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02/06/2017 | FRANCE | N°16-13346

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 juin 2017, 16-13346


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par contrat à temps partiel à compter du 1er mars 1996 en qualité de technicienne par Mme Y..., exploitant le « laboratoire Y... » ; que par lettre du 6 octobre 2012 visant l'article L. 1222-6 du code du travail, l'employeur a sollicité de la salariée qu'elle se prononce sur une proposition de modification substantielle de son contrat de travail dans le

sens d'une modification de la répartition de ses horaires sans réduction de ce...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par contrat à temps partiel à compter du 1er mars 1996 en qualité de technicienne par Mme Y..., exploitant le « laboratoire Y... » ; que par lettre du 6 octobre 2012 visant l'article L. 1222-6 du code du travail, l'employeur a sollicité de la salariée qu'elle se prononce sur une proposition de modification substantielle de son contrat de travail dans le sens d'une modification de la répartition de ses horaires sans réduction de ceux-ci, consistant à avancer le début de sa journée d'une heure, proposition refusée par lettre du 9 octobre 2012 ; qu'à la suite de ce refus et par lettre du 12 octobre 2012, l'employeur lui a proposé une nouvelle modification de la répartition des horaires débutant à 7 heures avec une réduction de la durée mensuelle passant de 130 heures à 82, 34 heures moyennant une diminution du salaire brut ; qu'après un nouveau refus, la salariée a été licenciée pour motif économique par lettre du 6 décembre 2012 ;

Attendu que pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à verser à la salariée des dommages-intérêts à cet effet, l'arrêt retient que le contrat de travail du 1er mars 1996 et l'avenant du 2 avril 2010 prévoient que la répartition des horaires, débutant à 7 heures, précisément détaillée, peut être modifiée en respectant un délai de prévenance de sept jours, sans énoncer pour autant les cas et la nature de telles modifications en violation des dispositions de l'article L. 3123-24 du code du travail, de sorte que le refus de la salariée d'accepter le changement d'horaires ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement ; qu'or, le motif économique énoncé dans la lettre de licenciement est une nécessaire réorganisation du laboratoire pour la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise rendant impérative la suppression de son poste de technicienne en raison du refus de la salariée d'une modification d'horaire pour permettre de débuter plus tôt les prélèvements dans le cadre des incidences du processus d'accréditation, refus ayant entraîné, compte-tenu de l'impossibilité alléguée d'une transformation de son emploi au regard de ses compétences, une proposition de réduction d'horaire hebdomadaire et mensuel, elle-même refusée ; qu'il s'en déduit que le licenciement, motivé exclusivement par le refus de la salariée d'accepter une modification de la répartition de ses horaires de travail consistant à avancer d'une heure le début des prélèvements dans le cadre d'une réorganisation économique de l'entreprise pour la sauvegarde de sa compétitivité, quand cette réorganisation n'exigeait la suppression de son poste qu'en raison de son refus légitime de changements d'horaires en cascade, est sans cause réelle et sérieuse ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que la lettre de licenciement était motivée par un motif économique ayant conduit l'employeur à décider de la modification du contrat de travail et par le refus de la salariée de voir son contrat modifié, en sorte qu'il appartenait au juge de vérifier, non la légitimité de ce refus, mais le caractère réel et sérieux du motif économique invoqué et de son incidence sur l'emploi de la salariée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme Y... à payer à Mme X... la somme de 15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 8 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, réformant le jugement entrepris, dit que le licenciement pour motif économique était sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné Madame Y... à payer à Madame X... la somme de 15. 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Aux motifs que, sur la rupture du contrat de travail : Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 1222-6, dans sa version applicable en l'espèce, lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception ; la lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus ; à défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée ; selon l'article L. 1233-6, la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur et de l'incidence précise du motif économique sur l'emploi occupé par le salarié ; le contrôle du caractère réel et sérieux du motif économique, qui s'apprécie à la date du licenciement en tenant compte le cas échéant d'éléments postérieurs, implique la vérification de l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, auquel le juge ne peut se substituer dans la mise en oeuvre de la réorganisation ; la salariée fait valoir, d'une part, que le contrat de travail ne prévoyant ni la nature, ni les cas envisagés s'agissant de la modification des heures de travail devant lui être notifiée dans un délai déterminé, il résulte des dispositions de l'article L. 3123-24 du code du travail que son refus de la proposition de changement d'horaire ne peut constituer une faute ou un motif de licenciement, alors qu'en tout état de cause, des obligations familiales impérieuses lui permettaient de s'opposer à ce changement, d'autre part, que la cause économique est inexistante faute de nécessité de supprimer son poste après qu'une proposition, portant sur une simple modification d'horaires, ait été légitimement refusée ; en vertu des dispositions de l'article L. 3123-24 précité, lorsque l'employeur demande au salarié de changer la répartition de sa durée du travail, alors que le contrat de travail n'a pas prévu les cas et la nature de telles modifications, le refus du salarié d'accepter ce changement ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement ; lorsque l'employeur demande au salarié de changer la répartition de sa durée du travail dans un des cas et selon les modalités préalablement définis dans le contrat de travail, le refus du salarié d'accepter ce changement ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement dès lors que ce changement n'est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses, avec le suivi d'un enseignement scolaire ou supérieur, avec une période d'activité fixée chez un autre employeur ou avec une activité professionnelle non salariée ; il en va de même en cas de changement des horaires de travail au sein de chaque journée travaillée qui figurent dans le document écrit communiqué au salarié en vertu du 3 º de l'article L. 3123-14 ; le contrat de travail du 1er mars 1996 et l'avenant du 2 avril 2010 prévoient que la répartition des horaires, débutant à 7 heures, précisément détaillée, peut être modifiée en respectant un délai de prévenance de sept jours, sans énoncer pour autant les cas et la nature de telles modifications en violation des dispositions de l'article L. 3123-24 du code du travail, de sorte que le refus de la salariée d'accepter le changement d'horaires ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement ; or, le motif économique énoncé dans la lettre de licenciement est une nécessaire réorganisation du laboratoire pour la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise rendant impérative la suppression de son poste de technicienne en raison du refus de la salariée d'une modification d'horaires pour permettre de débuter plus tôt les prélèvements dans le cadre des incidences du processus d'accréditation, refus ayant entraîné, compte-tenu de l'impossibilité alléguée d'une transformation de son emploi au regard de ses compétences, une proposition de réduction d'horaire hebdomadaire et mensuel, elle-même refusée ; il s'en déduit que le licenciement, motivé exclusivement par le refus de la salariée d'accepter une modification de la répartition de ses horaires de travail consistant à avancer d'une heure le début des prélèvements dans le cadre d'une réorganisation économique de l'entreprise pour la sauvegarde de sa compétitivité, quand cette réorganisation n'exigeait la suppression de son poste qu'en raison de son refus légitime de changements d'horaires en cascade, est sans cause réelle et sérieuse ;

1°) Alors, d'une part, que constitue un licenciement économique le licenciement effectué par un employeur pour des motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives à une réorganisation destinée à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; qu'il ressort des constatations mêmes de la cour d'appel que le motif économique énoncé dans la lettre de licenciement était une nécessaire réorganisation du laboratoire pour la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise rendant impérative la suppression du poste de technicienne de Madame X... en raison de son refus d'une modification d'horaire pour permettre de débuter plus tôt les prélèvements dans le cadre des incidences du processus d'accréditation, refus ayant entraîné une proposition de réduction d'horaire hebdomadaire et mensuel, elle-même refusée ; qu'en se fondant, pour dire que le licenciement de Madame X... était sans cause réelle et sérieuse, sur son refus jugé légitime de changement d'horaires qui ne pouvait constituer une faute ou un motif de licenciement, la cour d'appel qui a statué par un motif impropre à écarter la possibilité pour Madame Y... de procéder au licenciement de sa salariée dès lors que le motif du licenciement justifiant la modification proposée et refusée, reposait sur une cause économique, à savoir la réorganisation économique du laboratoire rendue nécessaire pour la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail ;

2°) Alors, d'autre part, que la lettre de licenciement en date du 6 décembre 2012 énonçait expressément qu'« Un contrat de collaboration prenant effet le 30 octobre 2012 a été établi avec la société Bio Ouest Var. Selon ce contrat, plus aucune technique n'est effectuée dans notre laboratoire à compter de cette date. Suite à une accréditation obligatoire de tous les laboratoires d'analyses privés, notre laboratoire sera donc obligé de fusionner dans un groupement où toute la technique sera accréditée au sein d'un plateau technique (CORAC). Ce contrat et la future fusion entraînent la nécessité de réorganiser les horaires de travail de l'ensemble du personnel. Compte tenu de cette situation nous vous avons proposé par courrier en date du 6 octobre et 12 octobre 2012 une modification d'horaire suivi d'une réduction d'horaire. Par courriers en date du 9 octobre et 13 octobre 2012, vous avez refusé ces deux propositions. Face à ce constat, nous avons donc décidé de supprimer votre poste de technicienne dans le cadre d'un licenciement économique, selon le choix des critères légaux définis dans l'article L. 1233-5 du code du travail » ; qu'en affirmant que le licenciement de Madame X... n'était fondé que sur son refus du changement de ses horaires de travail, pour en conclure que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a méconnu la lettre de licenciement par refus d'application et a violé les articles 1134 du code civil et L. 1232-6 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, réformant le jugement entrepris, condamné Madame Béatrice Y... à payer à Madame Laurence X... la somme de 15. 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Aux motifs que, sur l'indemnisation au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse : aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; au regard de l'âge, de l'ancienneté, de la capacité de la salariée à retrouver un emploi outre d'une diminution de ses revenus par suite de la perception d'allocations dans le cadre d'une formation d'infirmière, son préjudice consécutif à son licenciement sans cause réelle et sérieuse sera indemnisé à concurrence d'une somme de 15. 000 euros ;

Alors que la cassation d'un chef de dispositif emporte l'annulation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif qui sont dans un lien de dépendance nécessaire avec lui ou qui en sont la suite, l'application ou l'exécution ; que la cour d'appel a dit que le licenciement de Madame X... pour motif économique était sans cause réelle et sérieuse ; qu'en conséquence, la cassation à intervenir sur ce point, sur le fondement du premier moyen de cassation, entraînera l'annulation, par voie de conséquence, du chef de dispositif qui a condamné Madame Y... à payer la somme de 15. 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article 624 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-13346
Date de la décision : 02/06/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 08 janvier 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 jui. 2017, pourvoi n°16-13346


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.13346
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