer leur départ ; que l'une des conditions nécessaires à l'existence d'un acte volontaire, à savoir la volonté de causer des violences, fait donc défaut » ; qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés ;

" 4°) alors que les fautes non-intentionnelles imputables à plusieurs prévenus, bien que distinctes les unes des autres, peuvent, par leurs effets conjugués, être la cause directe ou indirecte d'un homicide involontaire ou de blessures involontaires, et suffisent à fonder la responsabilité pénale de chacun des prévenus ; que pour dire n'y avoir lieu à suivre, la chambre de l'instruction a énoncé par motifs propres qu'« aucun élément ne permet d'affirmer que les blessures subies par Mme X... ont été causées par le tir effectué par M. Y... ou celui de M. Z... ou enfin celui de M. A... ; qu'ainsi, s'agissant de blessures involontaires, en l'absence de certitude du lien existant entre le comportement de MM. Y..., Z... et A... et les blessures subies par la partie civile Mme X..., leur responsabilité pénale ne peut être engagée » ; que la chambre de l'instruction a également, par motifs adoptés, énoncé qu'« aucune responsabilité pénale individuelle n'a pu être établie ; que s'agissant non pas de violences volontaires mais de blessures involontaires, la notion de scène unique de violence engageant la responsabilité de chacun des auteurs ne peut être retenue » ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que l'on était en présence de fautes conjuguées justifiant l'imputation du délit de blessures involontaires à l'encontre de chacun des participants, la chambre de l'instruction a statué par des motifs contradictoires en violation des textes susvisés " ;

Sur le second moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 121-1, 121-3, 121-6, 121-7, 122-4, 222-9, 222-10, 222-19 du code pénal préliminaire, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé M. B...devant un tribunal correctionnel pour les seuls faits de blessures involontaires ;

" aux motifs propres qu'il est constant que Mme X..., passante de la place Grenelle, a été blessée à 22 heures 52 par l'explosion d'une grenade de désencerclement auquel a procédé un fonctionnaire de police appelé au sein d'un dispositif de maintien de l'ordre pour faire face à une manifestations non autorisée ; que des déclarations des fonctionnaires de police présentent des témoins et des explications fournies par les personnes mises en examen, il ressort que quatre détonations ont été entendues, évoquant l'usage de quatre grenades de désencerclement à 22 heures 52 ; que cependant seules trois personnes ont admis avoir pour chacune d'entre elles utilisé un tel armement, à savoir MM. Y..., Z... et A... ; que l'auteur du quatrième jet de grenade reste non identifié ; que les trois jets décrits par MM. Y..., Z... et A... ont été réalisés conformément à la notice d'utilisation de ces armes à savoir en la lançant au ras du sol comme une boule de bowling ou de pétanque ; que leurs affirmations sur ce point n'ont pas été démenties ; que Mme X... a été touchée par l'une d'entre elles sans qu'il puisse, au terme de la procédure, être déterminé lequel de ces tirs de grenades de désencerclement avait touché la victime ; qu'il est sollicité que ces derniers soient renvoyés devant la cour d'assises des chefs de violences volontaires aggravées ; qu'aucun élément ne permet cependant de démentir les déclarations de MM. Y..., Z... et A... relatives au respect strict de la doctrine d'emploi des grenades de désencerclement, au sol ; qu'ainsi même si les grenades utilisées sont des armes dangereuses, le contexte dans lequel les tirs ont été effectués, la situation de sous-effectif ayant affecté les policiers face aux manifestants nombreux permettent d'exclure que ces jets de grenade ont été effectués dans le but de causer des violences, mais au contraire pour parvenir à disperser les groupes de manifestants restant sur place et provoquer leur départ ; que l'une des conditions nécessaires à l'existence d'un acte volontaire, à savoir la volonté de causer des violences, fait donc défaut ; que les faits reprochés aux susnommés doivent donc recevoir la qualification de blessures involontaires ; qu'aucun élément ne permet d'affirmer que les blessures subies par Mme X... ont été causées par le tir effectué par M. Y... ou celui de M. Z... ou enfin celui de M. A... ; qu'ainsi, s'agissant de blessures involontaires, en l'absence de certitude du lien existant entre le comportement de MM. Y..., Z... et A... et les blessures subies par la partie civile Mme X..., leur responsabilité pénale ne peut être engagée ; que non-lieu sera ordonné à l'encontre des susnommés sans qu'il soit nécessaire de rechercher si l'ordre reçu était légal ou illégal ; que les fonctionnaires de police susvisés se trouvaient placés sous les ordres de M. B...; que ce dernier a donné l'ordre de " grenader " ; que cet ordre a été suivi d'effet à 22 heures 52 ; que les dernières sommations ont été faites à 22 heures 26 par le tir de trois fusées ; que M. B...a indiqué qu'un groupe d'individus était revenu, sans pouvoir préciser s'il s'agissait des mêmes eu raison notamment de la pluie ; qu'il a indiqué avoir tenté de les convaincre de quitter les lieux ; qu'insulté et constatant que ses recommandations restaient sans effet, il a estimé nécessaire pour prévenir un regroupement de ces individus de donner l'instruction de " grenader " aux policiers qui l'entouraient dont il connaissait le matériel ; que l'article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure et l'article 431-3 du code pénal imposent, hors les cas spécifiés à Pariiefe L. 311-9, 3e alinéa, que des sommations soient adressées (modification de la loi du 12 mars 2012) ; que ecs sOlllll1atlous sont clairement définies à l'article D 211-11 du code de la sécurité intérieure reprenant les anciennes dispositions applicables quant à la forme des sommations ; que les trois tirs de fusée effectués à 22 heures 26 destinés à aviser un groupe qui s'est ensuite déplacé, ont précédé de 26 minutes l'un des tirs qui a atteint la partie civile Mme X... ; que ces trois tirs ne peuvent donc être considérés comme ayant valablement constitué des sommations avant les nouveaux jets de grenade, ces sommations ayant vocation à informer les personnes autour de l'attroupement qu'il va être fait usage de la force à délai rapproché ; qu'ayant donné l'ordre de " grenader ", connaissant le matériel, sans avoir fait précéder cette instruction des sommations obligatoires destinées à aviser les personnes présentes de l'usage de la force, et de leur permettre de se prémunir, message qu'aurait pu entendre Mme X... s'il avait été délivré ; que M. B...a créé la situation qui a permis la réalisation du dommage subi par Mme X... par la violation de façon manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité prévue par le règlement ; qu'il convient donc d'ordonner le renvoi de M. B...devant le tribunal correctionnel ;

" et aux motifs adoptés que le commissaire B..., en donnant l'ordre de dispersion dont il ne pouvait ignorer qu'il serait exécuté par l'usage de grenade de désencerclement, n'a pas causé directement le dommage mais a créé la situation qui a permis la réalisation de celui-ci car cet ordre, irrégulier, constitue une faute caractérisée et qui par nature s'agissant de l'usage de la force, exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ; que malgré ses dénégations, M. B...sera en conséquence renvoyé devant le tribunal correctionnel ;

" alors que selon l'article 222-9 du code pénal, les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sont punies de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende ; que selon l'article 222-10 du même code, l'infraction définie à l'article 222-9 du code pénal est punie de vingt ans de réclusion criminelle lorsqu'elle est commise soit par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission soit par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice soit avec usage ou menace d'une arme ; qu'est complice d'un crime la personne qui, par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir provoque un crime ou donne des instructions pour le commettre ; que les faits reprochés à MM. Y..., Z... et A... étant de nature criminelle, l'ordre donné par M. B...est un acte de complicité de crime ; qu'en refusant de renvoyer M. B...devant une cour d'assises pour des faits de complicité de violences criminelles, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés " ;

Les moyens étant réunis ;

Sur les trois premiers moyens de cassation du mémoire personnel et le premier moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris en ses trois premières branches ;

Attendu que pour écarter la demande des parties civiles tendant au renvoi des mis en examen devant la cour d'assises des chefs de violences volontaires aggravées, l'arrêt attaqué, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte, retient que le contexte dans lequel les tirs ont été effectués et la situation de sous-effectif ayant affecté les policiers face aux manifestants nombreux, permettent d'exclure que ces jets de grenade soient intervenus dans le but de causer des violences, mais qu'ils avaient au contraire pour but de parvenir à disperser les groupes de manifestants restés sur place et provoquer leur départ ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine, la chambre de l'instruction, qui, contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, n'a pas retenu l'existence d'un fait justificatif au sens de l'article 122-4 du code pénal, et ne s'est pas déterminée en fonction de la victime atteinte ou des effets produits par le matériel utilisé, mais par rapport au contexte général de l'intervention des forces de police, a justifié sa décision excluant l'existence de la volonté de causer des violences ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Sur le second moyen de cassation du mémoire ampliatif ;

Attendu que ce moyen est devenu inopérant par suite du rejet du premier moyen du mémoire ampliatif pris en ses trois premières branches ;

Sur le quatrième moyen de cassation du mémoire personnel ;

Attendu qu'après avoir écarté la qualification criminelle revendiquée par les parties civiles, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, par des motifs procédant de son appréciation souveraine, retient la qualification de blessures involontaires et renvoie l'examen de l'affaire devant le tribunal correctionnel de Lyon, juridiction de son ressort ;

Qu'en statuant ainsi, elle a justifié sa décision sans encourir les griefs visés au moyen ;

Mais sur le premier moyen de cassation, pris en sa quatrième branche ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu partiel rendue par le juge d'instruction, l'arrêt attaqué énonce que, s'agissant de blessures involontaires, en l'absence de certitude du lien existant entre le comportement de MM Y..., Z... et A... et les blessures subies par la partie civile Mme X..., leur responsabilité pénale ne peut être engagée et que non lieu sera ordonné à leur encontre, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si l'ordre reçu était légal ou illégal ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations et énonciations que les blessures avaient été causées par une grenade de désencerclement, sans rechercher, d'abord, si l'utilisation de ce type d'arme ne constituait pas une faute d'imprudence et, ensuite, si les trois mis en examen n'avaient pas participé ensemble à une action dangereuse et ainsi créé, par leur commune imprudence, un risque grave dont un tiers a été la victime, peu important l'impossibilité de déterminer l'incidence directe des actes accomplis par chacun d'eux, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 3 juin 2016, mais en ses seules dispositions disant n'y avoir lieu à suivre contre MM. Y..., Z... et A..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze juillet deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-84405
Date de la décision : 11/07/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, 03 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 jui. 2017, pourvoi n°16-84405


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.84405
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