LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Sécuritas en qualité d'agent d'exploitation le 11 septembre 1996 ; qu'il est devenu chef d'équipe sécurité incendie selon avenant du 2 février 2000 ; qu'il a été licencié, le 28 mars 2012, pour faute grave ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions d'appel du salarié que celui-ci ait soulevé, devant les juges du fond, le moyen tiré des dispositions de l'article 7. 07 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 ; que le moyen nouveau, mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles 1, 2 et 6 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité, dans leur version applicable au litige ;
Attendu que, selon ces textes, seuls les agents assurant des fonctions de sécurité privée sont soumis à l'obligation de détenir une carte professionnelle délivrée par la préfecture territorialement compétente ; qu'il en résulte que le personnel d'une société affecté exclusivement à des missions de sécurité incendie n'est pas soumis à l'obligation de détenir une carte professionnelle alors même que la société exerce une telle activité à titre complémentaire ou connexe d'une activité de sécurité privée ;
Attendu que pour rejeter les demandes du salarié fondées sur l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, l'arrêt retient qu'il lui est reproché de ne pas être titulaire de la carte professionnelle indispensable à l'exercice de l'activité de sécurité privée conformément aux dispositions de la loi du 12 juillet 1983 et du décret du 9 février 2009 et ce, en dépit d'un courrier d'information adressé le 6 mars 2009, de plusieurs mises en demeure des 10 octobre 2010, 20 janvier 2011 et 22 février 2012 et de n'avoir fait aucune démarche auprès de la préfecture pour faire une demande de numéro de carte et se mettre en conformité, rappelle les termes des articles L. 612-20 et L. 612-21 du code de la sécurité intérieure ainsi que du décret du 9 février 2009 relatif à la carte professionnelle, à l'autorisation préalable et à l'autorisation provisoire des salariés, et constate que si le salarié a effectué une demande de carte professionnelle auprès de la préfecture du Val-de-Marne le 26 mars 2009 son dossier n'était pas complet, qu'il ne justifie d'aucune autre démarche auprès de ce service, que l'employeur pouvait légitimement exiger de son salarié qu'il produise le récépissé de sa demande de carte, sachant qu'il encourrait des sanctions pénales et administratives s'il employait un agent non titulaire de ce document, que cette attitude passive du salarié qui n'a pas répondu aux sollicitations régulières de l'employeur constitue à elle seule un comportement fautif de ce salarié ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié était devenu chef d'équipe sécurité incendie selon avenant du 2 février 2000, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement de M. X... fondé sur une cause réelle et sérieuse et rejette sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 4 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Sécuritas France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Sécuritas France à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP François-Henri Briard, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré légitime le licenciement de M. X... et de l'avoir débouté de sa demande à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif ;
Aux motifs qu'« aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, refuge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties … si un doute subsiste, il profite au salarié » ; que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarie dans l'entreprise ; qu'il appartient à l'employeur de la caractériser ; que la lettre de licenciement fixe l'étendue du litige ; qu'il est reproché M. Daniel X... de ne pas être titulaire de la carte professionnelle indispensable à l'exercice de l'activité de sécurité privée conformément aux dispositions de la loi-du 12 juillet 1983 5 et du décret du 9 février 2009 et ce, en dépit d'un courrier d'information adressé le 6 mars 2009, de plusieurs mises en demeure des 10 octobre 2010, 20 Janvier 2011 et 22 février 2012 ; de n'avoir fait aucune démarche auprès de la Préfecture pour faire une demande de numéro de carte et se mettre en conformité ; que selon 1'employeur, conformément à la loi du 12 juillet 1983, 1e contrat de travail est rompu immédiatement et aucun préavis n'est effectué ni payé ; qu'aux termes de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, nul ne peut être employé par une entreprise exerçant une activité privée de surveillance et de gardiennage s'il ne répond à un certain nombre de conditions tenant à son aptitude professionnelle et morale, notamment, s'il a fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire, et si ses agissements sont de nature à porter atteinte à le sécurité des personnes ou des biens et sont incompatibles avec l'exercice de ses fonctions, le respect de ces conditions étant attesté par la détention d'une carte professionnelle ; que L. 612. 21 dispose que le contrat de travail du salarié qui cesse de remplir les conditions posées aux 1° à 3° de l'article précédent est rompu de plein droit, cette rupture ouvrant droit au versement, par l'employeur, de l'indemnité de licenciement ; que le même code punit de sanctions correctionnelles non seulement toute personne qui aura été employée en infraction aux dispositions de l'article 6, mais également tout dirigeant d'une entreprise de sécurité qui aura employé une telle personne en connaissance de cause, et prévoit une sanction administrative allant de la fermeture jusqu'à l'interdiction d'exercer la profession ; qu'enfin, le décret du 9 février 2009 relatif à la carte professionnelle, à l'autorisation préalable et à l'autorisation provisoire des salariés, a instauré la délivrance de ladite carte-professionnelle, sous la forme dématérialisée d'un numéro d'enregistrement lorsque la demande est complète, le préfet en délivre récépissé. Ce récépissé permet, jusqu'à l'intervention d'une décision expresse, une poursuite régulière de l'activité professionnelle ; que force est de constater que si Daniel X... a effectué une demande de carte professionnelle auprès de la Préfecture du Val de Marne le 26 mars 2009 (.. accusé de réception du 20 avril 2009), il reste que son dossier n'était pas complet puisqu'il devait joindre une attestation d'aptitude professionnelle établie par l'employeur et les bulletins de salaire justifiant d'une activité continue pendant 18 mois ; qu'il ne justifie d'aucune autre démarche auprès de ce service en dépit de courriers et mises en demeure régulières de son employeur avant sa convocation à un entretien préalable à licenciement ni d'un quelconque courrier à son employeur pour lui faire part des diligences et des difficultés rencontrées ; qu'il n'a par ailleurs jamais produit ce document ; que La SA SECURITAS FRANCE pouvait légitimement exiger de son salarié qu'il. produise le récépissé de sa demande de carte, sachant qu'elle encourrait des sanctions pénales et administratives si elle employait un agent non titulaire de ce document ; que cette attitude passive du salarié qui n'a pas répondu aux sollicitations régulières de la SA SECURITAS FRANCE constitue à elle seule un comportement fautif de ce salarié qui, cependant, ne saurait caractériser une faute grave d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarie dans l'entreprise et le prive ainsi de son préavis ; qu'il convient donc de réformer la décision du Conseil de prud'hommes en ce qu'elle a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la SA SECITRITAS FRANCE à payer à M. Daniel X... à lui payer la somme de 12. 984, 18 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la confirmer pour le surplus, par adoption de motifs » ; (arrêt p. 2, av. dern. à dern. al. et p. 3, 1er à av. dern. al.)
Alors, d'une part, qu'il résulte des arrêtés du 25 juin 1980 et du 2 mai 2005 fixant les missions, l'emploi et la qualification du personnel exerçant des fonctions de sécurité incendie dans des immeubles de grande hauteur et dans les établissements recevant du public que ces agents, non soumis à un agrément, doivent être titulaires des diplômes spécifiques « SSIAP » ; qu'il résulte également de la circulaire IOCD1115097C du 3 juin 2011 du Ministre de l'intérieur au Préfet de police et aux préfets « qu'en application de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité « chaque société et chaque agent de sécurité souhaitant exercer des missions de sécurité privée doivent disposer respectivement d'une autorisation et d'une carte professionnelle délivrées par les services préfectoraux … » tandis que « la sécurité incendie fait l'objet d'une réglementation spécifique liée à la sécurité civile, que le service de sécurité incendie est composé … d'agents de sécurité incendie dont la qualification est définie à l'article MS 48 … que cette réglementation est distincte de la loi du 12 juillet 1983, qu'il n'existe pas de procédure d'agrément ou d'autorisation préalable des agents de sécurité incendie (ni à fortiori de carte professionnelle) » ; que dès lors en déclarant légitime le licenciement de M. X..., chef de sécurité incendie, dont l'attitude passive en vue d'obtenir la carte professionnelle caractérisait une faute quand l'exercice exclusif des fonctions de sécurité incendie ne lui imposait pas d'être titulaire de cette carte, la cour d'appel a violé la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité, le décret du n° 2009-137 du 9 février 2009 relatif à la carte professionnelle et les arrêtés des 25 juin 1980 et 2 mai 2005 relatif à la qualification du personnel des services de sécurité incendie des établissements recevant du public ;
Alors, d'autre part, qu'il résulte tant de la circulaire du Ministre de l'intérieur du 3 juin 2011 que de sa réponse écrite du 20 septembre 2011 que « si un agent, qui exerce exclusivement des activités de sécurité incendie, doit posséder l'aptitude professionnelle particulière définie à l'arrêté du 21 février 1995 relatif à la qualification du personnel permanent des services de sécurité incendie des établissements recevant du public justifiée par un titre SSIAP de niveau 1, 2 ou 3, il n'est pas soumis au dispositif de la carte professionnelle prévu par le décret n° 2009-137 du 9 février 2009 » ; que dès lors en déclarant que M. X..., qui avait effectué sa demande de carte professionnelle mais n'avait pas complété son dossier, avait fait preuve d'une attitude passive fautive justifiant la rupture, sans rechercher si, ainsi qu'elle y était invitée par le salarié dans ses conclusions soutenues à l'audience, la carte professionnelle était indispensable à l'exercice des fonctions exclusives de sécurité incendie auxquelles il se consacrait, la cour n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité, du décret du n° 2009-137 du 9 février 2009 relatif à la carte professionnelle et des arrêtés des 21 février 1995 et 2 mai 2005 relatif à la qualification du personnel des services de sécurité incendie des établissements recevant du public ;
Alors, qu'au surplus et à tout le moins, la cour d'appel devait répondre aux conclusions du salarié, soutenues à l'audience, selon lesquelles la carte professionnelle n'était pas une condition à l'exercice des fonctions exclusives de sécurité incendie auxquelles il se consacrait ; que dès lors, en déclarant que M. X..., qui avait effectué sa demande de carte mais n'avait pas complété son dossier, avait fait preuve d'une attitude passive fautive justifiant son licenciement, sans répondre à ses conclusions déterminantes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, en outre, qu'en déclarant que M. X..., qui avait effectué sa demande de carte mais n'avait pas complété son dossier, avait fait preuve d'une attitude passive fautive justifiant la rupture, sans répondre à ses conclusions dans lesquelles il soutenait que les difficultés rencontrées résultaient de la position divergente des entreprises et de l'autorité administrative, le préfet rappelant du reste qu'il ne pouvait traiter la masse des 9200 demandes, dont la plupart étaient faites par des salariés se consacrant à des activités sécurité-incendie pour lesquelles la carte n'est pas nécessaire, élément consacrant l'absence de passivité du salarié pris dans un débat qui lui était étranger, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, enfin qu'en déclarant légitime le licenciement de M. X... sans répondre à ses conclusions dans lesquelles il faisait valoir que, dès son retour de congés, le 22 mars 2012, il avait répondu à la demande de pièces du 5 mars 2012 de la préfecture et que la société, informée de ses congés comme des difficultés rencontrées par les salariés pour obtenir la carte professionnelle, l'avait délibérément convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement pendant son absence, le 16 mars 2012, dans le seul but de se débarrasser d'un agent affecté sur un marché d'immeuble de grande hauteur « la tour Pacific de la Défense » qu'elle avait perdu, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de M. X... à titre de rappel de salaire ;
Aux motifs que « M. Daniel X... n'étaye pas suffisamment sa demande au titre de rappel au titre de rappels de salaire ; qu'il convient de rejeter ses prétentions sur ce point et d'infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes » (arrêt p. 3, dern. al. et p. 4, 1er al.)
Alors que l'article 7. 07 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 dispose que toute modification ayant pour effet de remettre en cause l'organisation du cycle doit être portée à la connaissance des salariés par écrit au moins 7 jours avant son entrée en vigueur ; qu'en l'espèce, comme le faisait valoir M. X... dans ses écritures soutenues à l'audience, par une lettre du 12 décembre 2011, reçue au plus tôt le 13 décembre, la société lui a notifié au 19 décembre, soit dans un délai inférieur à sept jours, un changement d'affectation modifiant ses cycles de travail ; que sur le site de la Défense, M. X... travaillait 24h consécutives suivies de 72 à 96 heures de repos sur 5 à 6 semaines tandis que sur le site de Clamart il devait effectuer 8h, voire 12h, consécutives de travail pendant trois jours suivis d'une journée de repos, puis une journée de 8h à 12h suivie de trois jours de repos, outre des déplacements quotidiens évalués à 4h30 ; que dès lors en rejetant comme « non étayée » la demande de rappel de salaire quand l'employeur ne contestait pas avoir notifié à M. X... un changement d'affectation entraînant une modification de cycles en violation du délai de prévenance de sept jours n'ayant pas permis au salarié de s'organiser et d'exercer ses fonctions les 19, 20 et 21 décembre, la cour d'appel a violé l'article 7. 07 de la convention collective de la prévention et de la sécurité ;