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14/06/2017 | FRANCE | N°16-12904

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 juin 2017, 16-12904


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable comme étant de pur droit :

Vu les articles 9. 3 et 11 du Protocole du 2 mai 1996 modifiant la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes (la Convention), et son décret de publication n° 2007-1379 du 22 septembre 2007 ensemble l'article de la loi du 3 janvier 1967 relative au statut des navires ;

Attendu qu'il résulte des deux premiers textes susvisés, auxquel

s renvoie le troisième, que les limitations de responsabilité en matière de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable comme étant de pur droit :

Vu les articles 9. 3 et 11 du Protocole du 2 mai 1996 modifiant la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes (la Convention), et son décret de publication n° 2007-1379 du 22 septembre 2007 ensemble l'article de la loi du 3 janvier 1967 relative au statut des navires ;

Attendu qu'il résulte des deux premiers textes susvisés, auxquels renvoie le troisième, que les limitations de responsabilité en matière de créances maritimes fixées au Protocole modificatif du 2 mai 1996, ne sont applicables qu'aux créances nées d'événements postérieurs au 23 juillet 2007, date de son entrée en vigueur en France ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Benoît X..., blessé le 7 août 2005 lors d'un empannage alors qu'il était à bord du voilier " Pido ", a recherché, avec ses parents M. et Mme Claude et Carmen X... et avec Mme Y..., qui étaient présents sur le voilier, la responsabilité de l'association les Glénans en qualité de propriétaire du voilier ; que cette dernière lui a opposé la limitation de sa responsabilité en application de la Convention dans sa rédaction d'origine tandis que M. X... a demandé l'application de celle fixée par le Protocole modificatif du 2 mai 1996 ; qu'en cours d'instance, l'association a été autorisée à constituer un fonds de limitation de responsabilité dont le montant, initialement fixé conformément à la Convention, a été porté, à la demande de la victime dans le cadre d'un référé-rétractation, à celui prévu au Protocole modificatif du 2 mai 1996 ;

Attendu que pour retenir l'application des plafonds fixés par le Protocole modificatif du 2 mai 1996, l'arrêt retient que le fonds de limitation de responsabilité est régi par la loi en vigueur, non pas à la date où les dommages ont été causés par l'événement de mer à la suite duquel il a été constitué, mais à la date de l'ordonnance ouvrant la procédure de constitution du fonds et qu'en l'espèce, cette ordonnance a été rendue le 14 août 2012, après l'entrée en vigueur du décret n° 2007-1379 du 22 septembre 2007 introduisant en droit interne l'avenant du 2 mai 1996 à la Convention ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de Mme Agnès Y..., l'arrêt rendu le 7 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Met, sur sa demande, hors de cause Mme Y... dont la présence devant la cour de renvoi n'est plus nécessaire à la solution du litige
et dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause M. Benoît X... et M. et Mme Claude X... dont la présence devant la cour de renvoi est nécessaire à la solution du litige ;

Condamne M. Benoît X..., M. et Mme Claude et Carmen X..., la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et la Mutuelle assurance des instituteurs de France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré, Salve, de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société MMA IARD assurances mutuelles, la société MMA IARD et l'association Les Glénans

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR, par confirmation du jugement, dit que le plafond d'indemnisation concernant le sinistre du 7 août 2005 s'établit à la somme de 1. 000. 000 de DTS et d'AVOIR, en conséquence condamné in solidum l'association Les Glénans et la société Covéa Risks à payer à M. Benoît X... les sommes de 129. 631, 52 euros en réparation de son préjudice corporel, 1. 332, 84 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance et 4. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en appel, à M. Claude X... et Madame Carmen A...épouse X... la somme de 1. 500 euros chacun au titre de leur préjudice moral, à la CPAM des Bouches du Rhône, les sommes de 119. 987, 10 euros en remboursement des prestations versées à la victime avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande, les arrérages à échoir, au fur et à mesure de leur échéance, de la rente dont le capital constitutif est de 119. 421, 36 euros, avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance et la somme complémentaire de 1. 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, à la Mutuelle Assurance des Instituteurs de France, la somme de 10. 671, 39 euros, au titre de son recours subrogatoire et la somme complémentaire de 1. 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur le plafond de limitation applicable, la Convention de Londres a fait l'objet d'un avenant conclu le 2 mai 1996, qui rehausse les plafonds de limitation de la responsabilité des propriétaires de navires d'une jauge inférieure à 500 tonneaux, de 166. 500 DTS prévus par le texte de la Convention dans sa rédaction initiale du 19 novembre 1976, à 1. 000. 000 DTS ; que, rappelant que la loi applicable en matière de responsabilité civile extracontractuelle est, à l'exclusion de toute autre, celle en vigueur au jour du fait générateur soit, en l'espèce, l'accident survenu à bord du « Pido » le 7 août 2005, et que l'avenant du 2 mai 1996 a été introduit en droit interne par un décret n° 2007-1379 du 22 septembre 2007, le Centre Nautique Les Glénans et son assureur, Covéa Risks soutiennent que le plafond de limitation applicable est celui prévu par la Convention dans sa rédaction en vigueur en France le 7 août 2005, soit 166. 500 DTS ; qu'ils ajoutent que si l'augmentation rétroactive de la responsabilité du propriétaire de navire doit s'appliquer, elle s'analyse en une privation de propriété au sens de l'article 1er du protocole n° 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de L'Homme et des Libertés Fondamentales ; qu'ils font valoir que la Cour Européenne a déjà statué en ce sens en constatant que l'application d'une loi de 2002 réduisant de manière rétroactive l'étendue de la créance d'indemnisation détenue par les parents d'enfants handicapés nés avant l'entrée en vigueur de ce texte, avait entraîné une ingérence dans l'exercice des droits de créance en réparation ; qu'ils demandent donc à la cour de constater l'incompatibilité de l'application rétroactive du décret n° 2007-1379 du 22 septembre 2007 introduisant en droit interne l'avenant du 2 mai 1996 à la Convention de Londres avec la Convention Européenne des Droits de L'Homme et de retenir une limitation de responsabilité à hauteur de 166. 500 DTS ; que les consorts X...-Y... répliquent que le fonds de limitation est régi non par la loi en vigueur à la date où les dommages ont été causés, ni par celle en vigueur à la date du dépôt de la requête en constitution du fonds, mais par la loi en vigueur à la date où le juge rend son ordonnance ouvrant la procédure de constitution du fonds, soit 1. 000. 000 DTS ; que le fonds de limitation de responsabilité, dont la procédure de constitution est ouverte par une ordonnance du Président du Tribunal de Commerce, est régi par la loi en vigueur, non pas à la date où les dommages ont été causés par l'événement de mer à la suite duquel il a été constitué, ou du dépôt de la requête formée par le propriétaire du navire, mais à la date où l'ordonnance a été rendue ; qu'en l'espèce, l'ordonnance ouvrant la procédure de constitution du fonds a été rendue le 14 août 2012 par le Président du Tribunal de Commerce d'Ajaccio, après l'entrée en vigueur du décret n° 2007-1379 du 22 septembre 2007 introduisant en droit interne l'avenant du 2 mai 1996 à la Convention de Londres ; que de surcroît, l'application de la loi en vigueur n'est pas contraire à l'article 1er du protocole n° 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de L'Homme et des Libertés Fondamentales, puisqu'elle ne conduit pas à priver d'une créance en réparation l'Association Le Centre Nautique Les Glénans, laquelle est au contraire débitrice d'une telle créance à l'égard des victimes du dommage en mer ; que c'est donc le plafond de limitation à 1. 000. 000 DTS qui est applicable en l'espèce et le jugement est confirmé sur ce point » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur le plafond d'indemnisation applicable, le fonds de limitation de responsabilité de l'armateur est régi par la loi en vigueur, non pas à la date où les dommages ont été causés par l'événement de mer à la suite duquel il a été constitué, ou du dépôt de la requête formée par l'armateur, mais à celle de l'ordonnance ouvrant la procédure ; que ce principe n'est pas en contradiction avec l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, puisqu'il ne conduit pas à limiter rétroactivement un droit ou une créance détenue par l'association Les Glénans, qui se trouve, bien au contraire, débiteur de la créance indemnitaire litigieuse ; que, s'agissant en outre d'une limitation de responsabilité constituant une dérogation au principe de réparation intégrale des préjudices, elle ne peut prétendre au droit de connaître par anticipation avant même la survenue du dommage, l'étendue de la limitation dérogatoire ainsi octroyée, alors même que le fait de se prévaloir d'une telle limitation ne constitue qu'une faculté qu'elle demeure libre ou non d'exercer et non un dispositif d'application automatique ; qu'il convient en outre de souligner que si l'avenant applicable en l'espèce est entré en vigueur en France le 22 septembre 2007, date de son introduction en droit interne, il est daté du 2 mai 1996 et que depuis cette date le propriétaire du navire était en mesure d'anticiper sur les futurs plafonds ; que le plafond applicable en l'espèce, compte tenu du tonnage du navire sur lequel s'est produit l'accident, est donc de un million de DTS » ;

1°) ALORS QUE l'article 9. 3 du Protocole du 2 mai 1996 modifiant la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de responsabilité en matière de créance maritime stipule que « la Convention telle que modifiée par le présent Protocole ne s'applique qu'aux créances nées d'événements postérieurs à l'entrée en vigueur, pour chaque État, du présent protocole » ; que le Protocole du 2 mai 1996 est entré en vigueur en France le 23 juillet 2007, soit quatre-vingt-dix jours après le dépôt des instruments de ratification auprès de l'OMI le 24 avril 2007, en application de son article 11. 2 ; qu'en faisant application à l'événement du 7 août 2005 des stipulations de la Convention de Londres de 1976 telles que modifiées par le Protocole du 2 mai 1996 entré en vigueur seulement le 23 juillet 2007, la Cour d'appel a violé les articles 9. 3 et 11. 2 du Protocole du 2 mai 1996 modifiant la Convention du 19 novembre 1976 ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a pas d'effet rétroactif ; qu'en jugeant que les plafonds applicables au fonds de limitation de la responsabilité du propriétaire de navire était ceux résultant du Protocole du 2 mai 1996, motif pris que la procédure de constitution du fonds avait été ouverte par une ordonnance du Président du Tribunal de commerce du 14 août 2012, soit postérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 22 septembre 2007 introduisant en droit interne le Protocole du 2 mai 1996, quand la créance d'indemnisation des consorts X..., née de l'événement de mer du 7 août 2005, était régie par la loi en vigueur au moment du sinistre, la Cour d'appel a violé les articles L. 5121-3, L. 5121-5 et L. 5121-6 du Code des transports, ensemble l'article 2 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-12904
Date de la décision : 14/06/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 septembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 jui. 2017, pourvoi n°16-12904


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Foussard et Froger, SCP François-Henri Briard, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.12904
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