LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Dorothée X...épouse Y..., agissant en qualité de représentante légale de sa fille mineure A...
Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 3 novembre 2015, qui, dans l'information suivie contre M. Raphaël Y... du chef d'agressions sexuelles aggravées, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 mai 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Carbonaro, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARBONARO, les observations de la société civile professionnelle MATUCHANSKY, POUPOT et VALDELIÈVRE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général WALLON ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 176, 177, 179, 591 et 593 du code de procédure pénale, 222-22, 222-22-1, 227-25 et 227-26 du code pénal, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu à poursuivre M. Raphaël Y... de faits d'agressions sexuelles ;
" aux motifs propres que dans le cadre de l'IOE ordonnée par le juge des enfants, A...avait déclaré qu'elle « appréhendait que son père ait la même attitude à son égard » en évoquant les accusations portées contre lui ; qu'elle était alors apparu comme collant au ressenti de sa mère, très précise dans le vocabulaire juridique, et en protection de sa mère ; qu'elle expliquait à cette occasion que son refus de voir son père était lié aux accusations portées contre lui et déclarait « appréhender » qu'il ait la même attitude envers elle ; qu'elle ajoutait n'avoir jamais eu à subir d'attouchements de la part de son père et qu'elle « s'en protégeait d'avance » ; qu'il était souligné que A...estime la démarche de sa mère justifiée « car si son père a commis de tels faits, il doit être jugé et sanctionné » ; que cependant, A...admet qu'elle ne voyait plus son père dont elle dit avoir peur depuis le mois de novembre 2011 ; que les déclarations recueillies en 2011 et 2012 par les professionnels de l'enfance sont donc en totale contradiction avec celles survenues en 2014, trois ans après la rupture des liens entre A...et son père, et alors que le contexte particulier de l'IOE, dont c'était le but principal, aurait dû conduire la jeune fille à se confier et alors que la peur de son père qu'elle ne voyait plus depuis trois ans ne pouvait plus l'inhiber ; que cet examen a mis en lumière à plusieurs reprises au cours des entretiens le ressentiment de A...à l'égard de son père en lien avec les faits qui lui étaient reprochés par Amélie Z..., sa crainte exprimée qu'il puisse reproduire ses agissements sur elle et sa volonté qu'il soit sanctionné ; qu'il ressort de ce contexte très particulier qu'une jeune fille de 16 ans, en situation de confiance, dans un cadre protecteur, se positionne par rapport à des faits d'agression sexuelle commis par son père sur d'autres jeunes filles, tout en précisant qu'elle n'en est pas victime mais pourrait l'être, analyse « l'impact de la situation sur son image du père » et n'évoque jamais son propre statut de victime alors que par ailleurs le juge des enfants dans sa décision du 5 septembre 2013, soulignait « l'impact du conflit de loyauté reste très présent » ; que dès lors, le seul examen psychologique de A...est insuffisant à apporter la preuve des faits et les circonstances antérieures ainsi que le comportement de M. Y... à l'égard des femmes en général, ne constituent pas une preuve ; que dans ces conditions l'ordonnance querellée devra être confirmée ;
" et aux motifs adoptés que le seul élément à charge repose sur les déclarations de A...
Y... qui a maintenu ses accusations tout au long de la procédure ; que les éléments à décharge sont plus nombreux :
- B...et C..., les deux autres enfants du couple ont été entendu tant par les services de police que par les intervenants désignés par le juge des enfants et le juge aux affaires familiales, ils ont chaque fois affirmé qu'ils étaient contents de voir leur père et qu'ils se sentaient bien avec lui ; qu'à aucun moment la petite B...n'a mentionné que son père lui touchait les fesses ;
- les résultats scolaires de A...sont bons, elle est décrite comme une bonne élève ;
- la situation du couple parental est quant à elle marquée par un conflit certain, conflit que tous les intervenants cristallisent en insistant sur le fait que A...avait pris fait et cause pour sa mère en adoptant un discours qui pouvait questionner quant à sa spontanéité ;
- le silence de A...durant toutes ces procédures pose aussi question ; qu'elle sera d'abord entendue en 2011 dans le cadre d'une procédure diligentée contre son père par une tante maternelle ; qu'à la question « ton père a-t-il eu des gestes ou comportements bizarres ou choquants envers toi ou ta soeur », elle répondait non ; qu'entendue dans le cadre de la mesure d'IOE ordonnée par le juge des enfants en 2012, A...ne mentionnait pas ces événements pas plus qu'elle ne les mentionnait devant le juge aux affaires familiales qui l'entendait sur le principe d'un droit de visite et d'hébergement ; qu'au contraire elle indiquait clairement que si son père n'avait jamais eu de gestes ambigus à son encontre, elle ne voulait plus le voir par crainte qu'il agisse avec elle comme il l'avait fait avec sa tante ; qu'elle ne se confiait pas plus au juge des enfants ou à son avocat ; que dans le cadre de l'information judiciaire elle expliquait qu'elle n'avait pas parlé par crainte de son père alors qu'elle précisait ne plus avoir de rapports avec lui depuis novembre 2011 ; que le risque de pression était de ce fait limité et le fait que son père l'ait suivi à plusieurs reprises à la sortie du lycée n'était pas établi ;
- le positionnement de A...par rapport à sa mère pose lui aussi question, compte tenu du conflit qui existe entre les deux parents au sujet du droit de visite du père ; que tous les intervenants ont mis en exergue le conflit de loyauté dans lequel elle se trouve face à sa mère, laquelle est menacée par M. Raphaël Y... de poursuites pour non-représentation d'enfant ; que force est de constater qu'à compter de novembre 2013 alors que le juge aux affaires familiales venait de fixer un droit de visite à la journée M. Y... multipliait les mains courantes pour non-représentation ; qu'il existe dès lors un doute très sérieux, eu égard au contexte familial et à l'enchaînement des procédures, sur la véracité des déclarations de A...qui ne sont corroborées par aucun autre élément objectif ;
" 1°) alors que la constatation de charges suffisantes constitutives d'infraction n'exige pas que l'existence des faits soit prouvée avec certitude ; qu'en refusant de prendre en compte les accusations précises portées par A...
Y... contre son père en 2014, comme des charges suffisantes imposant le renvoi devant la juridiction de jugement, pour la circonstance que ces déclarations étaient contradictoires avec celles faites en 2011 et 2012, soit très peu de temps après que A...
Y... avait cessé de voir son père, au motif que « trois ans après la rupture des liens entre A...et son père, et alors que le contexte particulier de l'IOE, dont c'était le but principal, aurait dû conduire la jeune fille à se confier et alors que la peur de son père qu'elle ne voyait plus depuis trois ans ne pouvait plus l'inhiber », la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses constations dont il résultait précisément qu'il y avait lieu de donner plus de crédit aux propos tenus par A...
Y... en 2014, après l'écoulement de ce délai de trois ans et l'éloignement de son père ; qu'elle a ainsi violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que la chambre de l'instruction doit répondre aux articulations essentielles du mémoire de la partie civile ; qu'en statuant comme elle a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée (cf. mémoire J. Y...p. 4), si les accusations précises portées par A...
Y... contre son père en 2014 constituaient des charges suffisantes imposant le renvoi, dès lors que l'expertise psychologique de A...
Y..., réalisée immédiatement après que celle-ci avait dénoncé les faits subis, avait conclu à l'authenticité des propos de la déclarante et à l'absence de ressentiment excessif comme d'une influence de sa mère sur ces propos, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" 3°) alors qu'en se fondant sur des circonstances étrangères aux faits subis par A...
Y... et tenant à sa situation scolaire ou à la situation de son frère et de sa soeur, qui n'auraient pas été victimes d'actes similaires commis par leur père, ce qui n'était nullement de nature à remettre en cause la réalité des faits subis par la seule A...
Y..., la chambre de l'instruction s'est prononcée par des motifs impropres à justifier la décision de retenir l'absence de charges suffisantes pour ordonner le renvoi de M. Y... devant le tribunal correctionnel ;
" 4°) alors que la chambre de l'instruction doit répondre aux articulations essentielles du mémoire de la partie civile ; qu'en statuant comme elle a fait, sans retenir comme éléments à charge venant corroborer les accusations portées par A...
Y... contre son père, les circonstances invoqués, dont il résultait que ce dernier avait été l'objet d'accusations similaires par au moins quatre personnes, ce qui avait abouti à la reconnaissance de sa culpabilité pour des faits d'agressions sexuelles sur mineur de quinze ans, qu'il avait également reconnu avoir eu des relations, fût-ce simplement épistolaires, avec des adolescentes et que les expertises psychologiques subies avaient mis en évidence une composante perverse de M. Y..., la chambre de l'instruction de la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 5°) alors que le juge d'instruction examine s'il existe contre la personne mise en examen des charges constitutives d'infraction, dont il détermine la qualification juridique ; qu'en disant en l'espèce n'y avoir lieu à renvoi faute de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis des faits d'agressions sexuelles, sans rechercher si les faits pouvaient, à tout le moins, constituer des charges suffisantes constitutives d'une infraction d'atteinte sexuelle par un majeur, exercée sans violence, contrainte, menace ni surprise sur la personne d'un mineur de quinze ans, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 21 février 2014, A...
Y..., née le 30 décembre 1997, s'est présentée auprès des services de police pour y dénoncer des agressions sexuelles de la part de son père, M. Raphaël Y..., lorsqu'elle était âgée de 9 ou 10 ans ; que par ordonnance du 29 juin 2015, le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre contre l'intéressé ;
Attendu que, saisie par l'appel de la représentante légale de A...
Y..., partie civile, la chambre de l'instruction a confirmé cette ordonnance en relevant notamment les contradictions entre les dénonciations de 2014 et les déclarations recueillies en 2011 et 2012 par les professionnels de l'enfance, le seul examen psychologique de A...étant insuffisant à apporter la preuve des faits et les circonstances antérieures ainsi que le comportement de M. Y... à l'égard des femmes en général, ne constituant pas une preuve ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit juin deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.