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05/07/2017 | FRANCE | N°16-15446

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 juillet 2017, 16-15446


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 février 2016), que M. X... a été engagé le 16 novembre 2009 en qualité de directeur de marketing marché par la société Lascom, dont l'activité relève de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie ; que le 3 février 2010, il s'est vu notifier le renouvellement de sa période d'essai pour trois mois, la date d'expiration étant fixée au 22 mai 2010 ; que par lettre du 2 avril 2010, l'employeur a notifié au salarié la fin de sa période d'e

ssai ; que le 8 avril suivant, il lui a indiqué par écrit qu'il acceptait d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 février 2016), que M. X... a été engagé le 16 novembre 2009 en qualité de directeur de marketing marché par la société Lascom, dont l'activité relève de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie ; que le 3 février 2010, il s'est vu notifier le renouvellement de sa période d'essai pour trois mois, la date d'expiration étant fixée au 22 mai 2010 ; que par lettre du 2 avril 2010, l'employeur a notifié au salarié la fin de sa période d'essai ; que le 8 avril suivant, il lui a indiqué par écrit qu'il acceptait de suspendre la procédure de rupture pendant la période d'essai ; qu'ayant été licencié pour faute grave le 9 juillet 2010, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches et sur les deuxième et troisième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la rupture du contrat de travail pour faute grave est justifiée et de le débouter de ses demandes à ce titre alors, selon le moyen :

1°/ que l'employeur ne peut revenir sur une rupture du contrat de travail qu'il a prononcée qu'avec l'accord du salarié, lequel doit renoncer à invoquer la rupture, soit expressément, soit tacitement, par des actes manifestant une volonté certaine et non équivoque de renoncer ; qu'en retenant que la rupture du contrat de travail prononcée le 2 avril 2010 aurait été « annulée par le courrier du 8 avril » de l'employeur, et en regardant à cet égard ce courrier comme suffisant, sans nécessité de caractériser un accord du salarié à une telle annulation ni sa renonciation à invoquer la rupture, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;

2°/ que c'est seulement si elle fait suite à une proposition claire et dénuée de réserves de l'employeur, qu'une continuation du contrat de travail peut valoir renonciation certaine et non équivoque du salarié à invoquer une rupture du contrat précédemment prononcée ; que la cour d'appel avait constaté que la lettre de l'employeur en date du 8 avril 2010 – censée selon l'arrêt annuler la rupture précédemment prononcée – avait fait connaître au salarié une « suspension de la rupture », ce dont il résultait nécessairement que le salarié avait pu croire être en présence d'une simple neutralisation temporaire et réversible des effets de la rupture d'une période d'essai, et non d'une proposition claire et dénuée de réserves de l'employeur de poursuivre le contrat de travail postérieurement à un licenciement, et que la poursuite de l'exécution du contrat de travail n'était pas de nature, à elle seule, à valoir renonciation du salarié à invoquer la rupture ; qu'à supposer qu'elle ait entendu déduire de la poursuite des relations de travail une prétendue renonciation du salarié à invoquer la rupture précédemment prononcée par l'employeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'après avoir retenu que la rupture du 2 avril 2010 avait été annulée par le courrier du 8 avril suivant, la cour d'appel a relevé que les relations contractuelles s'étaient poursuivies au-delà du 22 mai 2010, date d'expiration de la période d'essai, faisant ainsi ressortir l'accord du salarié à cette annulation ; que le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, confirmatif de ces chefs, D'AVOIR dit que la rupture du contrat de travail de monsieur X..., salarié, pour faute grave était justifiée et de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Lascom, employeur, à l'exception de sa demande en rappel de rémunération variable et congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE sur la date de la rupture, monsieur X... faisait valoir que son contrat de travail prévoyait une période d'essai de trois mois renouvelable, en contravention avec les dispositions de la convention collective applicable, qui excluaient les possibilités d'un tel renouvellement pour les ingénieurs et cadres de position III comme c'était son cas ; qu'il considérait donc avoir été embauché définitivement le 23 février, en sorte que par son courrier du 2 avril 2010, la société avait rompu le contrat de travail sans motivation et donc nécessairement sans justifier d'une cause réelle et sérieuse ; qu'il prétendait qu'une fois la rupture advenue, sa motivation ne pouvait faire l'objet d'un différé, comme le soutient la société Lascom ; qu'il était exact que l'article 5 de la convention collective, dans sa rédaction alors applicable, ne prévoyait pas de prolongation de la période d'essai pour les ingénieurs de la catégorie III, en sorte que l'embauche de monsieur X... devait être considérée comme définitive au 23 février ; que toutefois, le contrat n'avait pas été rompu le 2 avril comme le prétendait l'intéressé puisque cette rupture envisagée avait été annulée par le courrier du 8 avril, peu important que, de façon erronée, la société Lascom ait indiqué qu'il s'agissait d'une'suspension de la rupture'; qu'en toute hypothèse, cette prétendue suspension aurait pris fin dans tous les cas le 22 mai 2010 ; qu'or les relations de travail s'étaient poursuivies après cette date, si bien que le courrier du 2 avril n'avait eu aucun effet ; qu'elles avait été rompues par la lettre du 9 juillet 2010 par laquelle la société a notifié à monsieur X... son licenciement pour faute grave (arrêt, p. 3) ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE la lettre adressée par l'employeur au salarié en date du 2 avril 2010, qui mentionnait pour objet « RUPTURE PENDANT LA PÉRIODE D'ESSAI À L'INITIATIVE DE L'EMPLOYEUR », était ainsi rédigée : « En application des dispositions de votre contrat de travail prévoyant une période d'essai qui a débuté le 23 novembre 2009 et qui a été renouvelée le 3 février 2010, nous vous informons que nous avons décidé de mettre fin à cette période d'essai./ Vous cesserez de faire partie de nos effectifs à l'expiration d'un préavis fixé à un mois par la Convention Collective en vigueur, préavis qui commence à courir dès la présentation de cette lettre et qui prendra fin le 5 mai 2010./ Avant votre départ, vous voudrez bien vous présenter au service du personnel pour y recevoir votre salaire, votre attestation de travail et votre certificat Assedic », de sorte que l'employeur prononçait ainsi, sans la moindre ambiguïté, une rupture ferme du contrat de travail ; qu'en retenant néanmoins, pour en déduire que l'employeur serait ensuite valablement revenu sur cette décision, que ladite lettre aurait seulement « envisagé […] » une rupture, la cour d'appel a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QU'en relevant d'office, et sans le soumettre à la discussion contradictoire des parties, le moyen pris de ce que la lettre de l'employeur du 8 avril 2010 aurait été erronée en ce qu'elle mentionnait une suspension de la rupture du contrat de travail, pour en déduire que cette lettre aurait en réalité annulé ladite rupture, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE l'employeur ne peut revenir sur une rupture du contrat de travail qu'il a prononcée qu'avec l'accord du salarié, lequel doit renoncer à invoquer la rupture, soit expressément, soit tacitement, par des actes manifestant une volonté certaine et non équivoque de renoncer ; qu'en retenant que la rupture du contrat de travail prononcée le 2 avril 2010 aurait été « annulée par le courrier du 8 avril » de l'employeur, et en regardant à cet égard ce courrier comme suffisant, sans nécessité de caractériser un accord du salarié à une telle annulation ni sa renonciation à invoquer la rupture, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;

ALORS, EN QUATRIEME LIEU ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE c'est seulement si elle fait suite à une proposition claire et dénuée de réserves de l'employeur, qu'une continuation du contrat de travail peut valoir renonciation certaine et non équivoque du salarié à invoquer une rupture du contrat précédemment prononcée ; que la cour d'appel avait constaté que la lettre de l'employeur en date du 8 avril 2010 – censée selon l'arrêt annuler la rupture précédemment prononcée – avait fait connaître au salarié une « suspension de la rupture », ce dont il résultait nécessairement que le salarié avait pu croire être en présence d'une simple neutralisation temporaire et réversible des effets de la rupture d'une période d'essai, et non d'une proposition claire et dénuée de réserves de l'employeur de poursuivre le contrat de travail postérieurement à un licenciement, et que la poursuite de l'exécution du contrat de travail n'était pas de nature, à elle seule, à valoir renonciation du salarié à invoquer la rupture ; qu'à supposer qu'elle ait entendu déduire de la poursuite des relations de travail une prétendue renonciation du salarié à invoquer la rupture précédemment prononcée par l'employeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1231-1 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, confirmatif de ces chefs, D'AVOIR dit que la rupture du contrat de travail de monsieur X..., salarié, pour faute grave était justifiée et de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Lascom, employeur, à l'exception de sa demande en rappel de rémunération variable et congés payés afférents ;

AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QUE sur le licenciement pour faute grave, la faute grave résultait de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations du contrat de travail, d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifiait la résiliation immédiate du contrat de travail ; qu'il appartenait à l'employeur seul, lorsqu'il alléguait la faute grave, d'en apporter la preuve et lorsqu'un doute subsistait, il profitait au salarié ; que la lettre de licenciement, qui fixait les limites du litige, était ainsi rédigée : « Vous avez rejoint notre société le 23 novembre 2009 en qualité de Directeur Marketing./ Nous avons découvert le 16 juin 2010 que vous aviez pris un engagement le 11 décembre 2009 envers Marketkey, une société anglaise proposant des prestations de marketing, que vous semblez connaître et qui apparaît, selon vos dires, comme un acteur marketing majeur et reconnu, pour les sociétés de PML comme la nôtre et pour nos principaux concurrents./ Marketkey vous a adressé une facture en date du 26 janvier 2010 alors qu'aucune prestation n'avait été délivrée. Vous n'avez procédé à aucune contestation d'aucune sorte ni n'avez informé la Direction financière de Lascom de l'existence de cette facture. C'est donc fortuitement et parce que le prestataire a relancé 4 mois après directement la direction financière de Lascom en réclamant le règlement, que nous avons découvert cette situation, et ce alors que vous étiez le seul à en avoir connaissance jusqu'alors./ Nous ne comprenons pas, compte tenu de votre expérience et de votre statut, selon quel processus rationnel vous avez engagé la société qui venait de vous recruter par un « binding legal agreement » selon les termes d'un e-mail du 11 décembre 2009 que vous nous avez remis sur notre insistance en date du 17 juin 2010, dont personne d'autre que vous, n'a eu connaissance jusqu'à la mi-juin !/ Vous avez tenté de vous justifier en premier lieu par le travail que vous accomplissez depuis votre arrivée dans l'entreprise. Cet argument est sans pertinence sur l'objet de nos griefs. Il est en outre irréaliste au regard des recadrages que nous avons dû effectuer. Vous vous êtes ensuite retranché derrière la validation du responsable de département pour lequel la prestation proposée par Marketkey devait être réalisée. Or, la validation de Roberto Y...n'est intervenue que le 18 janvier 2010, pour une prestation qui devait être cofinancée par notre partenaire anglais (alors que votre engagement datait du 11 décembre 2009)/ Vous aviez enfin soulevé, que vous n'aviez pas connaissance de quelque procédure que ce soit pour valider des commandes, et que vous estimiez, compte tenu de votre statut dans l'entreprise, que vous étiez en droit d'engager la société./ Vos explications n'ont pas suffi à modifier notre appréciation./ Dans les faits, Lascom n'est pas votre premier employeur et dans la mesure où vous veniez d'arriver, il aurait été prudent de vous renseigner sur les procédures internes à respecter. Toutefois, ces procédures ont été portée à votre connaissance très rapidement sous une forme on ne peut plus claire : « toute commande doit passer par Sophie Z...», ce que vous avez expressément reconnu. Ainsi, nous vous reprochons, au-delà de la prise d'engagement inconséquent au nom de la société quelques semaines après l'avoir rejointe, d'avoir dissimulé cet engagement et la facturation corrélative, sans même avoir tenté ni de la contester, ni de la porter à la connaissance de Sophie Z...ou de moi-même. Ce qui accroît l'aspect dommageable pour Lascom de la situation./ A ce jour Lascom se trouve contrainte d'envisager une procédure contentieuse avec la société Marketkey, qui réclame le paiement de sa facture de janvier. Près de 5 mois après l'émission de cette facture, il est complexe de trouver des arguments expliquant que le directeur marketing de Lascom a conservé cette facture qu'il ne considérait pas comme étant due, sans pour autant avoir manifesté la moindre contestation vis-à-vis du tiers concerné./ C'est cet ensemble d'agissements successifs qui a abouti à un imbroglio dont vous n'avez pris la moindre initiative pour le résoudre que nous vous reprochons et qui relève de la faute grave pour un cadre de votre niveau » ; qu'il ressortait des pièces produites que, par mail du 11 décembre 2009, monsieur X... a confirmé à Marketkey qu'il voulait'payer/ réserver le webinar (conférences en ligne) en mars 2010, détaillé les prestations attendues en ajoutant qu'il s'agissait d'un'contrat juridiquement contraignant'(légal binding agreement) ; que la société, par mail du 26 janvier, lui avait confirmé la prestation devant se dérouler en avril, et lui avait envoyé la facture ; que le 17 juin 2010, la société Marketkey a adressé un mail à madame Z..., directrice financière adjointe, pour s'étonner de ce que l'engagement de monsieur X... n'avait pas été suivi d'effet ; que monsieur X... faisait d'abord valoir que la définition et la mise en oeuvre du plan d'action marketing et du suivi de son budget faisaient partie de ses fonctions et missions ; qu'il restait que ne figurait pas, parmi celles-ci, la possibilité d'engager lui-même la dépense sans autorisation ; que madame Z..., directrice administrative et financière, attestait avoir informé verbalement l'intéressé du processus de validation en expliquant que tout le personnel en était informé ; que cette déclaration avait été confirmée par l'intéressé lui-même lors de son entretien préalable et par la responsable de l'administration des ventes qui expliquait, pièces justificatives à l'appui, que les factures lui étaient transmises par le service puis validées par la hiérarchie ; que monsieur X... ne justifiait pas, ni même n'alléguait avoir, pendant toute la durée de la relation de travail, engagé une autre dépense que la dépense litigieuse, notamment parmi celles budgétées dans son plan marketing, sans la faire valider par sa hiérarchie ; que monsieur X... n'expliquait pas d'ailleurs la raison pour laquelle si, comme il le prétendait, il avait le pouvoir d'engager la société sans en référer à sa hiérarchie, il présentait cette opération à ses interlocuteurs, dans ses différents mails comme étant encore hypothétique et subordonnée à un éventuel cofinancement par un tiers, tel le mail du 15 janvier 2010, adressé à son supérieur monsieur Y...''Pour rappel le coût pour toi serait de 6K Euros. On peut légèrement changer le focus, mais il faut que nous ayons toujours PLM dans le titre, Merci de confirmer à nouveau que nous pouvons faire cette action'; que s'il faisait valoir qu'à cette date, la prestation n'avait pas été réalisée et les conditions générales de vente et de paiement non définitivement acceptées, il ne pouvait ignorer, compte tenu de ses fonctions et des termes expressément précis du mail du 11 décembre (legal binding agreement) qu'il avait définitivement engagé la société ; que monsieur X... ne justifiait pas, non plus, s'être préoccupé de la réalisation de la prestation achetée en décembre et qui devait, selon les termes du mail du 26 janvier, avoir lieu en avril ; qu'il prétendait avoir échangé avec Marketkey, sans pouvoir le démontrer, l'ensemble de ses archives lui ayant été confisquées lors de sa mise à pied ; que toutefois, cette affirmation était contredite par l'auteur du mail adressé à Z qui précise avoir été'particulièrement déçu par le manque de courtoisie élémentaire dont avait fait preuve X, de son total manque de communication depuis la confirmation que nous devions travailler ensemble'; que la circonstance que la prestation avait été inscrite dans le plan marketing 2010 présenté par monsieur X... le 20 janvier était inopérante, d'abord parce qu'il ne ressortait pas de cette présentation que la société s'était définitivement engagée, que le prestataire n'est pas identifié et que, comme la société le faisait observer à juste titre, le budget était établi sur la base d'un partenariat avec un tiers ; qu'il résultait de ce qui précédait que monsieur X... avait engagé une dépense ferme le 11 décembre 2010, alors qu'un tel engagement sans aval de sa hiérarchie ne faisait partie ni de ses missions ni de ses fonctions ; qu'il avait ainsi commis une faute, qui avait été aggravée par sa dissimulation, dès lors qu'il avait systématiquement laissé entendre à ses différents interlocuteurs que la prestation était seulement envisagée, qu'elle pouvait être négociée ou cofinancée, sans jamais leur indiquer, de façon explicite, qu'il s'était définitivement engagé ; qu'il ne justifiait pas avoir transmis à quiconque la facture reçue le 26 janvier ; que s'il prétendait qu'elle était sujette à contestation, il aurait dû précisément alerter sa hiérarchie, le service juridique ou le service comptable ; que c'était à juste titre que le conseil de prud'hommes avait considéré que les faits reprochés étaient établis et constitutifs d'une faute grave et qu'il avait écarté les considérations économiques comme motif réel du licenciement ; qu'à supposer ces difficultés réelles, il était légitime que, dans ce contexte, la société se soit trouvée contrainte de mettre fin immédiatement au contrat de travail d'un salarié cadre, dont le comportement désinvolte était susceptible de les aggraver ; que le jugement serait donc confirmé en ce qu'il a débouté monsieur X... de l'intégralité de ses demandes fondées sur un licenciement abusif, à savoir les demandes de dommages et intérêts, les rappels de salaires au titre de la mise à pied, l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de licenciement (arrêt, pp. 3 à 5) ; que monsieur X... avait été licencié pour avoir engagé contractuellement la société Lascom sans autorisation, mais également pour avoir tenté de dissimuler ses actes à la direction : engagement contracté dès le 11 décembre 2009, soit moins d'un mois après son arrivée ; qu'à cette même date, monsieur X... avait sollicité l'avis du responsable de la business unit sur ce type d'action pouvant être cofinancée par Cadassit, un partenaire anglais ; que ce même jour, monsieur Y..., responsable de la business unit, et monsieur A..., commercial, avaient tous deux émis des doutes sur cette action, sollicitant de plus amples informations en particulier sur le nombre de participants ; que monsieur X... n'avait pas hésité à leur répondre le 14 décembre 2009 qu'il trouvait également que le nombre de participants était trop élevé et qu'il était nécessaire de finaliser l'offre pour Cadassit ; que monsieur X..., alors qu'il avait déjà commandé la prestation et s'était engagé auprès du prestataire Marketkey, avait continué d'échanger avec la société Lascom sur une prestation évoquée au conditionnel et dont les contours étaient flous ; qu'à la suite de cet accord, monsieur X... avait reçu, le 26 janvier 2010, la confirmation de la prestation qui devait se dérouler en avril ainsi que la facture afférente ; que monsieur X... avait engagé la société Lascom par son mail du 11 décembre 2009 ;
que les différents échanges de mails prouvaient qu'à aucun moment un accord ferme et définitif n'avait été donné sur cette action par madame Z..., seule personne susceptible de valider cette action au sein de la société Lascom ; que madame Z..., directeur administratif et financier, avait été contactée directement par la société Marketkey sur son portable, qui lui avait demandé le règlement de la facture de la commande engagée par monsieur X... ; qu'il apparaissait donc que monsieur X... avait bien pris de façon unilatérale, sans autorisation, en pleine période d'essai, un engagement au nom de la société Lascom ; qu'il avait dissimulé la facture en cessant de répondre au prestataire sans chercher à gérer le conflit directement ; que les faits imputables à monsieur X... étaient constitutifs d'une faute grave ; que les considérations économiques invoquées par monsieur X... pour justifier son licenciement n'étaient pas retenues (jugement, p. 5) ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ; qu'en se fondant, pour retenir que les missions et fonctions du salarié n'auraient pas comporté l'engagement de dépenses sans autorisation et en déduire qu'il aurait commis une faute en concluant sans accord préalable un contrat au nom de l'employeur envers un fournisseur, sur une attestation de la directrice administrative et financière de la société Lascom déclarant que le salarié avait été informé verbalement du processus de validation des dépenses, c'est-à-dire sur un document rédigé pour l'employeur par un cadre dirigeant – ayant du reste participé dans l'intérêt de l'employeur à l'entretien préalable au licenciement, ainsi qu'il résultait des termes de la lettre de licenciement –, la cour d'appel s'est déterminée en considération d'une preuve que l'employeur s'était constituée à lui-même et a violé l'article 1315 du code civil ;

ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE le compte-rendu de l'entretien préalable au licenciement, rédigé par le représentant du personnel ayant assisté le salarié et versé aux débats devant les juges du fond, faisait mention, d'une part, de ce que le salarié avait déclaré, au titre d'un rappel de l'historique des faits, avoir demandé à la directrice administrative et financière, au temps de la dépense litigieuse, « quel était le processus de commande » et s'être vu répondre : « il n'y a pas vraiment de process, tout passe par moi », d'autre part, de ce que, interpellé pendant l'entretien préalable par cette directrice qui disait que « ce process exist [ait] depuis plus de 10 ans et que tous les achats [étaient] validés par elle », monsieur X... avait « dit avoir posé la question à Véronique B..., à l'équipe, à une bonne partie de la société sans réponses » et s'était « en conclusion, […] estim [é] victime d'un quiproquo », ce qui montrait sans ambiguïté qu'à aucun moment de l'entretien préalable, le salarié n'avait admis avoir eu connaissance d'une obligation, qui lui aurait incombé, de faire impérativement valider toutes dépenses engagées au nom de la société ; qu'en retenant néanmoins que monsieur X... aurait lui-même confirmé, lors de cet entretien, avoir été informé verbalement par la directrice administrative et financière du processus de validation des dépenses, la cour d'appel a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

ALORS, EN TROISIEME LIEU, QU'en se fondant encore, pour retenir la prétendue connaissance par le salarié d'un processus impératif de validation des dépenses, sur la déclaration de la responsable de l'administration des ventes de la société Lascom, la cour d'appel s'est encore déterminée en considération d'une preuve que l'employeur s'était constituée à lui-même et a violé l'article 1315 du code civil ;

ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QUE par ses conclusions auxquelles la cour d'appel s'est expressément référée en ce qui concernait ses moyens, l'employeur n'avait pas opposé au salarié l'absence de preuve et même d'allégation de ce qu'il aurait, pendant toute la durée de la relation de travail, engagé une autre dépense que la dépense litigieuse, notamment parmi celles budgétées dans son plan marketing, sans la faire valider par sa hiérarchie ; qu'en relevant d'office ce moyen, sans le soumettre à la discussion contradictoire des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

ALORS, EN CINQUIEME LIEU, QU'en regardant comme inopérante l'inscription de la prestation reprochée au salarié dans le plan marketing présenté par ses soins en janvier 2010, sans rechercher, comme l'y avait invitée avec précision monsieur X... (conclusions, pp. 22 et 23), s'il ne résultait pas d'une attestation rédigée par monsieur Y..., directeur marketing produit de la société Lascom, et versée aux débats par l'employeur sous le numéro 19 de son bordereau de pièces communiquées, que ledit monsieur Y...avait, dès l'avant-dernière semaine de décembre 2009, validé la dépense concernée, que monsieur X... lui avait présentée en son principe le 11 décembre 2009 puis avec plus de précision le 14 décembre 2009, et que, même si une telle validation ne pouvait être regardée comme un aval de la hiérarchie, monsieur Y...n'étant pas le supérieur de monsieur X..., il suivait de là que, contrairement à ce qui avait ensuite été affirmé par la lettre de licenciement, la dépense concernée n'avait aucunement été dissimulée et que la procédure disciplinaire, entamée en juin 2010, avait été engagée après expiration de la prescription légale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail ;

ALORS, EN SIXIEME LIEU, QUE la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire ; qu'en ne recherchant pas, comme l'y invitait le salarié par la contestation susmentionnée de ses conclusions (pp. 22 et 23) si la procédure de rupture avait été mise en oeuvre dans un délai restreint, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;

ALORS, EN SEPTIEME LIEU, QUE la faute grave résulte d'une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que la cour d'appel, qui a imputé au salarié d'avoir engagé sans autorisation l'employeur envers un fournisseur et d'avoir dissimulé cet engagement, mais qui n'a pas caractérisé en quoi cette prétendue faute aurait rendu impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;

ALORS, EN HUITIEME LIEU ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE ne peut rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la faute consistant à avoir manqué à une procédure interne de validation des dépenses non formalisée ni notifiée par écrit au salarié lors de son embauche et dont l'employeur déclare lui-même qu'elle n'a été portée à sa connaissance que verbalement, cette absence de formalisation écrite étant de nature à faire penser au salarié que ladite procédure n'était pas regardée par ses supérieurs comme fondamentale et à ôter tout caractère de gravité à son hypothétique manquement ; que la cour d'appel avait constaté que, même à tenir pour acquise la présentation des choses fournie par l'employeur, au vu de l'attestation rédigée par sa directrice administrative et financière, la procédure de validation interne des dépenses qu'il était reproché à monsieur X... de ne pas avoir respectée avait été portée à sa connaissance par ladite directrice « verbalement », ce dont il résultait que même à supposer fautif le comportement du salarié, la qualification de faute grave ne pouvait s'appliquer ; qu'en retenant néanmoins l'existence d'une faute grave, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;

ALORS, EN NEUVIEME LIEU, QU'en se bornant à la pure et simple affirmation que « les considérations économiques invoquées par monsieur Nicolas X... pour justifier son licenciement n'[étaient] pas retenues », et en ne recherchant par aucun développement concret et effectif, comme l'y avait pourtant invité d'une manière circonstanciée le salarié (conclusions, pp. 13 à 17), si le véritable motif de la rupture du contrat de travail ne différait pas de ceux mentionnés par la lettre de licenciement et ne résidait pas dans les divergences de vue entre le fondateur de la société Lascom et son nouveau directeur général délégué concernant la politique managériale et budgétaire de l'entreprise, dissensions ayant du reste conduit à la révocation du mandat du directeur général en novembre 2010 et à son licenciement en décembre 2010 puis à un abandon de sa politique ambitieuse d'investissements et de recrutements, en application de laquelle avait été recruté monsieur X..., dont le salaire avait été regardé par le fondateur comme une charge trop importante en une période difficile au plan économique, sans considération des mérites professionnels de monsieur X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1233-3 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR ordonné à la société Lascom de remettre à monsieur X... des bulletins de paie et attestation Pôle Emploi conformes, D'AVOIR cependant débouté monsieur X... de sa demande visant à obtenir que soit ordonnée la délivrance de bulletins de paie conformes faisant mention des avantages en nature ayant le caractère de salaires et non de remboursement de frais versés à monsieur X... depuis le 23 novembre 2009 et D'AVOIR débouté monsieur X... de sa demande visant à voir condamner la société Lascom à lui payer la somme de 1. 843, 23 euros à titre de rappel de salaires sur son solde de tout compte ;

AUX MOTIFS QUE, sur le rappel de salaires au titre du solde de tout compte, le contrat de travail de monsieur X... comportait une clause « avantage véhicule », selon laquelle il disposait d'une indemnité de 6. 500 euros bruts par an au titre de l'utilisation de son véhicule personnel ; que monsieur X... prétend qu'un remboursement forfaitaire lié à l'usage d'un véhicule est en réalité un avantage en nature et fait valoir que l'usage professionnel n'était pas précisé dans le contrat ; que toutefois, il convient de rappeler que l'employeur est tenu de rembourser au salarié les frais que celui-ci a engagés pour son compte ; que la mention « remboursement de frais » est ainsi expressément portée sur les bulletins de paie du salarié, auquel il appartient en conséquence de démontrer le caractère fictif de ce remboursement, à savoir l'absence d'usage professionnel de son véhicule personnel, ce qu'il ne fait pas ; que monsieur X... ayant calculé ses rappels de salaire au titre des RTT et des congés payés sur une rémunération majorée de cette indemnité qui correspond à des remboursements de frais, il convient de confirmer le jugement qui l'a débouté de ce chef de demande ;

ALORS QUE la somme versée au titre des frais d'utilisation de véhicule personnel pour un montant forfaitaire constitue un élément de salaire devant figurer sur les bulletins de salaire et ainsi être prise en compte pour le calcul des droit aux prestations de chômage et à la retraite du salarié ; qu'en statuant comme elle a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée (p. 30 in fine et p. 31 in limine, p. 34 in fine), si le fait que monsieur X... ait perçu, à titre forfaitaire, une somme de 6. 500 euros par an pour les frais liés à l'usage d'un véhicule personnel devait conduire à qualifier le versement de cette somme d'avantage en nature constituant un élément de rémunération figurant comme tel sur les bulletins de paie, peu important que ce remboursement de frais ait été fictif ou non au regard de l'usage du véhicule, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3221-3 du code du travail, ensemble l'article L. 3243-2 du même code ;

ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en déboutant monsieur X... de sa demande de rappel de salaire sur solde de tout compte pour la seule circonstance que le calcul effectué par monsieur X... pour prétendre au paiement de sommes correspondant à ce rappel incluait dans sa base l'indemnité annuelle de 6. 500 euros pour utilisation du véhicule personnel, sans répondre aux conclusions (concl. p. 33) par lesquelles monsieur X... faisait valoir qu'un rappel de salaires demeurait dû en raison des erreurs commises par l'employeur qui avait pris en compte des soldes inexacts de jours de RTT et de congés payés et qui avait effectué une déduction excédentaire de 91, 37 euros, peu important à cet égard que la base de calcul de ce solde de tout compte ait dû ou non inclure l'indemnité pour utilisation du véhicule personnel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-15446
Date de la décision : 05/07/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 février 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 jui. 2017, pourvoi n°16-15446


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Marc Lévis, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.15446
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