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01/06/2017 | FRANCE | N°14-14932

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 01 juin 2017, 14-14932


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 janvier 2014), que, pour la construction d'un immeuble, la société civile immobilière Villa de l'Orrier (la SCI) a confié les travaux d'électricité à la société Syselec ; que la société Syselec, qui n'avait pas été payée des situations émises à partir du 10 mars 2006, a informé la SCI qu'elle suspendait son intervention le 7 juin 2006, puis l'a assignée en paiemen

t du solde de son marché et en dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Attendu qu...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 janvier 2014), que, pour la construction d'un immeuble, la société civile immobilière Villa de l'Orrier (la SCI) a confié les travaux d'électricité à la société Syselec ; que la société Syselec, qui n'avait pas été payée des situations émises à partir du 10 mars 2006, a informé la SCI qu'elle suspendait son intervention le 7 juin 2006, puis l'a assignée en paiement du solde de son marché et en dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Attendu que, pour accueillir les demandes, l'arrêt retient que la SCI, qui n'a adressé aucun reproche à la société Syselec sur d'éventuels retards et a reconnu dans un protocole devoir une certaine somme dont le paiement était conditionné par la reprise des travaux, ne démontre pas que ceux-ci auraient été terminés par une entreprise tierce, ce qui justifierait de l'inachèvement de ses prestations par la société Syselec, ni que la commercialisation des appartements aurait été retardée ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'entrepreneur réclamant paiement de démontrer que les travaux avaient été achevés conformément aux prévisions contractuelles, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Syselec aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Villa de l'Orrier

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la SCI VILLA DE L'ORRIER à payer à la société SYSELEC la somme de 62.282,31 € au titre du solde de marché conclu le 4 février 2005 et celle de 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Aux motifs que :

« Considérant que les travaux exécutés par l'entreprise SYSELEC ont été payés jusqu'à la situation 4 ; qu'il sera relevé que les paiements sont intervenus avec retard sans respecter les conditions contractuelles.

Considérant qu'à partir de la situation 5 adressée le 10 Mars 2006, la société SYSELEC malgré ses demandes ne percevra plus aucun règlement ;

Considérant qu'en conséquence de ces refus de paiement, la société SYSELEC adressera le 7 juin 2006 un courrier à la SCI VILLA DE L'ORRIER pour l'informer " que tant que les règlements des situations ne sont pas effectués nous suspendons toutes interventions sur le site ".

Considérant que ce courrier sera suivi d'un rappel en date du 30 juin 2006.

Considérant que par courrier en date du 20 juillet 2006, la SCI VILLA DE L'ORRIER convoquait le représentant de la société SYSELEC dans ses locaux pour le vendredi 11 août suivant en l'informant qu'à cette occasion il lui serait remis un chèque de 10 238,36 € correspondant au règlement de la facture n° F 600150.

Considérant que par courrier du 12 octobre 2006, la société SYSELEC sollicitait de nouveau le paiement de ses factures pour la somme de 51 251 €.

Considérant qu'au cours de l'exécution des travaux, la SCI VILLA DE L'ORRIER n'adressera aucun reproche à SYSELEC sur d'éventuels retards ; que les compte rendus de chantier ne font pas état de retard, de manque de personnel sur le chantier ; que ce n'est qu'à compter de la suspension de l'intervention sur le chantier justifié par le refus de paiement que la SCI VILLA DE L'ORRIER tentera de retourner la situation en justifiant son refus de paiement des factures par le fait que les travaux ne sont pas terminés ;

Considérant que par courrier du 23 juin la SCI VILLA DE L'ORRIER menaçait la société SYSELEC de faire intervenir une entreprise tierce à ses frais.

Considérant que manifestement cette menace n'a pas été mise à exécution puisque la SCI VILLA DE L'ORRIER n'a imputé dans les différents décomptes définitifs qu'elle a établi pour la société SYSELEC aucune des factures que n'aurait pas manqué de lui délivrer l'entreprise tierce intervenante.

Considérant que la SCI VILLA DE L'ORRIER verse aux débats (pièce 21) un décompte provisoire hors pénalités provisoires non daté qui laisse apparaître un solde à payer de 22.156,15 €.

Qu'un second protocole d'accord sera établi le 1er février 2007 aux termes duquel, la SCI reconnaît devoir la somme de 22.156,15 € ; que le paiement était conditionné par la reprise des travaux

Considérant que la SCI soutient que les travaux n'ont pas été achevés par SYSELEC et qu'en conséquence les sommes prévues ne sont pas exigibles.

Mais considérant que la Cour constate que la SCI VILLA DE L'ORRIER ne démontre pas que les travaux ont été terminés par une entreprise tierce, cette preuve ne constituant pas un renversement de la charge preuve mais la justification de l'inachèvement de ses prestations par SYSELEC qui aurait dû en supporter les frais ; qu'elle n'argue pas non plus du retard dans la commercialisation des appartements.

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI VILLA DE L'ORRIER ne peut opposer aucun argument sérieux pour justifier son refus de paiement ; que la Cour considère que les travaux ont été exécutés par SYSELEC conformément au marché et que les factures doivent être honorées

Considérant que la SCI VILLA DE L'ORRIER sera condamnée à payer la somme de 62.282,31 €.
Considérant que la société SYSELEC sollicite la somme de 30.000 € à titre de dommages intérêts par suite de la mauvaise foi de la SCI VILLA DE L'ORRIER.

Considérant que la SCI soutient que l'article 1134 du code civil ne peut servir de fondement à cette demande qui devra être rejetée.

Mais, considérant que la SCI VILLA DE L'ORRIER a refusé sans raison explicitée à la société SYSELEC de régler la situation 5 qui va figer le litige ; que la SCI tentera postérieurement de faire accroire que c'est la société SYSELEC qui est à l'origine du litige alors que celui-ci est né du refus justifié par SYSELEC de poursuivre l'exécution de ses prestations par suite du non-paiement ; que la SCI VILLA de L'ORRIER qui reconnaît devoir au minimum la somme de 22.156,15 € n'a à ce jour réglé aucune somme ; que ce refus qualifie à lui seul la mauvaise foi ;

Considérant que l'article 1134 du code civil disposant en son alinéa 3 que les conventions doivent s'exécuter de bonne foi peut être invoqué comme fondement à une demande de dommages intérêts ;

Considérant que depuis plus de 7 années , la société SYSELEC a exécuté des travaux pour lequel elle n'a été payée qu'à environ 50 % du montant du marché initial ; que la SCI VILLA DE L'ORRIER ne saurait justifier le non-paiement par le fait que la maîtrise d'oeuvre n'a pas avalisé les situations dès lors que la maîtrise d'oeuvre et la maîtrise d'ouvrage sont entre les mains d'une même personne physique.

Considérant que la Cour allouera à la société SYSELEC en réparation du préjudice subi, différent de celui réparé par les intérêts moratoires la somme de 15.000 € » ;

Alors, d'une part, que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; qu'en retenant, pour condamner la société VILLA DE L'ORRIER au titre du solde des travaux, que cette société ne démontrait pas les manquements imputables à la société SYSELEC et ne pouvait opposer aucun argument sérieux justifiant un refus de paiement, quand il appartenait pourtant à l'entrepreneur réclamant paiement de démontrer que les travaux avaient été achevés conformément aux prévisions contractuelles, la Cour d'appel a manifestement inversé la charge de la preuve et a par conséquent violé l'article 1315 du Code civil ;

Alors, d'autre part, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en retenant, pour condamner la SCI VILLA DE L'ORRIER, que cette société ne pouvait pas invoquer le fait que la maîtrise d'oeuvre n'avait pas avalisé les situations au motif que la maîtrise d'oeuvre et la maîtrise d'ouvrage étaient entre les mains d'une même personne physique, quand le marché de travaux prévoyait pourtant expressément que le paiement ne pouvait intervenir qu'après établissement d'une situation mensuelle d'état d'avancement des travaux remise au maître d'oeuvre qui devait ensuite établir un décompte et transmettre la demande de règlement au maître de l'ouvrage, la Cour d'appel a refusé de faire application des stipulations contractuelles et a ainsi violé l'article 1134 du Code civil ;

Alors, enfin, que les sociétés jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation ; qu'il en résulte que deux sociétés immatriculées même composées des mêmes associés et dotées des mêmes dirigeants sont distinctes et autonomes juridiquement ; qu'en affirmant que la société SCI VILLA DE L'ORRIER ne pouvait pas invoquer le fait que la maîtrise d'oeuvre n'avait pas avalisé les situations parce que la maîtrise d'oeuvre et la maîtrise d'ouvrage étaient entre les mains d'une même personne physique, la Cour d'appel a méconnu l'autonomie juridique des sociétés VILLA DE L'ORRIER et MCS et a, par là-même, violé l'article 1842 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SCI VILLA DE L'ORRIER à payer à la société SYSELEC la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Aux motifs que :

« Considérant que la société SYSELEC sollicite la somme de 30.000 € à titre de dommages intérêts par suite de la mauvaise foi de la SCI VILLA DE L'ORRIER

Considérant que la SCI soutient que l'article 1134 du code civil ne peut servir de fondement à cette demande qui devra être rejetée.

Mais, considérant que la SCI VILLA DE L'ORRIER a refusé sans raison explicitée à la société SYSELEC de régler la situation 5 qui va figer le litige ; que la SCI tentera postérieurement de faire accroire que c'est la société SYSELEC qui est à l'origine du litige alors que celui-ci est né du refus justifié par SYSELEC de poursuivre l'exécution de ses prestations par suite du non-paiement ; que la SCI VILLA de L'ORRIER qui reconnaît devoir au minimum la somme de 22.156,15 € n'a à ce jour réglé aucune somme ; que ce refus qualifie à lui seul la mauvaise foi ;

Considérant que l'article 1134 du code civil disposant en son alinéa 3 que les conventions doivent s'exécuter de bonne foi peut être invoqué comme fondement à une demande de dommages intérêts ;

Considérant que depuis plus de 7 années , la société SYSELEC a exécuté des travaux pour lequel elle n'a été payée qu'à environ 50 % du montant du marché initial ; que la SCI VILLA DE L'ORRIER ne saurait justifier le non-paiement par le fait que la maîtrise d'oeuvre n'a pas avalisé les situations dès lors que la maîtrise d'oeuvre et la maîtrise d'ouvrage sont entre les mains d'une même personne physique.

Considérant que la Cour allouera à la société SYSELEC en réparation du préjudice subi, différent de celui réparé par les intérêts moratoires la somme de 15.000 € » ;

Alors, d'une part, que des dommages et intérêts ne peuvent être alloués que si le juge, au moment où il statue, constate qu'il est résulté un préjudice de la faute contractuelle ; qu'en condamnant la société VILLA DE L'ORRIER à payer une somme de 15.000 € en raison de sa prétendue mauvaise foi, sans toutefois relever aucun élément permettant de caractériser le préjudice subi par la société SYSELEC, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1149 du Code civil ;

Alors, d'autre part, que la victime d'une inexécution contractuelle a droit à la réparation intégrale de son préjudice sans perte ni profit ; qu'en condamnant la société VILLA DE L'ORRIER à payer une somme de 15.000 € en raison de sa prétendue mauvaise foi, la Cour d'appel a réparé deux fois le préjudice résultant du retard dans le paiement des travaux, préjudice déjà réparé par les intérêts moratoires assortissant la condamnation au titre du solde des travaux et a ainsi violé le principe de réparation intégrale du préjudice, ensemble l'article 1147 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 14-14932
Date de la décision : 01/06/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 31 janvier 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 01 jui. 2017, pourvoi n°14-14932


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:14.14932
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