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04/05/2017 | FRANCE | N°15-21732

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 mai 2017, 15-21732


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en matière de référés, que le comité d'entreprise de la société Europerf, filiale de la société Parfums Parour dont le capital est détenu par la société Groupe Parour, a exercé son droit d'alerte économique ; qu'il a le 8 mars 2013 désigné la société Diagoris, expert comptable, pour l'assister ; que celle-ci a, le 11 mars 2013, adressé sa lettre de mission au dirigeant avec la liste des documents à lui fournir ; que par jugement du 14 mars 2013, le tribunal de

commerce a prononcé la liquidation judiciaire de l'entreprise et a désigné ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en matière de référés, que le comité d'entreprise de la société Europerf, filiale de la société Parfums Parour dont le capital est détenu par la société Groupe Parour, a exercé son droit d'alerte économique ; qu'il a le 8 mars 2013 désigné la société Diagoris, expert comptable, pour l'assister ; que celle-ci a, le 11 mars 2013, adressé sa lettre de mission au dirigeant avec la liste des documents à lui fournir ; que par jugement du 14 mars 2013, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de l'entreprise et a désigné la société B...
C...
X...
Y... (BTSG) prise en la personne de M. Y..., en qualité de liquidateur judiciaire ; que le 22 mai 2013, le comité d'entreprise, Mme Z..., représentante des salariés, et la société Diagoris ont assigné la société BTSG es qualités ainsi que les sociétés Parfum Parour et Groupe Parour, devant le juge des référés, aux fins de remise des documents énumérés par la lettre de mission et en paiement d'une provision sur dommages-intérêts ;
Sur les cinq premières branches du moyen unique :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les cinq premières branches ci-après annexées, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique pris en ses sixième, septième et huitième branches :

Vu les articles L. 2325-35, L. 2325-36, L. 2325-37, L. 2323-78 du code du travail en leur rédaction applicable à la cause, L. 641-9 du code de commerce, ensemble les articles 808 et 809 du code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter les demandes de communication de pièces et de provision sur dommages-intérêts, l'arrêt retient d'une part qu'il n'est pas justifié de l'envoi au liquidateur judiciaire avant la délivrance de l'assignation de la liste des éléments demandés, ni de ce qu'il a été informé de la demande d'informations formée auprès du président du comité d'entreprise, seul détenteur des archives, d'autre part que le liquidateur judiciaire a communiqué les pièces en sa possession ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, alors que le liquidateur judiciaire exerce pendant toute la durée de la liquidation judiciaire les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine par suite du dessaisissement de ce dernier de l'administration et de la disposition de ses biens, qu'il est seul tenu à ce titre de délivrer les documents réclamés par l'expert comptable mandaté par le comité d'entreprise de la société en liquidation judiciaire, la cour d'appel devant laquelle il n'était pas soutenu que la société était dans l'impossibilité de produire les documents demandés, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société B...
C...
X...
Y... BTSG, la société Parfums Parour et la société Groupe Parour aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme Z..., ès qualités, la société Diagoris et le comité d'entreprise de la société Europerf.

Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté la société Diagoris, le comité d'entreprise de la société Europerf et Mme Z..., en qualité de représentante des salariés, de leurs demandes dirigées contre la SCP B...
C...
X...
Y..., représentée par Me Y..., pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Europerf, la société Parfums Parour et la société Groupe Parour, tendant à ce qu'il leur soit ordonné de leur communiquer les documents figurant dans la lettre de mission du 11 mars 2013, sous astreinte de 200 € par jour de retard et par document à compter de l'ordonnance, à ce qu'ils soient condamnés solidairement à leur verser à chacun 10. 000 € à titre de provision à valoir sur les dommages-intérêts au titre du préjudice subi du fait de leur résistance abusive et du délit d'entrave, enfin à ce que Me Y... ès qualités soit condamné aux dépens et à paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs propres que sur la communication sous astreinte des documents, c'est à juste titre que le juge des référés a relevé que la liste jointe à la lettre de mission de l'expert concernait essentiellement des documents détenus, non par les sociétés Groupe Parour et Parfums Parour, mais par l'entreprise elle-même, à l'exception de l'organigramme, dont la communication en date du 21 mars 2013 est justifiée en procédure ; que, s'agissant de la société BTSG, liquidateur de la société Europerf, il n'est justifié par les pièces des appelants ni que ceux-ci lui aient envoyé la liste des éléments réclamés par l'expert avant la délivrance de l'assignation, ni qu'ils l'aient informée de la demande de communication d'informations financières et comptables adressée le 11 mars 2013 par le cabinet Diagoris au président du comité d'entreprise d'Europerf, seul détenteur des archives ; que la seule affirmation par ce dernier qu'il allait informer le liquidateur, le 18 mars 2013, de la mission de l'expert-comptable ne peut suppléer l'absence de tout écrit ; qu'il est en revanche établi que le mandataire judiciaire a communiqué le 10 juin 2013 les pièces en sa possession et le 16 janvier 2014 qu'il avait réclamées à l'expert-comptable de la société Europerf ; qu'il y a lieu dès lors de rejeter l'ensemble des conclusions des appelants ;

Et aux motifs adoptés que sur les demandes tendant à la communication sous astreinte des éléments sollicités, bien que ce texte ne soit pas visé au dispositif de l'assignation, la demande des requérants se présente comme fondée tant sur l'urgence que sur l'existence d'un trouble manifestement illicite ;

qu'or, la société BTSG indique sans être contredite sur ce point, et sans que les pièces fournies ne démontrent le contraire, qu'elle n'a jamais été destinataire de la liste des éléments réclamés par l'expert avant la délivrance de l'assignation, laquelle n'énumérant pas les éléments réclamés se réfère expressément à la lettre de mission du 11 mars 2013 ; que, par ailleurs, après signification de l'acte introductif d'instance, elle a, d'une part, communiqué au cabinet Diagoris les pièces en sa possession le 10 juin 2013 et, d'autre part, sommé parallèlement le dirigeant de la société Europerf d'avoir à lui transmettre sous huitaine les éléments visés par la lettre de mission adressée le 11 mars, en lui rappelant pour mémoire les documents qui lui avaient déjà été remis ; que concernant ensuite les demandes visant les sociétés Groupe Parour et Parfums Parour, il est observé que la liste jointe à la lettre de mission de l'expert concerne essentiellement des documents qui ont vocation à être détenus au niveau de l'entreprise, à l'exception de l'organigramme juridique du groupe – dont il a été indiqué à l'audience qu'il avait été communiqué-et son dernier rapport annuel ; qu'or, les autres sociétés du groupe n'ont pas lieu d'être enjointes d'avoir à présenter des documents revenant de la gestion comptable, financière et sociale et de l'entreprise objet de la mesure d'expertise avant même que son dirigeant – au cas d'espèce le liquidateur-à qui cette obligation incombe, n'ait été actionné aux mêmes fins et mis à même de se procurer, le cas échéant auprès desdites sociétés, les éléments que lui-même de détiendrait pas ; qu'au regard des contestations opposées et en l'absence de trouble manifestement illicite résultant du contexte décrit, les demandes tendant à la communication sous astreinte des pièces réclamées par le cabinet Diagoris ainsi que les demandes subséquentes ne peuvent être accueillies ;

Alors 1°) que l'expert-comptable désigné par le comité d'entreprise dans le cadre du droit d'alerte ayant, comme le commissaire aux comptes, accès aux comptes et documents des sociétés mères ou filiales, il peut recueillir directement auprès d'elles les informations relatives aux entreprises d'un groupe sans avoir préalablement à enjoindre au représentant légal de la société, objet du droit d'alerte, de lui communiquer ces documents ; qu'en retenant, pour faire échec aux demandes de communication de documents sous astreinte des exposants, qu'ils devaient, préalablement à la mise en cause des sociétés Groupe Parour et Parfums Parour, enjoindre au dirigeant de la société Europerf de leur communiquer les pièces utiles à la mission de l'expert-comptable, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les articles L. 2325-35, L. 2325-36, L. 2325-37 et L. 2323-78 du code du travail, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;

Alors 2°) qu'en toute hypothèse, la cour d'appel a expressément relevé que le 11 mars 2013, la société Diagoris, cabinet d'expertise-comptable désigné par le comité d'entreprise de la société Europerf dans le cadre de l'exercice du droit d'alerte, avait adressé sa lettre de mission à son directeur, M. A..., en sa qualité de président du comité d'entreprise, et lui avait enjoint de lui adresser un certain nombre de documents relatifs à la gestion comptable, financière et sociale de l'entreprise et du groupe ; qu'en relevant, pour faire échec aux demandes de communication de documents sous astreinte introduite à l'encontre des sociétés Groupe Parour et Parfums Parour le 22 mai 2013, que le dirigeant de la société Europerf devait préalablement être mis en demeure de communiquer les pièces utiles à la mission du cabinet Diagoris, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait qu'une injonction lui avait bien été adressée le 11 mars 2013, a violé les articles L. 2325-35, L. 2325-36, L. 2325-37 et L. 2323-78 du code du travail, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;

Alors 3°) que les juges du fond ne peuvent, sous couvert d'interprétation, dénaturer les éléments de la cause ; qu'il résulte de la lettre de mission du 11 mars 2013 que la société Diagoris a demandé au représentant légal de la société Europerf de lui communiquer, notamment, le « détail des opérations intragroupe et des conventions signées avec le Groupe à jour en 2012 (…), le détail des redevances groupe et leur évolution entre 2011 et 2012 (…), toutes procédures de contrôle et/ ou d'audit demandées par le groupe concernant les entités en France ou émanant de la décision de la direction en France » ; qu'en relevant, pour faire échec à la demande de communication de documents sous astreinte dirigée contre les sociétés Groupe Parfum et Parfums Parour, qu'à l'exception de l'organigramme juridique et du dernier rapport annuel du groupe, les autres documents visés par la lettre de mission étaient détenus exclusivement par la société Europerf, quand cette lettre visait expressément des documents contractuels ou d'études juridiques et comptables conclus et établis par ces sociétés, nécessairement détenus par elles, la cour d'appel a violé le principe faisant interdiction aux juges du fond de dénaturer les documents de la cause ;

Alors 4°) que la mission de l'expert-comptable porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social, nécessaires à l'intelligence des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise ; que la cour a constaté que les sociétés Groupe Parour et Parfums Parour n'avaient pas communiqué, comme elles y étaient pourtant enjointes, le dernier rapport annuel du groupe ; qu'en faisant échec à la demande de communication de documents sous astreinte, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35, L. 2325-36, L. 2325-37 et L. 2323-78 du code du travail, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;

Alors 5°) qu'en cas d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre d'une société, le liquidateur judiciaire se substitue à l'ancien représentant légal et représente la société en ses lieu et place ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a dûment constaté que le 11 mars 2013, la société Diagoris a adressé à M. A..., directeur de la société Europerf et président du comité d'entreprise, sa lettre de mission comportant la liste des documents indispensables à sa mission, dont il lui demandait expressément la communication ; qu'en relevant, pour faire échec aux demandes dirigées contre la société BTSG, liquidateur-judiciaire désigné en lieu et place de M. A..., que ni la société Diagoris, ni le comité d'entreprise de la société Europerf ni Mme Z..., en qualité de représentante des salariés, ne lui avaient envoyé cette liste pas plus qu'ils ne l'avaient informée de la demande de communication adressée à M. A..., la cour d'appel a violé l'article L. 237-24 du code de commerce, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;

Alors 6°) qu'en relevant, pour faire échec aux demandes des exposants, que Me Y..., ès qualités de liquidateur, avait adressé des pièces à la société Diagoris le 13 juin 2013 sans répondre à leurs écritures faisant valoir que l'expert-comptable avait attesté de ce que ces documents étaient insuffisants pour entamer sa mission (conclusions récapitulatives d'appel, p. 10), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 7°) qu'en relevant que le 10 juin 2013, la société BTSG avait communiqué les pièces en sa possession et, le 16 janvier 2014, celles qu'elle avait réclamées à l'expert-comptable de la société Europerf, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que les pièces transmises correspondaient à celles qui avaient été demandées par l'expert-comptable missionné par le comité d'entreprise dans le cadre de l'exercice du droit d'alerte, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 2325-35, L. 2325-36, L. 2325-37 et L. 2323-78 du code du travail, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;

Alors 8°) qu'en considérant qu'au regard des contestations opposées, les demandes tendant à la communication sous astreinte des pièces réclamées par le cabinet Diagoris ainsi que les demandes subséquentes ne pouvaient être accueillies, quand ces demandes fondées sur le droit de l'expert-comptable mandaté par le comité d'entreprise de la société Europerf d'obtenir communication, auprès du liquidateur-judiciaire et des sociétés du groupe, de documents nécessaires à sa mission, ne se heurtaient à aucune contestation sérieuse, la cour d'appel a violé l'article 808 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 2325-35, L. 2325-36, L. 2325-37 et L. 2323-78 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-21732
Date de la décision : 04/05/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 mai 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 mai. 2017, pourvoi n°15-21732


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.21732
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