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04/05/2017 | FRANCE | N°15-27899

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 04 mai 2017, 15-27899


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 642-19 du code de commerce et les articles 1109 et 1116 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que la cession de gré à gré des actifs du débiteur en liquidation judiciaire, qui doit être autorisée par le juge-commissaire aux prix et conditions qu'il détermine, est une vente faite d'autorité de justice qui ne peut être annulée pour dol ; qu'il en résulte que

si le cessionnaire qui se prétend victime d'un dol commis par le liquidateur peut...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 642-19 du code de commerce et les articles 1109 et 1116 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que la cession de gré à gré des actifs du débiteur en liquidation judiciaire, qui doit être autorisée par le juge-commissaire aux prix et conditions qu'il détermine, est une vente faite d'autorité de justice qui ne peut être annulée pour dol ; qu'il en résulte que si le cessionnaire qui se prétend victime d'un dol commis par le liquidateur peut rechercher la responsabilité personnelle de ce dernier, il ne peut pas, sur le fondement de ce vice du consentement, agir en nullité de la cession ainsi autorisée ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Chrono 2 roues Asnières a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 5 septembre 2012 et 4 septembre 2013 ; que par une ordonnance du 16 octobre 2013, le juge-commissaire a autorisé le liquidateur à céder des éléments d'actifs du fonds de commerce de la débitrice au prix de 45 000 euros à M. B...          pour le compte d'une société à constituer, la société Asnières Scoot (le cessionnaire), et décidé qu'en sus du prix, le cessionnaire devrait reconstituer le dépôt de garantie dû au bailleur des locaux servant à l'exploitation du fonds et payer les loyers échus depuis le jugement d'ouverture ; que reprochant au cessionnaire de ne pas avoir reconstitué le dépôt de garantie et payé le loyer de septembre 2013, le liquidateur l'a assigné en résolution de la vente et en paiement de dommages-intérêts ; que le cessionnaire a, à titre reconventionnel, demandé la nullité de la cession pour dol en reprochant au liquidateur d'avoir sciemment fourni des informations comptables erronées sur le montant du chiffre d'affaires et de ne pas avoir appelé l'attention des candidats à l'acquisition sur l'absence de clientèle attachée au fonds de commerce ;

Attendu que pour prononcer la nullité de la cession, l'arrêt retient que, s'agissant d'une cession d'un actif mobilier isolé autorisée par le juge-commissaire en application de l'article L. 642-19 du code de commerce, le cessionnaire peut invoquer l'existence d'un vice du consentement ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare la société Asnières Scoot recevable en ses demandes, l'arrêt rendu le 1er octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Asnières Scoot et M. B...          aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. A...                , ès qualités.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le consentement de Monsieur Hubert B...         , agissant pour le compte de la Société ASNIERES SCOOT, a été surpris par dol de la part de Maître A...                , agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société CHRONO 2 ROUES ASNIERES, puis d'avoir annulé la cession du fonds de commerce de la Société CHRONO 2 ROUES ASNIERES, situé [...]                            , à Monsieur Hubert B...          pour le compte de la Société ASNIERES SCOOT, autorisée par ordonnance du 16 octobre 2013, puis d'avoir condamné Maître A...                 à restituer à la Société ASNIERES SCOOT la somme de 45.000 euros correspondant au prix de vente ;

AUX MOTIFS QUE la vente de gré à gré d'un élément de l'actif mobilier du débiteur en liquidation judiciaire, dont fait partie le fonds de commerce, est parfaite dès l'ordonnance du juge-commissaire qui l'autorise, sous la condition suspensive que la décision acquière force de chose jugée et la vente n'est réalisée que par l'accomplissement d'actes postérieurs à la décision du juge-commissaire ; que s'agissant, comme en l'espèce, de la cession d'un actif mobilier isolé en application de l'article L 642-19 du Code de commerce, le cessionnaire est recevable à invoquer l'existence d'un vice du consentement ou l'absence de cause ; que le périmètre de la cession comportait les éléments incorporels du fonds de commerce, à savoir le droit au bail, l'enseigne et la clientèle moyennant le prix de 42 000 euros, les éléments corporels à concurrence de 2 000 euros et les stocks à concurrence de 1 000 euros ; que les informations communiquées aux candidats à l'acquisition par Maître A...                 en date du 9 septembre 2013 comportaient les chiffres d'affaires réalisés par la société Chrono 2 roues Asnières s'élevant au 31 juillet 2010 à 1.650.969 euros, au 31 juillet 2011 à 2.186.235 euros et au 31 juillet 2012 à 977.068 euros ; que le chiffre d'affaires de l'exercice 2013 n'était pas communiqué, ni celui d'une situation intermédiaire, alors que cet exercice-là correspondait à la période d'observation de la société et était nécessairement connu par le mandataire judiciaire ; qu'il résulte du jugement d'extension du 14 mai 2013, antérieur à la procédure de recherche de candidats, qu'un rapport de la société Exafi en date du 18 mars 2013 demandé par le Tribunal a mis en évidence le fait que la comptabilité de la société Chrono 2 roues Asnières est irrégulière, opaque et ne permet aucune vision patrimoniale de l'entreprise , que de très nombreuses écritures non fondées, confuses, anormales, au niveau des comptes entre les différents magasins ainsi qu'avec la holding semblent traduire une volonté d'ajustement de l'ensemble des comptes, qu'il n'est plus possible de déterminer les créances et dettes respectives et les très nombreuses écritures comptabilisées au compte client ne permettent plus de déterminer sa consistance ; qu'ainsi, à la date de la cession, le liquidateur connaissait le manque de fiabilité de la comptabilité de la société Chrono 2 roues Asnières mais n'en n'a pas informé M. B...          et s'est borné intentionnellement à communiquer sans aucune réserve des informations comptables au mieux incomplètes et au pire fantaisistes destinées à provoquer des offres ; que le caractère fantaisiste des données comptables communiquées par le liquidateur est encore confirmé par le chiffre d'affaires dérisoire et hors de proportion que la société Asnières scoot a pu réaliser en décembre 2013, soit 4.000 euros (pièces n° 7 et 8); que cette façon de procéder s'explique certes par la volonté de céder rapidement et dans les meilleures conditions possibles le fonds de commerce, ce qui constitue un objectif légitime mais qui ne peut justifier une tromperie, et a eu pour conséquence de retenir des informations tellement essentielles qu'il est évident que, sans cette réticence, M. B...          n'aurait pas formulé d'offre ; que la Société Asnières scoot démontre en conséquence que son consentement a été vicié de sorte que la cession, parfaite depuis que l'ordonnance du juge-commissaire est passée en force de chose jugée, doit être annulée en application des dispositions de l'article 1116 du Code civil sans qu'il soit nécessaire d'examiner le moyen de nullité tiré de l'absence de cause ; que la nullité de la cession a pour conséquence de rendre nécessaire la restitution du fonds de commerce au liquidateur par la Société Asnières scoot sans que cette société puisse être tenue par l'un quelconque des engagements résultant pour elle de la vente à l'égard de la société cédante ou à l'égard de la SCI, et la restitution de la somme de 45.000 euros par le liquidateur à cette société, sans que ce dernier ne puisse se prévaloir à son égard d'un quelconque préjudice réparable ; que la demande de restitution de la somme de 45.000 euros entre ses mains formulée par M. B...          à l'égard de Maître A...                 aux motifs qu'il aurait payé cette somme sur ses deniers personnels sera rejetée dès lors que ce paiement a été opéré pour le compte de la société en cours de formation ; qu'il sera donné acte à la Société Asnières scoot de la restitution des locaux le 18 février 2014 ; que le liquidateur sera débouté de toutes ses demandes dirigées tant contre M. B...          que contre la Société Asnières scoot, que ce soit sa demande de résolution de la cession ou ses demandes indemnitaires ; que bien que la SCI soutienne à titre principal que la cession lui est inopposable, elle a mis en oeuvre une saisie-attribution sur la compte bancaire de la Société Asnières scoot le 21 mai 2014 en exécution du jugement dont appel qui l'avait condamnée à payer à la SCI les loyers échus à compter du 17 octobre 2013 jusqu'à la restitution effective des locaux ; que ce chef du jugement étant infirmé en raison de l'annulation de la cession, le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement; qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de restitution de la société Asnières scoot ;

1°) ALORS QUE la vente amiable d'un fonds de commerce autorisée par le juge-commissaire dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire constitue une vente par autorité de justice, dont le caractère forfaitaire implique l'existence d'un aléa exclusif de l'application du droit commun de la vente ; qu'une telle cession ne peut notamment faire l'objet d'une annulation pour vice du consentement; qu'en décidant néanmoins qu'une telle vente constitue la cession d'un actif mobilier isolé, en application de l'article L. 642-19 du Code de commerce, de sorte que le cessionnaire est recevable à invoquer l'existence d'un vice de consentement, pour en déduire que Monsieur Hubert B...          était recevable à solliciter l'annulation de la cession du fonds de commerce pour dol, la Cour d'appel a violé les articles L. 142-19 du Code de commerce, 1109 et 1116 du Code civil ;

2°) ALORS QUE, subsidiairement, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; que l'aléa dont le contrat est affecté exclut que le consentement des parties ait pu être vicié quant à ce qui faisait l'objet de l'aléa ; qu'en se bornant, pour décider que le consentement du cessionnaire avait été surpris par dol en raison de la communication sans aucune réserve d'informations comptables erronées, et notamment d'un chiffre d'affaires de l'ordre de 2 millions d'euros les années précédant la cession, tout en relevant que la cession du fonds de commerce avait été faite pour la seule somme de 45.000 euros, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il résultait du faible prix de cession l'existence d'un aléa que le cessionnaire ne pouvait ignorer, ce dont il résultait que Monsieur B...          ne pouvait prétendre avoir été trompé par dol, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 142-19 du Code de commerce, 1109 et 1116 du Code civil ;

3°) ALORS QUE, à titre également subsidiaire, en se bornant à affirmer que le caractère fantaisiste des données comptables communiquées par le liquidateur résultait du chiffre d'affaires dérisoire et hors de proportion que la Société ASNIERES SCOOT avait pu réaliser en décembre 2013, soit 4.000 euros, sans rechercher, comme elle y était invitée si la faiblesse de ce chiffre d'affaires résultait de ce que Monsieur B...          s'était abstenu d'exploiter de manière effective le fonds de commerce, à telle enseigne, qu'au cours de l'année en cause, il n'avait acquis aucun stock et n'avait embauché aucun salarié, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 142-19 du Code de commerce, 1109 et 1116 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-27899
Date de la décision : 04/05/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Liquidation judiciaire - Réalisation de l'actif - Eléments incorporels - Cession de gré à gré - Action en nullité - Fondement - Dol (non)

La cession de gré à gré des actifs du débiteur en liquidation judiciaire, qui doit être autorisée par le juge-commissaire aux prix et conditions qu'il détermine, est une vente faite d'autorité de justice qui ne peut être annulée pour dol. Il en résulte que si le cessionnaire qui se prétend victime d'un dol commis par le liquidateur peut rechercher la responsabilité personnelle de ce dernier, il ne peut pas, sur le fondement de ce vice du consentement, agir en nullité de la cession ainsi autorisée


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 01 octobre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 04 mai. 2017, pourvoi n°15-27899, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Delaporte et Briard, SCP Richard, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.27899
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