LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'Edouard X..., dit Z..., est décédé le 26 mai 2010 en laissant pour lui succéder Mme Marie-Claude Y..., son épouse, et ses trois enfants nés d'une précédente union, Marie-Claude, Michel et Isabelle (les consorts X...) ; que des difficultés se sont élevées lors des opérations de liquidation et de partage de la communauté et de la succession ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 564 et 565 du code de procédure civile ;
Attendu qu'en matière de partage, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande des consorts X... tenant au recel successoral résultant du prélèvement par Mme Y...de fonds sur les comptes dépendant de la communauté, l'arrêt retient que cette prétention n'a pas été soumise à l'analyse des premiers juges ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la demande des consorts X... tendait à priver Mme Y...de sa part dans l'actif communautaire, prétendument diverti, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen, qui est recevable :
Vu l'article 1469, alinéa 3, du code civil ;
Attendu, selon ce texte, que le profit subsistant représente l'avantage réellement procuré au fonds emprunteur au jour du règlement de la récompense ;
Attendu que, pour fixer à une certaine somme la récompense due par la succession à la communauté au titre du financement de l'immeuble, l'arrêt retient que ce montant doit correspondre à la différence entre la valeur du terrain nu et celle du terrain construit ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'édification de la maison avait commencé avant le mariage de sorte qu'il convenait de tenir compte de la valeur de l'immeuble en l'état d'une construction en partie déjà réalisée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande formée au titre d'un recel successoral et en ce qu'il dit que la succession d'Édouard X... doit récompense à la communauté de la somme de 200 000 euros au titre du financement de l'immeuble situé rue de l'Abbé Breuilh à Neuvic, l'arrêt rendu le 1er mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne Mme Y...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mmes Marie-Claude et Isabelle X... et à M. X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mmes Marie-Claude et Isabelle X... et M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la demande nouvelle relative à un recel successoral ;
AUX MOTIFS QUE la demande relative au prélèvement par Mme Marie-Claude Y...de fonds sur les comptes dépendant de la communauté est nouvelle selon les dispositions de l'article 564 du code civil et ne peut qu'être déclarée irrecevable par la cour dans la mesure où cette prétention n'a pas été soumise à l'analyse des premiers juges et qu'elle ne peut être considérée comme une demande pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance de la révélation d'un fait ; que l'intimé précise à juste titre dans ses conclusions que cette nouvelle prétention n'a jamais été abordée ni discutée devant les premiers juges et qu'elle n'est pas davantage liée avec les demandes présentées en première instance tant par la demanderesse initiale que par les défendeurs ; que la cour estime qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner au fond si les conditions d'un recel successoral imputable à Mme Marie-Claude Y...sont réunies ou non en l'espèce ;
ALORS QU'en matière de partage, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande constitue nécessairement une défense à la prétention adverse ; qu'en jugeant irrecevable la demande des consorts X..., présentée pour la première fois en cause d'appel, tendant à ce qu'il soit jugé que Mme Marie-Claude Y...avait recelé des fonds dépendant de la communauté, la Cour d'appel a violé les articles 564 et 565 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la succession d'Édouard X... devait récompense à la communauté de la somme de 200 000 euros au titre du financement de l'immeuble situé rue de l'Abbé Breuilh à Neuvic ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la récompense due par la succession à la communauté a été calculée par Me A...à la somme de 200 000 euros, la valeur retenue de l'immeuble étant de 250 000 euros se décomposant comme suit : 200 000 euros valeur de l'immeuble et 50 000 euros valeur du terrain, cette évaluation a été confirmée par M. B...par attestation du 24 juin 2015, les appelants contestant le droit à récompense de la communauté ; que les attestations produites aux débats précises et concordantes montrent que des factures de travaux et de matériaux ont été réglées directement par Mme Marie-Claude Y...au moyen notamment de ses revenus professionnels en sa qualité de professeur de collège ce qui a permis au défunt dont l'entreprise ne dégageait pas de bénéfices et qui avait des charges personnelles importantes, de poursuivre la construction de l'immeuble et ce nonobstant l'entraide entre amis ou les dons de certains matériaux mis en évidence par les attestations des appelants et lesquelles ont pu concourir partiellement aux opérations de constructions ; que la demande d'une expertise judiciaire pour l'évaluation des deux immeubles sera rejetée par la cour dans la mesure où elle n'apporterait aucun élément pertinent et générerait des frais supplémentaires inutiles en l'absence d'éléments permettant de considérer que l'évaluation de l'immeuble serait erronée ; que la cour confirmera la décision entreprise motivée sur les attestations produites établissant la forte participation financière de Mme Marie-Claude Y...aux travaux de construction de l'immeuble en question ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE la récompense est calculée en application des dispositions de l'article 1469 du code civil ; que concernant la maison au 2 rue de l'Abbé Breuilh, la récompense réclamée repose sur la différence entre la valeur du terrain nu et la valeur de l'immeuble construit ; que les consorts X... – C...contestent que la communauté se soit appauvrie du fait de la construction de la maison sur le terrain nu ; qu'ils versent plusieurs attestations ; que M. D...salarié de l'entreprise de M. Edouard X... indique que lors du mariage, les bases de la maison étaient existantes ; qu'une attestation de la soeur du défunt indique que dès avant leur mariage les revenus de Mme Marie-Claude Y...ont permis à M. Edouard X... dont l'entreprise ne dégageait pas de bénéfices et qui avait des charges personnelles importantes, de commencer la construction de la maison ; que concernant les travaux après la date du mariage, M. D...n'indique pas si les ouvriers étaient rémunérés ni par qui ; qu'ils sont supposés avoir été rémunérés par des fonds communs ; que plusieurs personnes attestent être intervenues dans le cadre d'une entraide réciproque entre artisans et avoir fourni des matériaux de récupération ; que l'aide gratuite apportée en retour par M. Edouard X... aux artisans qui l'avaient aidé doit être considérée comme ayant privé la communauté d'une activité rémunératrice ou réalisée au profit de celleci, de sorte qu'elle constitue en moins donnant un appauvrissement et qu'il est dû récompense ; que s'agissant de la fourniture de matériaux par M. Maurice E..., il indique « je lui ai fait fournir (à M. Edouard X...) les portes et fenêtres et réalisé la pose à titre gratuit, à l'intérieur j'ai fabriqué et posé divers aménagements dont l'escalier, en échange, M. X... m'a réalisé divers travaux de terrassement » ; qu'il en résulte que l'étendue des travaux réellement gratuits ne peut être précisée ; qu'en ce qui concerne la fourniture par M. F...du cadre en pierre de la cheminée, cela ne suffit pas à établir que la communauté ne s'est pas appauvrie en finançant l'essentiel de la construction ; qu'au contraire, M. G...attestait que de nombreuses factures étaient réglées concernant les matériaux par Mme Marie-Claude Y...; que les consorts X...
C...ne parviennent pas à établir que la communauté ne s'est pas appauvrie et il convient d'examiner le calcul de la récompense opéré selon les règles de l'article 1469 du code civil ; que la valeur du terrain nu serait de 50 000 euros ; qu'au jour du décès, la valeur de l'immeuble était évaluée à 250 000 euros, la récompense due par la succession à la communauté est donc de 200 000 euros ;
ALORS QUE le profit subsistant représente l'avantage procuré au bien par l'usage de deniers commun au jour du règlement de la récompense, lequel représente la différence entre la valeur actuelle du bien et sa valeur actuelle sans les travaux ouvrant droit à récompense ; qu'en affirmant que la récompense due à la communauté représentait la différence entre la valeur du terrain nu et la valeur de l'immeuble construit après avoir pourtant relevé que les travaux de construction avaient déjà commencé au jour du mariage, ce dont il résultait qu'il convenait de tenir compte, non pas de la valeur actuelle du terrain nu, mais de sa valeur actuelle selon sa consistance au jour du mariage, c'est-à -dire, en l'état d'une construction déjà en partie réalisée, la Cour d'appel a violé l'article 1469 alinéa 3 du Code civil.