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20/06/2017 | FRANCE | N°16-83855

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 juin 2017, 16-83855


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Henri X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 19 mai 2016, qui, pour diffamation publique envers un fonctionnaire public, l'a condamné à 500 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 10 mai 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Bonnal, conseiller ra

pporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Henri X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 19 mai 2016, qui, pour diffamation publique envers un fonctionnaire public, l'a condamné à 500 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 10 mai 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller BONNAL, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, de la société civile professionnelle MEIER-BOURDEAU et LÉCUYER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CUNY ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 23, 29, alinéa 1er, 30 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, préliminaire, 111-4, 121-6 et 121-7 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a confirmé le jugement entrepris sur les dispositions pénales en condamnant le prévenu du chef de diffamation publique envers une personne à raison de sa fonction ou de sa qualité ;
" aux motifs que M. X..., dans une lettre ouverte adressée au général Pierre C..., chef d'état-major des armées, publiée dans l'édition du 20 septembre 2014 du Journal du Combattant, affirme, au sujet du cas de M. Maurice

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arrêté à Alger le 11 juin 1957 et disparu le 21 juin 1957 dans des conditions non élucidées, « que le général Maurice A...(...) était capitaine à l'époque des faits, dans les fonctions d'officier de renseignements ; qu'il rencontrait donc quotidiennement au quartier général (QG) de l'état-major d'Alger tous les autres officiers de renseignement du secteur que ce courrier porte sur la disparition en Algérie, en juin 1957, de Maurice

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pour lequel M. X... demande au chef d'état-major d'apporter des réponses précises sur l'implication de certains militaires dans sa mort, citant un certain nombre de témoins potentiels dont le général A... ; qu'il est établi qu'à la période indiquée M. A... était lieutenant et non capitaine et n'exerçait pas la fonction d'officier de renseignement mais celle de chef de section de mortiers dans le 3e régiment de parachutistes coloniaux, engagé dans le Massif Blidéen en mai et juin 1957 ; que cette affirmation est donc fausse sur trois points factuels (le grade, la fonction, la présence à Alger au moment de la disparition de M. Maurice

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) qui ne peuvent constituer de simples erreurs involontaires puisque le prévenu entre 2002 et 2005 a été, à deux reprises, en procès avec le général A..., produisant même, lors d'une de ces instances, une copie d'extraits d'un livre de ce dernier qu'il avait donc lu et ainsi pu apprendre quelles étaient, en juillet 57, les activités de la compagnie qu'il commandait avec le grade de lieutenant ; que le passage litigieux constitue une accusation mensongère extrêmement grave formulée publiquement qui accrédite l'idée selon laquelle le général d'armée A... (CR), en raison de son grade et de ses fonctions, aurait été informé des événements relatifs à l'affaire
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voire aurait été témoin de ceux-ci et qu'il garderait le silence ; qu'il s'agit d'une atteinte à l'honneur et à la considération du général A... qui a terminé sa carrière au sommet de la hiérarchie militaire ; que soutenir, comme le fait l'avocat du prévenu dans ses conclusions, que la décision de publication du courrier dans le journal ne peut pas être imputée à M. X... faute d'éléments l'établissant, ne résiste ni à la simple observation qu'il s'agissait d'une lettre ouverte, donc destinée à être publiée (une photographie diffusée par le journal immortalise la remise solennelle de cette lettre ce qui montre une coordination avec le journal qui va publier le document), ni à la constatation que la publication n'a jamais fait l'objet de protestations de la part du prévenu ; que ce journal est diffusé par voie d'abonnement sur l'ensemble du territoire ; que l'affaire
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constitue incontestablement un sujet d'intérêt public majeur ; que la bonne foi de M. X... ne peut pas être admise en raison des actions antérieures déjà évoquées menées contre le général A... ; que les erreurs factuelles commises sont exclusives d'une enquête sérieuse et que la formulation du texte ne traduit pas une prudence dans l'expression ; que le tribunal a fait une exacte application de la loi pénale ; que la décision déférée sera confirmée tant sur la culpabilité que sur la répression ; que le casier judiciaire du prévenu comporte la mention d'une condamnation, réhabilitée de plein droit, à une peine d'amende pour diffamation qui concernait déjà le général A... ;
" 1°) alors que la responsabilité pénale d'une personne du chef de diffamation publique ne peut être retenue qu'à la condition qu'elle ait accepté, en connaissance de cause, la publication de ses écrits ; que la volonté de publier ne saurait en aucun cas être présumée de la simple remise d'une lettre ouverte adressée à un tiers, ni de ce que sa publication n'a jamais fait l'objet de protestations de la part de son rédacteur ;
" 2°) alors que, si l'auteur des propos repris par un journaliste peut en répondre en qualité de complice dans les termes de droit commun, c'est à la condition que soient relevés contre la personne poursuivie sous cette qualification, des faits personnels, positifs et conscients de complicité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait valablement condamner le prévenu sans avoir recherché, ainsi que l'y invitaient les conclusions régulièrement déposées, s'il avait commis un acte de complicité en fournissant au Journal du Combattant la matière de leur article ;
" 3°) alors que, par ailleurs, la cour d'appel a méconnu son office et dénaturé les propos poursuivis en condamnant M. X... au prétexte qu'il avait commis trois erreurs factuelles portant sur le grade, la fonction et la présence à Alger de la partie civile « accréditant l'idée selon laquelle (…) (il) aurait été informé des événements relatifs à l'affaire
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voire aurait été le témoin direct de ceux-ci et qu'il garderait le silence », lorsqu'il résultait des termes mêmes utilisés par le prévenu, dans l'article publié sous le titre évocateur « Maurice

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: à quand la vérité ? », que celui-ci s'était borné à s'interroger sur les possibles informations détenues par la partie civile sans rien lui imputer d'attentatoire à l'honneur et à la considération ;
" 4°) alors que, le bénéfice de la bonne foi ne saurait être subordonné à la preuve de la vérité des faits diffamatoires ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait se borner à retenir que « les erreurs factuelles commises sont exclusives d'une enquête sérieuse et que la formulation du texte ne traduit pas une prudence dans l'expression », sans rechercher si ces erreurs, d'ailleurs reconnues par le prévenu, ne revêtaient pas un caractère accessoire et, partant, n'étaient pas exclusives de l'existence d'une base factuelle suffisante au regard du sens véritable du passage poursuivi ;
" 5°) alors que la liberté d'expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que, dès lors, en s'abstenant de rechercher si les termes utilisés par le prévenu, militant associatif et président de l'association Républicaine des Anciens Combattants des Yvelines, n'avaient pas excédé les limites de la critique admissible, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de la procédure que M. Maurice A..., ancien chef d'état-major des armées, a fait citer M. Henri X... devant le tribunal correctionnel, du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire public, à la suite de la publication, dans Le journal du combattant, d'une lettre ouverte intitulée " Maurice

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: à quand la vérité ? " remise par le prévenu, responsable d'une association d'anciens combattants, au général C..., chef d'état-major des armées, et ce, en raison du passage suivant : " … la hiérarchie militaire dispose de tous les moyens d'établir la liste des militaires encore vivants qui ont été des témoins directs de cet assassinat et de recouper les divers éléments, témoignages de ce puzzle, pour que la vérité soit connue. Le Général Maurice A... (qui occupa les mêmes fonctions que vous actuellement, il y a quelques années) était capitaine à l'époque des faits, dans les fonctions d'Officier de renseignements. Il rencontrait donc quotidiennement au QG de l'Etat-major d'Alger tous les autres officiers de renseignements du secteur. Ils se retrouvaient pour faire le point de leurs « résultats ». Le cas de Maurice

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(comme celui de Henri
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) a donc été obligatoirement commenté très largement étant donné l'importance de tels « détenus » " ; que les juges du premier degré ont déclaré le prévenu coupable ; que celui-ci, ainsi que le ministère public, ont relevé appel de cette décision ;
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches ;
Attendu que, pour confirmer le jugement sur la responsabilité du prévenu dans la publication de la lettre ouverte dans Le journal du combattant, l'arrêt énonce, par motifs propres, qu'une lettre ouverte est destinée à être publiée, que le journal a diffusé une photographie de la remise de la lettre à son destinataire, ce qui montre une coordination entre l'auteur de la lettre et l'organe de presse, et que le prévenu n'a pas protesté à la publication de la lettre, et, par motifs adoptés, que le prévenu, dans sa lettre, annonce qu'il va la rendre publique et, dans la présentation qui en est faite par le journal, relate lui-même les circonstances de sa remise à son destinataire ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui relèvent contre le prévenu des actes personnels, positifs et conscients caractérisant une complicité de droit commun, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que les griefs ne sont pas fondés ;
Sur le moyen, pris en ses autres branches ;
Attendu que, pour confirmer le jugement sur le caractère diffamatoire des propos et l'absence de bonne foi du prévenu, l'arrêt énonce notamment que le passage litigieux impute au général A... d'avoir été informé, voire d'avoir été témoin, des événements relatifs à la disparition de Maurice

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, et d'avoir gardé le silence ; que les juges ajoutent que si l'affaire
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constitue un sujet d'intérêt public majeur, la bonne foi du prévenu ne peut être admise en raison des actions antérieures menées contre le général A..., de l'absence de prudence des propos et des erreurs factuelles commises sur le grade, les fonctions et le lieu d'affectation de la partie civile, qui était en réalité au moment des faits lieutenant et chef de section au sein d'un régiment engagé dans le massif blidéen, erreurs qui sont exclusives d'une enquête sérieuse ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, abstraction faite de celui, erroné mais surabondant, selon lequel le caractère diffamatoire des propos résulterait des erreurs qu'ils contiennent, exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés et, à bon droit et dans le respect des dispositions conventionnelles visées au moyen, dès lors que, quoique portant sur un sujet d'intérêt général, les propos ne reposaient pas sur une base factuelle suffisante, refusé au prévenu le bénéfice de la bonne foi, sans la subordonner à la preuve de la vérité des faits ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. X... devra payer à M. A... en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt juin deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-83855
Date de la décision : 20/06/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 19 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 jui. 2017, pourvoi n°16-83855


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.83855
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