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21/06/2017 | FRANCE | N°16-10061

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 juin 2017, 16-10061


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu les articles 1354 et 1356 du code civil dans leur rédaction alors applicable ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que l'aveu judiciaire n'est admissible que s'il porte sur des points de fait et non sur des points de droit ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 novembre 2015), que Mme X..., engagée le 4 juin 2009, en qualité de secrétaire générale par la société Debioclinic, a été licenciée pour faute grave le 19 juillet 2010 ; que M. Y... a été nommé liquida

teur amiable de la société Debioclinic ;
Attendu que pour rejeter les demandes de ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu les articles 1354 et 1356 du code civil dans leur rédaction alors applicable ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que l'aveu judiciaire n'est admissible que s'il porte sur des points de fait et non sur des points de droit ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 novembre 2015), que Mme X..., engagée le 4 juin 2009, en qualité de secrétaire générale par la société Debioclinic, a été licenciée pour faute grave le 19 juillet 2010 ; que M. Y... a été nommé liquidateur amiable de la société Debioclinic ;
Attendu que pour rejeter les demandes de la salariée, l'arrêt retient que cette dernière a fait valoir que la société avait épuisé son pouvoir disciplinaire puisque les faits ayant conduit à son licenciement avaient déjà fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire du 7 au 19 juillet 2010, la pièce produite par l'employeur constituant un faux, qu'interpellé par le président sur l'aveu judiciaire que constituerait l'intitulé de la demande de rappel de salaire formulée pour la même période, dans les écritures de première instance visées le 6 septembre 2011, faisant référence à la mise à pied conservatoire, le conseil de la salariée a répondu par la négative, arguant de ce qu'il lui était loisible en cause d'appel de soulever des moyens nouveaux et des demandes nouvelles, que si l'effet dévolutif de l'appel et l'unicité de l'instance autorisaient effectivement une partie à formuler des demandes nouvelles et à invoquer des moyens nouveaux à l'appui de ses prétentions, pour autant la reconnaissance dans l'intitulé de ses écritures de première instance de la nature de la mesure prise à l'encontre de la salariée, en l'occurrence de son caractère conservatoire, constituait à son égard un aveu judiciaire qui lui était opposable, de sorte que l'intéressée n'était pas fondée à soutenir que l'employeur avait pris une mesure de mise à pied disciplinaire et épuisé ainsi son pouvoir disciplinaire à son encontre ;
Qu'en se fondant ainsi sur l'aveu portant sur un point de droit tenant à la qualification juridique des faits, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Debioclinic et M. Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Debioclinic et M. Y..., ès qualités, à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme X... de ses demandes formées à l'encontre de la société Debioclinic ;
AUX MOTIFS QUE pour infirmation de la décision entreprise, Mme X... fait essentiellement valoir que la société Debioclinic a épuisé son pouvoir disciplinaire puisque les faits ayant conduit à son licenciement avaient déjà fait l'objet d'une sanction disciplinaire, en l'espèce une mise à pied disciplinaire du 7 au 19 juillet 2010, la pièce produite par l'employeur constituant un faux ; qu'interpellé par le président sur l'aveu judiciaire que constituerait l'intitulé de la demande de rappel de salaire formulée pour la même période, dans les écritures de première instance visées le 6 septembre 2011, faisant référence à la mise à pied conservatoire, le conseil de la salariée répond par la négative, arguant de ce qu'il lui est loisible en cause d'appel de soulever des moyens nouveaux et des demandes nouvelles ; que si l'effet dévolutif de l'appel et l'unicité de l'instance autorisent effectivement une partie à formuler des demandes nouvelles et à invoquer des moyens nouveaux à l'appui de ses prétentions, pour autant la reconnaissance dans l'intitulé de ses écritures de première instance de la nature de la mesure prise à l'encontre de la salariée, en l'occurrence de son caractère conservatoire, constitue à son égard un aveu judiciaire qui lui est opposable, de sorte que l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que l'employeur avait pris une mesure de mise à pied disciplinaire et épuisé ainsi son pouvoir disciplinaire à son encontre.
ALORS QUE la déclaration d'une partie ne peut être retenue contre elle comme constituant un aveu que si elle porte sur des points de fait et non sur des points de droit ; qu'en opposant à Mme X..., pour la débouter de ses demandes, la qualification juridique qu'elle avait donnée, dans ses écritures de première instance, à la mesure de mise à pied dont elle avait fait l'objet, la cour d'appel a violé les articles 1354 et 1356 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme X... de ses demandes formées à l'encontre de la société Debioclinic ;
AUX MOTIFS QU'il est constant que Mme Elisabeth X...a été embauchée par la société Debioclinic à compter du 4 juin 2009 et que dès le mois d'octobre 2009 M. A...a alerté sa supérieure hiérarchique directe et son directeur général pour se plaindre de son comportement à son égard ; qu'il ressort en outre des pièces et attestations produites, en particulier de celle de la supérieure de M. A...qu'en dépit des recadrages dont elle a fait l'objet en comité de direction, Mme X... a persisté à adopter à l'égard de ce salarié, un comportement agressif, grossier voire humiliant ainsi qu'une attitude injustement critique à l'égard de son travail, au point de conduire ce salarié à se plaindre à nouveau le 17 mai 2010 des agissements de Mme X... puis de démissionner de ses fonctions d'agent de projet le 19 mai 2010 ; qu'il est également établi qu'antérieurement, Mme B..., ancienne directrice administrative et des ressources humaines de la société et Mme C..., ancienne secrétaire comptable, ont été déclarées inaptes et licenciées respectivement en février 2010 et en juillet 2010, à la suite de la dégradation de leur état de santé ayant justifié des soins spécialisés et qu'elles imputent à l'attitude de Mme X... à leur égard, caractérisée selon elles par des brimades et des insultes ; qu'au surplus, il ressort des conclusions de l'audit engagé à l'initiative du fondateur du groupe, rendues le 29 juin 2010 qu'au-delà du constat d'une crise managériale et sociale aiguë affectant l'entreprise, traduisant une perte de confiance dans l'équipe de management en place, dépassant la seule personne de Mme X..., que les griefs se concentraient sur la fonction de secrétaire général qu'elle occupait, perçue « comme la fonction à l'origine de l'agression », du fait d'une attitude tendant notamment à faire une distinction trop marquée entre les cadres et les non-cadres et à pratiquer un management par la culpabilité et l'humiliation ; qu'à cet égard, il ressort des attestations des deux salariées précitées, qu'en ce qui concerne Mme B..., Mme X... s'est non seulement opposée à tout reclassement de l'intéressée suite à l'avis d'inaptitude mais a délibérément établi un chèque de solde de tout compte erroné, faisant obstacle à son encaissement et s'agissant de Mme C..., que lors de la médiation engagée par la médecine du travail, Mme X... a indiqué à l'intéressée, huit mois après une tentative de suicide que son retour dans l'entreprise constituerait une gêne ; qu'un tel comportement de Mme X... à l'égard de ces trois salariés, corroborée par les conclusions du rapport d'audit est particulièrement fautif et ce, sans que l'intéressée soit fondée à se prévaloir de la frustration de Mme B...de s'être vu imposer un échelon hiérarchique intermédiaire et de ne pas s'être vu attribuer le poste de secrétaire général, ou de la brièveté de la cohabitation avec Mme C...; que de surcroît, la persistance de Mme X... sur une période d'un an dans des attitudes managériales délétères déjà recadrées, constitue au regard de l'obligation de sécurité de résultat pesant sur l'employeur, un obstacle suffisant à son maintien dans l'entreprise en ce que ces comportements étaient de nature et avaient eu pour effet d'affecter l'état de santé des salariés et de dégrader leurs conditions de travail, de sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris et de débouter Mme X... de l'ensemble de ses demandes ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les motifs évoqués dans la lettre de licenciement se réfèrent à des manquements de Mme Elisabeth X..., et que ces manquements lui sont totalement imputables ; qu'il ne fait nul doute que Mme Elisabeth X...n'a pas pris la mesure de son poste au sein d'une petite entité ; que par exemple, il ne fait nul doute que Mme Elisabeth X...n'a pas pris le temps de répondre aux demandes des services de l'administration (Inspection du travail, enquête du Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, INSEE, …) et que ces seuls motifs peuvent qualifier le licenciement pour faute grave ; qu'il n'est pas contesté que Mme Elisabeth X...a retrouvé un emploi en 2011 au sein de la société Nordic Pharma ; qu'il n'est pas contesté certaines pratiques de versement d'acomptes à son profit sans justificatifs ;
ALORS, 1°), QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige et le juge ne peut apprécier le bien-fondé du licenciement au regard de griefs qui n'y auraient pas été invoqués ; qu'en relevant, pour dire que le licenciement reposait sur une faute grave, que Mme X... s'était rendue coupable de faits constitutifs de harcèlement moral ayant provoqué le départ de trois salariés, cependant que si la lettre de licenciement incriminait les pratiques managériales de Mme X..., elle ne lui imputait pas de pratiques constitutives de harcèlement moral ayant provoqué le départ de trois salariés, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail ;
ALORS, 2°), QUE la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs ; qu'en retenant la faute grave après avoir constaté que l'employeur avait été informé dès le mois de février 2010 des faits que M. A...ou Mme B...reprochaient à Mme X..., soit plus de six mois avant que ne soit engagée la procédure de licenciement, ce dont il ressortait que celle-ci n'était pas intervenue dans un délai restreint, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
ALORS, 3°), QU'en considérant qu'il résultait de l'attestation de Mme D...qu'en dépit des recadrages dont elle avait fait l'objet par le comité de direction, Mme X... avait persisté dans son comportement à l'égard de M.. A..., cependant que, dans cette attestation, Mme D...n'avait pas évoqué l'existence d'un quelconque recadrage émanant des membres du comité de direction, la cour d'appel a dénaturé cette attestation et a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS, 4°), QU'en ajoutant que Mme X... avait, pendant plus d'un an, adopté des attitudes managériales délétères déjà recadrées, sans analyser, ne serait-ce que succinctement, les pièces sur lesquelles elle se fondait cependant que Mme X... avait produits des pièces démontrant que non seulement la direction avait été mise au courant par ses soins des pratiques qui lui étaient reprochées mais qu'elle ne lui en avait fait aucun reproche ayant, au contraire, immédiatement après, évalué comme excellentes ses compétences comportementales et managériales, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, 5°), QU'en relevant encore, par motif adoptés, que l'absence de réponse par Mme X... aux demandes des services de l'Administration pouvaient, à eux-seuls, constituer une faute grave, sans caractériser, comme elle y avait été invitée, en quoi ces faits, à les supposer établis, rendaient impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise, même pendant la durée limitée du préavis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
ALORS, 6°), QU'en relevant encore, par motifs adoptés, que certaines pratiques de versement d'acomptes à son profit, sans justificatifs, n'étaient pas contestés par Mme X..., cependant que ce grief n'avait pas été énoncé dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-10061
Date de la décision : 21/06/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 05 novembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 jui. 2017, pourvoi n°16-10061


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.10061
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