LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 617 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Papeete,12 mars 2015), que M. Yannick A... s'est vu léguer par son père la nue-propriété de deux lots, sa mère en ayant reçu l'usufruit, et les a donnés à bail rural à M. Y... ; que Josette A..., sa mère, a saisi le tribunal civil en annulation du bail conclu sans son consentement et expulsion du preneur ; qu'elle est décédée en laissant pour lui succéder ses fils, MM. Yannick et Z... A... ; que ce dernier a repris l'instance ;
Attendu que l'arrêt annule le contrat et ordonne l'expulsion du preneur après avoir retenu que l'action a été régulièrement reprise par M. Z... A... qui a toute qualité pour continuer à agir ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la réunion de la nue-propriété et de l'usufruit en la personne de M. Yannick A... à la suite du décès de Josette A... avait privé M. Z... A... du droit d'agir, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare irrecevable la demande en nullité de M. Z... A... ;
Condamne M. Z... A... aux dépens exposés devant les juges du fond et la Cour de cassation ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Z... A... et le condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour M. Y...
M. Y... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir prononcé la nullité du bail rural en date du 8 décembre 2004 souscrit entre lui et M. Yannick A... et d'avoir, en conséquence, constaté qu'il était occupant sans droit ni titre de la terre [...] dite [...] sise à [...] et ordonné son expulsion passé le délai de deux mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 30 000 F CFP par jour de retard passé ce délai ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE par requête datée du 7 novembre 2007, Éléonore A..., épouse F..., fille naturelle de Charles A..., née avant son mariage avec Josette G..., a saisi le tribunal civil de première instance, section détachée de Raiatea, d'une demande visant à voir constater la nullité du testament de Charles A... et le règlement de la succession de ce dernier sans référence aux dispositions testamentaires du défunt ; que par jugement du 11 février 2013, le tribunal civil de première instance de Papeete, section détachée de Raiatea, a constaté l'authenticité du testament de Charles A... et rejeté la demande d'annulation formée par sa fille naturelle ; que l'action introduite par Madame Josette G... veuve A..., décédée en cours d'instance, a été régulièrement reprise par un de ses fils en la personne de M. Z... A..., qui a qualité pour continuer à agir contre Monsieur Y... au titre du contrat de bail litigieux ; que c'est à juste titre, et par des motifs pertinents, exacts et suffisants de droit, que la Cour s'approprie, et qui seront ci-après reproduits, que le premier juge, après avoir déclaré irrecevable l'intervention volontaire de M. Jules B..., a prononcé la nullité du bail rural en date du 8 décembre 2004 souscrit entre M. Yannick A... et Monsieur Laurent Y..., constaté que M. Laurent Y... était occupant sans droit ni titre de la terre dont s'agit, ordonné son expulsion sous astreinte de 30 000 FCFP par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la signification de sa décision, et rejeté la demande en dommages et intérêts présentée par M. Z... A... ; qu'en effet, l'article 1er de la délibération 84-19 AT du 1er mars 1984, portant statut des baux ruraux, dispose : « Les baux portant sur tout ou partie d'immeubles ruraux à destination agricole sont régis par les dispositions du code civil relatives aux baux ruraux ainsi que par les dispositions prévues à la présente délibération » ; que l'article 595 du code civil prévoit « L'usufruitier peut jouir par lui-même, donner à bail à un autre, même vendre ou céder son droit à titre gratuit [
] L'usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal » ; qu'ainsi, si l'usufruitier peut consentir seul des baux d'habitation inférieurs à neuf ans, en revanche, l'accord du nu-propriétaire est nécessaire pour les baux commerciaux ou les baux ruraux ; si l'usufruitier outrepasse ses droits en ne respectant pas ces dispositions, le nu-propriétaire peut demander en justice l'annulation des contrats en question ; qu'à l'inverse, l'usufruitier est en droit de demander en justice l'annulation d'un bail rural consenti par le nupropriétaire sans son consentement ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE M. Charles A... est décédé le [...] , laissant pour lui succéder sa femme Mme Josette G..., usufruitière du quart des biens composant la succession en vertu de l'article 767 du code civil et pour héritiers : Mme Éléonore A..., sa fille naturelle, M. Yannick A... et M. Z... A..., ses deux enfants légitimes, chacun pour un tiers de la succession ; que M. Charles A... aurait légué à titre particulier à ses fils Yannick et Z... la totalité de ses droits sur la terre [...] dite [...], sise à [...] ; il a nommé dans ce testament olographe du 24 janvier 1997, sa femme Josette A... comme usufruitière de cette même terre afin qu'elle puisse y vivre et en profiter de son vivant ; « ses fils, à son décès, recueilleront par l'extinction de cet usufruit la pleine propriété de leurs lots respectifs » ; ce testament fait l'objet d'une contestation pendante devant la juridiction de céans ; que par une convention de bail à ferme en date du 8 décembre 2004, M. Yannick A... a donné à bail à ferme à M. Laurent Y... le lot A comprenant deux corps de bâtiment ainsi qu'un terrain d'environ 3 000 m² et le lot C comprenant une plantation d'orangers et de terrains en friche représentant une surface d'environ 20 ha, ainsi qu'un droit de passage sur le lot B afin d'accéder aux deux autres lots, moyennant le paiement mensuel de 120 000 F CPC ; que l'article premier de la délibération 84-19 AT du 1er mars 1984, portant statut des baux ruraux, dispose : « Les baux portant sur tout ou partie d'immeubles ruraux à destination agricole sont régis par les dispositions du Code civil relatives aux baux ruraux ainsi que par les dispositions prévues à la présente délibération » ; que l'article 595 du Code civil prévoit « L'usufruitier peut jouir par lui-même, donner à bail à un autre, même vendre ou céder son droit à titre gratuit [
] L'usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal » ; qu'ainsi, si l'usufruitier peut consentir seul des baux d'habitation inférieurs à neuf ans, en revanche, l'accord du nu-propriétaire est nécessaire pour les baux commerciaux ou les baux ruraux ; si l'usufruitier outrepasse ses droits en ne respectant pas ces dispositions, le nu-propriétaire peut demander en justice l'annulation des contrats en question ; qu'à l'inverse, l'usufruitier est en droit de demander en justice l'annulation d'un bail rural consenti par le nupropriétaire sans son consentement ;
1./ ALORS QUE lorsque l'usufruit disparaît en raison du décès de l'usufruitier, et que la pleine propriété du bien, reconstituée par l'extinction de l'usufruit, revient à un seul des héritiers, seul ce dernier a qualité à agir en annulation d'un bail consenti, pendant la durée de l'usufruit, en violation des droits de l'usufruitier ; que dès lors, en retenant que M. Z... A..., fils de Mme G..., avait qualité pour demander l'annulation du bail conclu le 8 décembre 2004 par M. Yannick A..., alors nu-propriétaire, sur les lots A et C de la terre [...], en violation des droits de sa mère, usufruitière, sans vérifier, comme elle y était invitée, si, au décès de Mme G... survenu en cours d'instance, la pleine propriété de ces lots n'avait pas été attribuée à M. Yannick A..., privant ainsi M. Z... A... de qualité pour agir en annulation de ce bail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 578 et 617 du code civil ;
2./ ALORS, en tout état de cause, QUE l'action de l'usufruitier en annulation du bail rural consenti par le seul nu-propriétaire s'éteint lorsque ce dernier hérite de l'usufruit et manifeste sa volonté d'exécuter ledit bail ; que dès lors en se bornant à retenir, pour prononcer l'annulation du bail conclu le 8 décembre 2004 sur les lots A et C de la terre [...] par M. Yannick A..., alors nu-propriétaire, que sa mère, Mme G..., usufruitière, était en droit de demander en justice l'annulation de ce bail consenti sans son consentement, sans rechercher, comme elle y était invitée, si depuis le décès de cette dernière survenu en cours d'instance, M. Yannick A..., légataire testamentaire à titre particulier des lots donnés à bail, n'en avait pas obtenu la pleine propriété et, en manifestant sa volonté de continuer l'exécution du bail, éteint l'action de l'usufruitière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 617 et 1338 du code civil.