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05/05/2017 | FRANCE | N°16-12561

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 mai 2017, 16-12561


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 décembre 2015), que M. X... a été engagé le 1er octobre 1988, en qualité d'attaché de direction, par le Groupement d'études et de prestations du groupe de la compagnie bancaire, devenu le Groupement d'études et de prestations ; qu'il a, en 1990, été affecté en qualité d'opérateur sur les marchés financiers auprès de la société financière Kléber, devenue la société financière du marché Saint-Honoré, dont il a été nommé dir

ecteur général le 19 septembre 1994 ; qu'il a été licencié pour faute grave le 7 février ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 décembre 2015), que M. X... a été engagé le 1er octobre 1988, en qualité d'attaché de direction, par le Groupement d'études et de prestations du groupe de la compagnie bancaire, devenu le Groupement d'études et de prestations ; qu'il a, en 1990, été affecté en qualité d'opérateur sur les marchés financiers auprès de la société financière Kléber, devenue la société financière du marché Saint-Honoré, dont il a été nommé directeur général le 19 septembre 1994 ; qu'il a été licencié pour faute grave le 7 février 1997 ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de l'intégralité de ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que le salarié n'est pas tenu de respecter les normes que l'employeur n'a pas rendues applicables dans l'entreprise ; que, pour dire que M. X... avait commis une faute grave en utilisant, lors de quatre transactions litigieuses, son poste téléphonique non enregistré, la cour d'appel a retenu que les normes déontologiques des marchés bancaires de gré à gré avaient été placées, dès le 16 juillet 1992, au rang des obligations dont l'inobservation était de nature à constituer un manquement aux règles de bonne conduite, susceptibles de faire l'objet d'une sanction ou d'une mise en garde de la commission bancaire ; qu'en statuant ainsi, sans relever aucun élément de nature à établir que l'employeur de M. X..., par des instructions précises données aux salariés, avait rendu ces normes déontologiques applicables au sein de l'entreprise, la cour d'appel a reproché à M. X... d'avoir violé une norme dont il n'était pas destinataire, violant ainsi les anciens articles L. 122-6 et L. 122-9 du code du travail, dans leurs rédactions applicables à l'espèce, ensemble l'article 1134 du code civil ;

2°/ qu'en toute hypothèse, pour dire que M. X... avait commis une faute grave en utilisant, lors de quatre transactions litigieuses, son poste téléphonique non enregistré, la cour a retenu que les normes déontologiques des marchés bancaires de gré à gré avaient été placées, dès le 16 juillet 1992, au rang des obligations dont l'inobservation était de nature à constituer un manquement aux règles de bonne conduite, susceptibles de faire l'objet d'une sanction ou d'une mise en garde de la commission bancaire ; qu'en statuant ainsi, quand le texte précisait seulement que l'enregistrement des conversations téléphoniques était vivement recommandé, ce dont il ne résultait qu'une recommandation facultative, fût-elle insérée dans un instrument contraignant, la cour a assimilé obligation et recommandation, violant ainsi l'article 12 du code de procédure civile ;

3°/ qu'une faute grave ne saurait résulter d'un manquement à une recommandation déontologique ; que, pour juger que M. X... avait commis une faute grave justifiant son licenciement immédiat, la cour a relevé qu'il avait utilisé, lors de quatre transactions litigieuses, son poste téléphonique non enregistré ; qu'en déduisant de la sorte l'existence d'une faute grave d'un manquement à une simple recommandation, la cour a violé les anciens articles L. 122-6 et L. 122-9 du code du travail, dans leurs rédactions applicables à l'espèce ;

4°/ qu'en toute hypothèse, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que, pour juger que M. X... avait commis une faute grave justifiant son licenciement immédiat, la cour a relevé qu'il avait utilisé, lors de quatre transactions litigieuses, son poste téléphonique non enregistré ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de la décision pénale et de ses propres constatations qu'il n'était pas établi qu'une opération frauduleuse avait été perpétrée au moyen desdites conversations non enregistrées, ce dont il résultait qu'elles ne pouvaient à elles seules, constituer une faute grave, la cour a violé les anciens articles L. 122-6 et L. 122-9 du code du travail ;

5°/ que la simple suspicion de l'employeur à l'égard du salarié ne saurait justifier un licenciement pour faute grave ; qu'en jugeant que M. X... avait, en utilisant son poste téléphonique non enregistré à l'occasion des quatre transactions litigieuses, commis une faute grave dans la mesure où ce comportement ne pouvait donner naissance qu'à une suspicion légitime et naturelle de la part de l'employeur, la cour a violé les anciens articles L. 122-6 et L. 122-9 du code du travail ;

6°/ que déjoue les espérances légitimes du justiciable la juridiction qui se contredit à l'occasion de deux décisions rendues dans la même instance ; qu'il est acquis aux débats que la cour d'appel, dans sa décision de sursis à statuer rendue le 15 mars 2000, a relevé que la seule utilisation du téléphone non enregistré était insuffisante à motiver le licenciement, de sorte qu'il était nécessaire d'attendre l'issue de l'instance pénale sur les quatre opérations réalisées dans des « circonstances troublantes » ; qu'il en résulte qu'en retenant, dans l'arrêt attaqué, que M. X... avait commis une faute grave en utilisant son poste téléphonique non enregistré, la cour d'appel s'est contredite dans la même instance et a déjoué les espérances légitimes de M. X..., violant ainsi l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas liée par les motifs de sa décision ayant sursis à statuer et n'a pas méconnu l'objet du litige, après avoir relevé que l'employeur avait mis à disposition de chaque opérateur une ligne téléphonique enregistrée pour la passation des transactions et communications professionnelles, et une seconde ligne pour les conversations de nature privée, a exactement décidé que les règles déontologiques préconisant l'enregistrement des conversations téléphoniques dans un souci de sécurité et de transparence, étaient bien applicables aux opérations passées au sein de la société dont il était le directeur général et a pu décider, sans méconnaître les dispositions des articles L. 122-6 et L. 122-9 du code du travail alors applicables, que les faits reprochés au salarié constituaient une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de l'intégralité de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE : « sur le licenciement, la faute grave, qui est privative des indemnités de rupture, est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave reprochée au salarié ; que deux griefs sont reprochés à M. X... dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige :- le manquement à l'obligation de traite toute transaction sur le poste téléphonique enregistré,- la réalisation d'opérations dans des circonstances « troublantes » ; 1. Sur l'autorité de la chose jugée au pénal, M. X... oppose en premier lieu le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal en soutenant que les opérations qui sont visées dans la lettre de licenciement ont été dénoncées par la financière Kléber dans sa plainte pénale laquelle a donné lieu à une décision de relaxe par arrêt de la cour d'appel de Paris du 6 mars 2014 ; que l'employeur répond que M. X... a été relaxé au bénéfice du doute et qu'il n'a pas été licencié au seul motif des opérations qui faisaient l'objet de la procédure pénale ; que l'autorité de la chose jugée au pénal s'étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef du dispositif prononçant la relaxe ; qu'il ressort de l'arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Paris du 6 mars 2014, ayant confirmé le jugement de relaxe prononcé à l'égard de M. X... et de trois autres prévenus, que les faits pour lesquels M. X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel étaient relatifs à des faits d'abus de confiance, caractérisé par le fait d'avoir agi à la fois comme donneur d'ordre et contrepartie dans le cadre d'opérations de gré à gré sur le marché obligataire maîtrisant l'ensemble des opérations, étant observé que la cour a relevé dans son arrêt qu'elle n'était pas saisie d'infractions au code monétaire et financier même si les faits qui lui étaient soumis s'étaient déroulés entre établissements financiers et étaient réputés avoir été commis par des acteurs du front office (cf. page 36 de l'arrêt) ; que la cour a confirmé la décision de relaxe aux motifs suivants : « considérant certes que la partie civile communique des enregistrements, d'une part, du téléphone enregistré de Olivier X... et, d'autre part, d'un téléphone situé dans un bureau voisin entre lesquels Olivier X... alternait ses communications ce sur trois opérations ; qu'il est constant que le défaut de respect des dispositions des articles 321-51 et 321-78 du règlement général de la CO/ BAMF constitue un manquement déontologique, lequel a été sanctionné par le licenciement validé par le conseil des prud'hommes de Paris en octobre 1997 (…), en retenant une faute grave reposant sur la violation de la réglementation lui imposant d'utiliser son poste enregistré pour le traitement de 4 transactions ; mais considérant qu'en l'espèce la retranscription de ces enregistrements ne permet pas d'établir que Olivier X... « agissait comme donneur d'ordre et contrepartie chez William de Broe sur le compte Kura » ; (…) qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, un doute persiste sur le fait que le prévenu ait directement mouvementé les comptes Kura et Manson, à l'insu de son employeur, au mépris du mandat reçu de son employeur d'agir pour propre sur le marché de gré à gré » (cf. pages 46 et 47 de l'arrêt) ; qu'il est manifeste que le second grief de la lettre de licenciement, qui reproche au salarié d'avoir trait des transactions dans des circonstances troublantes, « notamment le fait que la contrepartie est systématiquement la même, le courtier anglais William de Broe », se réfère directement aux faits d'abus de confiance dont M. X... a été relaxé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 6 mars 2014 qui a autorité de la chose jugée sur le civil et qui s'impose par conséquent à la juridiction prud'homale ; qu'en revanche il résulte de la décision pénale, d'une part que le grief de manquement à l'obligation de traiter toute transaction sur le poste téléphonique enregistré est distinct des faits repris dans la prévention, objet de la relaxe, d'autre part que l'existence même de ce manquement n'a pas été écartée dans les motifs de l'arrêt puisqu'au contraire la cour en a retenu la réalité ; que par conséquent l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'étend pas au premier grief visé dans la lettre de licenciement qui doit être examiné ; Sur le manquement à l'obligation de traiter toute transaction sur le poste téléphonique enregistré, le GEP soutient qu'en application du recueil des normes déontologiques des marchés interbancaires de gré à gré, approuvé par l'association française des établissements de crédit (AFEC) le 21 juin 1992, qui s'applique à toute transaction portant sur des valeurs mobilières réalisées entre établissement de crédit, conformément au règlement numéro 85-17 du comité de la réglementation bancaire, qui définit le marché interbancaire, l'enregistrement et l'horodatage des ordres s'imposent à tous les professionnels de marché ; qu'ainsi comme toute société intervenant sur les marchés financiers, la Financière Kléber, dont M. X... était directeur général, avait mis en place un système attribuant à chaque opérateur une ligne téléphonique enregistrée, qui devait obligatoirement être utilisée pour la passation de toutes les transactions et communications de nature professionnelle, une seconde ligne non enregistrée étant mise à disposition des opérateurs pour leurs conversations, de nature privée exclusivement, que M. X... a délibérément soustrait à l'enregistrement certaines discussions avec son interlocuteur dans le cadre de quatre transactions identifiées comme suspectes à l'époque de son licenciement ; que M. X... fait valoir quant à lui que le recueil des normes déontologiques des marchés internes bancaires de gré à gré qui n'édicte que des recommandations, ne s'applique pas en l'espèce, comme l'a relevé la cour dans son arrêt du 15 mars 2000 ; qu'en effet les marchés de valeurs mobilières, sur lesquels opérait la Financière Kléber, ne sont pas des marchés interbancaires, qu'or en matière de valeurs mobilières, l'enregistrement des conversations téléphoniques n'est obligatoire que depuis le 5 septembre 1998, date de publication au J. O. de l'arrêté du 19 juillet 1998 donnant force exécutoire au titre III du règlement du conseil des marchés financiers (CMF) ; que M. X... souligne qu'il faut distinguer enregistrement des conversations à des fins de contrôle, qui ne s'est instauré que très progressivement, et enregistrement des transactions qui s'est d'abord généralisé pour prévenir les cas de litige ; qu'il ajoute qu'il a toujours enregistré les transactions et qu'aucune des opérations qu'il a effectuées n'a jamais été source de litige dans les règlements ; qu'il doit être rappelé au préalable que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif et qu'un jugement avant-dire droit qui ordonne un sursis à statuer n'a pas autorité de la chose jugée au principal ; qu'il en résulte que les motifs de la cour dans son arrêt du 15 mars 2000 ayant ordonné le sursis à statuer sont dépourvus d'autorité de la chose jugée ; que le GEP rappelle que différents textes sont intervenus depuis 1998 ayant progressivement mis en place l'horodatage puis l'enregistrement des transactions et ainsi notamment :- le rapport général du groupe de déontologie des activités financières de mars 1988 préconisant un enregistrement et un horodatage de chaque ordre reçu ;- le règlement général du Conseil des bourses de valeurs, prévoyant en son article 4-5-9 que tout ordre est horodaté dès sa réception dans la société de bourse ;- le règlement de la commission des opérations de bourse n° 89-05 relatif aux mandats de transmission d'ordres, homologué par arrêté du 9 janvier 1990, aux termes duquel toute personne recevant à titre habituel et onéreux une procuration pour transmettre des ordres en vue de leur exécution sur le marché par l'intermédiaire habilité à participer aux négociations, doit justifier que chaque ordre transmis a été donné par le mandant et doit être en mesure de faire la preuve de sa réception et de celui de sa transmission auprès de l'intermédiaire ;- un extrait de la circulaire de la direction centrale des marchés MATIF n° 60 du 22 octobre 1991, prévoyant en son article 1er que les établissements de crédit et les maisons de titres qui sont amenés à transmettre, pour le compte de leur clientèle ou pour leur propre compte, des ordres en vue de leur exécution sur un marché réglementé sont tenus de mettre en place une procédure d'enregistrement chronologique desdits ordres, et en son article 2 que cette procédure doit permettre d'enregistrer outre la date de réception de l'ordre et sa nature, la date de son exécution ;- le recueil des normes déontologiques des marchés interbancaires de gré à gré approuvé par le bureau de l'AFEC le 21 juin 1992, qui s'impose à l'ensemble des participants au marché interbancaire de gré à gré, prévoyant : « afin de faciliter les contrôles et le règlement d'éventuels litiges, l'horodatage mécanique des fiches opérateurs out tout autre moyen de reconstituer la chronologie des opérations et l'enregistrement des conversations téléphoniques sont vivement recommandés » ; que contrairement à ce que soutient M. X..., ces règles déontologiques, préconisant l'enregistrement des conversations téléphoniques, étaient bien applicables aux opérations passées par la société Financière Kléber dont il était le directeur général ; qu'au surplus les normes déontologiques des marchés interbancaires de gré à gré contenues dans le recueil de juin 1992 ont été placées par la commission bancaire, le 16 juillet 1992, au rang des obligations dont l'inobservation est de nature à constituer un manquement aux règles de bonne conduite de la profession ; qu'un tel manquement pouvant faire l'objet, en vertu des articles 42 et 45 de la loi bancaire, d'une mise en garde ou d'une sanction disciplinaire décidée par la commission bancaire, il y a lieu de considérer que ces normes avaient, dès 1992, un caractère contraignant ; que par ailleurs il résulte des pièces versées aux débats, ainsi notamment des enregistrements téléphoniques afférents aux transactions litigieuses visés dans la lettre de licenciement, rapprochés avec les relevés de communications opérées depuis des postes téléphoniques non enregistrés, que M. X... a utilisé un poste téléphonique non enregistré à l'occasion de ces quatre transactions ; que par conséquent le premier grief invoqué dans la lettre de licenciement est établi ; qu'il caractérise un comportement fautif justifiant le licenciement intervenu, sans que le salarié puisse utilement soutenir que la véritable cause de son licenciement résidait dans une machination ourdie à son encontre, faute pour lui de démontrer la réalité de ses allégations ; qu'en ne respectant pas les règles déontologiques applicables au sein de la société, édictées dans un souci de transparence et de sécurité des transactions, M. X..., en sa qualité de cadre dirigeant, dont l'employeur était en droit d'attendre un comportement exemplaire, a commis un manquement constitutif d'une faute grave, rendant impossible son maintien dans l'entreprise ; que le jugement qui a débouté le salarié de ses demandes à titre d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit donc être confirmé ; que sur les demandes indemnitaires, la faute grave justifiant le licenciement de M. X... ayant été retenue, celui-ci doit par voie de conséquence être débouté de ses demandes nouvelles formées en appel tendant à l'indemnisation de la perte de chance de réaliser une carrière de cadre dirigeant au sein de BNP Paribas, à l'indemnisation de la perte de chance d'exercer les options sur titres qui lui avaient été attribuées et qu'il n'a pu exercer du fait de son licenciement et au paiement de dommages-intérêts à titre de réparation pour l'absence de cotisation aux régimes complémentaires obligatoires de retraite ; que M. X... n'a pas contesté en appel le chef de dispositif du jugement l'ayant débouté de sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ; que le jugement sera donc également confirmé à ce titre ; que M. X... sollicite une somme de 3 millions d'euros à titre d'indemnisation de son préjudice moral, en invoquant la faute de son employeur qui l'a licencié sans cause réelle et sérieuse, les circonstances du licenciement qui ont été extrêmement vexatoires et abusives et la plainte pénale qui a gravement porté atteinte à son honneur et à sa réputation et l'a empêché de retrouver un emploi ; qu'il est constant qu'un salarié dont le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse peut néanmoins prétendre à l'indemnisation d'un préjudice distinct de celui résultant de la rupture s'il justifie d'une faute de son employeur ; que M. X... ne produit aucune pièce justifiant des circonstances brutales et vexatoires de son licenciement ; que par ailleurs, il est constant que le GEP, employeur de M. X..., n'était pas partie à la procédure pénale ayant opposé celui-ci notamment à la Financière Kléber et à la société BNP Paribas, à l'égard desquelles du reste, aucune demande n'a été formée dans le cadre de l'instance prud'homale ; qu'il s'en déduit que M. X... ne peut imputer au GEP les conséquences dommageables alléguées de la procédure pénale à son égard ; que la demande d'indemnisation au titre du préjudice moral sera donc rejetée ; que M. X... demande la somme de 15. 852, 70 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ; que cette demande a été rejetée par le conseil de prud'hommes au motif que le salarié avait été rempli de ses droits ; que la cour constate que M. X... ne produit aucun justificatif à l'appui de cette demande qui sera par conséquent rejetée par confirmation du jugement ; que sur les autres demandes, M. X... qui succombe en son appel sera condamné aux dépens ; qu'il est équitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « Monsieur X... a été engagé à compter du 1er octobre 1988 en qualité d'attaché de direction par le G. E. P.
Compagnie Bancaire, en vertu d'une lettre d'engagement en date du 6 octobre 1988 revêtue de la mention « lu et approuvé » le 18 novembre 1988 ; que Monsieur X..., en reconnaissance de ses qualités professionnelles, a été promu le 1er juillet 1989 fondé de pouvoir principal et à compter du 1er juillet 1992 sous-directeur, sa rémunération étant ainsi augmentée de façon subséquente ; que par lettre remise en mains propres du 31 janvier 1997 le G. E. P. Compagnie Bancaire convoque Monsieur X... à un entretien préalable en vue de son licenciement assorti d'une mise à pied conservatoire avec effet immédiat dans l'attente de l'issue de la procédure engagée en raison de la gravité des faits qui lui sont reprochés ; que par lettre remise en mains propres en date du 7 février 1997 le G. E. P.
Compagnie Bancaire notifie à Monsieur X... son licenciement pour faute grave dans les termes suivants : « Par lettre en date du 31 janvier 1997, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à votre licenciement fixé le 4 février 1997. Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les raisons qui nous conduisaient à envisager cette mesure, et nous avons recueilli vos observations qui ne se sont toutefois pas révélées satisfaisantes. Dans le cadre du contrôle que nous avons effectué sur les transactions intervenues sur le marché obligataire, nous avons notamment été amenés à analyser les enregistrements des postes téléphoniques du F/ o. Cette analyse fait apparaître qu'à l'occasion de quatre transactions au moins en 1996, vous avez délibérément utilisé votre poste téléphonique non enregistré. Les quatre opérations concernent les transactions suivantes :- National Bank Hungary 8 % 99, en date du 18 septembre 1996,- Banque de Grèce 7, 5 % 98, en date du 20 septembre 1996,- CRH 8, 70 % 2000, en date du 26 septembre 1996,- Auxiliaire CFF, en date du 2 octobre 1996. Vous n'ignorez pas que vous avez l'obligation de traiter toute transaction sur un poste téléphonique enregistré. Le fait que vous ayez délibérément dérogé à cette obligation constitue à lui seul une faute grave. Par ailleurs, une analyse plus approfondie de ces opérations révèle certaines conjonctions troublantes, notamment le fait que la contrepartie est systématiquement la même, le courtier anglais William de Broe. D'autres opérations que vous avez réalisées sur le marché obligataire présentent les mêmes caractéristiques sur les années antérieures avec ce courtier ainsi que d'autres contreparties étrangères. En conséquence, vous êtes licencié pour faute grave privative de préavis. Vous pourrez retirer votre solde de tout compte et votre certificat de travail dès réception de la présente » ; qu'en préliminaire pour sa défense Monsieur X... entend se réfugier derrière l'article L. 122-44 du code du travail en invoquant la prescription des faits qui lui sont reprochés mettant ainsi à néant la procédure de licenciement engagée à son encontre ; que le délai de prescription de deux mois prévu par l'article précité du code du travail court à compter de la date à laquelle l'employeur a eu connaissance des agissements fautifs du salarié ; que le G. E. P. Compagnie Bancaire démontre, documents à l'appui, que les faits reprochés à Monsieur X... ont été découverts dans le cadre d'une enquête dont les résultats n'ont pu être établis qu'à la fin du mois de janvier 1997 compte tenu du travail considérable à réaliser ; que le G. E. P. Compagnie Bancaire ne saurait être victime de la prudence dont elle a fait preuve pour mener ses investigations complexes et longues qui finalement l'a conduit sans contestation possible à mettre à jour des pratiques suffisamment graves aux conséquences pour Monsieur X... non moins graves ; que les fautes invoquées par le G. E. P. Compagnie Bancaire pour justifier le licenciement de Monsieur X... ne sont nullement prescrites en application de l'article L. 122-44 du code du travail ; que le recueil des normes déontologiques des marchés interbancaires de gré à gré précise – page 8 – 4ème alinéa : « Afin de faciliter les contrôles et le règlement d'éventuels litiges, l'horodatage mécanique des fiches opérateurs ou tout autre moyen de reconstituer la chronologie des opérations téléphoniques sont vivement recommandés » ; que Monsieur X... n'a pas exclusivement utilisé son poste téléphonique enregistré pour traiter les quatre transactions identifiées comme suspectes et rappelées par le G. E. P. Compagnie Bancaire dans sa lettre de licenciement ; que ces opérations tripartites font apparaître des plus-values importantes toujours au bénéfice du courtier anglais William de Broe ; que la méthode mise au point par Monsieur X... loin de « faciliter les contrôles » a au contraire pour conséquence de les rendre plus difficiles voire même impossibles dans le cadre d'un contrôle interne classique ; que sans les informations recueillies auprès de la C. P. R., troisième opérateur, le caractère suspect de ces quatre transactions n'auraient en effet pas pu être détecté, précisément parce que certaines conversations téléphoniques entre les protagonistes n'ont pu être enregistrées ; que Monsieur X... conteste son licenciement pour faute grave en affirmant que les conversations téléphoniques qu'il a eues depuis son poste enregistré sont suffisantes pour contrôler la régularité des transactions incriminées puisqu'elles font état des caractéristiques desdites opérations ; que Monsieur X... soutient que lesdites transactions ont généré pour la Financière Kléber, structure du G. E. P. Compagnie Bancaire un profit de l'ordre de « plusieurs millions de francs » ; que c'est précisément parce que certaines conversations téléphoniques liées aux transactions présumées frauduleuses n'ont pas eu lieu depuis un poste enregistré que le contrôle de leur régularité est particulièrement difficile voire impossible ; que contrairement aux affirmations de Monsieur X... la Financière Kléber n'a enregistré au titre des transactions en cause qu'un profit de 75. 535, 00 F, alors que le profit de William de Broe est de 3. 588. 235, 00 F, pour un montant global traité de 450. 000. 000, 00 F ; que Monsieur X... avait l'obligation contractuelle et morale de traiter l'intégralité des transactions concernées avec la CPR sur son poste enregistré à l'exclusion de tout autre et qu'en pratiquant différemment c'est-à-dire en ayant recours à un poste non enregistré pour traiter même partiellement de ces transactions il s'est mis dans une situation conflictuelle, ce comportement anormal ne pouvant donner naissance qu'à une suspicion légitime et naturelle de la part du G. E. P. Compagnie Bancaire ; que le Conseil considère que la violation délibérée par Monsieur X... de la procédure d'enregistrement constitue à elle seule une faute grave ; que dans ces conditions, le licenciement de Monsieur X... pour faute grave privative d'indemnités repose sur une cause réelle et sérieuse ; que Monsieur X... ne fait pas la démonstration que la procédure de licenciement employée à son encontre est irrégulière disposant de 4 jours entre le moment où la convocation à l'entretien préalable lui a été remise et l'entretien préalable pour se faire assister, le G. E. P. Compagnie Bancaire disposant d'institutions représentatives du personnel ; qu'en ce qui concerne le reliquat de congés payés il ressort des pièces versées aux débats que Monsieur X... a été rempli de ses droits et qu'il ne peut donc prospérer dans sa demande ; que Monsieur X... ne peut également prétendre au paiement d'un prorata de treizième mois puisqu'en sa qualité de sous-directeur et de directeur général de la Société Financière Kléber il relève du régime des membres de la direction du groupe de la Compagnie Bancaire qui précise dans son article 1 les modalités de rémunération des cadres de direction qui ne fait nullement état d'un treizième mois ; que ces modalités ont été reprises dans une lettre du 11 octobre 1996 par le G. E. P. Compagnie Bancaire et sur laquelle Monsieur X... a apposé sa signature précédée de la mention « Lu et approuvé » ; qu'il est équitable de laisser à la charge de Monsieur X... les frais irrépétibles et qu'à cet égard il convient de rejeter sa demande en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge du G. E. P. Compagnie Bancaire les frais irrépétibles en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile » ;

ALORS 1/ QUE, le salarié n'est pas tenu de respecter les normes que l'employeur n'a pas rendues applicables dans l'entreprise ; que, pour dire que M. X... avait commis une faute grave en utilisant, lors de quatre transactions litigieuses, son poste téléphonique non enregistré, la cour a retenu que les normes déontologiques des marchés bancaires de gré à gré avaient été placées, dès le 16 juillet 1992, au rang des obligations dont l'inobservation était de nature à constituer un manquement aux règles de bonne conduite, susceptibles de faire l'objet d'une sanction ou d'une mise en garde de la commission bancaire ; qu'en statuant ainsi, sans relever aucun élément de nature à établir que l'employeur de M. X..., par des instructions précises données aux salariés, avait rendu ces normes déontologiques applicables au sein de l'entreprise, la cour d'appel a reproché à M. X... d'avoir violé une norme dont il n'était pas destinataire, violant ainsi les anciens articles L. 122-6 et L. 122-9 du code du travail, dans leurs rédactions applicables à l'espèce, ensemble l'article 1134 du code civil ;

ALORS 2/ QUE en toute hypothèse, pour dire que M. X... avait commis une faute grave en utilisant, lors de quatre transactions litigieuses, son poste téléphonique non enregistré, la cour a retenu que les normes déontologiques des marchés bancaires de gré à gré avaient été placées, dès le 16 juillet 1992, au rang des obligations dont l'inobservation était de nature à constituer un manquement aux règles de bonne conduite, susceptibles de faire l'objet d'une sanction ou d'une mise en garde de la commission bancaire ; qu'en statuant ainsi, quand le texte précisait seulement que l'enregistrement des conversations téléphoniques était vivement recommandé, ce dont il ne résultait qu'une recommandation facultative, fût-elle insérée dans un instrument contraignant, la cour a assimilé obligation et recommandation, violant ainsi l'article 12 du code de procédure civile ;

ALORS 3/ QU'une faute grave ne saurait résulter d'un manquement à une recommandation déontologique ; que, pour juger que M. X... avait commis une faute grave justifiant son licenciement immédiat, la cour a relevé qu'il avait utilisé, lors de quatre transactions litigieuses, son poste téléphonique non enregistré ; qu'en déduisant de la sorte l'existence d'une faute grave d'un manquement à une simple recommandation, la cour a violé les anciens articles L. 122-6 et L. 122-9 du code du travail, dans leurs rédactions applicables à l'espèce ;

ALORS 4/ QU'en toute hypothèse, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que, pour juger que M. X... avait commis une faute grave justifiant son licenciement immédiat, la cour a relevé qu'il avait utilisé, lors de quatre transactions litigieuses, son poste téléphonique non enregistré ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de la décision pénale et de ses propres constatations qu'il n'était pas établi qu'une opération frauduleuse avait été perpétrée au moyen desdites conversations non enregistrées, ce dont il résultait qu'elles ne pouvaient à elles seules, constituer une faute grave, la cour a violé les anciens articles L. 122-6 et L. 122-9 du code du travail ;

ALORS 5/ QUE la simple suspicion de l'employeur à l'égard du salarié ne saurait justifier un licenciement pour faute grave ; qu'en jugeant que M. X... avait, en utilisant son poste téléphonique non enregistré à l'occasion des quatre transactions litigieuses, commis une faute grave dans la mesure où ce comportement ne pouvait donner naissance qu'à une suspicion légitime et naturelle de la part de l'employeur, la cour a violé les anciens articles L. 122-6 et L. 122-9 du code du travail ;

ALORS 6/ QUE déjoue les espérances légitimes du justiciable la juridiction qui se contredit à l'occasion de deux décisions rendues dans la même instance ; qu'il est acquis aux débats que la cour, dans sa décision de sursis à statuer rendue le 15 mars 2000, a relevé que la seule utilisation du téléphone non enregistré était insuffisante à motiver le licenciement, de sorte qu'il était nécessaire d'attendre l'issue de l'instance pénale sur les quatre opérations réalisées dans des « circonstances troublantes » ; qu'il en résulte qu'en retenant, dans l'arrêt attaqué, que M. X... avait commis une faute grave en utilisant son poste téléphonique non enregistré, la cour s'est contredite dans la même instance et a déjoué les espérances légitimes de M. X..., violant ainsi l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-12561
Date de la décision : 05/05/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 décembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 mai. 2017, pourvoi n°16-12561


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Marc Lévis, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.12561
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