LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Le Comité national contre le tabagisme, partie civile
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 4-11, en date du 18 mars 2016, qui, dans la procédure suivie contre Mme Phuong X... et la société Royale d'Ivry du chef de publicité illicite en faveur du tabac, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 mai 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Harel-Dutirou, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire HAREL-DUTIROU, les observations de la société civile professionnelle POTIER DE LA VARDE, BUK-LAMENT et ROBILLOT, de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 3511-3, L. 3512-2 et L. 3512-3 du code de la santé publique, 1 et suivants de l'arrêté du 31 décembre 1992, 1382 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté le CNCT de ses demandes liées aux publicités diffusées sur support numérique et limité la condamnation de la société Royale d'Ivry et de Mme X... à verser au CNCT la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts résultant de leur faute civile liée au caractère illicite des mentions des affichettes concernant les marques Besnon et Hedges, Gauloises, Fleur du pays, Fortuna, Philip Morris, Winston Xspehere et Marlboro ;
" aux motifs que l'article L. 3111-3 du code de la santé publique qui pose le principe de l'interdiction de la propagande ou de la publicité directe ou indirecte en faveur du tabac, prévoit que « ces dispositions ne s'appliquent pas aux enseignes des débits de tabac, ni aux affichettes disposées à l'intérieur de ces établissements, non visibles de l'extérieur, à condition que ces enseignes ou ces affichettes soient conformes à des caractéristiques définies par arrêté interministériel » ; que l'arrêté du 31 décembre 1992 modifié le 14 octobre 2005 fixe les caractéristiques des affichettes autorisées et notamment un format maximum de 60 x 80 cm, la nature des mentions possibles et de celles obligatoires ; que les faits ont été constatés le 29 avril 2013 dans le débit de tabac Le Longchamps exploité par la SNC Royale d'Ivry ; que cette société gérée par Mme X... est immatriculée au registre du commerce de Créteil depuis le 15 juillet 2005 ; que l'huissier a relevé la présence d'un écran ordinateur placé au niveau de la caisse enregistreuse aux dimensions de 31 cm de longueur, 21 cm de hauteur et 1 cm de large ; que six publicités y passaient en boucle ; que des photographies ont été prises de ces publicités qui concernaient les marques Benson et Hedges, Gauloises, Malboro, Fortuna ; qu'il apparaît que la publicité sur écran pour le produit Gauloises était identique à celle sur support papier également présente dans l'établissement ; que le constat n'a décrit aucun procédé visuel ou sonore particulier accompagnant le défilement en boucle des images ; qu'il est incontestable que la protection de la santé publique est un objectif de valeur constitutionnelle ; qu'il convient toutefois et à défaut de mentions spéciales du législateur sur la notion d'affichette autorisée dans les débits de tabac pour la publicité, de considérer son acceptation courante ; qu'il s'agit d'une petite affiche c'est à dire d'une feuille écrite ou imprimée et donc nécessairement de très faible épaisseur et plane, destinée à donner au public connaissance de quelque chose ; qu'elle est généralement appliquée sur un support ; que la loi et le décret d'application qui ont encadré de manière très précise la taille qu'elle doit respecter ne comportent aucune mention et limite sur le support d'application, le décret ayant pourtant été modifié en 2005 alors que les nouvelles technologies étaient déjà largement utilisées ; que le législateur n'a posé par ailleurs aucune restriction sur le nombre ou la densité des affichettes pouvant être placardées dans un débit de tabac ; qu'il ressort du constat d'huissier que six pages se succédaient sur l'écran d'ordinateur qui jouait ainsi le rôle de support d'affichage de la version numérique de ces publicités ; qu'il apparaît au vu de la description et des clichés réalisés que chaque page correspondait à un document fixe comprenant une image et des textes, sans effet ou animation spécifique ; qu'ainsi la page pour le produit Gauloises ne différait pas de l'affiche papier si ce n'est dans le format lié à l'écran ; que ces pages numériques n'étaient dans le contexte de ce débit de tabac que la version dématérialisée de la feuille comprise dans la définition de l'affiche et délivrait un message sur chaque marque de cigarette ; que chacune d'elle répondait par ailleurs aux exigences de taille fixée par l'article 3 du décret du 31 décembre 1992 ; que l'augmentation du nombre des publicités rendue possible par l'utilisation d'un terminal ordinateur ne permet pas de surcroît de poser le postulat de sa non-conformité aux dispositions de l'article L. 3511-3 du code de la santé publique et de l'arrêté du 31 décembre 1992 modifié ; que la cour, dès lors pour ces motifs et ceux retenus par le premier juge, confirmera que la diffusion de ces affichettes publicitaires, telle qu'elle a été constatée par huissier le 29 avril 2013 dans l'établissement Le Longchamps n'a pas présenté de caractère illicite au regard des dispositions en matière de publicité pour le tabac ;
" alors qu'est prohibée l'utilisation, dans un débit de tabac, d'un terminal informatique sur l'écran duquel défilent des messages publicitaires en faveur du tabac et laquelle rend possible l'augmentation du nombre des publicités ; qu'en retenant que ne méconnaissaient pas les dispositions prohibant la publicité en faveur du tabac, plusieurs messages en faveur de marques de cigarettes diffusés en boucle sur l'écran d'ordinateur situé à l'intérieur du débit de tabac exploité par la société Royale d'Ivry qui, selon elle, ne constitueraient que la version dématérialisée de l'affichette publicitaire dont la diffusion est autorisée par l'article L. 3511-3 du code de la santé publique, la cour d'appel a violé ce texte " ;
Vu l'article L. 3511-3 du code de la santé publique ;
Attendu que sont prohibées toutes formes de communication commerciale, quel qu'en soit le support, ayant pour but ou pour effet de promouvoir directement ou indirectement le tabac ou un produit du tabac ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le Comité national contre le tabagisme, partie civile, a fait directement citer devant le tribunal correctionnel Mme Phuong X... et la société Royale d'Ivry pour les voir déclarer coupables du délit de publicité illicite en faveur du tabac commis notamment à l'occasion de l'installation à l'intérieur d'un débit de tabac d'un écran d'ordinateur diffusant des photographies de plusieurs marques de cigarettes avec des mentions considérées par lui comme laudatives ; que le tribunal a déclaré les prévenues coupables d'une partie des faits reprochés ; que seule la partie civile a interjeté appel du jugement ;
Attendu que, pour infirmer partiellement les dispositions civiles du jugement en retenant l'existence d'une faute civile liée au caractère illicite des mentions figurant sur plusieurs affichettes et le confirmer en ce qui concerne le caractère licite de la diffusion de publicités sur un support numérique, l'arrêt retient que la notion d'affichette autorisée dans les débits de tabac pour la publicité, par dérogation au principe d'interdiction de la propagande ou de la publicité directe ou indirecte en faveur du tabac, doit être considérée dans son acceptation courante comme consistant en une petite affiche, c'est à dire une feuille écrite ou imprimée, nécessairement de très faible épaisseur et plane, destinée à donner au public connaissance de quelque chose et généralement appliquée sur un support ; que les juges ajoutent que la loi et l'arrêté du 31 décembre 1992, qui ont encadré de manière très précise la taille qu'elle doit respecter, ne comportent aucune mention et limite sur le support d'application, l'arrêté ayant pourtant été modifié en 2005 alors que les nouvelles technologies étaient déjà largement utilisées, et que le législateur n'a posé par ailleurs aucune restriction sur le nombre ou la densité des affichettes pouvant être placardées dans un débit de tabac ; qu'ils en déduisent que les pages numériques n'étaient dans le contexte de ce débit de tabac que la version dématérialisée de la feuille comprise dans la définition de l'affiche, répondant aux exigences posées, sans que l'augmentation du nombre des publicités rendue possible par l'utilisation d'un terminal ordinateur ne permette de poser le postulat de sa non-conformité aux textes applicables ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'exception prévue par l'article L. 3511-3 alinéa 2 du code de la santé publique, applicable au moment des faits, en faveur des affichettes présentées à l'intérieur des débits de tabac, non visibles de l'extérieur, et conformes aux caractéristiques décrites par l'arrêté du 31 décembre 1992, ne s'applique pas aux images diffusées sur un terminal d'ordinateur, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 18 mars 2016, mais en ses seules dispositions ayant débouté le CNCT de ses demandes relatives à l'existence d'une faute civile résultant de la présentation de publicités sur écran d'ordinateur, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize juin deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.