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08/06/2017 | FRANCE | N°16-19832

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 08 juin 2017, 16-19832


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 6 novembre 2009, Mme A..., conductrice d'un véhicule assuré auprès de la société Mutuelle assurance des instituteurs de France (la MAIF) dont son père, M. Y... Z... était passager, a été percutée par le fourgon conduit par M. B..., assuré auprès de la société Aviva assurances ; que M. B... a été condamné pénalement du chef de blessures involon

taires sur la personne de Mme A... et de M. Y... Z... avec les circonstances aggravantes ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 6 novembre 2009, Mme A..., conductrice d'un véhicule assuré auprès de la société Mutuelle assurance des instituteurs de France (la MAIF) dont son père, M. Y... Z... était passager, a été percutée par le fourgon conduit par M. B..., assuré auprès de la société Aviva assurances ; que M. B... a été condamné pénalement du chef de blessures involontaires sur la personne de Mme A... et de M. Y... Z... avec les circonstances aggravantes de conduite sous l'empire d'un état alcoolique et malgré la suspension administrative du permis de conduire ; que les préjudices subis par Mme A... et M. Y... Z... ont été pris en charge par la MAIF aux termes d'une transaction du 31 octobre 2011 ; qu'un tribunal de grande instance a débouté la société Aviva assurances de sa demande de nullité du contrat d'assurance pour fausse déclaration intentionnelle de l'assuré mais constaté l'exclusion de la garantie de l'assureur à l'égard de ce dernier ; que la MAIF a exercé une action récursoire à l'encontre de la société Aviva assurances afin d'obtenir notamment le remboursement des indemnités versées aux victimes en exécution de la transaction et des sommes versées à une caisse primaire d'assurance maladie ayant servi des prestations ; que la société Aviva assurances a attrait dans la cause Mme A... et M. Y... Z... ;

Attendu que pour débouter la MAIF de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt retient qu'il lui appartenait de mettre en cause la société Aviva assurances dans la procédure pénale conformément aux dispositions de l'article 388-2 du code de procédure pénale ; que, faute de l'avoir fait, c'est à bon droit que le jugement déféré, faisant une exacte application des dispositions de l'article 388-3 du même code, a retenu que, ni les opérations d'expertise, ni l'accord transactionnel du 31 octobre 2011 auxquels elle n'a pas été partie ne pouvaient lui être opposés ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'assureur de responsabilité qui, en connaissance des résultats de l'expertise judiciaire ayant pour objet d'évaluer le préjudice causé aux victimes d'une infraction commise par son assuré, a eu la possibilité d'en discuter les conclusions, ne peut, sauf s'il y a eu fraude à son encontre, soutenir qu'elle lui est inopposable, peu important qu'il n'ait pas été attrait à la procédure pénale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté l'exclusion de garantie invoquée par la société Aviva assurances à l'égard de la société Mutuelle assurance des instituteurs de France, l'arrêt rendu le 2 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau ;

Condamne la société Aviva assurances aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Y... Z..., à Mme A... et à la société Mutuelle assurance des instituteurs de France la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. Y... Z..., Mme A... et la Mutuelle assurance des instituteurs de France.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande en paiement de la Maif à l'égard de la société Aviva Assurances des sommes de 167.294,48 euros au titre du protocole d'indemnisation, la somme de 1.800 euros pour les prothèses dentaires, la somme de 60.930,05 euros au titre des prestations versées à M. Y... par la CPAM, la somme de 83.244,86 euros au titre des arrérages échus des rentes allouées à M. Y... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE par les courriers qu'elle produit en cause d'appel comme ayant été adressés par ses soins à la société Aviva Assurances, la Maif n'établit pas que cette dernière aurait été informée de l'existence de la procédure pénale dans laquelle il lui appartenait de la mettre en cause conformément aux dispositions de l'article 388-2 du code de procédure pénale; que, faute de l'avoir fait, c'est à bon droit que le jugement déféré, faisant une exacte application des dispositions de l'article 388-3 du même code, a retenu que, ni les opérations d'expertise, ni l'accord transactionnel du 31 octobre 2011 auxquels elle n'a pas été partie ne pouvaient lui être opposés ; que le surplus des dispositions civiles du jugement du tribunal correctionnel de Foix du 16 novembre 2011 n'est pas non plus opposable à la société Aviva Assurances ; qu'en conséquence, c'est à bon droit que le jugement déféré a rejeté les demandes présentées par la Maif, notamment celles en remboursement des sommes versées en indemnisation du préjudice de M. Juan Y... dont la Maif, qui n'a pas appelé l'organisme social en la cause, n'a pas demandé la liquidation ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE selon l'article 388-2 du code de procédure pénale, dix jours au moins avant l'audience, la mise en cause de l'assureur est faite par toute partie qui y a intérêt au moyen d'un acte d'huissier ou d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception qui mentionne la nature des poursuites engagées, l'identité du prévenu, de la partie civile et, le cas échéant, de la personne civilement responsable, le numéro des polices d'assurance, le montant de la demande en réparation ou, à défaut, la nature et l'étendue du dommage, ainsi que le tribunal saisi, le lieu, la date et l'heure de l'audience. L'article 388-3 du code de procédure pénale dispose que la décision concernant les intérêts civils est opposable à l'assureur qui est intervenu au procès ou a été avisé dans les conditions prévues par l'article 388-2. En l'espèce, il ressort du jugement du tribunal correctionnel en date du 9 décembre 2010 opposant M. B... à Maria Y... épouse A... et M. Juan Y... que la société Aviva Assurances n'a pas été mise en cause dans les formes et délais au cours de l'instance. Ce jugement a ordonné par ailleurs une expertise médicale de chacune des victimes. De fait, la société Aviva Assurances n'a été avisée par la Maif que postérieurement, sans qu'elle ne soit invitée aux opérations d'expertise, le rapport ayant été déposé le 11 mars 2011. De plus, la société Aviva Assurances a répondu, dès le 6 octobre 2011, en expliquant que le rapport d'expertise médicale ne lui était pas opposable et qu'elle contestait ces conclusions et proposait de mettre en place une expertise amiable et contradictoire. Bien que l'accord transactionnel, qui a été conclu entre Juan Y..., Maria A... et la Maif le 31 octobre 2011, ait été communiqué à la société Aviva Assurances le 10 novembre 2011, en l'absence de mise en cause devant le tribunal correctionnel et en son absence aux opérations d'expertise, cet accord transactionnel ne peut être opposé à la société Aviva Assurances. En conséquence, l'ensemble des demandes en paiement de la Maif doivent être rejetées ;

1) ALORS QU'est opposable à l'assureur de l'auteur des dommages le rapport d'expertise médicale de la victime, dès lors que, bien que ni présent ni appelé aux opérations d'expertise, celui-ci a pu contradictoirement débattre des conclusions de l'expert ; qu'en décidant que le rapport déposé par M. E..., le 11 mars 2011, n'était pas opposable à la société Aviva Assurances qui n'avait pas participé aux opérations d'expertise judiciaire réalisées dans le cadre de la procédure pénale, tout en constatant que ce rapport avait été versé aux débats dans le cadre de l'instance civile l'opposant à la Maif et aux consorts A... et Y... Z..., la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2) ALORS QU'un rapport d'expertise judiciaire est opposable à l'assureur du responsable d'un accident de la circulation quand bien même il n'aurait pas été mis en cause et ne serait pas intervenu volontairement au procès pénal ayant, sur l'action publique, retenu la culpabilité de l'assuré et désigné un expert pour statuer sur les intérêts civils, dès lors que ce rapport d'expertise, régulièrement versé aux débats, a été soumis à la discussion contradictoire des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le rapport établi par M. E... le 11 mars 2011 a été versé aux débats par la Maif dans le cadre de l'instance civile l'opposant à la société Aviva Assurances ; qu'en décidant néanmoins que l'absence de mise en cause de la société Aviva Assurances, dans le cadre de la procédure pénale ayant abouti à la déclaration de culpabilité de son assuré, suffisait à lui rendre inopposable le rapport d'expertise judiciaire établi à cette occasion, la cour d'appel a violé les articles 388-2 et 388-3 du code de procédure pénale ;

3) ALORS QUE l'assureur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation qui a indemnisé la victime de cet accident, est subrogé dans les droits de celle-ci contre le responsable et son assureur auxquels il peut opposer l'accord transactionnel qu'il a conclu avec la victime conformément aux dispositions d'ordre public prévues aux articles L. 211-9 et suivants du code des assurances ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que M. B..., assuré auprès de la société Aviva Assurances, avait été condamné pénalement du chef de blessures involontaires par conducteur de véhicule terrestre à moteur à l'égard des consorts Y... Z... et A... ; qu'il était également acquis aux débats qu'aux termes d'un protocole d'indemnisation transactionnelle du 31 octobre 2011, la Maif, en sa qualité d'assureur du véhicule conduit par Mme A..., impliqué dans l'accident, s'était engagée à indemniser les victimes lesquelles avaient donné leur accord sur les sommes ainsi octroyées au titre de la réparation de leur préjudice, cette prise en charge de l'indemnisation étant faite « pour le compte de qui il y appartiendra » ; qu'en rejetant le recours subrogatoire de la Maif contre la société Aviva Assurances, assureur du responsable, au motif que l'accord transactionnel conclu entre la Maif et les victimes était inopposable à la société Aviva Assurances, la cour d'appel a violé les articles L. 121-12, L. 211-9 et suivants du code des assurances, ensemble l'article 1251 du code civil ;

4) ALORS, en toute hypothèse, QUE le juge qui constate l'existence d'un préjudice ne peut refuser de le réparer au motif qu'il ne dispose pas des éléments lui permettant de l'évaluer ; qu'en l'espèce, à la suite du jugement du correctionnel du tribunal de grande instance de Foix du 9 décembre 2010 ayant déclaré M. B... coupable du chef de blessures involontaires sur la personne de Maria A... et de Juan Y... Z..., par conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, le principe de la responsabilité de M. B..., assuré auprès de la société Aviva Assurances, était acquis, tout comme le statut de victimes des consorts A... et Y... Z... ; qu'en rejetant purement et simplement la demande de la Maif, assureur subrogé dans les droits des victimes, cependant que le principe de leur droit à réparation était acquis et que la responsabilité de M. B..., assuré de la société Aviva Assurances, était également acquise, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-19832
Date de la décision : 08/06/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

MESURES D'INSTRUCTION - Caractère contradictoire - Expertise - Opposabilité - Conditions - Détermination - Portée

PROCEDURE CIVILE - Droits de la défense - Principe de la contradiction - Application - Expertise - Possibilité de discuter les conclusions de l'expert - Portée

L'assureur de responsabilité qui, en connaissance des résultats de l'expertise judiciaire ayant pour objet d'évaluer le préjudice causé aux victimes d'une infraction commise par son assuré, a eu la possibilité d'en discuter les conclusions, ne peut, sauf s'il y a eu fraude à son encontre, soutenir qu'elle lui est inopposable, peu important qu'il n'ait pas été attrait à la procédure pénale


Références :

article 16 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 02 mai 2016

A rapprocher :3e Civ., 29 septembre 2016, pourvoi n° 15-16342, Bull. 2016, III, n° ??? (cassation partielle), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 08 jui. 2017, pourvoi n°16-19832, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat(s) : SCP Ohl et Vexliard, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.19832
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