LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que le 16 novembre 2015, se sont déroulées les élections des membres du comité d'entreprise et des délégués du personnel au sein de la société Eiffage énergie thermie Nord ; que le 26 novembre 2015, une requête en annulation du premier tour de ces élections a été présentée par M. X..., délégué syndical, et par le syndicat CFDT construction et bois de la métropole lilloise ;
Attendu que pour déclarer la demande irrecevable, le jugement retient que M. X... a déposé une requête en qualité de délégué syndical et non en qualité d'électeur ou de candidat, qu'il apparaît aux termes de la saisine initiale et des débats que l'intéressé n'intervient qu'au nom du syndicat ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'acte de saisine est établi tant au nom du syndicat CFDT construction et bois de la métropole lilloise qu'au nom de M. X..., le tribunal d'instance a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 26 avril 2016, entre les parties, par le tribunal d'instance de Lille ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Douai ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Eiffage énergie thermie Nord à payer au syndicat CFDT des travailleurs de la construction et bois de la métropole lilloise et à M. X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour le syndicat CFDT des travailleurs de la construction et bois de la métropole lilloise et M. X...
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR dit M. Jérémy X... irrecevable ;
AUX MOTIFS QUE « toute personne ayant intérêt à agir peut saisir le tribunal d'un contentieux concernant le déroulement des élections. Tout électeur a intérêt à agir mais uniquement pour les élections de son collège électoral. Il n'a pas d'intérêt à contester les élections intervenues dans un autre collège que le sien. A également intérêt à agir tout candidat, pour l'élection du collège auquel il appartient. Aux termes de l'article L. 2132-3 alinéa 1 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. L'article 416 alinéa 1er du code de procédure civile prévoit que celui qui entend représenter ou assister une partie doit justifier qu'il en a reçu le mandat ou la mission et l'article 117 du même code rappelle que le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte de représentation. Le représentant d'un syndicat doit en conséquence justifier de son pouvoir à agir, qui peut résulter des statuts ou d'un pouvoir spécial régulièrement donné avant l'expiration du délai de recours. En l'espèce, M. Jérémy X... a déposé une requête ès qualités de délégué syndical CFDT et non en qualité d'électeur ou de candidat, il demande d'ailleurs l'annulation des élections professionnelles du premier et deuxième collèges et présente une demande unique au titre de l'article 700 du code de procédure civile. En outre, il n'a oralement présenté à l'audience ses demandes qu'au nom de la CFDT, et non en son nom propre. La contestation des élections professionnelles s'inscrivant dans un délai de recours strict de quinze jours, il est nécessaire que la qualité de demandeur ne puisse entraîner aucune confusion. Il est à noter également qu'alors que la qualité à agir était contestée par les autres parties, M. Jérémy X... n'a développé ni par écrit ni oralement aucune argumentation sur sa qualité à agir en nom propre. Il apparaît donc bien tant aux termes de la saisine initiale, que des débats oraux que M. Jérémy X... n'intervient qu'au nom du syndicat. Sur la qualité à agir de M. Jérémy X... au nom du syndicat, ce dernier produit les statuts, lesquels prévoient à l'article 14 que « Le bureau syndical décide des actions en justice du syndicat et désigne le membre qui le représente. Entre deux réunions le secrétaire général peut engager toute procédure, à condition d'en avertir le bureau syndical à sa prochaine réunion ». M. Jérémy X... ne justifie d'aucune désignation du bureau et il n'est pas secrétaire général, il ne pouvait donc engager le syndicat sans pouvoir spécifique. M. Jérémy X... est en conséquence irrecevable en sa requête, sans qu'il soit besoin en conséquence d'examiner le fond » ;
ALORS 1°) QUE : il est interdit aux juges de dénaturer les éléments de la cause ; que l'acte de saisine du tribunal d'instance de Lille est établi au nom du syndicat CFDT Construction et Bois de la Métropole Lilloise et de M. Jérémy X..., qui n'a pas déclaré agir en qualité de représentant du syndicat ; qu'en considérant qu'il apparaîtrait aux termes de la saisine initiale que M. Jérémy X... ne serait intervenu qu'au nom du syndicat, le tribunal a dénaturé l'acte de saisine du tribunal d'instance en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS 2°) QU'une action en nullité d'élections professionnelles peut être introduite au nom d'un syndicat par son secrétaire général dès lors que les statuts lui en donnent le pouvoir ; que l'article 14 des statuts du syndicat des Travailleurs de la Construction et Bois de la Métropole Lilloise stipule qu'« entre deux réunions » du bureau syndical « le secrétaire général peut engager toute procédure, à condition d'en avertir le bureau syndical à sa prochaine réunion » ; qu'en déclarant M. X... irrecevable, sans examiner si la procédure n'avait pas été engagée, non seulement par M. X..., mais aussi par le syndicat, représenté par son secrétaire général lequel en avait averti le bureau syndical, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2132-3 du code du travail.