LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 8 avril 2015), que la société Agritech France (la société Agritech), qui exerce l'activité de transformation en poudre de fruits secs sans adjuvant, a commandé à la société Biofruisec des fruits séchés certifiés biologiques, en particulier des mangues ; qu'à l'occasion d'une livraison de poudre de mangue au Japon par la société Agritech, un contrôle opéré par les services douaniers du Japon a mis en évidence la présence d'un taux élevé de sulfites dans la marchandise ; que la société Agritech a fait procéder à de nouvelles analyses du produit par le laboratoire privé Phytocontrol, lesquelles ont confirmé la présence de sulfites ; qu'après une vaine tentative de transaction entre les parties, la société Agritech a assigné la société Biofruisec en responsabilité contractuelle, afin d'obtenir réparation de ses préjudices correspondant à la valeur de la marchandise confisquée par la douane, au coût des analyses et à son préjudice commercial ;
Attendu que la société Agritech fait grief à l'arrêt du rejet de l'ensemble de ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne peut se déterminer sans analyser, même de façon sommaire, les éléments de preuve soumis à son examen ; que la société Agritech soutenait que les mangues expertisées par le laboratoire Phytocontrol provenaient nécessairement du lot livré par la société Biofruisec puisqu'elle n'avait, à ce moment-là, pas d'autre fournisseur ; qu'elle produisait une attestation de l'ancien directeur du site affirmant que la société Biofruisec avait été le seul fournisseur de mangues biologiques de la société Agritech de février 2011 à juillet 2011 ainsi qu'une attestation de son expert-comptable affirmant qu'entre le 1er mars et le 31 août 2011, aucune facture d'achat de mangues, autre que celle de la société Biofruisec, n'avait été inscrite dans les comptes de la société ; que l'intimée ne contestait nullement avoir été, à l'époque, l'unique fournisseur de mangues de la société Agritech ; qu'en se bornant à relever que la preuve n'était pas rapportée de ce que le lot expertisé par Phytocontrol provenait des mangues livrées par Biofruisec sans s'expliquer sur les pièces produites, de nature à établir l'impossibilité d'une autre origine, en l'absence d'autre fournisseur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que la société Agritech faisait également valoir que dans l'ensemble des courriers échangés au moment des faits, la société Biofruisec n'avait émis aucun doute sur la provenance des mangues incriminées par la douane japonaise puis par le laboratoire Phytocontrol, qu'elle avait immédiatement accepté, en juillet 2011, de lui faire un avoir et de lui livrer à nouveau les mangues commandées, ainsi que de tenter de parvenir à un accord amiable sur la réparation, et que c'est seulement une fois la procédure engagée qu'elle avait, pour la première fois, émis l'hypothèse que les produits incriminés ne viendraient pas d'elle ; qu'en se bornant à relever que la preuve n'était pas rapportée de ce que le lot expertisé provenait de la livraison faite par la société Biofruisec sans s'interroger sur l'absence de toute dénégation de celle-ci, avant l'engagement de la procédure, de sa propre responsabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
3°/ que méconnaît l'obligation de motiver sa décision le juge qui déboute une partie de ses demandes, sans analyser même sommairement les pièces susceptibles de démontrer leur bien fondé ; que la société Agritech faisait valoir qu'elle avait obtenu la confirmation formelle du déclassement des mangues à elle livrées par la société Biofruisec et qu'elle produisait un courrier de l'organisme Agrocert affirmant que la livraison du lot de mangues vendu à Agritech correspondant à la facture n°3764 du 5 avril 2011 avait été déclassé et n'était donc pas couvert par la certification bio de Biofruisec ; qu'en gardant un silence total sur cet élément de preuve déterminant, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'il incombe à la société Agritech de rapporter la preuve du manquement de la société Biofruisec à son obligation de livrer une poudre de mangue exempte de sulfites, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi que le lot de poudre de mangue expertisé par le laboratoire Phytocontrol provienne des mangues livrées par la société Biofruisec ; qu'il en déduit qu'est inopérant le fait que le lot ainsi expertisé soit affecté du taux de sulfites litigieux ; que par ses constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était tenue ni de procéder à la recherche invoquée par la deuxième branche, ni d'examiner les pièces mentionnées par les première et troisième branches, que ses constatations et appréciations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Agritech France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Biofruisec la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour la société Agritech France
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Agritech de ses demandes tendant à voir dire que la société Biofruisec a engagé sa responsabilité contractuelle à son égard à l'occasion de la livraison de mangues censées être certifiées biologiques et la voir condamnée à lui verser des dommages-intérêts au titre de la perte des produits conservés par la douane japonaise, du coût des analyses réalisées, et du préjudice commercial subi ;
AUX MOTIFS QUE si l'obligation de la société Biofruisec de livrer à la société Agritech des produits exempts de sulfites est établie, la charge de la preuve d'un manquement à cette obligation incombe à la société Agritech, laquelle se prévaut d'analyses des produits par le laboratoire Phytocontrol ;
que l'autorité de ce laboratoire n'est pas contestée et que tout rapport amiable soumis à la libre discussion des parties peut valoir à titre de preuve ;
que néanmoins, quel que soit le but poursuivi par la société Agritech le 20 juin 2011, date à laquelle elle a confié des analyses de la poudre de mangue au laboratoire Phytocontrol, la preuve n'est pas rapportée de ce que le lot expertisé provenait bien des mangues livrées par la société Biofruisec ; que par suite, le fait que le lot analysé se soit trouvé affecté du taux de sulfites litigieux est inopérant à rapporter la preuve d'un manquement de Biofruisec à son obligation de livrer des produits sans sulfites, comme à engager sa responsabilité dans la saisie par la douane japonaise, au demeurant non justifiée aux débats, de l'ensemble de la palette ;
1) ALORS QUE le juge ne peut se déterminer sans analyser, même de façon sommaire, les éléments de preuve soumis à son examen ; que la société Agritech soutenait que les mangues expertisées par le laboratoire Phytocontrol provenaient nécessairement du lot livré par la société Biofruisec puisqu'elle n'avait, à ce moment-là, pas d'autre fournisseur ; qu'elle produisait une attestation de l'ancien directeur du site affirmant que la société Biofruisec avait été le seul fournisseur de mangues biologiques de la société Agritech de février 2011 à juillet 2011 ainsi qu'une attestation de son expertcomptable affirmant qu'entre le 1er mars et le 31 août 2011, aucune facture d'achat de mangues, autre que celle de la société Biofruisec, n'avait été inscrite dans les comptes de la société ; que l'intimée ne contestait nullement avoir été, à l'époque, l'unique fournisseur de mangues de la société Agritech ; qu'en se bornant à relever que la preuve n'était pas rapportée de ce que le lot expertisé par Phytocontrol provenait des mangues livrées par Biofruisec sans s'expliquer sur les pièces produites, de nature à établir l'impossibilité d'une autre origine, en l'absence d'autre fournisseur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2) Et ALORS QUE la société Agritech faisait également valoir que dans l'ensemble des courriers échangés au moment des faits, la société Biofruisec n'avait émis aucun doute sur la provenance des mangues incriminées par la douane japonaise puis par le laboratoire Phytocontrol, qu'elle avait immédiatement accepté, en juillet 2011, de lui faire un avoir et de lui livrer à nouveau les mangues commandées, ainsi que de tenter de parvenir à un accord amiable sur la réparation, et que c'est seulement une fois la procédure engagée qu'elle avait, pour la première fois, émis l'hypothèse que les produits incriminés ne viendraient pas d'elle ; qu'en se bornant à relever que la preuve n'était pas rapportée de ce que le lot expertisé provenait de la livraison faite par la société Biofruisec sans s'interroger sur l'absence de toute dénégation de celle-ci, avant l'engagement de la procédure, de sa propre responsabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
3) ALORS enfin QUE méconnaît l'obligation de motiver sa décision le juge qui déboute une partie de ses demandes, sans analyser même sommairement les pièces susceptibles de démontrer leur bien fondé ; que la société Agritech faisait valoir qu'elle avait obtenu la confirmation formelle du déclassement des mangues à elle livrées par la société Biofruisec et qu'elle produisait un courrier de l'organisme Agrocert affirmant que la livraison du lot de mangues vendu à Agritech correspondant à la facture n°3764 du 5 avril 2011 avait été déclassé et n'était donc pas couvert par la certification bio de Biofruisec ; qu'en gardant un silence total sur cet élément de preuve déterminant, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile