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22/06/2017 | FRANCE | N°15-26940

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 22 juin 2017, 15-26940


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 16 septembre 2015), que, par acte du 12 avril 2012, MM. X...et Mme X... ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail à ferme consenti à M. Y...au motif que les agissements de celui-ci compromettraient la bonne exploitation du fonds et en dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes ;
Mais attendu qu'ayant rele

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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 16 septembre 2015), que, par acte du 12 avril 2012, MM. X...et Mme X... ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail à ferme consenti à M. Y...au motif que les agissements de celui-ci compromettraient la bonne exploitation du fonds et en dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le procès-verbal d'huissier de justice et le rapport d'expertise produits par les consorts X... étaient assortis de constatations et de photographies faites et prises lors de visite des lieux loués, hors la présence du preneur et sans qu'il soit justifié que celui-ci ait été avisé, la cour d'appel en a exactement déduit, sans créer une hiérarchie des preuves, ni violer le principe de l'égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'aucune autorisation judiciaire n'avait été sollicitée, que ces documents devaient être écartés des débats ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé :
Vu l'article 462 du code de procédure civile ;
Attendu que, dans ses motifs, l'arrêt retient que les dépens de première instance et d'appel seront à la charge des consorts X... dont les prétentions sont pour l'essentiel rejetées et, dans son dispositif, condamne M. Y... aux dépens de première instance et d'appel ;

Qu'il y a lieu de rectifier une telle erreur matérielle ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal ;
Ordonne la rectification de l'arrêt de la cour d'appel de Bastia du 16 septembre 2015, n° 14/ 00245 ;
Dit que le dispositif dudit arrêt sera modifié comme suit en sa dernière ligne : " Condamne M. Charles X..., M. Dominique X... et Mme Monique X... aux dépens de première instance et d'appel " ;
Condamne MM. X... et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de MM. X... et Mme X... et les condamne à payer à la SCP Gatineau-Fattaccini la somme de 3 000 euros ;
Dit que le présent arrêt sera transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt rectifié ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour MM. X... et Mme X..., demandeurs au pourvoi principal
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les consorts X... de leurs demandes de résiliation du bail et de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sauf dispositions législatives particulières et nonobstant toute clause contraire, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail à ferme que pour l'un des motifs figurant à l'article L 411-31 du code rural au titre desquels figurent les agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds ; que la preuve de ces manquements qui lui incombe peut être rapportée par tous moyens ; que cependant, le bailleur ne peut établir cette preuve avec des constats et photographies opérées hors la présente du preneur, sans son autorisation ni autorisation judiciaire ; que la cour ne peut que constater que tant le constat d'huissier que le rapport d'expertise privée produit par les appelants sont assortis de constatations et de photographies censées illustrée lesdits manquements faites et prises lors de visites des lieux hors la présence du preneur et sans même qu'il soit justifié que celui-ci ait été avisé ; que ces pièces ne peuvent donc être prises en considération comme éléments de preuves ; que parallèlement, il sera rappelé que les motifs de résiliation judiciaire doivent s'apprécier au jour de la demande en justice ; que partant, indépendamment de toute discussion sur la validité de la prise en compte par le premier juge, au titre d'une note en délibéré, d'un constat d'huissier produit par le preneur, il sera relevé que celui-ci tend à faire constater le bon état général d'entretien et l'absence d'encombrants sur les parcelles non liés à une exploitation agricole au 7 avril 2014, soit près de deux ans après la demande de résiliation, de telle sorte que cette pièce doit également être écartée ; que dès lors que les deux pièces sur lesquelles s'appuient les consorts X... ne peuvent être retenues ces derniers échouent à rapporter la preuve des manquements qu'ils invoquent, la désignation d'un nouvel expert ne pouvant avoir pour objet de pallier à cette insuffisance ; qu'au-delà, les parties ne faisant que reprendre en cause d'appel leurs prétentions et leurs moyens de première instance et en l'absence d'éléments nouveaux, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties ; qu'il sera ajouté que les conclusions de madame Z..., motivées et claires, n'excèdent pas le cadre de la mission expertale et qu'il ne saurait être sérieusement reproché à ce rapport, pour en solliciter l'annulation, de mentionner au titre d'une revalorisation du fermage des superficies en maquis mécanisable et non mécanisable après avoir indiqué dans l'accédit qu'il n'était pas noté la présence de maquis sur les parcelles louées, alors que cette dernière indication fait référence à l'entretien de la parcelle considéré comme satisfaisant en tout état de cause ; qu'à cet égard, il sera rappelé qu'il incombe aux juges d'apprécier la gravité des manquements imputés au preneur, que la présence de divers encombrants, non véritablement discutée, pour condamnable qu'elle soit, ne saurait en soi, dès lors qu'elle reste limitée et alors que l'ensemble des parcelles s'avère entretenu selon l'objet du bail portant sur du pacage et non pas surf une mise en culture, justifier la résiliation du bail ; que c'est également à tort que les bailleurs contestent la méthode d'investigation de madame Z... au travers de la prise en compte de trois photographies aériennes qui n'ont eu d'autre objet que d'établir une régularité de l'entretien desdites parcelles depuis la première prise de vue en 1996 et non pas comme ils l'affirment de démontrer à tort que l'état actuel des parcelles correspondrait à celui de l'entrée dans les lieux étant observé qu'il n'a pas été procédé à un état des lieux d'entrée et que les bailleurs ne justifient pas de la nature et de l'état des dites parcelles au moment de la prise à bail ».
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE « selon l'article 171 du code civil on appelle bail à ferme le louage des héritages ruraux. Et l'article 1714 du même code, précise qu'on peut louer par écrit ou verbalement sauf en ce qui concerne les biens ruraux en application des règles particulières aux baux à ferme et à métayage. Par ailleurs, comme tout contrat, le fermage obéit aux règles du texte général en matière d'obligations, à savoir l'article 1134 du code civil qui prévoit que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ». En l'occurrence, l'auteur et l'époux des requérants, a donné à bail à ferme le 1er janvier 1993, pour une durée de 9 années, renouvelable, à monsieur Y..., sur la commune de Palasca diverses parcelles ainsi désignées au contrat :- Section B, n° 42, lieu-dit Purette pour 2 ha 75 à 05 ca.- Section B, n° 43, lieu-dit Purette, pour 11 à 85 ca.- Section B, n° 48, lieu-dit Guagno, pour 1 ha 04 à 60 ca.- Section B, n° 47, lieu-dit Guagno, pour 2 ha 88 à 10 ca.- Section B, n° 49, lieu-dit Guagno, pour 11 ha 55 à 90 ca.- Section B, n° 225, lieu-dit Pinello, pour 3 ha 50 à 90 ca.- Section C, n° 250, lieu-dit Bagno, pour 3 ha 71 à 00 ca.- Section, C, n° 251, lieu-dit Bano, pour 82 à 70 ca.- Section, C, n° 252, lieu-dit Bagno, pour 3 ha 41 à 60 ca.- Section C, lieu-dit Tufo pour 05 à 40 ca. Pour une contenance totale de 29 ha 86 a 76 ca, moyennant un loyer annuel de 5000 frs. Le bail mentionne cette destination précise : « le preneur devra occuper les lieux loués par lui-même paisiblement et pour la garde de troupeaux. Aucune construction ne pourra être établie sur lesdites parcelles sans autorisation expresse du propriétaire. Le propriétaire ainsi que ses héritiers directs se réservent le droit de faire du bois ainsi que de chasser sur les propriétés concernées par le présent bail. » Il est encore ajouté qu'à l'expiration du bail, le preneur s'engage à remettre au propriétaire ou à ses héritiers directs la totalité des immeubles qui lui ont été consentis par le présent bail. Les aménagements de toutes sortes sur la propriété restant acquis au bailleur. Il est clair que la volonté des rédacteurs de ce bail, et notamment de l'auteur des consorts X..., a été de permettre une occupation des lieux pour la garde de troupeaux et le pâturage. Contrairement à ce qui est soutenu par les consorts X..., le rapport d'expertise de madame Marie-Catherine Z... s'avère, complet, documenté, et procède d'une description minutieuse des parcelles des lieux loués, tant de visu, qu'à l'aide de photographies aériennes prises à différentes périodes qui constituent une méthode valable comme pouvant permettre, avec d'autres éléments probants, une comparaison sur l'évolution de l'état des parcelles. Par ailleurs, il ne saurait être fait sérieusement grief à l'expert de se reporter au contenu du bail rural, pour répondre aux dires des parties, quant à l'objet du contrat. Au demeurant, ce rapport d'expertise judiciaire a une force probante, supérieure au constat d'un huissier dressé non contradictoirement, puisque confié à un expert neutre désigné judiciairement dont les constatations ont été établies sur autorisation du tribunal, en la présence constante et contradictoire des parties et de leurs conseils. Sa valeur probante est également supérieure à tout rapport d'expertise officieux établi sur demande d'une partie d'un avis plus partisan. Aussi, il doit être retenu des investigations de madame Marie-Catherine Z... qu'elle conclut que la totalité des parcelles louées sont accessibles et clôturées, qu'elles sont planes et vallonnées, en nature de terre, terrains propres et gyrobroyées pour la plus grande partie. Il est fait état d'un engagement de monsieur Arthur Y... en Maet sur ces parcelles c'est-à-dire la mise en oeuvre de mesures agri environnementale avec l'office de l'environnement. A cet égard, l'article L 411-27 du code rural, précise que le fait que le preneur applique sur les terres prises à bail des pratiques ayant pour objet la préservation de la ressource en eau, de biodiversité, des paysages, de la qualité des produits des sols et de l'air, la prévention des risques naturels et la lutte contre l'érosion ne peut être invoquée à l'appui d'une demande de résiliation formée par le bailleur en application du présent article. Les photographies jointes au rapport d'expertise ainsi que celles de différentes prises de vues aériennes, à diverses époques, confirment ces constatations, à savoir des terres propres au pâturage et qui sont clôturées, et même irriguées par une installation à l'initiative du preneur, et qui correspond donc à la destination du bail. Les requérants ne peuvent exiger une mise en culture, des plantations, un ensemencement des terres et une exploitation des oliviers, (s'agissant de quelques anciens oliviers non greffés nommés oléastres, et non d'une oliveraie) qui ne correspondent pas à l'objet du bail qui fait la loi des parties. Il ne saurait non plus être reproché au preneur de laisser sur place une ancienne remorque de camions servant pour l'entreposage du fourrage pour l'alimentation de son cheptel, dès lors que « le pallier » n'est pas mentionné dans le bail, et qu'il ne lui a pas été donné l'autorisation de s'en servir, ni l'obligation de l'entretenir, et qu'il lui est fait l'interdiction, au terme du contrat, d'édifier toute construction. Enfin, le constat du 7 avril 2014 confirme que les lieux ont été nettoyés des ferrailles et débris qui étaient en attente d'enlèvement par les services concernés lors de l'expertise. En conséquence, il ne sera pas fait droit à la demande de résiliation du bail, de dommages-intérêts et demandes accessoires ».

ALORS 1°) QUE la preuve de la faute du preneur justifiant la résiliation du bail rural conformément à l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime, peut être rapportée par tous moyens ; qu'il peut s'agir notamment de constatations et photographies réalisées dans les lieux sans la présence et l'autorisation du preneur ou sans autorisation judiciaire, de tels éléments de preuve ne résultant d'aucun stratagème mis en oeuvre pour piéger le preneur en provoquant ses agissements ; qu'en écartant des débats l'expertise et le constat d'huissier produits par les consorts X... au prétexte qu'ils contenaient des constatations et photographies effectuées lors de visites des lieux en l'absence de monsieur Y... et sans qu'il soit justifié que ce dernier ait été avisé, la cour d'appel a violé le texte susmentionné ;
ALORS 2°) QU'en application du principe d'égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, une partie ne peut se voir interdire de faire la preuve d'un fait essentiel au succès de ses prétentions, ni plus généralement être placée en situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'ainsi, ne sauraient être écartées des débats l'expertise et les photographies de son fonds que le bailleur produit au soutien de sa demande de résiliation du bail rural, au prétexte qu'elles ont été réalisées sans la présence et l'autorisation du preneur ou sans l'autorisation du juge ; qu'en décidant d'écarter des débats l'expertise et le constat d'huissier produits par les consorts X... au motif qu'ils comprenaient des constatations et photographies effectuées lors de visites des lieux hors la présence de monsieur Y... et sans qu'il soit justifié que ce dernier ait été avisé, la cour d'appel a violé le principe et le texte sus rappelés ;
ALORS 3°) QU'un rapport d'expertise judiciaire n'a aucune force probante supérieure aux autres pièces, tels un rapport d'expertise non judiciaire et un constat d'huissier, soumises à l'appréciation par les juges du fond des présomptions graves, précises et concordantes ; qu'à supposer qu'elle ait adopté le motif du premier juge selon lequel le rapport d'expertise judiciaire avait une force probante supérieure à l'expertise non judiciaire et au constat d'huissier que les consorts X... versaient aux débats, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil. Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. Y..., demandeur au pourvoi incident

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. Y... aux dépens de première instance et d'appel ;
AUX MOTIFS QUE « les dépens de première instance et d'appel seront à la charge des consorts X... dont les prétentions sont pour l'essentiel rejetées par la cour » ;
ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en condamnant M. Y... aux dépens de première instance et d'appel après avoir retenu dans les motifs de sa décision que les dépens de première instance et d'appel seraient à la charge des consorts X... dont les prétentions étaient pour l'essentiel rejetées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 15-26940
Date de la décision : 22/06/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 16 septembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 22 jui. 2017, pourvoi n°15-26940


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.26940
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