La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/05/2017 | FRANCE | N°15-28494

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 mai 2017, 15-28494


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à Mme X...de sa reprise d'instance en qualité de liquidateur judiciaire de la société Hanjin Shipping Europe GmbH et Co kg ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 20 octobre 2015), que M. Y... a été engagé le 2 janvier 1995 en qualité d'employé de consignation par la société Hanjin Shipping France, aux droits de laquelle vient la société Hanjin Shipping Europe Gmbh et Co kg ; qu'exerçant en dernier lieu les fonctions de directeur commercial, il a fait l'objet d'un avertissement le 3 av

ril 2013 et a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 1er juill...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à Mme X...de sa reprise d'instance en qualité de liquidateur judiciaire de la société Hanjin Shipping Europe GmbH et Co kg ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 20 octobre 2015), que M. Y... a été engagé le 2 janvier 1995 en qualité d'employé de consignation par la société Hanjin Shipping France, aux droits de laquelle vient la société Hanjin Shipping Europe Gmbh et Co kg ; qu'exerçant en dernier lieu les fonctions de directeur commercial, il a fait l'objet d'un avertissement le 3 avril 2013 et a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 1er juillet 2013 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir l'annulation de cet avertissement ainsi que de plusieurs évaluations professionnelles, le paiement d'heures supplémentaires et d'une indemnité pour travail dissimulé, l'allocation de dommages et intérêts pour harcèlement moral et la requalification de la rupture aux torts de l'employeur ; que par jugement du 29 novembre 2016, le tribunal de commerce de Rouen a ouvert une procédure de liquidation judiciaire secondaire à l'égard de la société Hanjin Shipping Europe GmbH et Co kg et nommé Mme X... en qualité de liquidateur judiciaire ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de paiement d'heures supplémentaires et congés payés afférents, d'indemnité pour travail dissimulé et de requalification de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne doit pas dénaturer, même par omission, les documents produits aux débats par les parties ; qu'à l'appui de sa demande, M. Y... avait versé aux débats d'appel, et invoqué dans ses écritures, des décomptes quotidiens précis des heures supplémentaires accomplies pour chacune des années au titre desquelles leur paiement était réclamé (ses pièces n° 128 à 132) de sorte que sa demande était étayée par ces décomptes unilatéraux auxquels l'employeur pouvait répondre ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que " l'intéressé se contente de tirer argument d'un document émanant de la société H. Shipping, qui fait simplement ressortir ses horaires d'arrivée pour les années 2009, 2010, 2011 et 2012 et qui met en évidence le concernant une arrivée avant 8h00 alors que ses horaires prévoient qu'il commence à 8h30 " et que " … cette seule pièce, qui ne fait nullement apparaître l'heure de sortie, est insuffisante à caractériser l'élément de nature à étayer la demande du salarié ", la cour d'appel a méconnu le principe susvisé ; 2°/ qu'en toute hypothèse, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, ses propres éléments sur les horaires effectivement réalisés ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. Y..., à l'appui de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, avait produit " … un document émanant de la société H. Shipping, qui fait simplement ressortir ses horaires d'arrivée pour les années 2009, 2010, 2011 et 2012 et qui met en évidence le concernant une arrivée avant 8h00 alors que ses horaires prévoient qu'il commence à 8h30 ", ce dont il résultait que sa demande en paiement d'heures supplémentaires était étayée par cet horaire de prise de poste et l'horaire de fin de poste auquel il était contractuellement soumis ; qu'il appartenait dès lors à l'employeur de démontrer éventuellement que le salarié, pendant la période considérée, avait également terminé son travail avant l'horaire fixé ; qu'en retenant cependant, pour débouter M. Y... de sa demande, que " … cette seule pièce, qui ne fait nullement apparaître l'heure de sortie, est insuffisante à caractériser l'élément de nature à étayer la demande du salarié ", la cour d'appel, qui a fait peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires accomplies, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

Mais attendu que le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine des juges du fond qui ont constaté que les éléments produits par le salarié n'étaient pas suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et de requalification de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, alors, selon le moyen :
1°/ que le harcèlement moral est constitué indépendamment de l'intention de son auteur dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ; que lorsque sont caractérisés des faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer un harcèlement, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve que les agissements ainsi décrits n'étaient pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. Y... a établi des faits, pris notamment de " l'absence d'information d'une distinction accordée à l'une des salariées de son équipe (…), la révision à la baisse des objectifs commerciaux 2012 sans qu'il soit consulté (…), l'absence de proposition d'une formation sur le transport des marchandises dangereuses, adressée pourtant à l'ensemble des managers (…), les difficultés pour assister à une réunion au siège du groupe Bolloré (…), l'absence de réception d'un compte-rendu d'une réunion commerciale importante (…), la réorganisation du service commercial avant même la fin de son préavis (…) " qui, " pris dans leur ensemble, [étaient] de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral " ; qu'en le déboutant cependant de sa demande aux motifs que les agissements ainsi constatés " … ne peuvent être qualifiés d'actes ayant pour but de déstabiliser le salarié (…) ", la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
2°/ qu'en toute hypothèse, lorsque sont caractérisés des faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer un harcèlement moral, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve que les agissements ainsi décrits n'étaient pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. Y... a établi des faits, pris notamment de " l'absence d'information d'une distinction accordée à l'une des salariées de son équipe (…) la révision à la baisse des objectifs commerciaux 2012 sans qu'il soit consulté (…) l'absence de proposition d'une formation sur le transport des marchandises dangereuses, adressée pourtant à l'ensemble des managers (…), les difficultés pour assister à une réunion au siège du groupe Bolloré (…), l'absence de réception d'un compte-rendu d'une réunion commerciale importante (…) la réorganisation du service commercial avant même la fin de son préavis (…) " qui, " pris dans leur ensemble, [étaient] de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral " ; qu'en le déboutant cependant de sa demande aux motifs que " … le fait de n'être pas prévenu d'une distinction accordée à l'une des salariées du service commercial, la révision à la baisse des objectifs 2012, décidée par le siège social, pour être, dans une conjoncture défavorable, plus facilement atteints, le fait de n'avoir pas été retenu pour une formation, le rendez-vous Bolloré auquel le salarié a finalement assisté, la réception du compte-rendu de la réunion commerciale du 16 mai 2013 une fois la demande faite par M. Pascal Y..., enfin la réorganisation du service commercial dès réception de la prise d'acte ne peuvent être qualifiés d'actes ayant pour but de déstabiliser le salarié (…) ", la cour d'appel, qui n'a pas constaté la justification objective, par l'employeur, des agissements ainsi retenus comme faits de harcèlement moral, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
3°/ qu'enfin, en retenant, pour exclure que la délivrance d'un avertissement injustifié le 3 avril 2013 était objectivement justifiée et exclusive de harcèlement moral, que, nonobstant " … sa nullité pour vice de forme … il n'en demeure pas moins que sur le fond, il sanctionnait la carence réitérée de Monsieur Pascal Y... à mettre en copie Monsieur Z...des courriels ayant trait aux ressources humaines, ce malgré une mise en garde antérieure ", sans répondre aux écritures du salarié faisant valoir que cet avertissement avait été délivré pour deux motifs dont le second particulièrement humiliant, consistait en une utilisation abusive pour son usage personnel de frais de carburant alloués pour son véhicule de service, et que ce motif, fallacieux, avait dû être retiré par l'employeur, " vérification faite ", après mise en demeure, de sorte que son comportement n'était pas, sur ce point, objectivement justifié, la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de fait dont elle a déduit, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, que, pris dans leur ensemble, les faits invoqués par le salarié laissaient présumer un harcèlement moral mais que l'employeur rapportait la preuve de ce que les décisions prises étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Pascal Y... de sa demande tendant à la condamnation de la Société Hanjin Shipping Europe GMBH et Co. KG au paiement d'un rappel de salaires pour heures supplémentaires, congés payés y afférents, indemnité pour travail dissimulé, à voir juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produirait les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la Société Hanjin Shipping Europe GMBH et Co. KG au paiement d'indemnités de rupture et dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS propres QUE " En vertu de l'article L. 3171-4 du code du travail, " en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles " ; que s'il résulte de cet article que la preuve d'heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;
QU'en l'espèce, Monsieur Pascal Y..., qui n'avait jamais interpellé l'employeur à ce sujet pourtant crucial, alors même que parallèlement, il adressait plusieurs courriers pour contester ses évaluations, soutient avoir effectué de nombreuses heures supplémentaires ; qu'il ne produit aucune pièce, type agenda sur lequel il aurait noté ses horaires ou témoignages faisant ressortir son amplitude horaire quotidienne ; qu'il est intéressant d'ailleurs de relever l'évolution dans les demandes chiffrées formées au titre des heures supplémentaires devant les premiers juges et devant la cour ; que l'intéressé se contente de tirer argument d'un document émanant de la Société H. Shipping, qui fait simplement ressortir ses horaires d'arrivée pour les années 2009, 2010, 2011 et 2012 et qui met en évidence le concernant une arrivée avant 8h00 alors que ses horaires prévoient qu'il commence à 8h30 ; que cette seule pièce, qui ne fait nullement apparaître l'heure de sortie, est insuffisante à caractériser l'élément de nature à étayer la demande du salarié ; qu'il convient dès lors de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur Pascal Y... de ses prétentions formées au titre des heures supplémentaires et par voie de conséquence de celle tenant au travail dissimulé " (arrêt p. 7 alinéas 10 et s., p. 8 alinéas 1 à 4) ;
ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE " Monsieur Y..., au regard de son niveau hiérarchique, avait une totale liberté d'organisation de ses horaires, tant pour commencer sa journée de travail que pour l'achever, qu'hormis sa convenance personnelle, il ne démontre aucune directive lui imposant d'être présent sur son lieu de travail avant l'horaire habituel ; que Monsieur Y... ne donne aucune indication sur ses horaires de fin de poste ; qu'ainsi, il ne rapporte pas la preuve qu'il a effectué, au-delà de l'horaire légal, un travail commandé par l'employeur ; que ces demandes à cet égard seront rejetées (…) " (jugement p. 7 in fine).
1°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer, même par omission, les documents produits aux débats par les parties ; qu'à l'appui de sa demande, Monsieur Y... avait versé aux débats d'appel, et invoqué dans ses écritures, des décomptes quotidiens précis des heures supplémentaires accomplies pour chacune des années au titre desquelles leur paiement était réclamé (ses pièces n° 128 à 132) de sorte que sa demande était étayée par ces décomptes unilatéraux auxquels l'employeur pouvait répondre ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que " l'intéressé se contente de tirer argument d'un document émanant de la Société H. Shipping, qui fait simplement ressortir ses horaires d'arrivée pour les années 2009, 2010, 2011 et 2012 et qui met en évidence le concernant une arrivée avant 8h00 alors que ses horaires prévoient qu'il commence à 8h30 " et que " … cette seule pièce, qui ne fait nullement apparaître l'heure de sortie, est insuffisante à caractériser l'élément de nature à étayer la demande du salarié ", la Cour d'appel a méconnu le principe susvisé ;
2°) ET ALORS en toute hypothèse QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, ses propres éléments sur les horaires effectivement réalisés ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que Monsieur Y..., à l'appui de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, avait produit " … un document émanant de la Société H. Shipping, qui fait simplement ressortir ses horaires d'arrivée pour les années 2009, 2010, 2011 et 2012 et qui met en évidence le concernant une arrivée avant 8h00 alors que ses horaires prévoient qu'il commence à 8h30 ", ce dont il résultait que sa demande en paiement d'heures supplémentaires était étayée par cet horaire de prise de poste et l'horaire de fin de poste auquel il était contractuellement soumis ; qu'il appartenait dès lors à l'employeur de démontrer éventuellement que le salarié, pendant la période considérée, avait également terminé son travail avant l'horaire fixé ; qu'en retenant cependant, pour débouter Monsieur Y... de sa demande, que " … cette seule pièce, qui ne fait nullement apparaître l'heure de sortie, est insuffisante à caractériser l'élément de nature à étayer la demande du salarié " la Cour d'appel, qui a fait peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires accomplies, a violé l'article L. 3171-4 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Pascal Y... de sa demande tendant à la condamnation de la Société Hanjin Shipping Europe GMBH et Co. KG au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral, à voir juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produirait les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la Société Hanjin Shipping Europe GMBH et Co. KG au paiement d'indemnités de rupture et dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'" En vertu de l'article L. 1152- 1du code du travail, " aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel " ; que l'article L. 1154-1 du code du travail dispose que " lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles " ; qu'en vertu de ce dernier texte, il pèse sur le salarié l'obligation de rapporter la preuve d'éléments précis et concordants ; que ce n'est qu'à cette condition que le prétendu auteur du harcèlement doit s'expliquer sur les faits qui lui sont reprochés ;
QUE Monsieur Pascal Y... fait valoir qu'il a subi une dégradation importante de ses conditions de travail depuis le changement de direction en 2010, le conduisant à se tourner vers la médecine du travail pour dénoncer une situation de harcèlement moral, à l'instar de nombreux autres de ses collègues ; qu'il justifie de ce qu'à l'occasion d'un questionnaire de satisfaction adressé aux salariés par la Société H. Shipping le 21 février 2013, l'une des questions était : « Si vous pensez qu'il y a encore de l'inégalité ou du harcèlement dans le bureau, merci de le signaler. Ne pas préciser le nom de salarié svp » (pièce n° 65, traduite en pièce n° 140) ; que Monsieur Pascal Y... produit par ailleurs aux débats deux courriels de Madame Isabelle A..., infirmière santé au travail : courriel du 17 décembre 2013 « Je tenais à vous informer que le Docteur B...a adressé ce jour un courrier d'alerte au directeur actuel de Hanjin Shipping Europe GMBH et Co. KG du Havre suite au constat de souffrance au travail de nombreux salariés actuellement en poste. Ces salariés nous avaient déjà alertés, tout comme vous, depuis plusieurs mois de la dégradation de leurs conditions de travail et cet état de fait persiste. Nous espérons que ce courrier sera pris en considération car à l'heure actuelle nous n'avons pas obtenu de réponse à la lettre recommandée d'alerte (pour les mêmes raisons) adressée en octobre dernier à la direction de Hanjin dans laquelle le Docteur B...proposait aussi son aide afin de remédier à ces conditions de travail inquiétantes pour la santé des salariés en cause. Nous ne manquerons pas de vous informer de la suite donnée par la direction de Hanjin Shipping en janvier 2014. Je vous ai adressé ce mail afin de vous confirmer que le Docteur B...prend en considération votre situation ainsi que celle des nombreux salariés en souffrance au sein des agences du groupe Hanjin Shipping et qu'il souhaite que cette dégradation des conditions de travail cesse (…) ». courriel du 17 janvier 2014 « Je vous présente à mon tour tous mes voeux pour cette nouvelle année en espérant que votre nouvelle activité vous plaise malgré la distance de votre famille, ce qui reste certainement votre principale préoccupation. Le nouveau directeur de Hanjin a donné suite au courrier d'alerte du Docteur B...et a demandé à le rencontrer vendredi dernier afin de prendre connaissance des faits (que nous avions préparé afin de relater l'ensemble des événements à l'origine du mal-être des salariés depuis au moins deux ans) et dans un objectif positif d'écoute et d'amélioration de la situation actuelle. Cet entretien s'est très bien passé. Nous espérons que par la suite cet entretien porte ses fruits pour l'ensemble des salariés en difficultés. Je pense que cette réaction rapide fait preuve de la prise en compte du mal-être de nombreux salariés durant la présence de Monsieur Z...et que ce nouveau directeur fera en sorte de remédier à cette situation délétère. Je vous souhaite encore bon courage pour les procédures à suivre, en espérant que cet entretien apporte « de l'eau à votre moulin » étant la preuve que vous n'étiez pas la seule personne en difficulté, mais plutôt une victime de la situation dégradée dans cette entreprise ».

QUE Monsieur Pascal Y... énumère également un certain nombre de situations dans lesquelles il estime avoir été mis à l'écart :- absence d'information d'une distinction accordée à l'une des salariées de son équipe (pièces 136 et 137),- la révision à la baisse des objectifs commerciaux 2012 sans qu'il soit consulté,- absence de proposition d'une formation sur le transport des marchandises dangereuses, adressée pourtant à l'ensemble des managers (pièce 66),- difficultés pour assister à une réunion au siège du groupe Bolloré (pièces 69 et 70),- absence de réception d'un compte-rendu d'une réunion commerciale importante (pièce 67),- réception de messages agressifs et humiliants,- la réorganisation du service commercial avant même la fin de son préavis (pièces 138 et 139) ;

QU'il relate en outre des faits de déstabilisation, tels l'avertissement du mois d'avril 2013 et la révision arbitraire et unilatérale de son évaluation professionnelle pour l'année 2012 ; qu'enfin, il appuie sa démonstration sur un avis médical faisant ressortir « des réveils nocturnes liés à des journées de travail et des conditions souvent stressantes » (pièce 72) ;
QUE tous ces éléments, pris dans leur ensemble, sont de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'il convient dès lors d'examiner les arguments et pièces de la société intimée ;
QUE cette dernière emporte la conviction de la cour lorsqu'elle met en évidence que le fait de n'être pas prévenu d'une distinction accordée à l'une des salariées du service commercial, la révision à la baisse des objectifs 2012, décidée par le siège social, pour être, dans une conjoncture défavorable, plus facilement atteints, le fait de n'avoir pas été retenu pour une formation, le rendez-vous Bolloré auquel le salarié a finalement assisté, la réception du compte-rendu de la réunion commerciale du 16 mai 2013 une fois la demande faite par Monsieur Pascal Y..., enfin la réorganisation du service commercial dès réception de la prise d'acte ne peuvent être qualifiés d'actes ayant pour but de déstabiliser le salarié ;
QUE s'agissant de l'avertissement du 3 avril 2013, si sa nullité pour vice de forme a été prononcée, il n'en demeure pas moins que sur le fond, il sanctionnait la carence réitérée de Monsieur Pascal Y... à mettre en copie Monsieur Z...des courriels ayant trait aux ressources humaines, ce malgré une mise en garde antérieure ;
QU'en ce qui concerne la révision de l'évaluation professionnelle pour l'année 2012, la Société Hanjin rapporte la preuve de ce qu'elle avait pour origine une erreur de calcul et de ce qu'elle concernait Monsieur Pascal Y... mais également d'autres salariés ;
QU'enfin, les courriels produits aux débats ne révèlent ni agressivité ni caractère humiliant ;
QUE tous ces événements factuels trouvant une explication autre que celle liée à un harcèlement moral, les commentaires de Madame Isabelle A..., infirmière santé au travail, doivent être pris avec circonspection, ce d'autant qu'ils ne se rapportent pas à des faits précis mais expriment davantage un sentiment général émanant de plusieurs salariés non identifiés, d'autre part révèlent un ton excessivement cordial ; que s'agissant de la question posée dans le questionnaire de satisfaction du 21 février 2013 sur la persistance ou non d'un climat de harcèlement moral au sein du bureau, celle-ci présente un caractère trop général et ne permet pas de faire un lien certain avec les faits dénoncés par l'appelant ; qu'enfin, le bilan de santé communiqué, faisant état de stress au travail et de problème de sommeil, ne fait que reprendre les propres déclarations de Monsieur Pascal Y... ;
QU'au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer que l'employeur rapporte la preuve de ce que les agissements mis en exergue par le salarié ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et de ce que les décisions prises étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement (…) " (arrêt p. 8 à 10, p. 11 alinéas 1 et 2) ;
1°) ALORS QUE le harcèlement moral est constitué indépendamment de l'intention de son auteur dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ; que lorsque sont caractérisés des faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer un harcèlement, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve que les agissements ainsi décrits n'étaient pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que Monsieur Y... a établi des faits, pris notamment de " l'absence d'information d'une distinction accordée à l'une des salariées de son équipe (…), la révision à la baisse des objectifs commerciaux 2012 sans qu'il soit consulté (…), l'absence de proposition d'une formation sur le transport des marchandises dangereuses, adressée pourtant à l'ensemble des managers (…), les difficultés pour assister à une réunion au siège du groupe Bolloré (…), l'absence de réception d'un compte-rendu d'une réunion commerciale importante (…), la réorganisation du service commercial avant même la fin de son préavis (…) " qui, " pris dans leur ensemble, [étaient] de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral " (arrêt p. 9 in fine, p. 10 §. 1er) ; qu'en le déboutant cependant de sa demande aux motifs que les agissements ainsi constatés " … ne peuvent être qualifiés d'actes ayant pour but de déstabiliser le salarié (…) ", la Cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;
2°) ALORS en toute hypothèse QUE lorsque sont caractérisés des faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer un harcèlement moral, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve que les agissements ainsi décrits n'étaient pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que Monsieur Y... a établi des faits, pris notamment de " l'absence d'information d'une distinction accordée à l'une des salariées de son équipe (…) la révision à la baisse des objectifs commerciaux 2012 sans qu'il soit consulté (…) l'absence de proposition d'une formation sur le transport des marchandises dangereuses, adressée pourtant à l'ensemble des managers (…), les difficultés pour assister à une réunion au siège du groupe Bolloré (…), l'absence de réception d'un compte-rendu d'une réunion commerciale importante (…) la réorganisation du service commercial avant même la fin de son préavis (…) " qui, " pris dans leur ensemble, [étaient] de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral " (arrêt p. 9 in fine, p. 10 §. 1er) ; qu'en le déboutant cependant de sa demande aux motifs que " … le fait de n'être pas prévenu d'une distinction accordée à l'une des salariées du service commercial, la révision à la baisse des objectifs 2012, décidée par le siège social, pour être, dans une conjoncture défavorable, plus facilement atteints, le fait de n'avoir pas été retenu pour une formation, le rendez-vous Bolloré auquel le salarié a finalement assisté, la réception du compte-rendu de la réunion commerciale du 16 mai 2013 une fois la demande faite par Monsieur Pascal Y..., enfin la réorganisation du service commercial dès réception de la prise d'acte ne peuvent être qualifiés d'actes ayant pour but de déstabiliser le salarié (…) " la Cour d'appel, qui n'a pas constaté la justification objective, par l'employeur, des agissements ainsi retenus comme faits de harcèlement moral, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;
3°) ALORS enfin QU'en retenant, pour exclure que la délivrance d'un avertissement injustifié le 3 avril 2013 était objectivement justifiée et exclusive de harcèlement moral, que nonobstant " … sa nullité pour vice de forme … il n'en demeure pas moins que sur le fond, il sanctionnait la carence réitérée de Monsieur Pascal Y... à mettre en copie Monsieur Z...des courriels ayant trait aux ressources humaines, ce malgré une mise en garde antérieure ", sans répondre aux écritures du salarié faisant valoir que cet avertissement avait été délivré pour deux motifs dont le second particulièrement humiliant, consistait en une utilisation abusive pour son usage personnel de frais de carburant alloués pour son véhicule de service, et que ce motif, fallacieux, avait dû être retiré par l'employeur, " vérification faite ", après mise en demeure, de sorte que son comportement n'était pas, sur ce point, objectivement justifié, la Cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-28494
Date de la décision : 18/05/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 20 octobre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 mai. 2017, pourvoi n°15-28494


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.28494
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award