LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X...et à la Mutuelle des architectes français du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société SNMC et M. Y..., ès qualités de liquidateur de la société JPE Polybat, venant aux droits de la société SNMC ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 18 janvier 2016), que la société civile immobilière 56 rue de la Bretonnerie (la SCI) a vendu en l'état futur d'achèvement un appartement à Mme Z...; qu'invoquant des désordres et une insuffisance de surface, Mme Z... a, après expertise, assigné la SCI en nullité de la vente ; que la SCI a appelé en garantie M. X..., maître d'oeuvre, et son assureur, la MAF, M. A..., chargé du lot plomberie, chauffage, gaz, la société SNMC, chargée des lots gros oeuvre, sablage, revêtements cours et carrelage, et la société SCAM, chargée du lot placo isolation cloisonnement, et leurs assureurs respectifs ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1644 du code civil ;
Attendu que, pour condamner M. X... et la MAF, in solidum avec la SCI, à payer à Mme Z... la somme de 41 679, 36 euros au titre de la différence de superficie, et à garantir la SCI du montant de cette condamnation, l'arrêt retient que l'expert judiciaire a retenu une perte de superficie de 14, 72 m ² que cette différence de superficie est un fait constant qui ne peut qu'être imputable à M. X... et qu'il sera donc alloué à Mme Z... des dommages et intérêts compensant le préjudice qui résulte pour elle d'une diminution de surface ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la restitution à laquelle un vendeur est condamné à la suite de la réduction du prix de vente compte tenu d'une erreur de surface du bien vendu ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable, la cour d'appel, qui, sous le couvert d'allouer des dommages et intérêts, a octroyé une somme au titre de la réduction du prix de vente, a violé le texte susvisé ;
Sur le deuxième moyen :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter le recours formé par M. X... et la MAF contre la société A... et son assureur, la SMA, la société SCAM et son assureur, la SMABTP, la société SNMC et son assureur, la MAAF, en garantie de la condamnation au paiement de la somme de 1 318, 10 euros prononcée à leur encontre, l'arrêt retient que M. X... n'est pas recevable à invoquer l'application de l'article 1382 du code civil à l'encontre des entreprises intervenantes, celles-ci étant liées à lui par un contrat, ce qui exclut le jeu de la responsabilité délictuelle ;
Qu'en relevant ainsi d'office le moyen tiré de l'existence d'un contrat entre les entreprises et l'architecte, sans inviter préalablement les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner M. X... et la MAF à garantir la SMABTP de sa condamnation envers la SCI d'un montant de 10 915 euros, l'arrêt retient que le jugement mentionne dans ses motifs que les travaux de reprise concernant les manquements d'isolation thermique ayant été estimés par l'expert à la somme de 10 915 euros, ni discutée ni contestée par la SMABTP, cette dernière sera tenue de garantir la SCAM et sera elle-même garantie par M. X... et la MAF, que son dispositif condamne seulement la SMABTP à garantir la SCI de la condamnation à la somme de 10 915 euros, la condamnation de M. X... et de la MAF n'y était pas mentionnée et qu'il y a lieu d'ajouter dans le dispositif du présent arrêt le complément sollicité par la SMABTP ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions par lesquelles M. X... et la MAF soutenaient que seule la société SCAM était responsable du défaut d'isolation thermique, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X... et la MAF, in solidum avec la SCI, à payer à Mme Z... la somme de 41 679, 36 euros au titre de la différence de superficie et à garantir la SCI du montant de cette condamnation, en ce qu'il rejette le recours formé par M. X... et la MAF contre la société A... et son assureur, la SMA, la société SCAM et son assureur, la SMABTP, la société SNMC et son assureur la MAAF, en garantie de la condamnation au paiement de la somme de 1 318, 10 euros prononcée à leur encontre et en ce qu'il condamne M. X... et la MAF à garantir la SMABTP de sa condamnation envers la SCI d'un montant de 10 915 euros, l'arrêt rendu le 18 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne la société civile immobilière 56 rue de la Bretonnerie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. X... et la société Mutuelle des architectes français
Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. X... et la Mutuelle des Architectes Français in solidum avec la SCI 56 rue de la Bretonnerie à payer à Mme Z... la somme de 41 679, 36 € au titre de la différence de superficie, et d'avoir condamné M. X... et la MAF à garantir la SCI du montant de cette condamnation,
Aux motifs que « l'expert judiciaire, dont les conclusions, ainsi que l'ont souligné les premiers juges, ne sont pas contestées, a retenu une perte de superficie de 14, 72 m ² qu'il ne chiffre pas mais pour l'indemnisation de laquelle le tribunal a retenu un montant de 41 679, 36 € » (arrêt p. 9, al. 3 des motifs)
« qu'il y a lieu d'écarter l'argumentation de Christophe X... relativement à son obligation d'indemniser Sabine Z... pour la perte de superficie ;
Qu'il convient de retenir le calcul fait par les premiers juges et de confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a retenu la responsabilité de l'architecte » (arrêt p. 10, alinéas 4 et 5) ;
Et aux motifs, adoptés du jugement, qu'« il sera donc alloué à Mme Sabine Z... à titre de dommages et intérêts compensant préjudice qui résulte pour elle d'une diminution de surface la somme de 41 679, 36 euros …
Attendu que, en sa qualité de codébiteur in solidum des sommes dues à Mme Sabine Z..., la SCI 56 rue de la Bretonnerie dispose d'un recours contre ses co-obligés à proportion de leur part de responsabilité.
Que la responsabilité de M. Christophe X... dans l'erreur de superficie est établie et reconnue.
Qu'il sera donc condamné in solidum avec la MAF à garantir la SCI 56 rue de la Bretonnerie » (jugement p. 6, alinéas 4 et suiv.) ;
Alors que, d'une part, la restitution à laquelle un vendeur est condamné à la suite de la réduction du prix de vente compte tenu d'une erreur de surface du bien vendu ne constitue pas par elle-même un préjudice indemnisable ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont retenu une erreur de superficie de 14, 72 m ² affectant le bien vendu à Mme Z... par la SCI 56 rue de la Bretonnerie, et ont évalué la réduction de prix afférente à la somme de 41 679, 36 euros ; qu'en condamnant M. X..., auteur de la mesure erronée, et son assureur, in solidum avec le vendeur, à payer cette somme à l'acquéreur, et en les condamnant à garantir le vendeur de cette condamnation, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1644 du Code civil ;
Alors que, d'autre part et en toute hypothèse, dans leurs conclusions d'appel (p. 13), M. X... et la Maf ont soutenu que le vendeur pouvait seulement invoquer une perte de chance de vendre son bien au même prix pour une surface moindre, de sorte qu'ils ne pouvaient être condamnés à « garantir intégralement » le vendeur de la condamnation à restitution d'une partie du prix à l'acquéreur ; qu'en les condamnant à garantir intégralement la Sci venderesse de la condamnation à restitution du prix, sans répondre aux conclusions d'appel soutenant que le vendeur ne pouvait invoquer qu'une perte de chance, nécessairement limitée en son montant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Le deuxième moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours formé par M. X... et la Maf contre la société A... et son assureur, la Sma, la société Scam et son assureur, la Smabtp, la société Snmc et son assureur la Maaf, en garantie de la condamnation au paiement de la somme de 1318, 10 € prononcée à leur encontre,
Aux motifs que « Christophe X... déclare que lesdites anomalies relèvent du parfait achèvement dont la garantie serait due non par l'architecte mais par les entreprises ;
Que l'architecte s'était cependant vu confier une mission complète, qui l'obligeait à concevoir et diriger les travaux, et à en suivre la bonne exécution jusqu'à la reprise des réserves, et d'assurer la levée de ces dernières
Que c'est à bon droit que le tribunal a prononcé comme il l'a fait ;
Que Christophe X... n'est pas recevable à invoquer l'application de l'article 1382 du code civil à l'encontre des entreprises intervenantes, celles-ci étant liées à lui par un contrat, ce qui exclut le jeu de la responsabilité délictuelle ;
Attendu qu'il y a lieu en définitive de confirmer le jugement querellé dans son intégralité à l'exception du montant des sommes allouées au titre des désordres exposés lors des réserves initiales » (arrêt p. 10 in fine et p. 11) ;
Alors que le juge qui relève un moyen d'office doit préalablement ordonner la réouverture des débats pour permettre aux parties de s'expliquer sur son mérite ; que par ailleurs, le recours en garantie entre constructeurs est de nature quasi délictuelle, sauf entre parties liées par un contrat ; qu'en l'espèce, l'architecte et son assureur ont formé des recours en garantie contre les entreprises et leurs assureurs, lesquels n'ont pas soutenu avoir signé un contrat avec l'architecte ; qu'en déclarant ces recours en garantie irrecevables, motif pris de l'existence d'un contrat entre l'architecte et les entrepreneurs, sans avoir rouvert les débats pour permettre aux parties de s'expliquer sur le mérite de ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
Le troisième moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. X... et la MAF à garantir la SMABTP de sa condamnation envers la SCI 56 rue de la Bretonnerie d'un montant de 10 915 €,
Aux motifs que le « jugement mentionne dans ses motifs que les travaux de reprise concernant les manquements d'isolation thermique ayant été estimés par l'expert à la somme de 10 915 € hors-taxes, ni discutée ni contestée par la SMABTP, cette dernière sera tenue de garantir la SCAM et sera elle-même garantie par Christophe X... et la Mutuelle des Architectes Français ;
Que son dispositif condamne seulement la SMABTP à garantir la SCI 56 rue de la Bretonnerie de la condamnation à la somme de 10 915 € Hors Taxes, la condamnation de Christophe X... et de la Mutuelle des Architectes Français n'y était pas mentionnée ;
Qu'il y a lieu d'ajouter dans le dispositif du présent arrêt le complément sollicité par la SMABTP » (arrêt p. 11, alinéas 5 et suivants).
Et aux motifs, supposés adoptés, que « les travaux de reprise concernant les manquements d'isolation thermique ayant été estimés par l'expert à la somme de 10 915 € H. T., ni discutée ni contestée par la SMABTP, cette dernière sera tenue de garantir la SCAM et sera elle-même garantie par M. Christophe X... et la MAF » (jugement p. 8, 1er al.) ;
Alors que le débiteur non fautif peut obtenir la garantie intégrale d'un codébiteur fautif ; que le juge doit donc répondre aux conclusions d'une partie qui invoque les fautes d'une autre partie pour obtenir sa garantie ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions d'appel, la MAF et M. X... ont soutenu que seule la société SCAM était responsable du défaut d'isolation thermique (concl p. 16) ; qu'en les condamnant à garantir l'assureur de cette société, la SMABTP, de sa condamnation envers la SCI 56 rue de la Bretonnerie au paiement de 10 915 € au titre de ce défaut, sans répondre aux conclusions invoquant la faute de la société SCAM, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.