LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 novembre 2015), que M. Y..., engagé à compter du 30 juin 2001 par la société Rail restauration, contrat transféré le 1er mars 2009 à la société Crémonini restauration, exerçant en dernier lieu les fonctions de commercial de bord senior, a été licencié par lettre du 20 octobre 2011 pour faute grave d'absences injustifiées répétées ; qu'ayant saisi la commission de discipline conformément à ce que lui indiquait la lettre de licenciement, celle-ci, le 28 novembre 2011 a proposé une sanction disciplinaire de mise à pied de 10 jours ; que le 7 décembre suivant, la société lui a notifié le maintien de son licenciement pour faute grave ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner en conséquence à payer au salarié les indemnités de rupture et des dommages-intérêts ainsi qu'à rembourser Pôle emploi du versement de six mois d'indemnités de chômage, alors selon le moyen, que sauf disposition expresse en ce sens dans la convention ou l'accord collectif, les avis rendus par les commissions de discipline sont purement consultatifs et ne lient donc pas l'employeur ; que la cour d'appel en considérant, en l'absence de toute disposition conventionnelle en ce sens, que l'employeur devait se conformer à l'avis de la commission de discipline ayant proposé une mise à pied de 10 jours, a violé l'article 19-2 de la convention collective nationale de la restauration ferroviaire du 4 septembre 1984 et les dispositions de l'accord collectif nouvelle restauration ferroviaire du 21 décembre 2000 ;
Mais attendu qu'ayant retenu qu'en présence d'un accord d'entreprise du 21 décembre 2000 nouvelle restauration ferroviaire prévoyant que la direction ne peut contester l'avis émis par la commission de discipline sur la sanction, la direction se réservant cependant le droit de modifier le niveau de gravité du licenciement, la cour d'appel en a exactement déduit que l'employeur a renoncé à la possibilité de ne pas suivre l'avis de cette commission sauf en ce qui concerne le niveau de gravité du licenciement où il retrouve sa liberté ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des dommages-intérêts au syndicat pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession alors, selon le moyen, que la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen entraînera nécessairement par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a condamnée à verser au syndicat CFDT restauration ferroviaire la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente, par application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Mais attendu que le rejet du premier moyen rend sans objet le second ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cremonini restauration aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cremonini restauration à payer à M. Y... et au syndicat CFDT restauration ferroviaire la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par Mme Z..., conseiller le plus ancien en ayant délibéré conformément à l'article 456 du code de procédure civile, en son audience publique du vingt-trois mai deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Cremonini restauration
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré abusif le licenciement de M. Y... et condamné, en conséquence, la société exposante à lui payer la somme de 4.309,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, celle de 223,63 euros au titre du 13ème mois sur préavis, outre les congés payés afférents à ces deux sommes, celle de 9.112,25 euros au titre de l'indemnité de licenciement, et celle de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, ainsi qu'à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois d'indemnisation ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' il résulte des dispositions de l'article L. 1231-1 du code du travail que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ; qu'aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse ; que les formalités préalables au licenciement imposées spécifiquement par une convention collective constituent une garantie de fond dont le non-respect prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis ; qu'en l'espèce, l'article 19.2 de la convention collective nationale de la restauration ferroviaire (la CCNRF) qui régissait la relation de travail entre la société Cremonini Restauration et Anthony Y... énonce que : « Toutefois, lorsque la sanction infligée à un agent atteint un haut niveau de gravité : mise à pied supérieure à six jours, rétrogradation, licenciement, l'agent peut, sur sa demande, être entendu par une commission de discipline. Cette demande doit être formulée par lettre recommandée avec avis de réception adressée au chef d'entreprise au plus tard cinq jours francs après notification écrite de la sanction. La mission de cette commission est, après audition de l'agent et délibération hors de sa présence, de formuler son avis écrit au chef d'entreprise sur le dossier de l'agent fautif et sur le niveau de la sanction qu'il lui paraît mériter. En possession de cet avis, le chef d'entreprise décide de la sanction à prononcer, et la notifie par écrit à l'agent fautif » ; que l'article 5.5.1 de l'accord Nouvelle Restauration Ferroviaire du 21 décembre 2000 ajoute, pour les personnels qui bénéficient de la commission de discipline prévue par la CCNRF, que : « La Direction ne peut pas contester l'avis émis par la commission de discipline sur la sanction. Cependant, la Direction se réserve le droit de modifier le niveau de gravité du licenciement » ; que selon les intimés, il résulte de ces textes que la société Cremonini Restauration n'a pas respecté la garantie de fond protégeant Anthony Y... en ne tenant pas compte de l'avis de la commission de discipline du 28 octobre 2011 concluant à une mise à pied de 10 jours à l'encontre du salarié à titre de sanction disciplinaire ; que la société Cremonini Restauration fait valoir qu'elle a légitimement maintenu sa décision de licencier Anthony Y... pour faute grave ; que l'avis de la commission de discipline est nécessairement consultatif, le cas contraire privant le juge judiciaire de son pouvoir d'appréciation et l'employeur de son pouvoir disciplinaire ; qu'il résulte incontestablement de l'article 19.2 de la convention collective nationale de la restauration ferroviaire complété par l'accord Nouvelle Restauration Ferroviaire du 21 décembre 2000, sauf à vider ces textes de tout sens, qu'un salarié visé par une mesure de licenciement dispose du droit de saisir la commission de discipline qui rend alors un avis qui ne lie aucunement le juge prud'homal mais qui s'impose à l'employeur ; que l'employeur n'est quant à lui nullement dépossédé de son pouvoir disciplinaire puisqu'il dispose, une fois l'avis rendu, de la possibilité d'apprécier le degré de la faute lorsqu'il s'agit d'une mesure de licenciement ; que l'ensemble de ces formalités constitue une garantie de fond dont la méconnaissance prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ; que la société Cremonini Restauration, en décidant de confirmer le licenciement pour faute grave d'Anthony Y... alors que l'avis de la commission de discipline tendait à une mise à pied de 10 jours, n'a pas respecté les formalités prescrites ; qu'il s'ensuit que le licenciement d'Anthony Y... est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le jugement entrepris qui a dit que le licenciement était abusif doit être confirmé ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la convention collective nationale de la restauration ferroviaire du 4 septembre 1984 est rédigée comme il suit en son article 19-2 : « Toutefois, lorsque la sanction infligée à un agent atteint un haut niveau de gravité : mise à pied supérieure à six jours, rétrogradation, licenciement, l'agent peut, sur sa demande, être entendu par une commission de discipline. Cette demande doit être formulée par lettre recommandée avec avis de réception adressée au chef d'entreprise au plus tard cinq jours francs après notification écrite de la sanction. La mission de cette commission est, après audition de l'agent et délibération hors de sa présence, de formuler son avis écrit au chef d'entreprise sur le dossier de l'agent fautif et sur le niveau de la sanction qu'il lui paraît mériter. En possession de cet avis, le chef d'entreprise décide de la sanction à prononcer, et la notifie par écrit à l'agent fautif » ; que la saisine de la commission intervient après prononcé de la sanction et il ne peut donc être reproché à la société Cremonini Distribution d'avoir licencié M. Anthony Y... avant qu'elle soit appelée à appréhender les faits par M. Anthony Y... ; qu'il revient à la société Cremonini Distribution d'apprécier une nouvelle fois et cela alors définitivement la situation après avoir reçu l'avis de la dite commission ; que la question en débat est celle de savoir si ledit avis lie l'employeur ; qu'il s'ajoute à cette convention collective l'accord Nouvelle restauration ferroviaire du 21 décembre 2000, qui stipule en sa disposition relative à la commission de discipline que : « La Direction ne peut pas contester l'avis émis par la commission de discipline sur la sanction. Cependant, la Direction se réserve le droit de modifier le niveau de gravite du licenciement » ; que sauf à vider cette stipulation de tout sens, étant observé que une partie ne saurait, en aucun cas et sans qu'il soit besoin de l'énoncer, modifier un avis rendu par une commission tiers, elle ne peut qu'être interprété qu'en ce sens qu'elle interdit à l'employeur de prononcer une sanction contraire à l'avis de la commission ; que la seule exception est celle relative au choix du degré de gravité d'un licenciement dont le principe a été approuvé par cet organe indépendant ; qu'en l'espèce, la commission saisie par M. Anthony Y... a rendu le 28 novembre 2011 un avis défavorable au licenciement ; que ses conclusions étaient les suivantes : «... Prononce en conséquence, à titre de sanction disciplinaire, la mise à pied pour 10 jours de M. Anthony Y... au lieu de son licenciement pour faute grave » ; que le licenciement confirmé par lettre du 7 décembre 2011 sera jugé abusif ;
ALORS QUE sauf disposition expresse en ce sens dans la convention ou l'accord collectif, les avis rendus par les commissions de discipline sont purement consultatifs et ne lient donc pas l'employeur ; que la cour d'appel en considérant, en l'absence de toute disposition conventionnelle en ce sens, que l'employeur devait se conformer à l'avis de la commission de discipline ayant proposé une mise à pied de 10 jours, a violé l'article 19-2 de la convention collective nationale de la restauration ferroviaire du 4 septembre 1984 et les dispositions de l'accord collectif nouvelle restauration ferroviaire du 21 décembre 2000.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Cremonini Restauration à payer au syndicat CFDT Restauration Ferroviaire la somme de 750 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le licenciement abusif dont a fait l'objet Anthony Y... constitue une atteinte à l'intérêt collectif de la profession que le syndicat CFDT Restauration Ferroviaire représente, qui mérite une réparation justement appréciée par le premier juge à la somme de 750 euros ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur l'action du syndicat CFDT Restauration Ferroviaire, ce syndicat en charge des intérêts collectifs de la profession a nécessairement subi un préjudice né du défaut de respect de l'accord collectif Nouvelle restauration ferroviaire du 21 décembre 2000 ; qu'en réparation, il recevra la somme de 750 euros ;
ALORS QUE la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen entraînera nécessairement par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société Cremonini Restauration à verser au syndicat CFDT Restauration Ferroviaire la somme de 750 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente, par application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile.