LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Vu l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 16 décembre 2014), statuant en référé, que, se plaignant du retard apporté par la société Compagnie alpine de promotion développement (la société CAPD) à la livraison d'un immeuble vendu en l'état futur d'achèvement, M. [M], acquéreur, a saisi le juge des référés d'une demande de provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice découlant de ce retard ;
Attendu que, pour condamner la société CAPD à payer une certaine somme, l'arrêt retient que le retard provoqué par les intempéries sera seul pris en compte, de sorte que la livraison, qui devait intervenir fin mars 2013,n'était possible qu'en début d'année 2014, soit avec neuf mois environ de retard ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté l'existence, dans l'acte de vente, d'une clause prorogeant le délai de livraison en cas de survenance d'une cause légitime pour laquelle les parties étaient convenues de s'en rapporter au certificat établi par l'architecte, sans rechercher si les procédures collectives de plusieurs entreprises, mentionnées dans le certificat établi par le maître d'oeuvre, ne constituaient pas, au sens de cette clause, une cause légitime de retard de nature à faire naître une contestation sérieuse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Compagnie alpine de promotion développement à payer une somme de 3 000 euros à M. [M] à titre de provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice né du retard de livraison, l'arrêt rendu le 16 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne M. [M] aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept avril deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie alpine de promotion développement
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'AVOIR condamné la société CAP développement à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice causé par un retard contractuel de livraison ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « M. [M] demande la confirmation des dispositions de l'ordonnance qui ont condamné le vendeur à lui payer une provision de 10 000 euros (sic) à valoir sur l'indemnisation de ce préjudice ; Attendu qu'il expose qu'il a dû payer les charges de copropriété en pure perte à hauteur de 2.818,66 euros, qu'il a dû payer les intérêts intercalaires de son emprunt à hauteur de 18 021,73 CHF, qu'il a été contraint d'habiter chez ses parents ; Attendu que la société Cap développement invoque la clause de l'acte de vente selon laquelle le délai convenu peut être prorogé en cas de survenance d'un cas de force majeure, ou d'une cause légitime de suspension, pour divers événements, dont l'appréciation résultera d'un certificat établi par l'architecte ayant la responsabilité des travaux ; Attendu que selon cette attestation, le vendeur pourrait se prévaloir de 87 jours ouvrés d'intempéries, qu'en outre deux entrepreneurs ont fait l'objet de procédures collectives ; Attendu que le retard provoqué par les intempéries sera seul pris en compte, de sorte que la livraison devait intervenir fin mars 2013, alors qu'elle n'était possible qu'en début d'année 2014, soit neuf mois environ de retard ; Attendu que le premier juge a apprécié de manière exacte le préjudice causé à M. [M] par ce retard » ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « l'obligation d'achèvement fixée contractuellement au 4ème trimestre 2012, sauf cas de force majeure ou de suspension du délai de livraison, n'est pas sérieusement contestable, même à prendre en compte quelques jours d'intempéries et une liquidation judiciaire ne concernant pas les rapports entre acquéreur et vendeur sans être imprévisible ni irrésistible pour ce dernier, de sorte que le non respect de son obligation contractuelle de ce chef l'oblige, même à défaut de toute stipulation de pénalités de retard, à indemniser le préjudice résultant pour l'acquéreur du retard de livraison, le cas échéant, avec réserves ; Attendu, partant, que l'obligation incombant au vendeur de ce chef n'apparaît pas sérieusement contestable en son principe et est justifiée, quant à l'étendue du préjudice, à concurrence de la somme de 3.000 euros au montant de laquelle il convient de condamner la SAS CAP DEVELOPPEMENT à titre provisionnel ; Qu'il convient donc condamner la SAS CAP DEVELOPPEMENT à payer à [Q] [M] la somme provisionnelle de 3.000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice inhérent au retard d'achèvement contractuel de l'ouvrage » ;
1. ALORS QUE le juge des référés ne peut accorder une provision au titre d'une obligation sérieusement contestable ; que l'acte de vente en l'état futur d'achèvement conclu entre la société CAP développement et M. [M] le 26 décembre 2010 stipulait que le vendeur exécuterait son obligation d'achever l'ouvrage au cours du quatrième trimestre 2012, « sous réserve de survenance d'un cas de force majeure ou d'une cause légitime de suspension de délai de livraison », une telle cause légitime pouvant notamment résulter des « intempéries », du « redressement judiciaire ou de la liquidation judiciaire des ou de l'une des entreprises effectuant les travaux » et des « retards provenant de la défaillance d'une entreprise, en ce compris la recherche et la désignation d'une nouvelle entreprise » ; que le même acte précisait que pour l'appréciation de ces événements, « les parties d'un commun accord déclarent s'en rapporter dès à présent à un certificat établi par l'architecte ayant la direction des travaux » ; qu'en ne prenant en compte que le seul retard provoqué par les intempéries, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas du document en date du 7 novembre 2013, établi par la société Patriarche et Co en sa qualité de maître d'oeuvre de l'opération, que le délai de livraison de l'ouvrage avait également été légitimement suspendu en raison du retard provenant de la défaillance puis de la procédure collective de l'entreprise Pala maçonnerie, ainsi que des procédures collectives dont avaient fait l'objet l'entreprise IPM et la société 2 S constructions qui étaient intervenues sur le chantier, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble l'article 1134 du code civil ;
2. ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; que dans ses conclusions d'appel (p. 2, deux derniers alinéas, p. 3, quatre premiers alinéas et p. 11, avant-dernier alinéa), visées par l'arrêt attaqué (p. 3), la société CAP développement soutenait, pièces à l'appui, qu'elle avait convoqué M. [M] pour la livraison de son appartement le 18 décembre 2013 et que ce n'était que pour des raisons strictement personnelles que celui-ci avait repoussé cette livraison au 15 janvier 2014 ; qu'en imputant à la société CAP développement le fait que la livraison de l'appartement en cause n'avait été possible qu'en début d'année 2014 et en lui accordant une provision au titre d'un retard de livraison ainsi évalué à neuf mois, sans répondre au moyen déterminant soutenu par l'appelante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3. ALORS QUE le juge des référés ne peut accorder une provision au titre d'une obligation sérieusement contestable ; qu'à supposer adopté le motif du premier juge, aux termes duquel l'obligation d'achèvement de l'ouvrage fixée au quatrième trimestre 2012 n'était pas sérieusement contestable, même en prenant en compte « une liquidation judiciaire ne concernant pas les rapports entre acquéreur et vendeur sans être imprévisible ni irrésistible pour ce dernier », l'arrêt attaqué encourrait la censure, dès lors que ces parties avaient érigé en cause légitime de suspension du délai de livraison la liquidation judiciaire des entreprises effectuant les travaux et les retards provenant de la défaillance d'une entreprise, peu important l'absence de caractère imprévisible ou irrésistible de ces événements pour le vendeur, en sorte que la cour d'appel aurait statué en violation de l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble l'article 1134 du code civil.