LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Jean-Philippe X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de BORDEAUX, en date du 8 janvier 2015, qui a prononcé sur sa requête en confusion de peines ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 20 juin 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Larmanjat, conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. Ricard, Parlos, Bonnal, Mme Ménotti, conseillers de la chambre, MM. Barbier, Talabardon, Ascensi, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Lemoine ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller LARMANJAT, les observations de la société civile professionnelle BARADUC, DUHAMEL et RAMEIX, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;
Vu les mémoires ampliatif et personnel produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, par arrêts des cours d'assises du Lot et Garonne, en date du 16 octobre 2003, du Haut-Rhin, en date du 3 décembre 2004, et de la Dordogne, en date du 25 septembre 2008, M. X... a été successivement condamné à 25 ans de réclusion criminelle, pour vol en bande organisée et tentative de meurtre sur personne dépositaire de l'autorité publique, pour des faits commis le 18 mai 2001, à 16 ans de réclusion criminelle, pour vol en bande organisée et association de malfaiteurs, pour des faits commis le 18 mai 2001, à 12 ans de réclusion criminelle, pour vol avec arme et vol aggravé, pour des faits commis les 25 mars, 30 avril et 5 mai 2001; que, par notes datées des 15 mars 2007 et 22 octobre 2008, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de La Rochelle a notifié à l'administration pénitentiaire que ces trois peines devaient être exécutées dans la limite de 30 ans de réclusion criminelle; que, selon requête en date du 4 avril 2013, le condamné a sollicité la confusion des deuxième et troisième de ces peines avec la première d'entre elles;
En cet état :
Sur les six premiers moyens du mémoire personnel :
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que les moyens ne sont pas de nature à être admis ;
Sur le septième moyen de cassation du mémoire personnel pris de ce qu'une formation de jugement, et l'action même de la justice, tient en sa faculté de juger de la cause de la saisie ;
Sur le moyen unique de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 132-4, 132-5 et 132-23 du code pénal, de l'article 593 du code de procédure pénale, de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de base légale ;
« en ce que l'arrêt attaqué a constaté que le cumul des peines prononcées par les trois arrêts de cours d'assises à l'encontre de M. Jean-Philippe X... s'établissait à cinquante-trois ans ans de réclusion criminelle, que M. X... n'avait pas été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, qu'aucune confusion de peine n'avait été ordonnée par les juridictions de jugement et qu'en conséquence le maximum légal applicable au cumul des peines prononcées à l'encontre de M. X... s'établissait à 30 ans de réclusion criminelle, a dit que le maximum légal applicable aux périodes de sûreté était de vingt ans et a rejeté la requête tendant à ce que la confusion soit prononcée à hauteur de vingt-cinq ans de réclusion criminelle ;
"aux motifs que, par requête du 4 avril 2013, M. X... sollicite la confusion entre les peines prononcées à son encontre :
1. cour d'assises du Lot et Garonne du 16 octobre 2003 : vingt-cinq ans de réclusion criminelle et privation de tous les droits civiques, civils ou de famille pendant dix ans pour vol en bande organisée et tentative de meurtre d'un dépositaire de l'autorité publique dont la qualité est apparente ou connue ; faits du 27 juin 2001 ;
2. cour d'assises du Haut-Rhin (Colmar) du 3 décembre 2004 : seize ans de réclusion criminelle pour vol en bande organisée et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime ; faits du 18 mai 2001 ;
3. cour d'assises de la Dordogne (Périgueux) du 25 septembre 2008 : douze ans de réclusion pour vols avec arme, vol avec destruction et dégradation ; faits commis courant 2001 ; que les trois peines dont la confusion est demandée sont de même nature et ne sont pas définitives dans leurs rapports entre elles, c'est à dire que les nouveaux faits ayant donné lieu à la deuxième condamnation ont été commis alors que la première condamnation n'était pas définitive ; qu'il en est de même pour les faits ayant entraîné la troisième condamnation ; qu'il résulte de l'article 132-4 du code pénal que la réduction au maximum légal est de droit et d'ordre public sans qu'il soit besoin pour le condamné de le demander ; qu'il n'est d'ailleurs pas nécessaire non plus qu'une juridiction l'ordonne ; qu'il suffit que cela soit constaté par l'autorité judiciaire ou l'administration pénitentiaire comme cela a été le cas en l'espèce par l'effet d'avis donnés par le procureur de la République, chargé de l'exécution des peines ; qu'en effet, par deux soit-transmis des 15 mars 2007 et 22 octobre 2008, le procureur de la République de La Rochelle a demandé au centre pénitentiaire de Saint-Martin de Ré d'appliquer la réduction au maximum légal ; que l'administration pénitentiaire en a tenu compte puisqu'elle a, dans un premier temps, ramené la date de fin d'exécution de peine du 1er juillet 2041 au 1er juillet 2030 et, dans un deuxième temps, après la troisième condamnation à douze ans de réclusion criminelle, a ramené la date de fin de peine du 23 janvier 2042 au 23 janvier 2030 ; que la réduction au maximum légal est non seulement de droit, mais aussi prioritaire ; que dans le cas où une confusion facultative a été prononcée par une juridiction de jugement avant que le cumul des peines ait dépassé ce maximum légal, cette réduction s'applique, le cas échéant, sur la somme des peines restant à exécuter dès lors qu'elle dépasse le maximum légal ; qu'au cas où aucune confusion facultative n'a été prononcée avant la constatation que le maximum a été atteint, il convient d'appliquer prioritairement et de droit la réduction au maximum légal puisque cette mesure est obligatoire et d'ordre public, le condamné ne pouvant pas exécuter une peine supérieure à ce maximum légal ; qu'en l'espèce, M. X... a été condamné par les trois cours d'assises à un cumul de peines de cinquante-trois ans (25 + 16 + 12) ; que pour les faits commis le 27 juin 2001, M. X... encourait une peine de réclusion criminelle à perpétuité (tentative de meurtre sur personne dépositaire d'une autorité publique) ; que n'ayant été pas été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, mais à vingt-cinq ans de réclusion criminelle, le maximum légal applicable s'est alors établi à trente ans en vertu de l'alinéa 3 de l'article 132-5 du code pénal ; que M. X... ayant été condamné par la suite à deux peines de réclusion de seize ans et de douze ans, ces peines se sont cumulées avec celle de vingt-cinq ans dans la limite de trente ans de réclusion criminelle par application des dispositions de l'article 132-4 du code pénal ; que ces trois peines ayant été confondues de droit et prioritairement, une seule durée de trente ans de réclusion criminelle s'exécute désormais ; que même si chaque peine garde juridiquement son autonomie notamment pour les règles de la récidive légale, pour la prescription, pour l'amnistie, pour le relèvement, pour la réhabilitation, pour la révision, il en résulte, néanmoins, que plus aucune confusion facultative n'est possible entre les peines postérieurement à la réduction au maximum légal ; que la cour ne peut donc pas suivre le raisonnement de M. X... dans sa requête et dans son mémoire, ainsi que dans le mémoire de son avocat ; que M. X... ne peut pas solliciter une confusion à hauteur de vingt-cinq ans de réclusion criminelle dès lors qu'aucune confusion facultative n'a été prononcée par une des cours d'assises qui a statué au fond ; que seule la réduction au maximum légal est applicable de droit et aucune confusion facultative ne peut être prononcée concomitamment ou postérieurement ; qu'en ce qui concerne les périodes de sûreté, le même raisonnement doit s'appliquer ; que les périodes de sûreté se cumulent en l'espèce dès lors qu'il n'y a pas eu confusion préalable et qu'il est fait application de la réduction au maximum légal ; qu'en l'absence de décision sur l'augmentation ou la réduction des périodes de sûreté par les trois cours d'assises qui ont statué, les périodes de sûreté sont, par application de l'article 132-23 du code pénal, respectivement de 12,5 ans (25/ 2),huit ans (16/2) et six ans 12/2) ; que le cumul des peines de sûreté pour les trois peines prononcées à l'encontre de M. X... est de donc 12,5 + 8 + 6 soit un total de 26,5 ans ; que le maximum légal à retenir est des 2/3 de la peine résultant de la réduction au maximum légal comme fixé ci-dessus, à savoir trente ans ; que le maximum légal pour la période de sûreté est donc de vingt ans (2/3 de 30 ans ) selon l'article 132-23 du code pénal ; que la période de sûreté étant réduite au maximum légal, en rappelant que les réductions de peine ne pouvant être prises en compte pour le calcul de la période de sûreté, celle-ci prendra fin le 30 juin 2021 (30 juin 2001 + vingt ans) ;
«1°) alors que la réduction au maximum légal du total des peines prononcées n'empêche pas le condamné de présenter une demande de confusion de peines facultative, sur laquelle les juges doivent se prononcer ; qu'ainsi la chambre de l'instruction a affirmé à tort qu'en l'état de la réduction des peines prononcées au maximum légal le plus élevé, soit trente ans de réclusion criminelle, et de l'absence de confusion facultative prononcée par les cours d'assises, M. X... ne pouvait pas solliciter une confusion facultative à hauteur de vingt-cinq ans de réclusion criminelle ;
« 2°) alors qu'en l'absence de décision spéciale de cour d'assises fixant une période de sûreté d'une durée supérieure à la moitié de la peine, cette dernière durée s'applique de plein droit ; que lorsque plusieurs peines ont été prononcées pour des infractions en concours au terme de procédures distinctes et que la durée totale à exécuter a été réduite au maximum légal encouru, c'est sur cette base que doit être calculée la période de sûreté applicable de plein droit ; qu'ainsi, en l'espèce où la réduction a conduit à fixer le maximum légal à trente ans de réclusion criminelle, la durée de la période de sûreté après réduction est, en l'absence de décision spéciale de cour d'assises, de la moitié de cette peine, soit quinze ans, et non de vingt ans comme l'a énoncé à tort la chambre de l'instruction" ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par le mémoire ampliatif pris en sa seconde branche :
Attendu qu'en retenant l'exécution cumulative, dans la limite du maximum légal, des peines et des mesures de sûreté, n'ayant pas fait l'objet de confusion, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des articles 132-4, 132-5 et 132-23 du code pénal, seuls applicables à la date de sa décision ;
D'où il suit que le grief,ne peut être admis ;
Mais sur le moyen unique de cassation proposé par le mémoire ampliatif pris en sa première branche et sur le septième moyen de cassation proposé par le mémoire personnel :
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 132-4 du code pénal ;
Attendu que la réduction, au maximum légal le plus élevé, de plusieurs peines de même nature prononcées, à l'occasion de poursuites séparées, pour des infractions en concours, n'exclut pas que soit prononcée, par la suite, leur confusion totale ou partielle ;
Attendu que, pour rejeter la requête en confusion des peines présentée par M. X..., l'arrêt attaqué énonce, notamment, qu'aucune confusion facultative de peines ne peut être prononcée concomitamment ni postérieurement à leur réduction au maximum légal, laquelle est non seulement de droit mais aussi prioritaire ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'examiner au fond la requête qui lui était soumise et d'en apprécier les mérites, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 8 janvier 2015 ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze juillet deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.