LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 5 et 7 du règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004 établissant des règles communautaires en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91, applicable en la cause, ensemble l'article 2224 du code civil ;
Attendu, selon le jugement attaqué et les productions, que M. X... et Mme A... Z... ont acheté un billet d'avion auprès de la société Air France pour un vol La Havane-Paris ; que celui qu'ils ont emprunté le 12 août 2011 ayant subi à l'arrivée un retard de quatorze heures, M. X... a, le 17 octobre 2013, saisi le juge de proximité d'une demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 7 de ce règlement ; que Mme A... Z... est intervenue à l'instance le 5 octobre 2015 ; que la société Air France a opposé la prescription de l'action ;
Attendu que, pour accueillir la fin de non-recevoir, le jugement retient que tant les normes internationales que nationales issues de la Convention de Varsovie ou du code des transports imposent à tout passager souhaitant attraire une compagnie aérienne pour quelque motif que ce soit à agir avant l'expiration du délai biennal ;
Attendu, cependant, qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt du 22 novembre 2012, Cuadrench More, C-139/11), d'une part, que le délai dans lequel les actions ayant pour objet d'obtenir le versement de l'indemnité prévue aux articles 5 et 7 du règlement n° 261/2004 doivent être intentées, est déterminé par le droit national de chaque État membre, d'autre part, que la prescription biennale fixée à l'article 29 de la Convention de Varsovie et à l'article 35 de la Convention de Montréal ne saurait être considérée comme s'appliquant aux actions introduites, en particulier, au titre des articles 5 et 7 du règlement n° 261/2004 qui envisagent une mesure d'indemnisation se situant en dehors du champ d'application de ces Conventions ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que l'action en paiement de l'indemnité forfaitaire était soumise à la prescription quinquennale de droit commun prévue à l'article 2224 du code civil, la juridiction de proximité a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'intervention volontaire de Mme A... Z..., le jugement rendu le 12 novembre 2015, entre les parties, par la juridiction de proximité d'Aulnay-sous-Bois ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité de Bobigny ;
Condamne la société Air France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... et Mme A... Z... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X... et Mme A... Z....
IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'AVOIR déclaré M. X... et Mme A... Z... irrecevables en leur action dirigée à l'encontre de la société Air France pour cause de prescription de l'action et, d'AVOIR, en conséquence, débouté M. X... et Mme A... Z... de toutes leurs prétentions ;
AUX MOTIFS QUE l'article 9 du Code de procédure civile dispose qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; qu'en application de l'article 122 du Code de procédure civile constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ; que le règlement CE n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004, applicable dans l'Union Européenne établit des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol ; qu'il s'applique pour les vols en provenance d'un aéroport extérieur à l'Union Européenne si le vol est exploité par un transporteur communautaire, la société Air France en l'espèce ; que le règlement n° 261/2004 est donc applicable ; que l'article 5.1 dudit règlement prévoit qu'en cas d'annulation de vol, les passagers concernés bénéficient par le transporteur aérien d'une indemnité conformément à l'article 7 à moins qu'en application de l'article 5.3 du règlement, le transporteur aérien soit en mesure de prouver que l'annulation est due à des circonstances extraordinaires qui n'auraient pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises ; qu'il convient de rappeler que conformément à l'interprétation de la Cour de l'Union Européenne dans l'arrêt B... du 19 novembre 2009, « les articles 5, 6 et 7 de ce règlement doivent être interprétés en ce sens que les passagers de vols retardés peuvent être assimilés aux passagers de vols annulés aux fins de l'application du droit à indemnisation et qu'ils peuvent invoquer le droit à indemnisation prévue à l'article 7 lorsqu'ils subissent, en raison d'un vol retardé, une perte de temps égale ou supérieure à trois heures » ; que l'assimilation des passagers de vols retardés de plus de trois heures, à ceux de vols annulés, ouvre droit à une indemnisation forfaitaire comme l'a confirmé la Cour de justice de l'Union européenne dans un arrêt « C... » du 23 octobre 2012 ; que toutefois, le règlement n° 261/2004 ne comporte aucune disposition relative au délai de prescription des actions introduites devant les juridictions nationales, et ayant pour objet d'obtenir le versement de l'indemnité prévue aux articles 5 et 7 de ce règlement ; que la Cour dit également pour droit dans l'arrêt D... du 22 novembre 2012 que « le règlement n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol (
) doit être interprété en ce sens que le délai dans lequel les actions ayant pour objet d'obtenir le versement de l'indemnité prévue aux articles 5 et 7 de ce règlement doivent être intentées est déterminé conformément aux règles de chaque Etat membre en matière de prescription d'action » ; qu'en l'espèce, l'action intentée par les demandeurs a pour objet d'obtenir le seul versement de l'indemnité prévue aux articles 5 et 7 de ce règlement ; que dès lors, ni le délai de prescription prévu à l'article 29 de la Convention de Varsovie ni celui prévu à l'article 35 de la Convention de Montréal n'est applicable, l'action des requérants devant à ce titre être soumise aux règles de chaque Etat membre en matière de prescription d'action ; que l'ordre juridique interne de la France repose sur les dispositions du Code des transports ; que l'article L. 6422-5 du Code des transports fixant une prescription biennale à l'encontre du transporteur n'est pas applicable en l'espèce s'agissant d'une disposition relative à la responsabilité du transporteur en matière de transport de marchandises ; que toutefois, la responsabilité du transporteur aérien pour le transport de personnes et de bagages est régie aux articles L. 6421-3 et L. 6124-4 du même code ; que l'article L. 6421-3 renvoie notamment aux dispositions de la convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international signée à Montréal le 28 mai 1999, tandis que l'article L. 6421-4 prévoit expressément l'application des stipulations de la convention de Varsovie du 12 octobre 1929, dans les conditions définies par les articles L. 6422-2 à L. 6422-5 (principes applicables en matière de responsabilité du transporteur de marchandises) ; qu'il convient donc de rappeler d'une part que l'article L. 6422-5 du Code des transports, dispose que « l'action en responsabilité contre le transporteur est intentée, sous peine de déchéance, dans le délai de deux ans à compter de l'arrivée à destination du jour où l'aéronef aurait dû arriver ou de l'arrêt du transport ; que l'action en responsabilité, à quelque titre que ce soit, ne peut être exercée que dans les conditions prévues par le présent chapitre » et d'autre part que les articles L. 6422-2 à L. 6422-5 renvoient aux seules dispositions de la convention de Varsovie du 12 octobre 1929, l'article 29 de ladite convention prévoyant que « l'action en responsabilité doit être intentée, sous peine de déchéance, dans le délai de deux ans à compter de l'arrivée à destination du jour où l'aéronef aurait dû arriver ou de l'arrêt du transport. L'action en responsabilité, à quelque titre que ce soit, ne peut être exercée que dans les conditions prévues par le présent chapitre » et, d'autre part, que les articles L. 6422-2 à L. 6422-5 renvoient aux seules dispositions de la convention de Varsovie du 12 octobre 1929, l'article 29 de ladite convention prévoyant que « l'action en responsabilité doit être intentée, sous peine de déchéance, dans le délai de deux ans à compter de l'arrivée à destination, ou du jour où l'aéronef aurait dû arriver, ou de l'arrêt du transport » ; qu'en conséquence, tant les normes internationales que nationales imposent à tout passager souhaitant attraire une compagnie aérienne pour quelque motif que ce soit, d'ester en justice avant l'expiration du délai biennal, sous peine de déchéance de son droit d'agir ; que malgré l'absence de cartes d'embarquement ou d'attestation de retard, il n'est pas contesté que le vol litigieux devait être effectué le 11 août 2011, la prescription était par conséquent acquise le 11 août 2013, sauf interruption de délai ; que seuls les actes susceptibles d'interrompre la prescription sont une demande en justice même en référé, un acte d'exécution forcée ou la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit ; qu'en l'espèce, aucun acte suspensif ou de nature à interrompre le délai n'étant intervenu, il y a lieu de constater que la prescription biennale est acquise lorsque l'acte introductif d'instance formé par M. X... Cyril a été enregistré au greffe le 22 octobre 2013, et l'intervention volontaire de Mme A... Z... Y... datée du 5 octobre 2015 ; que l'action de M. X... Cyril et Mme A... Z... Y... à l'encontre de la société Air France doit être déclarée irrecevable en raison de la prescription ; que dès lors, les demandes des requérants seront rejetées ;
ALORS QUE l'action tendant à ce que le transporteur soit condamné à verser au passager victime d'une annulation de vol ou d'un retard de plus de trois heures l'indemnité forfaitaire prévue aux articles 5 et 7 du règlement n° 261/2004 du Parlement européen est soumise au délai de prescription prévu à l'article 2224 du Code civil ; qu'en affirmant que l'action litigieuse était prescrite pour avoir été engagée plus de deux ans après l'arrivée du vol quand elle tendait à permettre aux passagers victimes d'un retard de plus de trois heures d'obtenir une somme forfaitaire destinée à compenser les désagréments engendrés par ce retard et non l'indemnisation des préjudices en découlant qui, seuls, entraient dans le champ d'application des Conventions de Montréal et Varsovie auxquelles renvoie le Code des transports, la juridiction de proximité a violé, par fausse application les articles L. 6421-3 et L. 6421-4 du Code des transports, et par refus d'application l'article 2224 du Code civil.