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11/07/2017 | FRANCE | N°16-82910

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 juillet 2017, 16-82910


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
La société X..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 16 mars 2016, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de MM. Louis Y..., Gérard Z..., Fabrice A... et Mme Isabelle B... des chef de diffamation publique envers un particulier et complicité ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 20 juin 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de pr

océdure pénale : M. Guérin, président, M. Ascenci, conseiller rapporteur, M. Straehli, cons...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
La société X..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 16 mars 2016, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de MM. Louis Y..., Gérard Z..., Fabrice A... et Mme Isabelle B... des chef de diffamation publique envers un particulier et complicité ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 20 juin 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Ascenci, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Ascenci, les observations de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Desportes ;

Vu les mémoires et les observations complémentaires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans son numéro daté du 17 juillet 2012 et distribué le 16 juillet 2012, le journal [...] a publié, sous la signature de MM. Z... et A... un article intitulé "L'homme d'affaires Jacques E... règle ses comptes avec Messieurs X... et F... à la brigade financière", ayant pour sous-titre "Le parquet de Paris a ouvert une enquête, le 7 juillet, sur des accusations de corruption" et contenant les propos suivants : "Devant les policiers, M. E... a notamment dénoncé des faits de corruption, de trafic d'influence ou encore de ventes d'armes illicites, qu'il impute à ses deux "bêtes noires" : M. X... et l'ancien président de la République, Nicolas F...." ; "L'industriel breton, aux moyens financiers plus importants, prend alors le pas sur l'homme d'affaires, jusqu'à le déposséder de ses concessions, en particulier au [...] et au [...]. M. E... ne l'a pas accepté, et estime que son concurrent a usé de son amitié avec M. F... pour le supplanter." ; "Il accuse M. X... d'utiliser ses sociétés africaines pour transporter des armes, et de blanchir ses fonds au Luxembourg." ; "L'homme d'affaires revient aussi sur le passé, quand il aurait aidé M. X... à tenter de faire main basse sur le groupe Bouygues." ; "Tous ces éléments sont désormais consignés dans un procès-verbal. Le parquet a été incité à prendre au sérieux les accusations de M. E..., car celui-ci affirme avoir été menacé de mort à [...], où il réside, le 27 juin, Il a d'ailleurs déposé une main courante au commissariat du [...] arrondissement, à proximité de son domicile [...]." ; que ce même article a été publié le 16 juillet 2012 sur le site internet lemonde.fr ; que, le 18 juillet 2012, la société X... a porté plainte et s'est constituée partie civile du chef de diffamation publique envers un particulier ; que, par ordonnance en date du 7 octobre 2013, le juge d'instruction a renvoyé devant le tribunal correctionnel M. Y..., directeur de publication du journal [...], et Mme B..., directeur de publication du site internet [...], du chef de diffamation publique envers un particulier, ainsi que MM. Z... et A... du chef de complicité de ce délit ; que, par jugement en date du 17 mars 2015, le tribunal correctionnel a déclaré la société X... irrecevable en sa constitution de partie civile pour certains passages des propos poursuivis et a renvoyé les prévenus des fins de la poursuite pour le surplus de ceux-ci ; que la société X... a relevé appel de la décision ;

En cet état :

Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 29 et 35 de la loi du 29 juillet 1881, 591, 593 du code de procédure civile, 1382 du code civil, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a admis l'exception de bonne foi s'agissant du premier passage et du troisième passage et rejeté en conséquence les demandes de la société X... ;

"aux motifs propres que les imputations diffamatoires peuvent être justifiées lorsqu'il est démontré que leur auteur a agi de bonne foi et, notamment, qu'il a poursuivi un but légitime, étranger à toute animosité personnelle, et qu'il s'est conformé à un certain nombre d'exigences, en particulier de sérieux de l'enquête, ainsi que de prudence dans l'expression, étant précisé que la bonne foi ne peut-être déduite de faits postérieurs à la diffusion des propos ; que la partie civile fait valoir que la légitimité du but poursuivi fait défaut, qu'aucune urgence ne justifiait qu'en plein été, un 17 juillet, on impute à la X... des faits d'une particulière gravité sur une demie page du journal [...], tout en indiquant paradoxalement que les allégations rapportées de M. Jacques E... dépourvues de preuve ; que cependant, c'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont estimé que le but poursuivi par les journalistes, auteurs des articles en cause était manifestement légitime, s'agissant d'informer le public de l'ouverture d'une enquête préliminaire par « le parquet de Paris », concernant « des accusations de corruption » particulièrement graves portées par M. E..., mettant en cause le président de la République d'alors M. F..., et le dirigeant français d'un groupe industriel de renommée internationale, M. X... ; que la cour confirmera également qu'aucune animosité personnelle des journalistes envers la partie civile, extérieure et préexistence au sujet traité, n'est établie quand bien même les journalistes auraient multiplié les articles contre l'ancien président M. F... et ceux dont ils estiment qu'ils feraient partie de son entourage ; que la partie civile prétend que les journalistes ont fait preuve d'absence de recul et d'excès d'imprudence en utilisant dans les deux passages retenus comme diffamatoires des termes lourdement accusateurs ainsi que des expressions fortes telles que "corruption" "trafic d'influence", "ventes d'armes illicites" , "bêtes noires" "blanchir des fonds", "faire main basse", "menacer de mort", que cependant, c'est à juste titre que le tribunal a constaté que les journalistes avaient pris leur distance avec les propos de M. E... ; qu'ils les ont repris au conditionnel, ou en utilisant des expressions telles qu' "il règle ses comptes", "il impute", "il accuse", "il reproche", "il a dénoncé" ; qu'ils ont en outre insisté sur le fait que les accusations de M. E... qu'ils rapportaient ne reposaient sur aucune preuve susceptible de les étayer ; qu'il ne peut donc leur être reprochée une absence de prudence dans l'expression ; que la partie civile soutient qu'aucune enquête sérieuse n'a été effectuée par les journalistes qui ne possédaient pas le procès-verbal d'audition de M. E... le jour de la parution des articles puisqu'elle détient la preuve qu'ils ne l'ont récupéré qu'en vue de l'audience de première instance ; qu'en tout état de cause ils se sont contentés de rapporter le témoignage de M. E... sans préciser s'il l'avait interviewé, sans étudier sa personnalité trouble et équivoque, ce qui les auraient amenés à. constater qu'il avait été lourdement condamné pour des abus de biens sociaux par le tribunal de Séville 14 avril 2015 ; qu'en tout état de cause l'enquête n'a pas été contradictoire puisque les journalistes se contentent d'affirmer qu'ils ont tenté vainement de joindre le conseil de la partie civile un dimanche 15 juillet pour recueillir sa position; que la violation du contradictoire ne peut être palliée par la diffusion d'un droit de réponse postérieure à la parution de l'article ; que les journalistes font valoir qu'ils ont rencontré M. E... plusieurs fois avant la publication de l'article et qu'ils disposaient de cinq pièces :
- un procès-verbal daté du 12 juillet 2012 dressé par un commandant de police de la brigade financière dans lequel sont consignées les déclarations de M. E... dont ils se font l'écho dans l'article,
- une lettre datée du 7 juin 2008 adressée par M. E... à M. F... alors président de la République,
- une lettre datée du 14 mars 2012 adressée par M. E... à M. F... alors président de la République,
- une lettre datée du 19 mars 2012 adressée par M. E... à M. le juge Renaud Van Ruymbeke par laquelle il transmettait au magistrat la correspondance adressée le 14 mars 2012 à M. F...,
- une lettre datée du 3 avril 2012 adressée par M. E... à M. Renaud Van Ruymbeke dans laquelle il dénonçait les faits qui auraient été commis selon lui par M. F... et M. X..., faits dont il fera état au cours de sa déposition du 12 juillet 2012, et qu'ils ont tenté de joindre l'avocat de M. X... sans succès, sans qu'il puisse leur être reproché de l'avoir fait un dimanche dans la mesure où l'article est sorti juste après le week-end ; que quand bien même la version papier du procès-verbal du 12 juillet 2012 consignant les déclarations de M. E... devant la brigade financière aurait été fourni officiellement postérieurement à la date de publication de l'article, ledit procès-verbal étant antérieur à la publication de l'article, rien n'empêchait les journalistes d'en connaître le contenu détaillé, ceux-ci ayant pu rencontrer M. E... à de nombreuses reprises ainsi qu'ils affirment ; qu'ils produisent également les lettres écrites antérieurement à ce procès-verbal par M. E... à M. F... le 7 juin 2008 le 14 mars 2012 ainsi que deux lettres envoyées au juge d'instruction Renaud G... le 19 mars 2012 et le 3 avril 2012 que ces différents courriers contiennent les accusations de M. E... qu'ils rapportent dans leur article, avec la distance évoquée ci-dessus ; qu'ils disposaient en conséquence d'une base factuelle suffisante ; que s'il est certain que la publication d'un droit de réponse postérieure à la publication de l'article est sans incidence sur la bonne foi des auteurs, la tentative de contact qu'aurait eu les journalistes auprès du conseil de la partie civile pour recueillir sa position, même s'il est regrettable qu'elle ait lieu le dimanche 15 juillet, n'a pas été formellement contestée par la partie civile et manifeste, en tout état de cause, le souci de recueillir les explications de la partie mise en cause et donc de tenter d'apporter un caractère contradictoire à leurs propos ; que la cour confirmera donc les premiers juges en ce qu'ils ont fait bénéficier les intimés de la bonne foi , et en conséquence ont débouté la partie civile de toutes ses demandes ;

"et aux motifs éventuellement adoptés qu' en l'espèce, si les prévenus avaient notifié une offre de preuve le 25 novembre 2013 consistant en la citation de M. E... en qualité de témoin, leur avocat a déclaré à l'audience y avoir renoncé ; que sur la bonne foi : les imputations diffamatoires sont réputées, de droit, faites avec intention de nuire, mais elles peuvent être justifiées lorsque leur auteur établit sa bonne foi, en prouvant qu'il a poursuivi un but légitime, étranger à toute animosité personnelle, et qu'il s'est conformé à un certain nombre d'exigences, en particulier de sérieux de l'enquête, ainsi que de prudence dans l'expression, étant précisé que la bonne foi ne peut être déduite de faits postérieurs à la diffusion des propos ; que ces critères s'apprécient différemment selon le genre de l'écrit en cause et la qualité de la personne qui s'y exprime ; qu'en l'espèce, le but poursuivi par les journalistes auteurs des articles en cause était manifestement légitime, s'agissant d'informer le public de l'ouverture d'une enquête préliminaire par « le parquet de Paris », concernant « des accusations de corruption » particulièrement graves portées par M. E..., mettant en cause le président de la République d'alors, et le dirigeant français d'un groupe industriel de renommée internationale, à savoir «MM. F... et X... » ; qu'aucune animosité personnelle des journalistes envers la partie civile, extérieure et préexistante au sujet traité, n'est établie ; que le sérieux de l'enquête menée est établi par la production du procès verbal de l'audition de M. E... devant la brigade financière, lequel démontre qu'une enquête préliminaire était bien en cours, peu important comment les journalistes, qui n'avaient pas à vérifier la véracité des accusations rapportées, sont entrés en possession de ce procès-verbal ; que les journalistes ont par ailleurs fait preuve de prudence dans l'expression de leurs propos en utilisant, pour faire part des accusations portées par M. E..., notamment les expressions suivantes : il « règle ses comptes », « témoignage embarrassant », « l'homme d'affaires, qui entretient un long conflit avec l'industriel Vincent X... », il « a notamment dénoncé», « il impute », « accuse », « il reproche », « il terme » ; que les journalistes ont en outre pris la précaution d'utiliser le conditionnel (il aurait aidé M. X... à tenter de faire main basse sur le groupe Bouygues »), et ont pris de la distance avec les propos rapportés, en rappelant, à plusieurs reprises, qu'il n'existait pas de preuves susceptibles d'étayer les accusations relayées par M. E... et qu'il allait, dans ces circonstances, être « compliqué pour le parquet de Paris de se lancer dans de vastes investigations » ; qu'enfin, s'il est exact que les journalistes se contentent d'affirmer qu'ils ont tenté vainement de joindre l'avocat de la partie civile, un dimanche 15 juillet, pour recueillir sa position, ils justifient de la publication, dès le lendemain, d'un droit de réponse dans la version papier du journal ; que, dès lors, les journalistes sont fondés à bénéficier de la bonne foi et doivent en conséquence, au côté des directeurs de publication poursuivis, être relaxés ;

"1°) alors que la bonne foi, s'agissant de la base factuelle du propos, ne peut être déterminée qu'en considération des éléments détenus avec certitude par l'auteur du texte, et ce à la date de la publication de l'article ; que faute d'avoir constaté que le procès-verbal était entre les mains des journalistes, à cette date, il était exclu que cet élément puisse être retenu ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

"2°) alors que l'existence d'une enquête sérieuse postule la collecte d'éléments permettant de donner du crédit aux faits relatés ; qu'une enquête sérieuse ne peut donc se réduire comme en l'espèce à l'enregistrement des propos qu'un plaignant a tenus devant un officier de police judiciaire, ou encore à la reprise pure et simple du contenu de documents, tel que des lettres, émanant tous de ce même plaignant ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont de nouveau violé les textes susvisés ;

"3°) alors que l'enquête sérieuse, en vue d'établir la base factuelle du propos, supposait, à défaut d'urgence, que les journalistes, sans pouvoir se borner à faire état d'un contact téléphonique pris le dimanche 15 juillet avec l'avocat de la société en cause, diffèrent l'achèvement du texte jusqu'au premier jour ouvrable, à l'effet d'établir un contact réel, et non factice, permettant d'assurer la possibilité à la personne concernée de formuler effectivement son point de vue ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond, qui ont tenu pour une enquête sérieuse le simple enregistrement des propos d'un plaignant, sans vérifications, ni contradiction, ont là encore violé les textes susvisés" ;

Attendu que, pour accorder aux prévenus le bénéfice de la bonne foi, l'arrêt relève que le but poursuivi par les journalistes était manifestement légitime, s'agissant d'informer le public de l'ouverture d'une enquête préliminaire par le procureur de la République de Paris concernant des accusations particulièrement graves portées par M. E..., mettant en cause le président de la République d'alors et le dirigeant français d'un groupe industriel de renommée internationale, de même qu'aucune animosité personnelle des journalistes envers la partie civile, extérieure et préexistante au sujet traité, n'est établie ; que les juges ajoutent qu'il ne peut être reproché aux journalistes une absence de prudence dans l'expression, dès lors qu'ils ont pris leur distance avec les propos de M. E... en les reprenant au conditionnel, en utilisant des expressions telles que "il règle ses comptes", "il impute", "il accuse", "il reproche", "il a dénoncé" et en insistant sur le fait que les accusations de M. E... ne reposaient sur aucune preuve susceptible de les étayer ; que les juges énoncent encore que les journalistes disposaient d'une base factuelle suffisante, dès lors qu'ils disposaient de différents courriers contenant les accusations de M. E... qu'ils rapportaient dans leur article et que, quand bien même le procès-verbal du 12 juillet 2012 consignant les déclarations de M. E... devant la brigade financière leur aurait été fourni postérieurement à la date de publication de l'article, ledit procès-verbal étant antérieur à la publication de l'article, rien n'empêchait les journalistes d'en connaître le contenu détaillé, ceux-ci ayant pu rencontrer M. E... à de nombreuses reprises ainsi qu'ils l'affirment ; qu'enfin, la cour d'appel relève que s'il est certain que la publication d'un droit de réponse postérieure à la publication de l'article est sans incidence sur la bonne foi des auteurs, la tentative de contact qu'aurait eue les journalistes auprès du conseil de la partie civile pour recueillir sa position, même s'il est regrettable qu'elle ait eu lieu le dimanche 15 juillet, n'a pas été formellement contestée par la partie civile et manifeste, en tout état de cause, le souci de recueillir les explications de la partie mise en cause et donc de tenter d'apporter un caractère contradictoire à leurs propos ;

Attendu qu'en statuant ainsi, dès lors que les journalistes auteurs de l'article litigieux poursuivaient le but légitime d'information du public sur l'ouverture d'une enquête mettant en cause, pour des faits particulièrement graves, le président de la République française de l'époque et une société de renommée internationale, qu'ils se sont bornés à faire état, sans les reprendre à leur compte et avec la prudence dans l'expression nécessaire, des accusations ayant justifié l'ouverture de cette enquête telles qu'ils avaient pu en prendre préalablement connaissance, et qu'ils n'étaient pas tenus, dans de telles circonstances, de vérifier la réalité des faits rapportés dans les procès-verbaux en cause, non plus que de solliciter les observations de la société visée par ces accusations davantage qu'ils ne l'ont fait, dès lors qu'ils ne s'appropriaient pas le contenu des accusations litigieuses, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 29 et 35 de la loi du 29 juillet 1881, 591, 593 du code de procédure civile, 1382 du code civil, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a estimé que le deuxième passage incriminé n'était pas diffamatoire, et rejeté en conséquence les demandes de la société X... ;

"au motif qu'en ce qui concerne le deuxième passage poursuivi : "L'industriel breton, aux moyens financiers plus importants, prend alors le pas sur l'homme d'affaires, jusqu'à le déposséder de ses concessions, en particulier au [...] et au [...]. M. E... ne l'a pas accepté, et estime que son concurrent a usé de son amitié avec M. F... pour le supplanter. », c'est à tort que le tribunal a estimé que les propos visaient Vincent X... exclusivement à titre personnel ; qu'en effet les propos lui imputent, dans le cadre de son activité d'industriel et d'homme d'affaires, d'avoir dépossédé M. E... de ses concessions; que c'est à juste titre que la partie civile estime que c'est la stratégie d'une entreprise et de son dirigeant qui est stigmatisée ; qu'il convient donc d'infirmer le tribunal qui a considéré que la société X... était irrecevable en son action sur ce passage ; que toutefois, sur le caractère diffamatoire des propos, qu'il lui est reproché d'avoir procédé à cette dépossession en usant de ses relations d'amitié avec M. F... pour le supplanter, que faire usage de relations, dans le monde des affaires sans qu'il soit fait état de pratiques illicites de corruption ou de trafic d'influence entre autres, ne peut suffire à caractériser l'imputation d'un fait précis contraire à l'honneur et la considération ; qu'il convient donc de constater que ce passage n'est pas diffamatoire ;

"1°) alors que, pour déterminer s'il est diffamatoire, le sens d'un écrit doit être arrêté en considération de son contexte, et notamment des titres et des passages qui l'annoncent ; qu'en s'abstenant de rechercher si le fait pour la société X... d'avoir déposséder M. E... de concessions situées au [...] et au [...] ne révélait pas l'imputation d'un fait contraire à l'honneur et à la probité, dès lors que le passage était annoncé par un sous-titre : « Des pressions sur des Chefs d'Etat africains », faisant lui-même immédiatement suite à l'évocation de « faits de corruption », ou encore « de trafic d'influence », les juges du fond ont entaché leur décision d'une insuffisance de motivation au regard des textes susvisés ;

"2°) alors que, l'appréhension d'un bien, tel qu'une concession localisée dans un Etat donné, par un procédé illicite ou déloyal, constitue un fait précis pouvant être le siège d'une diffamation ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les textes susvisés" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 29 et 35 de la loi du 29 juillet 1881, 591, 593 du code de procédure civile, 1382 du code civil, défaut de motifs ;

"en ce qu'il a écarté le caractère diffamatoire du quatrième passage, et rejeté en conséquence les demandes de la société X... ;

"au motif que la partie civile estime que dans le quatrième passage "L'homme d'affaires revient aussi sur le passé, quand il aurait aidé M. X... à tenter de faire main basse sur le groupe Bouygues" il est imputé un comportement mafieux à la X... et à son dirigeant, qui aurait été « à la manoeuvre » en tentant de faire « main basse » sur le groupe Bouygues et ce, avec l'aide et l'assistance, c'est-à-dire la complicité de M. E... ; que c'est effectivement à tort que le tribunal a estimé que les propos ne visaient pas la société X... et l'a donc déclarée irrecevable de ce chef ; qu'en effet c'est à l'évidente dans le cadre de l'activité de sa société que M. X... aurait tenté de faire main basse sur le groupe Bouygues, en acquérant 8,7 % du capital du groupe Bouygues, la X... obtenant à cette occasion un poste d'administrateur au conseil d'administration de Bouygues ; que la cour infirmera les premiers juges sur ce point ; qu'en tout état de cause, que le passage n'impute pas un fait précis attentatoire à l'honneur et à la considération à la société X... ; que contrairement à l'interprétation qu'en fait la partie civile, il n'est pas indiqué, pas même par insinuation, que des moyens illégaux ou répréhensibles auraient été utilisés pour prendre une participation capitalistique chez un concurrent ; qu'il est simplement exprimé un jugement de valeur sur une acquisition en bourse d'une partie du capital d'un autre groupe ;

"1°) alors que, l'expression « faire main basse sur » s'entend comme le fait de piller, de s'adjuger ou de voler, ou encore de s'emparer sans en avoir le droit ; qu'en s'abstenant de rechercher, en tenant compte de son sens, si l'usage de cette formule n'était pas diffamatoire, les juges du fond ont entaché leur décision d'une insuffisance de motivation au regard des textes susvisés ;

"2°) alors que, faute d'avoir recherché si insérée après un passage évoquant « des faits de corruption » ou encore « de trafics d'influence », et venant après un sous-titre « Des pressions sur des Chefs d'Etat africains », l'expression : « faire main basse sur » ne tendait pas à évoquer l'usage de procédés illicites ou déloyaux, les juges du fond ont entaché leur décision d'une insuffisance de motivation au regard des textes susvisés ;

"3°) alors que, l'usage de procédés illicites ou déloyaux, dénoncé par l'expression « faire main basse sur », aux fins d'acquérir une part du capital du groupe Bouygues, constitue un fait précis pouvant être le siège d'une diffamation ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les textes susvisés" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 29 et 35 de la loi du 29 juillet 1881, 591, 593 du code de procédure civile, 1382 du code civil, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a estimé que le cinquième passage ne dénonçait pas une personne précise, et rejeté en conséquence les demandes de la société X... ;

"aux motifs propres que, si la partie civile affirme que c'est nécessairement le groupe X... qui est, par assimilation, visé par les accusations de M. E..., au travers des propos contenus dans le cinquième passage : Tous ces éléments sont désormais consignés dans un procès-verbal. Le parquet a été incité à prendre au sérieux les accusations de M. E..., car celui-ci affirme avoir été menacé de mort à [...], où il réside, [...] E a d'ailleurs déposé une main courante au commissariat du [...] arrondissement, à proximité de son domicile [...]. » . c'est à juste titre que le tribunal a indiqué que ceux-ci ne permettent l'identification d'aucune personne précise comme auteur des menaces de mort ;

"et aux motifs éventuellement adoptés qu'aucune personne précise n'étant identifiable au travers des propos incriminés sur les menaces de mort dont M. E... aurait été l'objet, la société X... doit être déclarée irrecevable en son action au titre du passage en cause ;

"alors qu' ayant constaté que les accusations proférées par M. E... et reprises par l'article avaient pour cible la société X..., les juges du fond devaient rechercher si le lien établi entre ces accusations et les menaces de mort - les accusations devant être prises au sérieux à raison des menaces de mort - n'invitait pas le lecteur à projeter l'imputation sur la société X... ; que faute de se prononcer sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les moyens sont inopérants, dès lors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que les motifs par lesquels la cour d'appel a justement accordé aux prévenus le bénéfice de la bonne foi s'étendent à l'ensemble des propos poursuivis ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Fixe à 2 000 euros la somme globale que la société X... devra payer à MM. Y..., Z... et A... et à Mme B... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale, au profit de la société X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze juillet deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-82910
Date de la décision : 11/07/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 mars 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 jui. 2017, pourvoi n°16-82910


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.82910
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