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09/06/2017 | FRANCE | N°16-13810

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 juin 2017, 16-13810


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attend, selon l'arrêt attaqué (Reims, 2 février 2016), que, courant décembre 1997, MM. Francis et Adonis X... (les acquéreurs) ont acquis de la société Marchal management, devenue Etablissements Marchal et fils (le vendeur), un tracteur qui a pris feu en cours d'utilisation au mois d'août 1998 ; qu'après indemnisation du sinistre effectuée par la société Groupama (l'assureur), assureur du véhicule, un juge des référés a commis un expert, qui s'est adjoint un sapiteur ; que les acquéreurs et leur

assureur ont assigné le vendeur, lequel a appelé en garantie la société...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attend, selon l'arrêt attaqué (Reims, 2 février 2016), que, courant décembre 1997, MM. Francis et Adonis X... (les acquéreurs) ont acquis de la société Marchal management, devenue Etablissements Marchal et fils (le vendeur), un tracteur qui a pris feu en cours d'utilisation au mois d'août 1998 ; qu'après indemnisation du sinistre effectuée par la société Groupama (l'assureur), assureur du véhicule, un juge des référés a commis un expert, qui s'est adjoint un sapiteur ; que les acquéreurs et leur assureur ont assigné le vendeur, lequel a appelé en garantie la société John Deere (le constructeur) ; qu'ont été ordonnés une consultation, afin d'apprécier les contestations techniques formulées contre le rapport de l'expert, puis un complément d'expertise ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que le constructeur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de nullité du rapport d'expertise et de le condamner à paiement au profit de l'assureur et des acquéreurs, alors, selon le moyen :

1°/ que l'obligation d'impartialité mise à la charge de l'expert constitue une formalité substantielle dont l'inobservation est susceptible d'entraîner la nullité de l'expertise ; que l'impartialité de l'expert s'apprécie objectivement ; que le fait qu'il existe un courant d'affaires entre l'expert judiciaire, ou son sapiteur, et l'une des parties fait naître un doute légitimé quant à l'impartialité du technicien ; qu'après avoir constaté que le laboratoire Lavoué intervient pour la totalité des compagnies d'assurance sans exception, sur la quasi-totalité du territoire français et qu'il existait un courant d'affaires entre le laboratoire Lavoué et l'assureur, représentant 6, 2 % de son chiffre d'affaires pour l'année 2008 et 5, 7 % en 2009, soit respectivement 107 508 et 123 918 euros, la cour d'appel ne pouvait écarter tout doute légitime quant à l'impartialité de l'expert judiciaire, sans violer les dispositions des articles 237 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que la neutralité de l'expert ne saurait faire disparaître le doute légitime quant à l'impartialité du sapiteur qu'il s'adjoint pour recueillir son avis dans une spécialité autre que la sienne ; que, pour juger que les conclusions d'expertise ne sont pas entachées de partialité, l'arrêt retient que l'expert judiciaire A..., dont la neutralité n'est pas mise en cause, a commenté les constatations du laboratoire Lavoué en se les appropriant ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure tout doute légitime quant à l'impartialité du sapiteur, la cour d'appel a violé les articles 237 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que la qualité d'expert judiciaire n'est pas en soi une garantie d'indépendance et d'impartialité ; qu'en retenant que le laboratoire Lavoué ne peut être soupçonné de partialité dans sa mission de sapiteur dans la mesure où la personne qui a effectivement rempli cette mission, M. Y..., est lui-même expert judiciaire, par conséquent averti de plus fort en sa qualité de collaborateur occasionnel du service public de la justice, du caractère impartial que doit revêtir son intervention, la cour d'appel a statué par un motif impropre à établir que le sapiteur a rendu, en l'espèce, un avis conforme aux exigences d'indépendance et d'impartialité, violant de plus fort les articles 237 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le sapiteur auquel avait fait appel l'expert intervenait sur l'ensemble du territoire national pour la totalité des compagnies d'assurances, qu'il ne dépendait économiquement d'aucune compagnie ni d'aucun client, que la société Groupama ne représentait, en 2008, que 6, 2 % de son chiffre d'affaires et que la personne qui avait personnellement accompli la mission sollicitée par l'expert était elle-même collaborateur occasionnel du service public de la justice, la cour d'appel a pu retenir que le laboratoire Lavoué ne pouvait être soupçonné de partialité dans sa mission de sapiteur et que le caractère objectif de l'expertise était, en outre, accrédité par le fait que l'expert, dont la neutralité n'était pas mise en cause, s'était lui-même approprié les constatations du sapiteur ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du même pourvoi :

Attendu que le constructeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer des dommages-intérêts à l'assureur et aux acquéreurs, alors, selon le moyen :

1°/ que l'appel remet la chose jugée en question pour qu'il soit statué à nouveau en fait et en droit, peu important que les parties ne produisent pas de nouveaux moyens ou de nouvelles pièces ; qu'en refusant de réinstaurer devant elle le débat quant à l'origine de l'incendie du tracteur, faute pour le constructeur de produire de nouveaux éléments, la cour d'appel a méconnu l'effet dévolutif de l'appel et violé l'article 561 du code de procédure civile ;

2°/ que, lorsqu'il estime que le rapport d'expertise est insuffisant pour lui permettre de se prononcer, le juge doit, après avoir interrogé l'expert, ordonner une nouvelle expertise ; que, compte tenu des objections sérieuses élevées par le constructeur, le tribunal a, par jugements des 17 novembre 2004, 21 août 2006 et 20 mai 2009, confié à M. Z... le soin de porter une appréciation technique et critique sur les conclusions de l'expert A... ; qu'après avoir considéré que le rapport de M. Z... n'était pas suffisamment exploitable pour lui permettre d'asseoir sa décision, la cour d'appel s'est finalement fondée sur les seules conclusions de M. A... ; qu'en statuant ainsi, quand, compte tenu de la nécessité de soumettre les conclusions de l'expert A... à l'appréciation d'un autre technicien et des insuffisances du rapport de l'expert Z..., il lui appartenait d'ordonner une nouvelle expertise, la cour d'appel a violé les articles 4 du code civil et 245 du code de procédure civile ;

3°/ que le vendeur n'est tenu à garantie du vice caché que pour autant qu'il est certain que ce vice est antérieur à la vente ; qu'en se bornant à affirmer que le défaut de maintien ou de positionnement du câble électrique reliant l'alternateur au boîtier fusible du tracteur est imputable à un vice de conception ou de fabrication, sans autrement s'expliquer sur l'antériorité du vice à la vente, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1641 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que l'expert avait répondu de manière détaillée à tous les dires qui lui avaient été adressés, qu'il avait écarté une à une, et de manière argumentée, les objections formulées dans l'intérêt du constructeur, qu'il avait considéré que la cause du sinistre était due à un défaut de maintien ou de positionnement d'un câble électrique à l'origine d'un court-circuit et que ce défaut était imputable à un vice de conception ou de fabrication du tracteur, d'où il ressortait qu'il était antérieur à la vente, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'ordonner une nouvelle expertise que ses constatations rendaient inutile, a souverainement estimé, sans méconnaître l'effet dévolutif de l'appel, que la garantie des vices cachés avait vocation à s'appliquer au litige ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que les acquéreurs et l'assureur font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes à l'encontre du vendeur, alors, selon le moyen :

1°/ que les acquéreurs et l'assureur ont invoqué les préjudices résultant de la privation du recours contre un débiteur tenu in solidum et des intérêts courus entre la date d'assignation du vendeur et celle, seule prise en compte par les juges, d'assignation du constructeur ; que la cour d'appel qui, pour rejeter la demande d'indemnisation dirigée contre le vendeur, dont elle a retenu la faute, constitutive d'une la fraude, pour ne pas avoir fait état de l'instance en cours dans le cadre de la procédure collective dont elle avait fait l'objet, a retenu, par motifs propres et adoptés, qu'il ne subsistait aucun préjudice dès lors que les demandeurs avaient obtenu la condamnation du constructeur ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur le moyen pris de la privation d'un recours utile contre le vendeur tenu à garantie in solidum avec le fabricant, et les intérêts pris en considération, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

2°/ que la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation, qui serait éventuellement prononcée sur le pourvoi principal, des dispositions rejetant la demande de nullité d'expertise condamnant le constructeur en paiement, entraînerait par voie de conséquences celles qui, pour rejeter les demandes dirigées contre le vendeur, se fondent sur la condamnation prononcée à l'encontre du constructeur, en application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que la demande formulée, dans le dispositif des conclusions des acquéreurs et de l'assureur, visait à voir condamner le vendeur, in solidum avec le constructeur, au paiement des mêmes dommages-intérêts que ceux qui leur avaient été alloués sur le fondement des vices cachés, et que les acquéreurs, qui n'avaient pas déclaré leur créance, n'avaient pas sollicité de relevé de forclusion, ce qui constituait un préalable nécessaire à la fixation de leur créance à l'égard du vendeur, mis en redressement judiciaire, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes ;

Attendu, d'autre part, que la cassation n'étant pas prononcée sur le pourvoi principal, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société John Deere aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour la société John Deere

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

La société John Deere fait grief à l'arrêt attaqué

D'AVOIR rejeté sa demande de nullité du rapport d'expertise déposé par M. A... et DE L'AVOIR, en conséquence, condamnée à verser, d'une part, à la compagnie Groupama les sommes de 72 245, 83 euros à titre de dommages-intérêts pour la destruction du tracteur, ainsi que celle de 205, 92 euros au titre des frais d'expertise amiable et, d'autre part, aux consorts X... la somme de 507, 51 euros au titre de leur préjudice matériel complémentaire ;

AUX MOTIFS QU'« il appartient à la société John Deere de rapporter la preuve de la partialité du laboratoire Lavoué dans son intervention en qualité de sapiteur de M. A... ; qu'afin d'éviter toute polémique sur la valeur qu'il convenait d'accorder au rapport de M. A..., le tribunal a pris la précaution, en visant l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l'homme sur les exigences d'un procès équitable, de solliciter par décision avant dire droit du 6 mars 2013 le laboratoire Lavoué pour qu'il s'explique sur ses relations avec la compagnie Groupama et produise les contrats, factures et toutes pièces relatives aux éventuelles relations contractuelles existantes entre 2008 et 2009 ; que par courrier du 21 mars 2013, ce laboratoire a répondu qu'il intervenait ainsi que ses experts sur l'ensemble du territoire national pour la totalité des compagnies d'assurances sans exception, ainsi d'ailleurs que par la quasi-totalité des tribunaux de grande instance en France, qu'il était totalement indépendant et ne dépendait économiquement d'aucune compagnie d'assurances en particulier et plus généralement d'aucun client précis et que le moindre soupçon de partialité vis-à-vis d'un assureur ruinerait son image d'indépendance et d'impartialité à plus ou moins long terme, qu'il n'existait aucun contrat-cadre ou partenariat d'une quelconque nature le liant à une compagnie d'assurance ou à tout autre client et qu'il n'avait aucune pièce sur un hypothétique contrat à fournir dans la mesure où il n'en existait pas, qu'il se faisait rémunérer à la mission à l'exclusion de tout autre mode de rémunération, que s'agissant plus spécifiquement de la compagnie Groupama, elle ne représentait pour le laboratoire que 6, 2 % de son chiffre d'affaires en 2008 et 5, 7 % en 2009, soit loin derrière d'autres clients beaucoup plus importants en termes de pourcentage de chiffre d'affaires ; qu'au vu de ces considérations qui sont suffisamment probantes pour être prises en compte, la cour estime que le laboratoire Lavoué ne peut être soupçonné de partialité dans sa mission de sapiteur et ce, d'autant que la personne qui a effectivement rempli cette mission, M. Y..., est lui-même expert judiciaire, par conséquent averti de plus fort en sa qualité de collaborateur occasionnel du service public de la justice, du caractère impartial que doit revêtir son intervention et que M. A..., dont la neutralité n'est pas mise en cause, a commenté les constatations de M. Y... en se les appropriant, éléments qui accréditent le caractère totalement objectif de l'expertise » ;

1°) ALORS QUE l'obligation d'impartialité mise à la charge de l'expert constitue une formalité substantielle dont l'inobservation est susceptible d'entraîner la nullité de l'expertise ; que l'impartialité de l'expert s'apprécie objectivement ; que le fait qu'il existe un courant d'affaires entre l'expert judiciaire, ou son sapiteur, et l'une des parties fait naître un doute légitimé quant à l'impartialité du technicien ; qu'après avoir constaté que le laboratoire Lavoué intervient pour la totalité des compagnies d'assurance sans exception, sur la quasi-totalité du territoire français et qu'il existait un courant d'affaires entre le laboratoire Lavoué et la société Groupama, représentant 6, 2 % de son chiffre d'affaires pour l'année 2008 et 5, 7 % en 2009, soit respectivement 107 508 et 123 918 euros, la cour d'appel ne pouvait écarter tout doute légitime quant à l'impartialité de l'expert judiciaire, sans violer les dispositions des articles 237 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°) ALORS QUE la neutralité de l'expert ne saurait faire disparaître le doute légitime quant à l'impartialité du sapiteur qu'il s'adjoint pour recueillir son avis dans une spécialité autre que la sienne ; que, pour juger que les conclusions d'expertise ne sont pas entachées de partialité, l'arrêt retient que l'expert judiciaire A..., dont la neutralité n'est pas mise en cause, a commenté les constatations du laboratoire Lavoué en se les appropriant ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure tout doute légitime quant à l'impartialité du sapiteur, la cour d'appel a violé les articles 237 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°) ALORS QUE la qualité d'expert judiciaire n'est pas en soi une garantie d'indépendance et d'impartialité ; qu'en retenant que le laboratoire Lavoué ne peut être soupçonné de partialité dans sa mission de sapiteur dans la mesure où la personne qui a effectivement rempli cette mission, M. Y..., est lui-même expert judiciaire, par conséquent averti de plus fort en sa qualité de collaborateur occasionnel du service public de la justice, du caractère impartial que doit revêtir son intervention, la cour d'appel a statué par un motif impropre à établir que le sapiteur a rendu, en l'espèce, un avis conforme aux exigences d'indépendance et d'impartialité, violant de plus fort les articles 237 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

La société John Deere fait grief à l'arrêt attaqué

DE L'AVOIR condamnée à verser à la compagnie Groupama les sommes de 72 245, 83 euros à titre de dommages-intérêts pour la destruction du tracteur, et celle de 205, 92 euros au titre des frais d'expertise et aux consorts X... la somme de 507, 51 euros au titre de leur préjudice matériel complémentaire ;

AUX MOTIFS QUE « par jugement du 17 novembre 2004, le tribunal de grande instance a ordonné une consultation qu'il a confiée à M. Z... suite aux objections soulevées par la société John Deere ; que le consultant a déposé un écrit aux termes duquel il considérait que le court-circuit n'était pas la cause de l'incendie mais sa conséquence ; que n'ayant pas répondu aux questions qui lui avaient été posées, le dossier lui a été renvoyé ; que M. Z... a alors répondu qu'une expertise sur le véhicule était nécessaire, invalidant ainsi sa consultation ; qu'il était alors désigné, cette fois-ci en qualité d'expert, et dressait son rapport le 21 février 2008, après avoir été invité une nouvelle fois par la juridiction à compléter son expertise, M. Z... ne justifiant pas avoir examiné la section du câble prélevé par M. A... ; qu'il concluait que la cause de l'incendie n'avait pas pour origine un court-circuit mais provenait d'une source extérieure qu'il ne parvenait néanmoins pas à identifier ; que le rapport de M. Z..., comparé à celui de M. A... apparaît extrêmement laconique et s'il exclut que le sinistre ait pu être causé par un court-circuit, il ne détermine pas quelle pourrait être la cause, même hypothétique, de l'incendie ; que c'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que ce rapport n'était pas suffisamment exploitable pour lui permettre d'asseoir sa décision ; que la décision attaquée a relevé que l'expert, M. A..., avait répondu de manière extrêmement détaillée à tous les dires qui lui ont été adressés, en particulier aux objections de M. B... qui est intervenu au soutien des intérêts de la société John Deere, qu'il a écartées une à une en argumentant ses réponses sur l'impossibilité que la cause du sinistre soit due à une fuite accidentelle de liquide inflammable, à un mégot de cigarette ou à l'introduction de particules incandescentes sous la cabine du tracteur ; qu'il n'y a donc pas lieu de réinstaurer devant la cour un débat qui n'a plus lieu d'être à défaut d'éléments nouveaux que l'appelante ne produit pas ; qu'il n'est pas contesté que le tracteur utilisé par les consorts X... avait été acquis seulement huit mois avant le sinistre et qu'il était correctement entretenu par ses propriétaires ; que M. A..., chargé de donner son avis sur les causes du sinistre, considère qu'au vu des constatations et des analyses microscopiques réalisées, l'incendie provient d'un défaut de maintien ou de positionnement du câble électrique positif reliant l'alternateur au boîtier fusible du tracteur, défaut qui a entraîné dans un premier temps l'altération des gaines de protection dudit câble, lequel ainsi dénudé est entré en contact avec un élément métallique relié à la masse, occasionnant de ce fait un court-circuit électrique ; que l'expert ajoute que le défaut de maintien ou de positionnement apparaissant comme étant la cause du sinistre est imputable à un vice de conception ou de fabrication du tracteur John Deere ; qu'il en ressort que l'existence d'un vice de conception à l'origine de l'incendie est clairement démontrée par le rapport de M. A... qui a effectué un travail minutieux et approfondi pour parvenir à ses conclusions » ;

1°) ALORS QUE l'appel remet la chose jugée en question pour qu'il soit statué à nouveau en fait et en droit, peu important que les parties ne produisent pas de nouveaux moyens ou de nouvelles pièces ; qu'en refusant de réinstaurer devant elle le débat quant à l'origine de l'incendie du tracteur, faute pour la société John Deere de produire de nouveaux éléments, la cour d'appel a méconnu l'effet dévolutif de l'appel et violé l'article 561 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE lorsqu'il estime que le rapport d'expertise est insuffisant pour lui permettre de se prononcer, le juge doit, après avoir interrogé l'expert, ordonner une nouvelle expertise ; que, compte tenu des objections sérieuses élevées par la société John Deere, le tribunal a, par jugements des 17 novembre 2004, 21 août 2006 et 20 mai 2009, confié à M. Z... le soin de porter une appréciation technique et critique sur les conclusions de l'expert A... ; qu'après avoir considéré que le rapport de M. Z... n'était pas suffisamment exploitable pour lui permettre d'asseoir sa décision, la cour d'appel s'est finalement fondée sur les seules conclusions de M. A... ; qu'en statuant ainsi quand, compte tenu de la nécessité de soumettre les conclusions de l'expert A... à l'appréciation d'un autre technicien et des insuffisances du rapport de l'expert Z..., il lui appartenait d'ordonner une nouvelle expertise, la cour d'appel a violé les articles 4 du code civil et 245 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le vendeur n'est tenu à garantie du vice caché que pour autant qu'il est certain que ce vice est antérieur à la vente ; qu'en se bornant à affirmer que le défaut de maintien ou de positionnement du câble électrique reliant l'alternateur au boîtier fusible du tracteur est imputable à un vice de conception ou de fabrication, sans autrement s'expliquer sur l'antériorité du vice à la vente, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1641 du code civil.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour la société Groupama Nord-Est-caisse régionale d'assurance mutuelle agricole Nord-Est et MM. X...

En ce que l'arrêt attaqué a débouté M. Francis X..., M. Adonis X... et la compagnie d'assurances Groupama de leurs demandes à l'encontre de la SAS Établissements Marchal,

Aux motifs que sur l'appel incident des consorts X... et de la compagnie Groupama à l'encontre de la SAS Établissements Marchal :
* la faute
Les consorts X... et la compagnie Groupama agissent exclusivement sur le fondement de l'article 1382 du code civil et sur la responsabilité délictuelle de la SAS Établissements Marchal qui a failli à son obligation d'informer le mandataire judiciaire de l'instance en cours à laquelle elle était partie, agissant ainsi en fraude des droits de ses potentiels créanciers.
L'existence d'une faute, qui n'est pas contredite, la société concernée n'ayant pas constitué avocat, est ainsi suffisamment démontrée.
* le préjudice

L'action des consorts X... et de la compagnie Groupama étant fondée sur l'existence d'une faute susceptible de générer un préjudice, leur demande n'est susceptible d'aboutir que s'ils sollicitent l'allocation de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice propre, qui résulte exclusivement de la faute de nature délictuelle commise par la Sas Etablissements Marchal, leur vendeur immédiat, en ce qu'elle a omis de mentionner l'existence de ses créanciers dans le cadre de la procédure collective.
Ce préjudice est nécessairement distinct de celui qui leur a été reconnu au titre de l'action estimatoire engagée dans le cadre de la garantie des vices cachés dont ils ont revendiqué l'application devant le premier juge à l'encontre du fabricant du tracteur sinistré.
Or, la demande telle qu'elle est formulée dans le dispositif des conclusions, vise à voir condamner la Sas Etablissements Marchal in solidum avec la société John Deere au paiement des mêmes dommages et intérêts qui leur ont été alloués sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Les consorts X... avaient la faculté de solliciter le relevé de forclusion de leur créance, ce qu'ils ont omis de faire, formalité qui aurait pu leur ouvrir la possibilité de déclarer leur créance, préalable nécessaire pour obtenir la fixation de celle-ci à l'égard de la société, in solidum avec la société John Deere compte tenu de la faculté qu'ils détenaient de l'article 1641 du code civil d'agir en garantie à la fois contre le vendeur et contre le fabricant.
Ainsi, ils se sont fermés la voie de la condamnation – ou fixation de leur créance – in solidum.
Dès lors, leur action se situe exclusivement sur le terrain délictuel de la reconnaissance éventuelle d'un préjudice pour fraude à leurs droits dans le cadre de la procédure collective.
Or, ainsi que l'a relevé avec pertinence le premier juge, les consorts X... ont obtenu l'indemnisation de leur préjudice par la condamnation de la société John Deere sur le fondement de l'action estimatoire et ils ne peuvent justifier d'aucun préjudice autre que celui dont l'existence leur a déjà été reconnue.
La décision sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté les consorts X... et la compagnie Groupama de leur demande à l'encontre de la SAS Établissements Marchal ;

Et aux motifs du jugement confirmé que l'article 1382 du code civil énonce que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.
L'article L. 622 – 6 du code de commerce dispose que dès l'ouverture de la procédure collective, le débiteur remet à l'administrateur et au mandataire judiciaire la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours. Il les informe des instances en cours auxquelles il est partie.
En l'espèce, la SA Marchal Management a été assignée devant le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne le 9 avril 2003, sur le fondement de la garantie des vices cachés en sa qualité de vendeur du tracteur.
Il ressort des pièces versées aux débats que par jugement en date du 7 mai 2009, le tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne a placé la SAS Établissements Marchal, venant à ses droits, sous redressement judiciaire.
En contravention avec l'article précédent, la SA Marchal Management n'a pas informé l'administrateur et le mandataire judiciaire de l'existence de la présente instance.
Un plan de redressement a été adopté le 2 décembre 2010, avec un plan d'apurement sur 10 ans.
Aucun relevé de forclusion n'a eu lieu dans le délai. Il n'est pas établi que les demandeurs aient eu connaissance de la procédure collective avant les écritures signifiées le 18 avril 2011 par la défenderesse.
Il ne saurait être contesté que celle-ci a agi en parfaite connaissance de cause, en fraude des droits de ses potentiels créanciers.
La mise en jeu de la responsabilité délictuelle, si elle nécessite la preuve d'une faute, imposé également la preuve d'un préjudice.
Il est constant que l'obligation de garantie est attachée à la qualité juridique de vendeur, et non pas à la capacité qu'en fait ce dernier pouvait avoir de contrôler la qualité de la chose ou d'en connaître les défauts éventuels. Peu importe donc qu'il s'agisse d'un fabricant, d'un importateur, d'un grossiste ou d'un revendeur distributeur.
Ainsi les vendeurs antérieurs de la chose, en plus du vendeur immédiat, sont tenus à garantie envers l'acquéreur final.
L'action se trouvera remonter la chaîne des ventes successives lorsque seront exercés, de vendeur en vendeur, des recours en garantie consécutivement à la demande adressée par l'acheteur final à son cocontractant immédiat.

C'est sur cette base que la SAS Établissements Marchal exerce un recours en garantie contre la société John Deere.
En matière de biens meubles, c'est bien le fabricant qui a vocation à supporter la charge finale de la garantie.
En l'espèce, les demandeurs obtiennent la condamnation de la société John Deere, en sa qualité de fabricant, et obtiennent donc l'indemnisation de leur préjudice.
Il ne subsiste donc aucun préjudice à leur charge du fait de défaut de mention de leur existence dans la liste des créanciers dans le cadre de la procédure collective.

1°/ Alors, d'une part, que M. Francis X..., M. Adonis X... et la compagnie Groupama ont invoqué les préjudices résultant de la privation du recours contre un débiteur tenu in solidum et des intérêts courus entre la date d'assignation de la société Établissements Marchal et celle, seule prise en compte par les juges, d'assignation de la société John Deere ; que la cour d'appel qui, pour rejeter la demande d'indemnisation dirigée contre la société Établissements Marchal, dont elle a retenu la faute, constitutive d'une la fraude, pour ne pas avoir fait état de l'instance en cours dans le cadre de la procédure collective dont elle avait fait l'objet, a retenu, par motifs propres et adoptés, que qu'il ne subsistait aucun préjudice dès lors que les demandeurs avaient obtenu la condamnation de la société John Deere ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur le moyen pris de la privation d'un recours utile contre le vendeur tenu à garantie in solidum avec le fabricant, et les intérêts pris en considération, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

2°/ Alors, d'autre part et en toute hypothèse, que la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation, qui serait éventuellement prononcée sur le pourvoi principal, des dispositions rejetant la demande de nullité d'expertise condamnant la société John Deere en paiement, entraînerait par voie de conséquences celles qui, pour rejeter les demandes dirigées contre la société Établissements Marchal, se fondent sur la condamnation prononcée à l'encontre de la société John Deere, en application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-13810
Date de la décision : 09/06/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 02 février 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 jui. 2017, pourvoi n°16-13810


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Ohl et Vexliard, SCP Zribi et Texier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.13810
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