LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1371 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les principes qui régissent l'enrichissement sans cause ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mmes Y... et Z..., toutes deux agents d'assurances, ont décidé de partager des locaux pour exercer leur activité et conçu le projet de créer une société commerciale ; qu'elles ont mis fin à leurs relations professionnelles sans l'avoir constituée ; que Mme Y..., soutenant avoir fait l'avance de l'ensemble des frais de fonctionnement de l'agence, a assigné Mme Z... en remboursement d'une somme correspondant aux charges lui incombant ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que l'existence d'une société de fait entre les parties n'est pas démontrée par Mme Y... et que l'action de in rem verso, invoquée à titre subsidiaire, ne peut être admise pour suppléer une autre action écartée faute de preuve ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le rejet de la demande principale fondée sur l'existence du contrat de société ne faisait pas échec à l'action subsidiaire fondée sur l'enrichissement sans cause, la cour d'appel a violé le texte et les principes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette l'action fondée sur l'enrichissement sans cause, l'arrêt rendu le 23 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Y... de sa demande en paiement formée à l'encontre de Nathalie Z... en ce qu'elle repose subsidiairement sur la notion d'enrichissement sans cause ;
AUX MOTIFS QUE « subsidiairement Catherine Y... a maintenu sa demande en la fondant sur les dispositions de l'article 1371 du Code civil et sur la théorie de l'enrichissement sans cause en faisant valoir que Nathalie Z... a profité des locaux, du matériel et l'infrastructure mis à sa disposition sans s'acquitter de sa part, convenue, des charges engendrées par cette exploitation commune, de sorte qu'elle s'est ainsi enrichie à son détriment. Or l'action de in rem verso ne peut être admise que dans le cas où le patrimoine d'une personne se trouverait, sans cause légitime, enrichie au détriment de celui d'une autre personne qui elle-même ne jouirait pour obtenir ce qui lui est dû d'aucune action naissant d'un contrat, d'un quasi-contrat, d'un délit ou d'un quasi-délit, en sorte que cette action ne peut être intentée en vue d'échapper aux règles par lesquelles la loi a expressément défini les effets d'un contrat déterminé et ne peut être utilisée pour suppléer à une autre action que le demandeur ne pourrait intenter par suite d'une prescription, d'une déchéance ou forclusion ou par l'effet de l'autorité de la chose jugée ou encore parce qu'il ne peut apporter les preuves qu'elle exige, ce qui est bien ici le cas de Catherine Y... qui se révèle être dans l'incapacité de démontrer qu'une société créée de fait a bien été constituée entre elle-même et Nathalie Z.... Il faut préciser que le caractère subsidiaire reconnu à l'action fondée sur l'enrichissement sans cause ne peut s'analyser en une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile mais bien plutôt comme une condition inhérente à l'action, ce dont il se déduit que la demande introduite subsidiairement par Catherine Y... sur ce fondement doit être jugée non pas irrecevable mais non fondée » ;
ALORS QUE nul ne peut s'enrichir injustement au détriment d'autrui ; que le rejet d'une demande fondée sur un contrat de société dont la preuve n'a pu être rapportée rend recevable celle, subsidiaire, fondée sur l'enrichissement sans cause (Cass. Civ. 1ère, 5 mars 2008) ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a écarté la demande en paiement formée par l'exposante contre Mme Z... fondée sur l'enrichissement sans cause au seul motif que la subsidiarité de cette action ne peut être intentée en vue de contourner les règles du contrat invoqué à titre principal, à savoir le contrat de société, dont Mme Y... ne rapportait pas la preuve ; qu'en statuant ainsi, quand le rejet de la demande fondée sur l'existence d'un contrat de société rendait recevable, celle, subsidiaire, fondée sur l'enrichissement sans cause, la cour d'appel a violé l'article 1371 du code civil, ensemble le principe susvisé.