LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 30 mars 2016), que M. X...a conclu avec la société JCD Landes un contrat de construction de maison individuelle, le délai de réalisation de l'ouvrage étant fixé à douze mois ; que la Compagnie européenne de garanties et cautions (la CEGC) a accordé sa garantie de livraison, l'acte stipulant que « la garantie ne s'applique pas lorsque le retard résulte d'une cause étrangère (force majeure, fait d'un tiers ou du maître de l'ouvrage) et notamment en cas de : retard de paiement par le maître d'ouvrage des appels de fonds justifiés du constructeur, permis modificatif, arrêté interruptif de chantier non imputables au constructeur, intempéries au sens de l'article L. 731-2 du code du travail,
désordres impliquant une expertise contradictoire nécessaire à l'imputabilité des dommages relevant de la garantie de livraison et de l'assurance dommages-ouvrage ou responsabilité civile et retardant la mise en oeuvre de l'obligation de faire du garant et, de manière générale, toutes les exceptions que le constructeur serait susceptible d'opposer au maître d'ouvrage en vertu du contrat » ; qu'invoquant des désordres affectant les fondations de l'immeuble, M. X... a, après expertise, assigné la société JCD Landes et la CEGC aux fins de voir condamner, la première, à exécuter le contrat selon le mode de reprise préconisé par l'expert et les deux à lui payer des pénalités de retard ;
Attendu que, pour condamner la CEGC à payer la somme de 40, 42 euros par jour pour la période comprise entre le 22 décembre 2014 et la date de livraison de l'ouvrage, l'arrêt retient qu'elle ne peut être tenue au-delà des termes de l'acte de cautionnement et de garantie de livraison aux termes duquel il est stipulé que la garantie ne s'applique pas lorsque le retard résulte d'une cause étrangère, notamment en divers cas énumérés, que, de la nature non exhaustive de cette liste, on déduit que le garant est fondé à se prévaloir tant de la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire que de la péremption incontestablement acquise, par application de l'article R. 427-17 du code de l'urbanisme, du permis de construire initial à compter du 23 décembre 2011, tous faits qui ne lui sont pas imputables et qui constituent des cas de force majeure empêchant l'exécution de son obligation de garantir l'édification d'un ouvrage conforme au permis de construire au vu duquel sa garantie a été accordée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le garant de livraison ne peut limiter la portée des dispositions légales et d'ordre public applicables à cette garantie au-delà des cas prévus par l'article L. 231-3 du code de la construction et de l'habitation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la CEGC à payer la somme de 40, 42 euros par jour pour la période comprise entre le 22 décembre 2014 et la date de livraison de l'ouvrage, l'arrêt rendu le 30 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société Compagnie européenne de garanties et cautions aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Compagnie européenne de garanties et cautions et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, D'AVOIR limité la condamnation au titre des pénalités de retard de la société CEGC, garanti de livraison, à la somme de 40, 42 euros par jour pour la période comprise entre le 22 décembre 2014 et la date de livraison de l'ouvrage ;
AUX MOTIFS QUE sur les demandes au titre des pénalités de retard ; que dans le dernier état de ses conclusions, M. X... forme une demande de fixation de créance à l'encontre de la SARL JCD Landes et de condamnation à paiement de la SA CEGC à concurrence de la somme de 79 384, 88 €, sur la base de pénalités de retard d'un montant de 40, 42 € par jour, selon décompte arrêté au 17 novembre 2015, à parfaire ; que la date contractuelle théorique de livraison doit être fixée, en application de l'article 3 du chapitre C des conditions particulières du contrat de construction, au 19 janvier 2010 soit douze mois après la déclaration réglementaire d'ouverture du chantier en date du 19 janvier 2009 ; que sur la demande formée contre Me
Y...
, ès qualités ; que la SARL JCD Landes ne justifie d'aucune cause de prorogation du délai de livraison au sens de l'article 111-4 des conditions générales du contrat de construction de maison individuelle qui stipule que le délai de construction et la date de fin du délai contractuel de construction sont prorogés de plein droit :- de la durée du chantier provoqué par les retards de paiement du maître de l'ouvrage, étant considéré que le maître de l'ouvrage était en l'espèce fondé, compte tenu de la gravité des désordres affectant le système de fondations du bâtiment telle que constatée ci-dessus, à opposer à la demande en paiement de l'entreprise des situations n° 3 et 4 une exception d'inexécution,- en cas de modifications demandées par le maître d'ouvrage ou imposées par l'administration, hypothèse non invoquée par Me Y..., ès qualités,- de la durée du retard apportée dans l'exécution travaux à réaliser par le maître d'ouvrage ou commandés par lui à tiers, hypothèse également non invoquée par Me Y..., qualités,- de la durée des interruptions pour cas de force majeure ou pour cas fortuit et de la durée des intempéries..., hypothèse non invoquée par Me Y..., ès qualités ; que par ailleurs, l'engagement d'une procédure de référéexpertise par le maître d'ouvrage au vu de ses craintes-fondées-sur la pérennité de l'ouvrage constitue, non une immixtion fautive dans la conception ou la réalisation de l'ouvrage, exonératoire de responsabilité pour le constructeur au titre du dépassement du délai contractuel de construction, mais un acte de préservation-légitime-de ses intérêts, dépourvu de tout effet suspensif sur les délais d'exécution ; qu'enfin, la péremption du permis de construire en ce qu'elle résulte d'un défaut d'achèvement des travaux dans le délai de validité du permis imputable aux seuls manquements contractuels de la SARL JCD Landes ne peut constituer une cause d'exonération au profit de cette dernière ; qu'il convient dès lors, réformant le jugement entrepris, en considération tant de la mise en liquidation judiciaire de la SARL CD Landes que du temps écoulé depuis son prononcé, de fixer la créance de M. X... contre la SARL JCD Landes, au titre pénalités de retard, à la somme de 79 384, 88 €, selon décompte arrêté au 17 novembre 2015 ; que sur la demande formée contre la SA CEGC ; que la SA CEGC ne peut être tenue audelà des termes de l'acte de cautionnement et de garantie de livraison à prix et délais convenus consentis à la SARL JCD Landes aux termes duquel il est stipulé que la garantie ne s'applique pas lorsque le retard résulte d'une cause étrangère (force majeure, fait d'un tiers ou du maître de l'ouvrage) et notamment en cas de :- retard de paiement par le maître d'ouvrage des appels de fonds justifiés du constructeur,- permis modificatif, arrêté interruptif de chantier non imputables au constructeur,- intempéries au sens de l'article L. 731-2 du code du travail,- désordres impliquant une expertise contradictoire nécessaire à l'imputabilité des dommages relevant de la garantie de livraison et de l'assurance dommages-ouvrage ou responsabilité civile et retardant la mise en oeuvre de l'obligation de faire du garant,- et de manière générale toutes les exceptions que le constructeur serait susceptible d'opposer au maître d'ouvrage en vertu du contrat ; que de la nature non exhaustive de cette liste, on déduit que le garant est fondé à se prévaloir tant de la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire que de la péremption incontestablement acquise, par application de l'article R. 427-17 du code de l'urbanisme, du permis de construire initial à compter du décembre 2011, tous faits qui ne lui sont pas imputables et qui constituent des cas de force majeure empêchant l'exécution de son obligation de garantir l'édification d'un ouvrage conforme au permis de construire au vu duquel sa garantie a été accordée ; que dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la garantie des pénalités de retard n'est pas due par la SA CEGC à M. X... que pour la période postérieure au 22 décembre 2014, date de réception de la lettre recommandée avec accusé de réception l'informant de l'obtention d'un nouveau permis de construire jusqu'à la date de la livraison de l'ouvrage, à déterminer selon les conditions prévues à l'acte de garantie soit par tous moyen, notamment pas la prise de possession ou le procès-verbal contradictoire de réception en sorte que M. X... sera débouté de sa demande tendant à voir prolonger le cours des pénalités de retard jusqu'à la levée des éventuelles réserves ;
ALORS D'UNE PART QUE la garantie de livraison à prix et délais convenus, qui a pour but de protéger le maître de l'ouvrage contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution de la construction telle qu'elle est prévue au contrat, provoqués par la défaillance du constructeur, constitue une garantie légale d'ordre public et autonome, le garant s'engageant en cas de défaillance à prendre à sa charge le coût des dépassements du prix convenu dès lors qu'ils sont nécessaires à l'achèvement de la construction, les conséquences du fait du constructeur ayant abouti à un paiement anticipé ou à un supplément de prix ainsi que les pénalités forfaitaires prévues au contrat en cas de retard de livraison excédant trente jours ; que le garant de livraison ne peut limiter la portée des dispositions légales et d'ordre public applicables à cette garantie ; qu'en estimant toutefois que pouvait être opposée au maître de l'ouvrage la clause d'exclusion de la garantie de livraison stipulée au contrat tout en constatant que cette clause consistait en une liste de « nature non exhaustive » (arrêt attaqué, page 8, pénultième §) permettant d'exclure du calcul des indemnités de retard dues en l'absence de livraison de l'ouvrage (plus de six ans après la date prévue au contrat) tant la durée de l'expertise judiciaire que celle écoulée entre la péremption du permis de construire initial et l'obtention d'un nouveau, la cour d'appel a violé l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation ;
ALORS D'AUTRE PART QU'en excluant du calcul des indemnités de retard dues en l'absence de livraison de l'ouvrage, comme constitutive d'une cause étrangère, la durée de l'expertise judiciaire et celle de la péremption du permis de construire, en se bornant à relever que ces circonstances n'étaient pas imputables au garant de livraison après avoir pourtant constaté que « l'engagement d'une procédure de référé-expertise par le maître d'ouvrage au vu de ses craintes-fondées-sur la pérennité de l'ouvrage constitue, non une immixtion fautive dans la conception ou la réalisation de l'ouvrage, exonératoire de responsabilité pour le constructeur au titre du dépassement du délai contractuel de construction, mais un acte de préservation-légitime-de ses intérêts, dépourvu de tout effet suspensif sur les délais d'exécution » et que « la péremption du permis de construire en ce qu'elle résulte d'un défaut d'achèvement des travaux dans le délai de validité du permis imputable aux seuls manquements contractuels de la SARL JCD Landes ne peut constituer une cause d'exonération au profit de cette dernière » (arrêt attaqué, page 8, § § 2 et 3), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils pour la société Compagnie européenne de garanties et cautions
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la CEGC à payer à M. X..., au titre des pénalités de retard, la somme de 40, 42 € par jour pour la période comprise entre le 22 décembre 2014 et la date de livraison de l'ouvrage ;
Aux motifs que la SA CEGC ne peut être tenue au-delà des termes de l'acte de cautionnement et de garantie de livraison à prix et délais convenus consentis à la SARL JCD Landes aux termes duquel il est stipulé que la garantie ne s'applique pas lorsque le retard résulte d'une cause étrangère (force majeure, fait d'un tiers ou du maître de l'ouvrage) et notamment en cas de :
- retard de paiement par le maître d'ouvrage des appels de fonds justifiés du constructeur, permis modificatif, arrêté interruptif de chantier non imputables au constructeur,
- intempéries au sens de l'article L. 731-2 du code du travail,
- désordres impliquant une expertise contradictoire nécessaire à l'imputabilité des dommages relevant de la garantie de livraison et de l'assurance dommages-ouvrage ou responsabilité civile et retardant la mise en oeuvre de l'obligation de faire du garant,
- et de manière générale toutes les exceptions que le constructeur serait susceptible d'opposer au maître d'ouvrage en vertu du contrat ;
que de la nature non exhaustive de cette liste, on déduit que le garant est fondé à se prévaloir tant de la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire que de la péremption incontestablement acquise, par application de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, du permis de construire initial à compter du 23 décembre 2011, tous faits qui ne lui sont pas imputables et qui constituent des cas de force majeure empêchant l'exécution de son obligation de garantir l'édification d'un ouvrage conforme au permis de construire au vu duquel sa garantie a été accordée ; que dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la garantie des pénalités de retard n'est due par la SA CEGC à M. X... que pour la période postérieure au 22 décembre 2014, date de réception de la lettre recommandée avec accusé de réception l'informant de l'obtention d'un nouveau permis de construire, jusqu'à la date de la livraison de l'ouvrage, à déterminer selon les conditions prévues à l'acte de garantie soit par tous moyens, notamment par la prise de possession ou le procès-verbal contradictoire de réception, en sorte que M. X... sera débouté de sa demande tendant à voir prolonger le cours des pénalités de retard jusqu'à la levée des éventuelles réserves (arrêt attaqué, p. 8, trois derniers §) ;
Alors que la garantie prévue par l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation porte sur la livraison d'un immeuble conforme au permis de construire délivré au maître de l'ouvrage ; qu'en condamnant la CEGC à prendre en charge les pénalités de retard pour la période postérieure à la réception, le 22 décembre 2014, du courrier l'informant de l'obtention d'un nouveau permis de construire par M. X..., sans répondre aux conclusions par lesquelles la CEGC faisait valoir que ce courrier n'était pas accompagné de tous les éléments du dossier de demande du nouveau permis, n'était accompagné d'aucun élément du dossier de demande du permis initial, et ne lui permettait donc pas de faire procéder à la reprise des travaux par un nouveau constructeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.