LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1927 du code civil, ensemble les articles 1932 et 1933 du même code ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que Mme X...a confié une bague, pour réparation, à M. Y..., bijoutier ; que celui-ci a été victime d'un vol au cours duquel la bague a été dérobée ; que Mme X... a assigné M. Y... en réparation de son préjudice ;
Attendu que, pour rejeter sa demande, le jugement retient que le vol n'est pas du fait du dépositaire, que Mme X... n'établit pas de manque de soins et de précaution imputable à celui-ci dans la mission qui lui était confiée, enfin que l'assureur de ce dernier, en indemnisant le vol, a par là même entériné le fait que les mesures de précaution de son assuré étaient suffisantes pour lui accorder sa garantie ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le dépositaire n'est exonéré de son obligation de restituer la chose que lorsqu'il rapporte la preuve de l'absence de faute ou de négligence de sa part, la juridiction de proximité a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 29 juin 2015, entre les parties, par la juridiction de proximité de Lisieux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité de Caen ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Le moyen reproche au jugement attaqué
D'AVOIR débouté Madame X... de ses demandes à l'encontre de Monsieur Y... et de l'avoir condamnée à payer la somme de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
AUX MOTIFS QUE la procédure était fondée sur l'article 1927 du code civil ; qu'il ne ressortait pas du dossier que Monsieur Y... (bijoutier et dépositaire de la bague appartenant à Madame X...) ait failli à l'obligation légale consacrée par ce texte ; que son assureur avait indemnisé le sinistre sans mettre en doute les circonstances vol, ni la responsabilité de son assuré ; que la demanderesse n'établissait pas un manque de soin et de précaution de Monsieur Y... dans son rôle de dépositaire de la bague ; qu'il était constant que le vol ne provenait pas de son fait, était indépendant de sa volonté et n'était pas de sa responsabilité ; que Madame X... arguait de l'absence d'éléments quant à un éventuel système d'alarme ; que cependant, la compagnie d'assurances, en indemnisant le sinistre, avait par là-même entériné le fait que les mesures de précaution de son assuré étaient suffisantes pour accorder sa garantie ; que c'était en ce sens qu'avait statué la Cour de cassation dans un arrêt du 22 novembre 1988 ; que les arrêts cités par la demanderesse ne concernaient pas des espèces similaires ; que Madame X... n'apportait pas la preuve, qui lui incombait au titre de l'article 1315 du code civil, d'un manque de soin du dépositaire dans la mission qui lui était confiée et encore moins d'une faute qui lui serait imputable ;
ALORS QUE le dépositaire professionnel n'est exonéré de son obligation de restituer la chose que lorsqu'il rapporte la preuve de l'absence de faute ou de négligence de sa part ; qu'en se fondant sa décision sur le fait que Madame X... « n'apportait pas la preuve qui lui incombait d'un manque de soin du dépositaire ou d'une faute qui lui serait imputable », le juge de proximité a ouvertement inversé la charge de la preuve, violant l'article 1927 du code civil ;
ET ALORS QUE le simple fait que l'assureur du bijoutier, qui ne figurait pas dans la procédure, ait indemnisé son assuré, ne dispensait pas le juge de proximité de rechercher, comme il y était invité, si le dépositaire professionnel rapportait la preuve de son absence de faute ou de négligence, en démontrant notamment qu'il avait mis en place un système d'alarme adapté ; qu'il a dès lors privé sa décision de base légale au regard de l'article 1927 du code civil.