LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Le Service départemental d'incendie et de secours des Vosges,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de NANCY, en date du 19 novembre 2015, qui a prononcé sur une ordonnance de taxe ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 10 mai 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller BONNAL, les observations de la société civile professionnelle GARREAU, BAUER-VIOLAS et FESCHOTTE-DESBOIS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CUNY ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 1424-2, L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales, 60, 74-1, 800, R. 92, 593 du code de procédure pénale, manque de base légale, insuffisance de motifs ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a dit n'y avoir lieu à faire droit à la demande de prise en charge au titre des frais de justice criminelle, correctionnelle ou de police des frais relatifs aux opérations de recherches par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Vosges des deux disparus sur réquisition d'un officier de police judiciaire ;
"aux motifs propres que, au fond, le SDIS des Vosges demande la prise en charge au litre des frais de justice criminelle, correctionnelle ou de police des frais de recherches de deux jeunes (une mineure de 14 ans et un jeune de 18 ans) dans un massif forestier et ce ensuite d'une réquisition qui lui a été adressée par un officier de police judiciaire du commissariat de police de Remiremont le 21 novembre 2011 au visa de l'article 60 du code de procédure pénale ; que la définition des frais de justice criminelle, correctionnelle et de police de l'article R. 92 du code de procédure pénale comprend en 6°) les dépenses diverses d'exhumation ou de travaux techniques exposés au cours d'une procédure suivie en application des articles 74 à 74-2 ;
que ces articles visent : pour l'article 74 la découverte de cadavre, pour l'article 74-1 la disparition d'un mineur ou d'un majeur protégé ou la disparition inquiétante d'un majeur et pour l'article 74-2 la recherche et la découverte de personnes en fuite ; que le cas d'espèce concerne selon la réquisition de l'officier de police judiciaire "la disparition inquiétante d'une mineure de 14 ans et d'un jeune de 18 ans dans le massif forestier du Fossard à Saint Etienne les Remiremont au lieu dit "le pont des fées", le 21 novembre 2011 ; que pour la mise en oeuvre de l'article 74-1, l'officier de police judiciaire peut faire procéder aux actes visés par les articles 56 à 62 du code de procédure pénale ; que l'article 60 concerne les constatations ou examens techniques ou scientifiques ; que la réquisition susvisée portait sur la mise à disposition d'une équipe cynophile et d'une équipe de première intervention montagne ; que le SDIS des Vosges entend faire supporter au titre des frais de justice ses frais d'intervention dans le cadre de cette réquisition aux motifs que son intervention telle que requise ne concerne pas une activité d'urgence relevant des missions des services d'incendie et de secours énoncées par l'article L. 1 424-2 du code général des collectivités territoriales et qu'elle peut être facturée, que le SDIS participe sans frais aux recherches de personnes disparues lorsque les forces de l'ordre font appel à lui dans les 24 heures de la disparition, ce qui caractérise l'urgence et qu'en cas de mission non urgente, conformément à l'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales, le SDIS est autorisé à faire participer un demandeur d'une mission non urgente au paiement des frais exposés par la collectivité ; que les missions du SDIS sont définies ainsi qu'il suit par l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales :
- (…)
- 3) protection des personnes,
- 4) secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation ; que la recherche d'une personne mineure et d'un jeune de 18 ans relève de la mission de protection des personnes ; qu'il n'est fait nullement état en l'espèce d'un accident, d'un sinistre, d'une catastrophe ou d'une évacuation, toutes missions qui relèvent de la notion d'urgence selon la définition de 4°) de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales ; que les prestations payantes du SDIS sont celles qui ne se rattachent pas directement à l'exercice de ses missions (article L. 1414-42 du même code) ; que dans ces conditions, la recherche, objet de la réquisition du commissariat de police de Remiremont du 21 novembre 2011 visant une mineure de 14 ans disparue en forêt, en plein mois de novembre relevant de la mission de protection des personnes ne saurait être prise en charge par le demandeur (l'officier de police judiciaire requérant et les frais de justice) au sens de l'article L. 1424-42 ; qu'il convient de rejeter le recours et de confirmer l'ordonnance du 11 juin 2015 ;
"et aux motifs éventuellement adoptés que :
Réquisitoire :
Nous le Procureur de la République
Il est inenvisageable que ces sommes soient prises en charge sur les frais de justice dès lors que le SDIS est une personne morale de droit public et que la recherche à la personne est une des missions de service public qu'elle assure ;
Ordonnance de taxe :
Nous Haquet Jean-Baptiste Président
Disons n'y avoir lieu à accorder une quelconque somme à ce titre au regard des arguments développées ci-dessus (ordonnance de taxe) ;
"1°) alors que par exception au principe de gratuité, le service d'incendie et de secours peut demander, s'il a procédé à des interventions ne se rattachant pas directement à l'exercice de ses missions, aux personnes bénéficiaires une participation aux frais dans les conditions déterminées par délibération du conseil d'administration ; qu'une intervention ne saurait être gratuite sous prétexte qu'elle concerne une personne si elle ne comporte aucun secours d'urgence ; que relèvent des frais de justice criminelle, correctionnelle ou de police les dépenses de travaux techniques au titre d'une procédure suivie en application des articles 74 à 74-2 du code de procédure pénale ; qu'en énonçant que les interventions du SDIS des Vosges relevaient de sa mission de service public de protection des personnes visée à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales lorsque ces interventions requises en vertu de l'article 60 du code de procédure pénale dans le cadre d'une enquête de police judiciaire pour la recherche de personnes disparues en application de l'article 74-1 du même code de procédure pénale, dont il n'a pas été établi qu'elles participaient des secours d'urgence aux personnes et qui étaient destinées à la recherche de la vérité, ne se rattachaient pas directement à l'exercice des missions de service public énumérées à l'article L. 1424-2 et devaient être pris en charge au titre des frais de justice criminelle, correctionnelle ou de police, la cour d'appel a violé les articles précités ;
"2°) alors que l'insuffisance de motifs équivaut à l'absence de motifs ; que le service d'incendie et de secours peut demander, s'il a procédé à des interventions ne se rattachant pas directement à l'exercice de ses missions, aux personnes bénéficiaires une participation aux frais dans les conditions déterminées par délibération du conseil d'administration ; qu'en retenant que la recherche d'une mineur de 14 ans disparue en forêt au mois de novembre relevait des missions du SDIS visées à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales sans caractériser de façon circonstanciée en quoi la recherche de l'autre disparu, majeur, pour la recherche duquel le SDIS avait été également réquisitionné, relevait des missions du SDIS visées à l'article L. 1424-2, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes et principes susvisés" ;
Vu l'article R. 92, 9°, du code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure au décret du 26 août 2013 ;
Attendu que, selon ce texte, les dépenses diverses de reconstitution, d'exhumation ou de travaux techniques exposées pour l'instruction d'une affaire particulière et pour une enquête préliminaire ou de flagrant délit, à l'exclusion des dépenses de fonctionnement, sont des frais de justice criminelle, correctionnelle et de police ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'un officier de police judiciaire agissant en application des dispositions de l'article 74-1 du code de procédure pénale à la suite de la disparition inquiétante d'un mineur et d'un jeune majeur, a, le 21 novembre 2011, requis, conformément à l'article 60 du même code, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Vosges de mettre à sa disposition une équipe cynophile et une équipe de première intervention en montagne ; que le président du tribunal de grande instance a rejeté le mémoire des frais afférents à cette intervention présenté par le SDIS des Vosges, qui a formé un recours contre cette décision ;
Attendu que, pour rejeter le recours, l'arrêt retient que l'intervention effectuée relevait de la mission de protection des personnes impartie aux SDIS par l'article L. 1424-2 du code général des collectivités locales, laquelle n'exige pas, au contraire des secours en cas d'accident, qu'une condition d'urgence soit satisfaite, de sorte que ce service ne pouvait demander aux personnes bénéficiaires, et en l'espèce à l'officier de police judiciaire qui l'avait requis, une participation aux frais au sens de l'article L. 1224-42 du même code ;
Mais attendu qu'en se déterminant par ces motifs, alors que le SDIS des Vosges avait été requis, en application des dispositions de l'article 74-1 du code de procédure pénale, pour procéder à des actes de nature à permettre la découverte de personnes, dont un mineur, disparues dans des conditions inquiétantes ou suspectes, actes destinés à la recherche de la vérité, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, en date du 19 novembre 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Metz, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt juin deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.