LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 décembre 2015), que la société Galerie d'art moderne B...-X...(la galerie), dirigée par M. X..., a exposé à la biennale des antiquaires qui s'est tenue à Paris en 2004, un tableau intitulé « tremblement de terre » présenté comme étant une oeuvre de Max Y...; que lors de l'exposition, la galerie a mis à la disposition du public une fiche technique ainsi qu'une reproduction photographique de l'oeuvre comportant au verso une mention manuscrite, signée par M. Z..., spécialiste mondialement reconnu de l'artiste, auquel le tableau avait été présenté en 2002, selon laquelle « L'oeuvre reproduite " tremblement de terre " huile sur toile, 60x73 cm, 1929, va figurer dans le catalogue raisonné de Max Y... qui paraît sous ma direction » ; que la société Minneba Limited Corp., devenue la société Monte Carlo Art, a acquis ce tableau par l'intermédiaire de la galerie avant d'en confier la vente en octobre 2009, à la société Sotheby's ; que le tableau a été adjugé à un collectionneur ; qu'une enquête des services de police allemands a mis en évidence un vaste trafic d'oeuvres d'art contrefaites, portant notamment sur des tableaux de Max Y... ; que la société Sotheby's, informée par les enquêteurs de la probabilité que le tableau intitulé « Tremblement de terre » soit un faux, a fait procéder à une expertise scientifique qui a confirmé que cette oeuvre n'était pas authentique en raison de l'usage de pigments découverts postérieurement à la date à laquelle elle aurait été réalisée ; que la société Sotheby's a informé la société Monte Carlo Art de la nécessité d'annuler la vente et de restituer le prix ; que la société Monte Carlo Art s'étant exécutée, a assigné MM. Z... et X... en responsabilité et indemnisation de son préjudice ;
Attendu que la société Monte Carlo Art fait grief à l'arrêt de la débouter de l'ensemble de ses prétentions, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'un spécialiste mondialement reconnu de l'oeuvre d'un artiste affirme l'authenticité d'une oeuvre réalisée par celui-ci sans assortir son propos de réserves, il engage sa responsabilité en tant qu'expert sur cette seule affirmation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que M. Z... était non seulement l'auteur d'un catalogue raisonné de Max Y..., mais surtout le « spécialiste incontournable de l'oeuvre » de ce peintre, dont l'avis sur l'authenticité « conditionne l'aptitude d'une oeuvre à être introduite sur le marché de l'art, ainsi que l'intéressé en convient lui-même » ; qu'en retenant cependant qu'il ne pouvait être mis à la charge de M. Z..., en tant qu'auteur d'un catalogue raisonné qui exprime une opinion sur l'authenticité d'un tableau, une responsabilité équivalente à celle d'un expert, cependant qu'il était établi que M. Z... était l'un des plus grands experts de Max Y... et que son avis sur l'authenticité des oeuvres de ce dernier conditionnait leur introduction sur le marché de l'art, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ que lorsqu'un spécialiste mondialement reconnu de l'oeuvre d'un artiste affirme l'authenticité d'une oeuvre réalisée par celui-ci sans assortir son propos de réserves, il engage sa responsabilité en tant qu'expert sur cette seule affirmation, peu important que celle-ci ne soit pas faite lors de la vente du tableau, dès lors que l'avis donné a vocation à accompagner l'oeuvre lors de tout transfert de propriété ; qu'il n'était pas contesté en l'espèce que l'affirmation de l'authenticité de l'oeuvre litigieuse faite par M. Z..., sous forme d'une expertise photographique revêtue de sa signature, avait vocation à accompagner le tableau et à être présentée avec lui lors d'une exposition ou d'une vente futures ; qu'en conséquence, en se fondant, pour écarter toute responsabilité civile à la charge de M. Z..., sur le fait que celui-ci avait attesté de l'authenticité du tableau en dehors de toute transaction déterminée, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants et a derechef violé l'article 1382 du code civil ;
3°/ que l'avis porté par un spécialiste mondialement connu de l'oeuvre d'un artiste sur l'authenticité d'un tableau de celui-ci ne peut être réduit à une simple opinion lorsqu'il est destiné à accompagner l'oeuvre lors de tout transfert de propriété et conditionne en outre l'introduction de celle-ci sur le marché de l'art ; qu'un tel avis est en réalité une expertise valant affirmation de l'authenticité de l'oeuvre et devant s'accompagner de réserves lorsque celle-ci n'est pas absolument certaine ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que « l'opinion » délivrée par M. Z..., qui a été mentionnée sur une photographie de l'oeuvre, revêtue de sa signature, remise au détenteur du tableau et donc destinée à accompagner celui-ci lors de tout transfert de propriété, conditionnait en outre l'aptitude de l'oeuvre à « être introduite sur le marché de l'art », ce qui, par essence même, conférait nécessairement à cette opinion la valeur d'une expertise attestant de l'authenticité de l'oeuvre ; qu'en retenant cependant que M. Z... s'était borné à délivrer une opinion qui n'avait pas les caractéristiques d'une expertise, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1382 du code civil ;
4°/ que la société Monte Carlo Art faisait valoir dans ses conclusions d'appel que les déclarations faites par M. Z... à la police allemande établissaient que ce dernier considérait les « opinions » qu'il émettait par une mention manuscrite apposée au dos des photographies reproduisant les oeuvres de Max Y... comme ayant la valeur d'une attestation d'authenticité de l'oeuvre ; qu'en effet, M. Z... a indiqué aux enquêteurs allemands que lorsqu'il était convaincu que l'oeuvre qui lui était présentée était « une oeuvre originale », il en apposait « le certificat au dos de l'une des photos en noir et blanc, la plupart du temps en français », le texte précisant « que ce tableau va être incorporé au catalogue de l'oeuvre du peintre » et « l'expertise photographique » étant remise au propriétaire ; que, répondant aux questions des enquêteurs allemands concernant le tableau « Tremblement de terre », M. Z... a déclaré avoir remis à M. A...« une expertise photographique » attestant « qu'il s'agi (ssai) t d'un authentique » ; que la société Monte Carlo Art soulignait également que la valeur attachée par le monde de l'art aux expertises photographiques de M. Z... est telle que le certificat d'authenticité délivré par ce dernier avait été suffisant à lui seul pour permettre de présenter le tableau litigieux à une vente aux enchères organisée par la société Sotheby's, celle-ci ayant indiqué dans le catalogue de la vente que « l'authenticité de l'oeuvre a été confirmée par Werner Z... » ; qu'en énonçant cependant que M. Z... avait émis une simple opinion ne présentant pas les caractéristiques d'une expertise, sans répondre à ce moyen déterminant des conclusions des exposantes, dont il résultait que tant M. Z... lui-même que le monde de l'art en général, considéraient les expertises photographiques délivrées par ce dernier comme des certificats d'authenticité des oeuvres concernées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ qu'un spécialiste mondialement reconnu et incontournable de l'oeuvre d'un peintre, dont la portée des « opinions » conditionne l'introduction des oeuvres du peintre sur le marché de l'art, doit faire preuve d'une prudence particulière dans la rédaction de ces opinions, notamment en les assortissant d'un minimum de réserves lorsque celles-ci reposent sur des éléments qui, même plausibles, ne sont pas entièrement avérés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que M. Z... s'était fondé sur l'historique de l'oeuvre contrefaite et les circonstances de sa réapparition qui « apparaissaient suffisamment plausibles » pour être tenues pour « véridiques » ; qu'en écartant néanmoins la responsabilité délictuelle de droit commun de M. Z..., sans rechercher si celui-ci n'aurait pas dû faire preuve de prudence dans la rédaction de son opinion, en l'assortissant de réserves, dès lors qu'il se fondait, pour la donner, sur des éléments seulement « plausibles » et donc non entièrement avérés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu qu'il ne pouvait être mis à la charge de l'auteur d'un catalogue raisonné, qui exprime une opinion en dehors d'une transaction déterminée, une responsabilité équivalente à celle d'un expert consulté dans le cadre d'une vente et que la responsabilité que M. Z... était susceptible de devoir assumer à l'occasion de la délivrance d'une telle opinion devait être examinée au regard des conditions de droit commun de l'article 1382 du code civil, puis relevé, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, que, d'abord, il n'était pas soutenu que son opinion aurait été sollicitée à l'occasion ou pour les besoins d'une vente, qu'ensuite, l'historique de l'oeuvre et les circonstances de sa réapparition apparaissaient suffisamment plausibles pour que M. Z... les ait tenues pour véridiques, qu'encore, cette opinion s'est fondée sur les caractéristiques picturales de l'oeuvre, tant en ce qui concerne le style la caractérisant que la technique utilisée, l'un et l'autre étant en adéquation avec la période présumée de réalisation de l'oeuvre litigieuse, qu'enfin seules des investigations techniques très poussées avaient permis de mettre en lumière l'inauthenticité des oeuvres et que la société Monte Carlo Art convenait elle-même qu'il ne pouvait être exigé de l'auteur d'un catalogue raisonné qu'il subordonne l'admission de chaque oeuvre à la réalisation d'une expertise scientifique, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire que la société Monte Carlo Art ne rapportait pas la preuve, qui lui incombait, que M. Z... avait commis une faute ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Monte Carlo Art aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Z... la somme de 3 000 euros et à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société Monte Carlo Art.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Monte Carlo Art de l'ensemble de ses prétentions ;
AUX MOTIFS QU'« il sera rappelé que l'oeuvre litigieuse « Tremblement de terre » a été réalisée dans le cadre d'un vaste trafic d'oeuvres d'art contrefaites où les techniques et stratagèmes mis en application par les faussaires ont consisté à exécuter des oeuvres en recourant à des techniques picturales utilisées par le peintre à l'époque présumée de réalisation de chaque oeuvre contrefaite, à faire usage de supports (châssis …) et d'intrants (tubes de peinture …) d'époque, à inventer un historique plausible et cohérent, reposant en partie sur des faits réels, à le documenter par de fausses photographies, elles-mêmes réalisées avec des techniques d'époque, mettant en scène les oeuvres, et à réinventer des oeuvres en utilisant le titre d'oeuvres disparues dans le contexte de la seconde guerre mondiale et non réapparues depuis ; que le soin appliqué par les faussaires pour réaliser les oeuvres contrefaites et leur permettre de réapparaître sur le marché de l'art a surpris la vigilance de tous les spécialistes y compris la veuve du peintre, Dorothée Tanning, qui a délivré un certificat d'authenticité à l'égard d'un tableau (« Forêt II ») qui s'avérera être un faux ; que seules des investigations techniques très poussées ont permis de mettre en lumière l'inauthenticité des oeuvres ; que dans le cas du tableau « Tremblement de terre » litigieux, c'est l'identification d'un pigment anachronique de même que des substances présentes au dos du tableau qui ont permis de conclure à la contrefaçon ; qu'il n'est pas contesté que Werner Z..., qui a connu personnellement Max Y... de 1966 jusqu'à sa disparition en 1976 et qui a entamé avec lui en 1967 le catalogue raisonné de son oeuvre, est un spécialiste mondialement reconnu et incontournable de l'oeuvre du peintre ; qu'il ressort des déclarations faites par Werner Z... à la police allemande qu'avant d'avoir l'occasion d'examiner le tableau « Tremblement de terre », il a été mis en relations par Wolfgang C...avec son complice, Otto A..., présenté comme un ami du galeriste parisien Aittouares où l'oeuvre sera ensuite exposée, et qui prétendait détenir le tableau de son grand-père, lequel aurait été un ami du marchand d'art Alfred
E...
; que, de son vivant, Max Y... avait confié à Werner Z... avoir mis en dépôt auprès d'Alfred
E...
de nombreux tableaux dont, dans le contexte des lois anti-juives de l'époque, il n'avait pu récupérer qu'une partie ; qu'il n'est pas discuté qu'Alfred
E...
avait, en 1929, exposé une cinquantaine d'oeuvres de Max Y..., dont seules quelques-unes étaient reproduites au catalogue de l'exposition ; que postérieurement au décès de l'artiste, Werner Z... a entrepris des recherches avec ses collaborateurs pour retrouver les oeuvres manquantes confiées à Alfred
E...
, dont certaines ont été intégrées au catalogue raisonné publié sous sa direction ; qu'il n'est pas contesté que l'oeuvre « Tremblement de terre » a été présentée à Werner Z... en 2002, soit deux ans avant son exposition à la Biennale des antiquaires de Paris 2004, à la suite de laquelle la société Minneba Limited Cor devenue Monte Carlo Art s'en est portée acquéreuse ; qu'il n'est pas davantage soutenu que cette opinion aurait été sollicitée à l'occasion de la vente du tableau par un précédent acquéreur et pour les besoins d'une telle vente ; que certes, il est constant que Werner Z... est un spécialiste incontournable de l'oeuvre de Max Y... et que l'opinion qu'il est susceptible d'émettre conditionne l'aptitude d'une oeuvre à être introduite sur le marché de l'art, ainsi que l'intéressé en convient lui-même ; que, toutefois, il ne peut être mis à la charge de l'auteur d'un catalogue raisonné qui exprime une opinion en dehors d'une transaction déterminée une responsabilité équivalente à celle d'un expert consulté dans le cadre d'une vente ; que la circonstance que Werner Z... émette ses opinions selon des modalités qu'il a lui-même codifiées, consistant dans l'apposition, au dos d'une photographie de l'oeuvre, d'une mention invariablement libellée dans les mêmes termes, n'a pas pour effet de conférer à cette opinion les caractéristiques d'une expertise sollicitée dans le cadre d'une vente ; que la responsabilité que Werner Z... est susceptible de devoir assumer à l'occasion de la délivrance d'une telle opinion doit donc être examinée au regard des conditions de droit commun de l'article 1382 du code civil ; qu'à cet égard, et ainsi que la société Monte Carlo en convient elle-même, il ne peut être exigé de l'auteur d'un catalogue raisonné qu'il subordonne l'admission de chaque oeuvre au catalogue publié sous sa responsabilité à la réalisation d'une expertise scientifique, laquelle nécessité le prélèvement de fragments de l'oeuvre et représente un coût significatif ; qu'il sera souligné, à cet égard, que le catalogue raisonné de l'oeuvre de Max Y... regroupe environ 6. 000 oeuvres dont un nombre très important de tableaux ; que dans le contexte précédemment décrit, la réapparition d'une oeuvre présentée comme provenant du dépôt E... était particulièrement plausible, d'autant que figuraient au dos du tableau une étiquette et un tampon d'apparence ancienne permettant d'identifier deux détenteurs successifs du tableau, la galerie berlinoise Der Strum, spécialisée dans les années 20 dans les oeuvres d'avant-garde, et la collection imaginaire Werner Jägers à Cologne ; que contrairement à ce que soutient la société Monte Carlo Art, Werner Z... ne pouvait être davantage attentif à ces étiquettes, sauf à procéder à leur égard à l'analyse scientifique qui en a révélé la fausseté, analyse dont la société Monte Carlo Art indique elle-même qu'il ne peut être reproché à Werner Z... de ne pas y avoir procédé, s'agissant du tableau lui-même ; que la mention de la galerie Der Strum, dont la date de cessation d'activité est, en l'état des éléments du dossier, indéterminée mais plus vraisemblablement intervenue en 1932 qu'en 1924 comme le soutient la société Monte Carlo Art, apparaît comme une mention venant en renfort de la thèse de l'authenticité ; que Werner Z... indique sans être contredit que, sur le plan stylistique, l'oeuvre « Tremblement de terre » présentait une parfaite cohérence avec la production de Max Y... du milieu des années 20 ; qu'il précise également, sans davantage être démenti, que l'oeuvre a été réalisée avec l'emploi de la technique dite du frottage et du grattage, mise au point par Max Y... et utilisée à cette époque précise ; que cette oeuvre, par le laconisme de sa composition, pouvait être rapprochée d'une oeuvre intitulée « Soleil », figurant dans le catalogue raisonné pour la période 1925/ 1929 et dont l'authenticité n'a jamais été mise en doute ; qu'ainsi, les éléments ayant conduit Werner Z... à rédiger son opinion montrent que l'examen de l'oeuvre « Tremblement de terre » à laquelle il a procédé ne révèle pas de faute délictuelle ou quasi-délictuelle ; que, d'une part, l'historique de l'oeuvre et les circonstances de sa réapparition apparaissaient suffisamment plausibles pour que Werner Z... les ait tenues pour véridiques ; que, d'autre part, cette opinion s'est fondée sur les caractéristiques picturales de l'oeuvre, tant en ce qui concerne le style la caractérisant que la technique utilisée, l'un et l'autre étant en adéquation avec la période présumée de réalisation de l'oeuvre litigieuse ; qu'il n'est pas allégué que de plus amples vérifications eussent été réalisables dans le contexte où Werner Z... a été consulté ; qu'il résulte de ce qui précède que la société Monte Carlo Art ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, d'une faute à l'encontre de Werner Z..., dans la rédaction de son opinion ; que le jugement sera, en conséquence, infirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de ce dernier ; que la société Monte Carlo Art sera, pour les mêmes motifs, déboutée de la demande qu'elle forme au titre de la réparation de son préjudice moral dit de réputation » ;
ALORS QUE, D'UNE PART, lorsqu'un spécialiste mondialement reconnu de l'oeuvre d'un artiste affirme l'authenticité d'une oeuvre réalisée par celui-ci sans assortir son propos de réserves, il engage sa responsabilité en tant qu'expert sur cette seule affirmation ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a elle-même constaté que M. Z... était non seulement l'auteur d'un catalogue raisonné de Max Y..., mais surtout le « spécialiste incontournable de l'oeuvre » de ce peintre, dont l'avis sur l'authenticité « conditionne l'aptitude d'une oeuvre à être introduite sur le marché de l'art, ainsi que l'intéressé en convient lui-même » ; qu'en retenant cependant qu'il ne pouvait être mis à la charge de M. Z..., en tant qu'auteur d'un catalogue raisonné qui exprime une opinion sur l'authenticité d'un tableau, une responsabilité équivalente à celle d'un expert, cependant qu'il était établi que M. Z... était l'un des plus grands experts de Max Y... et que son avis sur l'authenticité des oeuvres de ce dernier conditionnait leur introduction sur le marché de l'art, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1382 du Code civil ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, lorsqu'un spécialiste mondialement reconnu de l'oeuvre d'un artiste affirme l'authenticité d'une oeuvre réalisée par celui-ci sans assortir son propos de réserves, il engage sa responsabilité en tant qu'expert sur cette seule affirmation, peu important que celle-ci ne soit pas faite lors de la vente du tableau, dès lors que l'avis donné a vocation à accompagner l'oeuvre lors de tout transfert de propriété ; qu'il n'était pas contesté en l'espèce que l'affirmation de l'authenticité de l'oeuvre litigieuse faite par M. Z..., sous forme d'une expertise photographique revêtue de sa signature, avait vocation à accompagner le tableau et à être présentée avec lui lors d'une exposition ou d'une vente futures ; qu'en conséquence, en se fondant, pour écarter toute responsabilité civile à la charge de M. Z..., sur le fait que celui-ci avait attesté de l'authenticité du tableau en dehors de toute transaction déterminée, la Cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants et a derechef violé l'article 1382 du Code civil ;
ALORS QUE, DE TROISIEME PART, l'avis porté par un spécialiste mondialement connu de l'oeuvre d'un artiste sur l'authenticité d'un tableau de celui-ci ne peut être réduit à une simple opinion lorsqu'il est destiné à accompagner l'oeuvre lors de tout transfert de propriété et conditionne en outre l'introduction de celle-ci sur le marché de l'art ; qu'un tel avis est en réalité une expertise valant affirmation de l'authenticité de l'oeuvre et devant s'accompagner de réserves lorsque celle-ci n'est pas absolument certaine ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a elle-même constaté que « l'opinion » délivrée par M. Z..., qui a été mentionnée sur une photographie de l'oeuvre, revêtue de sa signature, remise au détenteur du tableau et donc destinée à accompagner celui-ci lors de tout transfert de propriété, conditionnait en outre l'aptitude de l'oeuvre à « être introduite sur le marché de l'art », ce qui, par essence même, conférait nécessairement à cette opinion la valeur d'une expertise attestant de l'authenticité de l'oeuvre ; qu'en retenant cependant que M. Z... s'était borné à délivrer une opinion qui n'avait pas les caractéristiques d'une expertise, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1382 du Code civil ;
ALORS QU'EN OUTRE la société Monte Carlo Art faisait valoir dans ses conclusions d'appel (p. 22 et 23) que les déclarations faites par M. Z... à la police allemande établissaient que ce dernier considérait les « opinions » qu'il émettait par une mention manuscrite apposée au dos des photographies reproduisant les oeuvres de Max Y... comme ayant la valeur d'une attestation d'authenticité de l'oeuvre ; qu'en effet, M. Z... a indiqué aux enquêteurs allemands que lorsqu'il était convaincu que l'oeuvre qui lui était présentée était « une oeuvre originale », il en apposait « le certificat au dos de l'une des photos en noir et blanc, la plupart du temps en français », le texte précisant « que ce tableau va être incorporé au catalogue de l'oeuvre du peintre » et « l'expertise photographique » étant remise au propriétaire ; que, répondant aux questions des enquêteurs allemands concernant le tableau « Tremblement de terre », M. Z... a déclaré avoir remis à M. A...« une expertise photographique » attestant « qu'il s'agi (ssai) t d'un authentique » ; que la société Monte Carlo soulignait également que la valeur attachée par le monde de l'art aux expertises photographiques de M. Z... est telle que le certificat d'authenticité délivré par ce dernier avait été suffisant à lui seul pour permettre de présenter le tableau litigieux à une vente aux enchères organisée par la société Sotheby's, celle-ci ayant indiqué dans le catalogue de la vente que « l'authenticité de l'oeuvre a été confirmée par Werner Z... » ; qu'en énonçant cependant que M. Z... avait émis une simple opinion ne présentant pas les caractéristiques d'une expertise, sans répondre à ce moyen déterminant des conclusions des exposantes, dont il résultait que tant M. Z... lui-même que le monde de l'art en général, considéraient les expertises photographiques délivrées par ce dernier comme des certificats d'authenticité des oeuvres concernées, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QU'ENFIN, subsidiairement, et en tout état de cause, un spécialiste mondialement reconnu et incontournable de l'oeuvre d'un peintre, dont la portée des « opinions » conditionne l'introduction des oeuvres du peintre sur le marché de l'art, doit faire preuve d'une prudence particulière dans la rédaction de ces opinions, notamment en les assortissant d'un minimum de réserves lorsque celles-ci reposent sur des éléments qui, même plausibles, ne sont pas entièrement avérés ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a elle-même constaté que M. Z... s'était fondé sur l'historique de l'oeuvre contrefaite et les circonstances de sa réapparition qui « apparaissaient suffisamment plausibles » pour être tenues pour « véridiques » ; qu'en écartant néanmoins la responsabilité délictuelle de droit commun de M. Z..., sans rechercher si celui-ci n'aurait pas dû faire preuve de prudence dans la rédaction de son opinion, en l'assortissant de réserves, dès lors qu'il se fondait, pour la donner, sur des éléments seulement « plausibles » et donc non entièrement avérés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.