LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 janvier 2016), que M. X... a été embauché le 1er juillet 2005 par la société Acolad bobinage X..., suivant un contrat de travail rédigé par la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable (la société), comportant une clause de dédommagement financier en cas de rupture, laquelle prévoyait, compte tenu de l'apport substantiel de clientèle de M. X... au moment de la signature du contrat, le versement d'une indemnité de 136 400 euros en cas de rupture de celui-ci avant le 30 juin 2015 et ce, quelle qu'en soit la raison ; qu'à la suite de son licenciement, M. X... a sollicité le paiement de ladite indemnité par son ancien employeur ; que, par arrêt du 1erdécembre 2011, une cour d'appel a rejeté cette demande, au motif que la cause de l'indemnité était inexistante ; que M. X... a assigné la société en paiement de la somme de 136 400 euros à titre de dommages-intérêts pour avoir conçu et rédigé une clause impossible à mettre en oeuvre et, ainsi, dépourvue d'efficacité ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le rédacteur professionnel d'un acte juridique est tenu de s'assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à son efficacité ; que, lorsqu'il est chargé de rédiger une clause visant à allouer une indemnité en contrepartie d'un apport de clientèle, le rédacteur est tenu de s'assurer de l'existence de la clientèle qui forme la cause de cet engagement, au besoin en interrogeant les parties à cet effet ; qu'en exonérant la société de cette obligation au prétexte qu'il n'y avait pas lieu pour cette société de remettre en cause les informations qui lui avaient été données par les parties, les juges du fond ont violé l'article 1147du code civil ;
2°/ que, et en tout cas, le rédacteur professionnel d'un acte juridique est tenu d'avertir les parties des risques qui s'attachent à l'inexistence de l'objet ou de la cause d'une obligation ; qu'en l'espèce, M. X... reprochait, notamment, à la société de ne l'avoir pas alerté du risque que la clause litigieuse soit annulée pour le cas où la réalité de la clientèle apportée ne serait pas avérée ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, les juges du fond ont, à tout le moins, privé leur décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que l'inefficacité de la clause litigieuse ne résulte pas de sa conception ni de sa rédaction mais de l'inexistence, constatée par l'arrêt du 1er décembre 2011, de tout apport de clientèle justifiant l'indemnité conventionnelle, l'arrêt énonce exactement qu'en l'absence d'éléments suspects, le rédacteur d'acte n'avait pas à vérifier la cause des informations données par celui qui en était à l'origine ; que la cour d'appel a pu en déduire que la société n'avait pas commis de faute en insérant la clause litigieuse sur la foi de ces informations ;
Et attendu que l'obligation de loyauté et de sincérité s'impose en matière contractuelle et que nul ne saurait voir sa responsabilité engagée pour n'avoir pas rappelé à une partie ce principe de bonne foi élémentaire ou les conséquences de sa transgression ; qu'en retenant que M. X... était mieux renseigné que quiconque sur la réalité de cet apport, dès lors qu'il était censé en être à l'origine, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de M. X... visant à voir condamner la société FIDEXPERTISE à lui payer la somme de 136. 400 euros à titre de dommages-intérêts pour avoir manqué à ses obligations de rédacteur professionnel du contrat de travail conclu le 30 juin 2005 en n'assurant pas l'efficacité juridique de la clause stipulant un droit à indemnité du salarié en cas de rupture du contrat ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Dominique X... a été embauché le 1er juillet 2005 comme cadre commercial par la société ACOLAD BOBINAGE X... dans les termes d'un contrat de travail rédigé par la société FIDEXPERTISE, cabinet d'expert-comptable ; que l'article 12 de ce contrat, intitulé dédommagement financier en cas de rupture, stipule que : « Compte tenu de l'apport substantiel de clientèle de Monsieur Dominique X... au moment de la signature des présentes, la SARL ACOLAD BOBINAGE X... s'engage, en cas de rupture du présent contrat avant le 30 juin 2015, et ce quel qu'en soit la raison (démission, rupture d'un commun accord, force majeure ou licenciement), de verser à Monsieur Dominique X... ou, en cas de décès à ses ayants-droits, une somme de 136. 400 euros, appelée « indemnité de fin de contrat », à titre de dommages et intérêts... » ; que licencié pour faute lourde par lettre du 27 février 2006, Dominique X... a été débouté par arrêt infirmatif de la cour d'appel d'Orléans en date du 1er décembre 2011 de sa demande en paiement de la somme ainsi prévue au motif que cette stipulation faute d'apport de clientèle effectif était dépourvue de cause et par suite nulle ; que Dominique X... fait grief à la société FIDEXPERTISE rédactrice du contrat de travail d'avoir manqué à ses obligations contractuelles pour avoir conçu et rédigé une telle clause impossible à mettre en oeuvre et donc sans efficacité juridique ; qu'or considérant que l'inefficacité de la clause résulte non pas de sa conception même ni de sa rédaction par la société FIDEXPERTISE mais de l'inexistence, constatée par l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans statuant sur la rupture de contrat de travail conclu entre Dominique X... et la société ACOLAD BOBINAGE X..., de tout apport de clientèle justifiant l'indemnité conventionnelle de 134. 500 € et que mieux renseigné que quiconque sur la réalité de cet apport puisqu'il était censé en être à l'origine, Dominique X..., directeur salarié de la société ACOLAD BOBINAGE X... au sein d'un groupe dont il avait été le dirigeant avant la cession de ses parts, ne peut sérieusement reprocher l'insertion d'une telle clause au cabinet d'expertise comptable qui, sur la foi des informations données par leur source même et en l'absence d'éléments suspects, n'avait pas à en vérifier la cause » (arrêt, pp. 3 et 4) ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QU'« au soutien de sa demande d'indemnisation, monsieur X... fait valoir que FIDEXPERTISE aurait manqué, en sa qualité de rédacteur du contrat de travail à durée indéterminée le liant à la SARL ACOLAD BOBINAGE X..., à son obligation de s'assurer de l'efficacité juridique de cet acte, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce, dès lors que, par son arrêt du 1er décembre 2011, la cour d'appel d'Orléans a retenu la nullité pour absence de cause de l'article 12 du contrat de travail de Monsieur X... prévoyant le versement d'une indemnité de 136. 400 € ; qu'il lui fait également grief de ne pas l'avoir informé du risque de requalification ou d'annulation de l'article 12 du contrat, telle qu'elle l'avait rédigée ; que cependant, il convient de rappeler qu'au terme de son arrêt du 1er décembre 2011, la cour d'appel d'Orléans a considéré, pour retenir la nullité de l'indemnité prévue à l'article 12 du contrat de travail de Monsieur X..., que celle-ci était la contrepartie de la clientèle de Monsieur X... au Sénégal dans le cadre du GIE qu'il dirigeait, et que si le requérant avait effectivement exploré les potentialités de ce marché, il n'était en réalité justifié d'aucune clientèle existant au 1er juillet 2005 ; qu'il résulte ainsi de cette décision que ce n'est pas la rédaction de la clause litigieuse qui s'est vue critiquée ou remise en question par la cour d'appel d'Orléans, mais la réalité de la justification de l'indemnité prévue ; qu'or la connaissance de la réalité et de la consistance de cet actif appartenait à Monsieur X..., et non au rédacteur de l'acte, qui ne pouvait que s'en rapporter à ce qui lui était indiqué à cet égard par le requérant, étant observé qu'il n'est pas démontré par ce dernier que FIDEXPERTISE ait eu connaissance de l'absence de réalité de cette clientèle ; que dans ces conditions, en l'absence de toute faute démontrée de la société défenderesse, et sans qu'il soit utile et nécessaire d'examiner la question du préjudice et du lien de causalité, il y a lieu de débouter Monsieur X... de sa demande d'indemnisation » (jugement, pp. 4 et 5) ;
ALORS QUE, premièrement, le rédacteur professionnel d'un acte juridique est tenu de s'assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à son efficacité ; que lorsqu'il est chargé de rédiger une clause visant à allouer une indemnité en contrepartie d'un apport de clientèle, le rédacteur est tenu de s'assurer de l'existence de la clientèle qui forme la cause de cet engagement, au besoin en interrogeant les parties à cet effet ; qu'en exonérant la société FIDEXPERTISE de cette obligation au prétexte qu'il n'y avait pas lieu pour cette société de remettre en cause les informations qui lui avaient été données par les parties, les juges du fond ont violé l'article 1147du Code civil ;
ET ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, le rédacteur professionnel d'un acte juridique est tenu d'avertir les parties des risques qui s'attachent à l'inexistence de l'objet ou de la cause d'une obligation ; qu'en l'espèce, M. X... reprochait notamment à la société FIDEXPERTISE de ne l'avoir pas alerté du risque que la clause litigieuse soit annulée pour le cas où la réalité de la clientèle apportée ne serait pas avérée (conclusions, p. 21, in medio) ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, les juges du fond ont à tout le moins privé leur décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.