LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mai 2016), que M. X... a sollicité son admission au barreau de Paris sous le bénéfice de la dispense de formation et de diplôme prévue à l'article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, pour les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que la condition de compétence porte sur l'exercice d'activités juridiques sans précision du droit appliqué ; qu'en l'espèce, pour dire que M. X... ne remplissait pas les conditions requises pour son admission au barreau par la voie dérogatoire, la cour d'appel a retenu qu'il ne démontrait pas avoir pratiqué le droit français à l'exception des années 2003/2004 et 2006/2008 ; qu'en limitant ainsi l'appréciation de la compétence à l'application du droit national, la cour d'appel, qui a ajouté une condition que ni l'article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ni l'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ne comportent, en a méconnu les termes et la portée et a ainsi violé ces textes ;
2°/ que, selon l'article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, les personnes ayant exercé des activités juridiques pendant huit ans au moins dans une organisation internationale ; qu'à supposer qu'il faille lire cet article comme exigeant des activités juridiques impliquant l'application du droit français, cette condition doit être appréciée en tenant compte de l'ouverture aux personnes employées par des organisations internationales ; que le juge doit donc vérifier les compétences en droit national dans les différents aspects du dossier de l'intéressé tels que les diplômes, l'exercice du droit international ou l'exercice de droits étrangers directement inspirés du droit français ; qu'en l'espèce, M. X... est titulaire d'un DEA et d'un DESS de droit français obtenus aux termes de six ans d'études ; que la cour d'appel a constaté qu'il a pratiqué le droit français durant les années 2003/2004 et 2006/2008 ; qu'en écartant, pourtant, sa demande au seul motif que son expérience professionnelle n'aurait pas consisté exclusivement en l'application du droit français, sans prendre en considération sa pratique professionnelle au sein du système des Nations unies, dont la législation et la réglementation sont directement inspirées du droit français, la cour d'appel a violé l'article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;
3°/ que, selon l'article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale ; que ce texte n'exige pas que la personne qui demande à bénéficier de cette dérogation soit un fonctionnaire de la fonction publique française ; qu'en déboutant de sa demande M. X..., fonctionnaire international, au motif qu'il n'aurait pas été détaché aux Nations unies en qualité de fonctionnaire de la fonction publique française, la cour d'appel a violé l'article 98, 4°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;
Mais attendu que, par décision n° 2016-551 QPC du 6 juillet 2016, le Conseil constitutionnel a décidé que les mots « et de celles concernant les personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités en France » figurant au 2° de l'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques sont conformes à la Constitution ; qu'il a retenu, en premier lieu, qu'en prévoyant des dérogations à la condition de diplôme ainsi qu'à la condition de détention du certificat d'aptitude à la profession d'avocat pour les personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités en France, le législateur a entendu permettre l'accès à cette profession à des personnes ayant acquis par l'exercice de certaines fonctions ou activités de nature juridique, pendant une durée suffisante, sur le territoire national, des compétences professionnelles équivalentes à celles que garantit l'obtention de ces diplômes, en deuxième lieu, qu'en exigeant, pour l'exercice de cette profession, la pratique d'une activité ou d'une fonction à caractère juridique pendant une durée suffisante sur le territoire national, le législateur a entendu garantir les compétences des personnes exerçant cette profession et, par voie de conséquence, garantir le respect des droits de la défense, en troisième lieu, qu'en posant comme condition d'accès à la profession d'avocat l'exercice d'une activité à caractère juridique pendant une durée suffisante sur le territoire national, le législateur a entendu garantir un niveau d'aptitude et un niveau de connaissance suffisant aussi bien du droit français que des conditions de sa mise en oeuvre, en quatrième lieu, que les personnes ne remplissant pas ces conditions ne sont en outre pas privées du droit d'accéder à la profession d'avocat dans les conditions de droit commun ;
Et attendu qu'après avoir rappelé que les dispositions de l'article 98, 4°, du décret du 27 novembre 1991 qui présentent un caractère dérogatoire aux règles d'accès à la profession d'avocat, telles qu'elles sont fixées par la loi, sont d'interprétation stricte, l'arrêt énonce que la dispense de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat implique que le candidat ait acquis les connaissances nécessaires à l'exercice d'une pratique professionnelle donnée, lesquelles incluent l'application du droit national qui, s'il comprend un grand nombre de règles du droit de l'Union européenne, conserve, néanmoins, une spécificité et ne se limite pas à ces seules règles ; qu'il relève, ensuite, que M. X..., qui a exercé son activité professionnelle au sein de la Commission européenne ainsi qu'auprès de plusieurs organismes rattachés aux Nations unies à Rome, aux Caraïbes, aux Etats-Unis et comme représentant de cette organisation auprès des gouvernements congolais et gabonais, ne démontre pas avoir pratiqué le droit français, sauf durant les années 2003/2004 et 2006/2008, au cours desquelles il a géré des dossiers relatifs à la fiscalité des fonctionnaires internationaux français, de sorte qu'il ne justifie pas d'une pratique professionnelle d'au moins huit années exercée sur le territoire français ; qu'abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, la cour d'appel en a exactement déduit que M. X... ne remplissait pas les conditions édictées par l'article 98, 4°, du décret précité ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé la décision du conseil de l'ordre du barreau de Paris en ce qu'il avait rejeté la demande formée par M. X... tendant à bénéficier de l'accès dérogatoire à la profession d'avocat sur le fondement de l'alinéa 4° de l'article 98 du décret du 27 novembre 1991 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « le recours de M. X... réalisé dans les conditions de forme et de délai prévues par les textes, est recevable ;
que M. X... qui remplit les conditions de diplôme de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 puisque titulaire d'une maîtrise en droit et de deux diplômes de 3ème cycle, (DESS Droit-Economie-Sciences sociales et DEA Sciences Juridiques), a travaillé au sein de la FAO de l'ONUSIDA et du Fonds des Nations-Unies pour la Population, organismes rattachés aux Nations-Unies de décembre 1995 à novembre 2013, comme administrateur de liaison au cabinet du directeur général de FAO à Rome, comme conseiller au bureau de liaison de l'ONUSIDA puis au bureau régional de cet organisme aux Caraïbes et à partir de 2005 au sein du Fonds des Nations-Unies pour la Population jusqu'en novembre 2013 où il a exercé les fonctions de chef de l'Unité Afrique Centrale et Occidentale au sein de la division Afrique puis comme représentant de l'Organisation auprès des gouvernements congolais et gabonais ;
que M. X... soutient que l'article 98 4° n'exige pas que la personne fonctionnaire de catégorie A ou assimilée, ait un lien avec la fonction publique française et que la connaissance effective du droit français est assurée par la condition du diplôme ; qu'il précise que ses connaissances, ses compétences et sa pratique juridiques sont incontestables dans différentes matières telles que le droit international, les droits nationaux s'inspirant du droit français et les droits de l'Homme, composantes du droit national ;
que M. X... fait ainsi valoir qu'il remplit l'ensemble des conditions de l'article 98 4°du décret du 27 novembre 1991, pouvant être assimilé à un fonctionnaire de catégorie A compte tenu, des fonctions qu'il a occupées qui l'ont conduit à une pratique professionnelle quasi exclusivement juridique et invoque plusieurs attestations ;
que l'article 11-1° de la loi du 31 décembre 1971 dispose que nul ne peut accéder à la profession d'avocat s'il n'est pas notamment titulaire d'un certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA) et la dispense de formation et d'examen implique que le candidat à l'accès direct ait acquis les connaissances nécessaires dans l'exercice d'une pratique professionnelle donnée sur une durée suffisante en l'espèce fixée à 8 ans mais aussi qu'il ait été amené à appliquer le droit national ;
qu'ainsi l'article 98 du décret du 27 novembre 1971 permet un accès direct au barreau sans formation théorique et pratique et sans CAPA à certaines personnes en raison notamment de l'expérience professionnelle acquise dans des fonctions juridiques ; que les dispositions de ce texte étant dérogatoires aux règles d'accès à la profession fixées par la loi, doivent être interprétées strictement ;
qu'or les autres activités visées par les différents alinéas de l'article 98 impliquent toutes un rattachement avec le droit français, soit en raison des fonctions concernées soit en raison du territoire français sur lequel elles doivent être exercées (juriste d'entreprise) ;
qu'en conséquence les termes de l'article 98 4° : 'les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie ayant exercé en cette qualité' qui font expressément référence aux catégories d'emplois telles que définies par la loi française sur la fonction publique doivent se comprendre comme désignant des fonctionnaires de la fonction publique française, et il ne se déduit pas des termes 'personnes assimilées' ou 'organisation internationale' une volonté d'étendre ces conditions dérogatoires d'accès à la profession d'avocat à des personnes dont le statut, même s'il est proche du statut de la fonction publique française, n'implique pas l'application du droit français qui, s'il intègre nombre de règles européennes, conserve sa spécificité et ne se limite pas à ces dernières ;
que M. X... qui ne prétend pas avoir été détaché aux Nations Unies en qualité de fonctionnaire de la fonction publique française ni ne démontre avoir pratiqué le droit français à l'exception des années 2003/2004 et 2006/2008 où il indique avoir géré sur le plan consulaire et juridique les dossiers relatifs à la fiscalité des fonctionnaires internationaux français, ne remplit pas l'ensemble des conditions de l'article 98 4°du décret du 27 novembre 1991 ;
qu'en conséquence la décision du conseil de l'ordre des avocats du barreau de Paris du 15 avril 2015 qui a rejeté la demande d'inscription au barreau de M. X... fondée sur l'article 98 4° du décret du 27 novembre 1991 doit être confirmée » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur la qualité de fonctionnaire de catégorie A ou de personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie et sur les fonctions exercées par M. X... :
que le conseil rappelle que l'article 98 du décret du 27 novembre 1991 est un texte à caractère dérogatoire qui doit être interprété strictement et que ce principe a été rappelé, notamment par l'arrêt de la Cour de cassation, chambre civile, du 8 novembre 2007 qui a été communiqué à M. X... ;
que le conseil souligne que dans une réponse ministérielle publiée au JO du Sénat du 3 février 2011 qui s'appliquait à un cas de Juristes d'entreprise visé par l'alinéa 3 du décret du 27 novembre 1991, il a été rappelé que la pratique professionnelle du demandeur à l'accès dérogatoire devait être de nature à garantir une connaissance effective et suffisante de l'impétrant en droit national ; que compte tenu de la nature de cette condition, elle doit être également remplie dans le cas d'une personne qui se prévaut d'un accès dérogatoire au visa de l'alinéa 4 de l'article 98 du décret ;
que dans le cas de M. X..., aucune des fonctions qu'il invoque et dont il fait état pour bénéficier de la dérogation, ne se rattache à une administration ou un service public français ou à une organisation internationale auprès de laquelle il aurait été détaché par une administration ou un service public français ;
que M. X... n'ayant jamais exercé ses fonctions dans une administration ou un service public relevant du statut de la fonction publique française et n'ayant pas été détaché par une administration française ou un service public français auprès d'une organisation internationale, ne peut prétendre pouvoir bénéficier de l'accès dérogatoire prévu par l'article 4 du décret du 27 novembre 1991, qui, remis dans le contexte de ce décret, est réservé aux seules personnes relevant du statut de la fonction publique française ayant exercé dans une administration ou un service public français ou qui ont été détachées par ces derniers dans une organisation internationale » ;
1°/ ALORS QUE la condition de compétence porte sur l'exercice d'activités juridiques sans précision du droit appliqué ; qu'en l'espèce, pour dire que M. X... ne remplissait pas les conditions requises pour son admission au barreau par la voie dérogatoire, la cour d'appel a retenu qu'il ne « démontr[ait] pas avoir pratiqué le droit français à l'exception des années 2003/2004 et 2006/2008 » ; qu'en limitant ainsi l'appréciation de la compétence à l'application du droit national, la cour d'appel, qui a ajouté une condition que, ni l'article 98, 4° du décret n°71-1130 du 27 novembre 1991, ni l'article 11 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ne comportent, en a méconnu les termes et la portée et a ainsi violé ces textes ;
2°/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE selon l'article 98, 4° du décret n°71-1130 du 27 novembre 1991, sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, les personnes ayant exercé des activités juridiques pendant huit ans au moins dans une organisation internationale ; qu'à supposer qu'il faille lire cet article comme exigeant des activités juridiques impliquant l'application du droit français, cette condition doit être appréciée en tenant compte de l'ouverture aux personnes employées par des organisations internationales ; que le juge doit donc vérifier les compétences en droit national dans les différents aspects du dossier de l'intéressé tels que les diplômes, l'exercice du droit international ou l'exercice de droits étrangers directement inspirés du droit français ; qu'en l'espèce, M. X... est titulaire d'un DEA et d'un DESS de droit français obtenus aux termes de six ans d'études ; que la cour d'appel a constaté qu'il a pratiqué le droit français durant les années 2003/2004 et 2006/2008 ; qu'en écartant pourtant sa demande au seul motif que son expérience professionnelle n'aurait pas consisté exclusivement en l'application du droit français, sans prendre en considération sa pratique professionnelle au sein du système des Nations-Unies, dont la législation et la réglementation sont directement inspirées du droit français, la cour d'appel a violé l'article 98, 4° susvisé du décret n°71-1130 du 27 novembre 1991 ;
3°/ ET ALORS QUE selon l'article 98, 4° du décret n°71-1130 du 27 novembre 1991, sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale ; que ce texte n'exige pas que la personne qui demande à bénéficier de cette dérogation soit un fonctionnaire de la fonction publique française ; qu'en déboutant de sa demande M. X..., fonctionnaire international, au motif qu'il n'aurait pas été détaché aux Nations-Unies en qualité de fonctionnaire de la fonction publique française, la cour d'appel a violé l'article 98, 4° susvisé du décret n° 71-1130 du 27 novembre 1991.