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11/05/2017 | FRANCE | N°16-13435

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 11 mai 2017, 16-13435


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Aix-en-Provence, 7 janvier 2016), que M. X..., propriétaire d'un local à usage commercial, l'a donné à bail alternativement à la société Plage privée et à la société French accent, par six baux dérogatoires successifs de vingt-trois mois, le dernier en date du 14 novembre 2008 ; que, le 29 octobre 2010, le bailleur a fait sommation à la société Plage privée de libérer les lieux pour la date d'expiration du bail,

soit le 31 octobre 2010 ; que les sociétés Plage privée et French accent l'ont as...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Aix-en-Provence, 7 janvier 2016), que M. X..., propriétaire d'un local à usage commercial, l'a donné à bail alternativement à la société Plage privée et à la société French accent, par six baux dérogatoires successifs de vingt-trois mois, le dernier en date du 14 novembre 2008 ; que, le 29 octobre 2010, le bailleur a fait sommation à la société Plage privée de libérer les lieux pour la date d'expiration du bail, soit le 31 octobre 2010 ; que les sociétés Plage privée et French accent l'ont assigné aux fins de revendiquer la propriété commerciale ;

Attendu que la société French accent fait grief à l'arrêt de constater que le bail dérogatoire du 14 novembre 2008 était arrivé à son terme depuis le 31 octobre 2010 et qu'elle était devenue occupante sans droit ni titre et d'ordonner son expulsion ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les baux dérogatoires, chacun d'une durée de vingt-trois mois et portant sur le même local, avaient été consentis par le bailleur, en alternance, à la société Plage privée et à la société French accent pendant une période s'étendant du 1er décembre 1998 au 31 octobre 2010, retenu qu'il n'était établi ni que l'une de ces sociétés aurait réglé les loyers et les charges au bailleur tandis que l'autre aurait agi en qualité de prête-nom, ni que les locaux n'auraient pas été libérés en fin de bail et constaté que M. X... avait, le 29 octobre 2010, sommé la société Plage privée de quitter les lieux à l'expiration du bail, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les pièces qu'elle décidait d'écarter et, abstraction faite du motif surabondant critiqué par les quatrième et cinquième branches, en a souverainement déduit que la société French accent ne démontrait pas l'existence d'une fraude du bailleur, de sorte que la demande en revendication de la propriété commerciale ne pouvait être accueillie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société French accent aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société French accent et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour la société French accent

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté que le bail dérogatoire signé le 14 novembre 2008 est arrivé à son terme depuis le 31 octobre 2010 et que la société French Accent est devenue occupant sans droit ni titre depuis cette date et d'avoir en conséquence ordonné l'expulsion de la société French Accent ainsi que de tous occupants de son chef,

AUX MOTIFS QUE « Dans sa rédaction applicable au litige, l'article L. 145-5 du code de commerce prévoit que les parties peuvent (...) déroger au statut des baux commerciaux à la condition que la durée totale du bail ne soit pas supérieure à deux ans, la poursuite ou le renouvellement de ce bail dérogatoire entre les mêmes parties ne permettant pas d'échapper au dit statut.

Il est constant que le bailleur a successivement loué les mêmes locaux par contrats conclus

-le 27 novembre 1998 avec la société French Accent du 1/ 12/ 1998 au 31/ 10/ 2000,

- le 28 novembre 2000 avec la société Plage Privée du 1/ 12/ 2000 au 31/ 10/ 2002,

- le 22 novembre 2002 avec la société French Accent du 1/ 12/ 2002 au 31/ 10/ 2004,

- le 23 novembre 2004 avec la société Plage Privée du 1/ 12/ 2004 au 31/ 10/ 2006,

- le 20 novembre 2006 avec la société French Accent du 1/ 12/ 2006 au 31/ 10/ 2008,

- le 14 novembre 2008 avec la société Plage Privée du 1/ 12/ 2008 au 31/ 10/ 2010.

Par ailleurs, il ressort des extraits k-bis produits par l'intimé que :

- la société Plage Privée, immatriculée à compter du 28 février 1989, avait son siège au 21 rue Masséna à Nice, exerçant :

- sous l'enseigne Shop 51, une activité de commerce au détail de librairie, papeterie dans son établissement principal 51, avenue Jean Médecin à Nice depuis le 1er février 2004, exploitée en location gérance consentie à la société French Accent depuis le 1er février 2006, et

-un commerce de détail de souvenirs et articles de bonneterie, activité débutée le 1er décembre 2008, par exploitation directe, dans les locaux objet du litige, tandis que

-la société French Accent, immatriculée à compter du 29 janvier 1991, ayant son siège au 4 rue Masséna à Nice, exploite directement sous l'enseigne Kids Place, une activité de négoce d'articles d'habillement prêt à porter et accessoires dans son établissement principal 4 rue Masséna à Nice depuis le 1er février 1991, ainsi que 5 autres établissements :

-3 en exploitation directe :

+ depuis le 1/ 12/ 1997 au 7 rue Masséna, s'agissant de négoce d'habillement,

+ depuis le 1/ 12/ 2003 au 21 rue Masséna, s'agissant de commerce en gros, demi-gros et détails d'articles de souvenirs, gadgeterie, bonneterie, exploitée sous l'enseigne Plage Privée,

+ depuis le 8/ 01/ 2014 au 33 rue Masséna, s'agissant de prêt à porter chemiserie,

-2 autres en location gérance :

+ depuis le 1/ 01/ 1997 au 28 rue Masséna s'agissant d'un commerce de droguerie parfumerie, souvenirs, en location gérance à Nice,

+ depuis le 1/ 02/ 06 au 51 rue Masséna s'agissant d'un commerce au détail de prêt à porter, librairie, papeterie, et que Mme Y...était gérante de ces deux sociétés.

Par ailleurs, il résulte de la déclaration de dissolution du 30 juin 2014 que la société French Accent était propriétaire de l'intégralité des parts de la société Plage Privée, antérieurement créée, l'extrait k-bis produit, en date du 14 août 2015, établissant que la société French Accent exploite désormais 6 établissements au 4, 7, 21, 28 et 33 rue Masséna et au 51, avenue Jean Médecin à Nice.

Pour entendre déclarer bénéficier du statut des baux commerciaux à compter du 28 novembre 2000, l'intimé fait valoir qu'il n'y avait pas d'abandon du local entre deux locations, non plus qu'une discontinuité d'exploitation ; il produit à cette fin,

- des relevés bancaires établis en son nom pour l'adresse des locaux objets du bail, correspondant à des ventes conclues le 1er novembre 2004, le 9 novembre 2006, le 13 novembre 2008, soit à des périodes auxquelles les locaux auraient dû être libres de toute occupation,

- d'autres relevés établis en 2005, 2006, 2009 et 2010,

- une attestation de son expert-comptable affirmant que l'intégralité du chiffre d'affaires du magasin 43 rue Masséna a été enregistré dans la comptabilité de la société French Accent depuis 1998,

- des factures EDF au titre du 43 rue de Masséna, adressée à French Accent à l'enseigne Spirit of Nice du mois de février 2005 au mois d'octobre 2006, ainsi que du mois de février 2009 au mois d'octobre 2011.

Toutefois, ces éléments qui ne résultent que de sa propre gestion, ne sont pas opposables au bailleur.

Or, les baux susvisés ont été établis au nom de deux sociétés immatriculées au registre du commerce et l'extrait k-bis produit révèle que l'activité exercée dans les lieux loués était déclarée par la société Plage Privée à compter du 1/ 12/ 2008, correspondant au dernier bail conclu par cette société ; en outre, il n'est aucunement démontré qu'une seule de ces deux sociétés s'acquittait des loyers et charges dus au bailleur, tandis que l'autre n'aurait agi qu'en tant que prête-nom ; en cause d'appel, M. X... produit deux constats d'huissier de justice en date du 30 octobre 2000 et 2 novembre 2004, lesquels n'avaient pas été produits devant le premier juge, établissant la libération des locaux en fin de bail, le premier établi à la requête tant du bailleur que du preneur, et le second à la requête du seul bailleur ; si l'intimé fait valoir que le premier constat ne permet pas de savoir si le gérant des deux sociétés successivement locataires est intervenu en qualité de locataire sortant ou entrant, cette circonstance est sans effet dès lors qu'elle établit au contraire que le gérant de ces deux sociétés a fait constater la libération des lieux entre deux baux ; par suite, la société French Accent, à laquelle incombe la charge de la preuve de ses prétentions, n'établit pas qu'en dépit des constats d'huissier de justice produits, les locaux n'étaient pas libérés en fin de bail ; en outre, le bailleur produit deux actes de renonciation à la propriété commerciale, émanant de la société Plage Privée en date du 28 novembre 2000, signé par M. Y... en qualité de gérant et de la société French Accent en date du 22 novembre 2002, signé par Mme Y... en qualité de gérante, en conséquence à des dates auxquelles ces sociétés auraient pu revendiquer une propriété commerciale poursuivie depuis 1998 ; or, la circonstance que ces courriers soient rédigés en termes identiques n'est pas de nature à établir l'existence d'une fraude ; ainsi, il résulte de l'ensemble des pièces produites que les parties ont entendu être liées par des baux successifs ne comportant aucun droit à renouvellement et que l'intimé ne démontre pas l'existence d'une fraude ayant eu pour objectif de faire échec au statut des baux commerciaux ; le jugement déféré sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions et l'intimé débouté de ses prétentions ; en outre, il sera fait droit à la demande reconventionnelle formée à fin d'expulsion de l'intimé, devenu occupant sans droit ni titre à l'issue du bail arrivé à terme le 31/ 10/ 10 »,

1) ALORS QUE constitue une fraude tout montage contractuel dont l'objet est d'éluder l'application du statut d'ordre public des baux commerciaux ; qu'il résulte des constatations propres de l'arrêt qu'avant la fusion-absorption de la société Plage Privée par la société French Accent, celle-ci détenait l'intégralité de ses parts sociales, que ces deux sociétés avaient toutes deux la même gérante et qu'elles avaient conclu à tour de rôle au total six baux dits « précaires » de 23 mois portant sur le même local pendant toute la période allant du 1er décembre 1998 au 31 octobre 2010, ce dont il résultait que la société Plage Privée n'avait servi que de prête-nom dans le cadre de ces baux présentés comme précaires et dérogatoires, dans le but d'échapper au statut des baux commerciaux ; qu'en retenant que ces circonstances ne caractérisaient pas une fraude des bailleurs tendant à éluder le statut des baux commerciaux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les articles L. 145-1 et L. 145-5 du code de commerce, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout ;

2) ALORS QUE la preuve d'un fait juridique peut être rapportée par tout moyen et il incombe au juge de se prononcer sur les éléments de preuve régulièrement soumis à son examen ; qu'en déclarant « inopposables » au bailleur comme résultant de sa propre gestion les divers documents comptables, ainsi que l'attestation de l'expert-comptable versés aux débats par la société French Accent pour établir que la société Plage Privée servait de prête-nom dans le cadre des baux commerciaux portant sur le local litigieux, de façon à soustraire l'exploitante au bénéfice du statut des baux commerciaux en fraude de ses droits, la cour d'appel a méconnu son office, en violation des articles 1315 et 1353 du code civil ;

3) ALORS QUE si à l'expiration d'un bail dérogatoire d'une durée au plus égale à deux ans, le preneur reste ou est laissé en possession des lieux, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du statut des baux commerciaux ; que pour rejeter la demande en requalification du bail reconduit en bail commercial en se fondant sur des procès-verbaux de constat d'huissier en date des 30 octobre 2000 et 2 novembre 2004 censés établir la libération des lieux entre deux baux successifs, cependant qu'elle constatait que postérieurement, de nouveaux baux avaient été conclus entre les parties le 23 novembre 2004, le 20 novembre 2006 puis le 14 novembre 2008, sans qu'aucun autre document n'établisse la libération des lieux et l'interruption d'activité de l'exploitant en place entre ces baux, une telle interruption étant au demeurant contredite par les relevés d'opérations bancaires afférents aux mois de novembre 2006 versés par le preneur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-1 et L. 145-5 du code de commerce ;

4) ALORS QUE la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de son auteur de renoncer en toute connaissance de cause à un droit acquis ; qu'en se basant, pour admettre que les sociétés exploitantes avaient valablement renoncé au bénéfice du statut des baux commerciaux, d'une part, sur l'acte de renonciation à la propriété commerciale daté du 28 novembre 2000 et signé par le gérant de la société Plage Privée et d'autre part, sur l'acte en date du 22 novembre 2002 signé du gérant de la société French Accent, en relevant de façon erronée qu'à la date de ces actes, les sociétés exploitantes pouvaient revendiquer la propriété commerciale qu'elles poursuivaient depuis 1998, cependant que l'acte du 28 novembre 2000 se rapportait au bail couvrant la période postérieure du 1er décembre 2000 au 31 octobre 2002 et que celui du 22 novembre 2002 se rapportait au bail couvrant la période postérieure du 1er décembre 2002 au 31 octobre 2004, ce dont il résultait que le droit auquel il était renoncé n'était pas né de sorte qu'aucune renonciation au statut des baux commerciaux n'était alors possible, la cour d'appel a violé les articles L. 145-1 et L. 145-5 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil ;

5) ALORS, en tout état de cause, QUE la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de son auteur de renoncer en toute connaissance de cause à un droit acquis ; qu'en se basant, pour admettre que les sociétés exploitantes avaient renoncé au bénéfice du statut des baux commerciaux, uniquement d'une part, sur un acte de renonciation à la propriété commerciale émanant de la société Plage Privée daté du 28 novembre 2000 et signé par M. Y... en qualité de gérant et, d'autre part, sur un acte de la société French Accent en date du 22 novembre 2002, signé par Mme Y... en qualité de gérante, cependant qu'il était constant qu'à l'issue de chacun des baux concernés par ces actes, de nouveaux baux de courte durée avaient été passés le 20 novembre 2006 avec la société French Accent et le 14 novembre 2008 avec la société Plage Privée, sans qu'aucune renonciation au bénéfice du statut des baux commerciaux n'ait été alléguée les concernant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-1 et L. 145-5 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 16-13435
Date de la décision : 11/05/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 07 janvier 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 11 mai. 2017, pourvoi n°16-13435


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.13435
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