LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 20 janvier 2016), qu'en 2002, le mur séparant les fonds de Mme [I] et de M. et Mme [G] s'est en partie écroulé ; que des jugements des 7 mai 2004 et 10 décembre 2004 ont déclaré ce mur propriété exclusive de M. et Mme [G] et constaté l'accord des parties pour sa reconstruction ; que Mme [I] a assigné M. et Mme [G] en démolition de la partie de mur reconstruite, pour empiétement sur sa propriété ; que M. et Mme [G] ont appelé en garantie MM. [J], qui avaient procédé à la reconstruction ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter l'appel en garantie de M. et Mme [G], l'arrêt retient qu'en application de l'article 1147 du code civil, c'est à M. et Mme [G], maîtres d'ouvrage, qu'il appartient de rapporter la preuve de la faute qu'aurait commise les consorts [J], constructeurs de l'immeuble, que force est de constater que M. et Mme [G] ne sont pas en mesure de démontrer que les appelés en garantie auraient édifié le mur en un emplacement autre que celui qui leur aurait été indiqué par leur donneur d'ordre et maître d'ouvrage ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. et Mme [G] soutenant qu'en sa qualité de professionnel, le constructeur ne pouvait se limiter aux instructions des propriétaires et qu'il appartenait à MM. [J] de vérifier la limite séparative et d'édifier leur ouvrage en observant cette limite, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté l'appel en garantie formé par M. et Mme [G] contre MM. [J], l'arrêt rendu le 20 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne MM. [H] et [N] [J] et M. et Mme [G] aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne MM. [J] à payer la somme de 2 500 euros à M. et Mme [G], condamne M. et Mme [G] à payer la somme de 2 500 euros à Mme [I] et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept avril deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [G],
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté que la partie reconstruite du mur séparatif des fonds d'[P] [I] et des époux [V] [G] et [B] [K], prenant appui en ses extrémités sur les poteaux en ciment implantés sur la propriété d'[P] [I] empiète sur la propriété de cette dernière et d'AVOIR enjoint en conséquence aux époux [V] [G] et [B] [K] de démolir ou faire démolir cette partie du mur séparatif et la reconstruire ou la faire reconstruire dans le respect du droit de propriété d'[P] [I] et conformément aux termes de l'accord constaté par jugement en date du 10 décembre 2004 du Tribunal d'instance de Poitiers, sous astreinte de 10 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 10 mois à compter de la date de signification de l'arrêt ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE dans le jugement déféré, le Tribunal a dit que le mur reconstruit empiète sur la propriété de Madame [I] ; que les époux [G] viennent critiquer cette décision en indiquant notamment: « dans l'hypothèse en cause, le raisonnement à adopter est simple. En effet, il ressort de l'ensemble des pièces que le mur était initialement penché, et qu'aucun empiétement n'existait, Or, comme le relèvent justement les consorts [J], il leur a été demandé de reconstruire le mur suivant le mur ancien. Il ressort toutefois du rapport d'expertise du 2 juillet 2007 que le mur a été reconstruit verticalement. Par conséquent, aucun doute ne peut subsister quant au fait qu'aucun empiétement n'a pu être créé, le mur ayant été reconstruit à l'emplacement du mur effondré » ; que cette analyse appelle les observations suivantes : il n'est pas contesté que le mur était avant son effondrement, penché en partie haute en direction du fonds de Madame [I] puisque les époux [G] le reconnaissent eux-mêmes ; que l'expert, en page 8 de son rapport a écrit « l'état du mur entre les deux poteaux béton a une courbe très importante et le faux aplomb coté Van Der Broeck est très accentué. Cet état étant engendré très certainement par la végétation coté [G] (il n'est pas rare de voir de vieux murs s'effondrer quand un coté est très arboré avec des arbres près du mur, les racines passant sous le mur déstabilisent les pierres, et elles poussent inexorablement le mur). Il est probable que le mur était déjà déformé à la construction du hangar. Une telle déformation ne peut avoir lieu que sous un effort très lent durable » ; qu'il résulte en outre du jugement du Tribunal d'instance de Poitiers en date du 7 mai 2004, que le mur séparant les fonds était la propriété exclusive des époux [V] [G] ; qu'il s'en déduit que la semelle du mur étant implantée sur le fonds des époux [G], en limite de propriété, la lente déformation du mur en partie haute, telle que décrite par l'expert, a nécessairement généré un empiétement sur le fonds de Madame [I] ; que dès lors, la reconstruction du mur à la verticale de la partie haute du mur a nécessairement conduit à un empiétement sur le fonds voisin de la totalité du mur reconstruit ; qu'il aurait fallu rebâtir le mur verticalement en prenant comme point de départ, non pas la partie haute, mais la semelle du mur, laquelle n'avait pas été soumise au lent mouvement, évoqué ci-dessus, ayant généré un faux aplomb ; que la critique du jugement déféré n'est donc pas fondée ; que l'expertise sollicitée par les appelants ne serait d'aucune utilité compte tenu des considérations qui précèdent ; que le premier jugement sera confirmé en ce qu'il a : - dit que le mur reconstruit empiète sur la propriété de Madame [I], - enjoint en conséquence aux époux [V] [G] et [B] [K], sous astreinte, de démolir ou faire démolir cette partie du mur séparatif et de la reconstruire ou la faire reconstruire dans le respect du droit de propriété de Madame [I] ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article 544 du Code civil dispose que «la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » et l'article 545 que « nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité » : qu'il résulte du rapport d'expertise et des photographies y ayant été incluses que la partie litigieuse du mur présentait, avant son effondrement, un faux aplomb, débordant ainsi par son sommet sur le fonds de la demanderesse ; que l'expert avait en page 8 de son rapport indiqué : « ...l'état du mur entre les deux poteaux béton a une courbe très importante et le faux aplomb coté [I] est très accentué. Cet état étant engendré très certainement par la végétation coté [G] (il n'est pas rare de voir de vieux murs s'effondrer quand un coté est très arboré avec des arbres près du mur) ; les racines passant sous le mur déstabilisent les pierres, et elles poussent inexorablement le mur. Il est probable que le mur était déjà déformé à la construction du hangar. Une telle déformation ne peut avoir lieu que sous un effort très lent durable » ; que le mur, à l'origine élevé verticalement, la semelle en étant implantée sur le fonds des époux [V] [G] et [B] [K], s'est au fil du temps courbé, empiétant ainsi par le sommet sur le fonds de la demanderesse. Il devait, lors de reconstruction faisant suite à son éboulement, être édifié verticalement, prenant assise sur le fonds de ces premiers et sans déborder sur le fonds voisin ; qu'il résulte du procès-verbal de constat en date du 11 avril 2005 dressé sur la requête d'[P] [I], par Maître [O] [S], huissier de justice associé à [Localité 1], que « le mur a été reconstruit, dans le prolongement du mur existant, avec deux poteaux raidisseurs de part et d'autre », et que « ces derniers débordent sur le fonds de ma requérante comme suit : * Poteau à gauche : Je mesure une distance de 35 cm sur son flanc gauche par rapport à l'ancien mur et une distance de 14 cm sur le côté droit (partie reconstruite). * Poteau à droite : Je mesure une distance de 30 cm par rapport à l'alignement de l'ancien mur (côté gauche) et une distance de 13 cm sur la partie reconstruite » ; que les poteaux étant implantés sur le fonds d'[P] [I] et ayant servi au soutènement du cabanon qu'elle avait fait démolir, ce constat caractérise un empiétement de la partie reconstruite du mur, variant de 17 à 21 centimètres entre ces poteaux ; qu'[P] [I] est dès lors fondée à solliciter qu'il soit mis fin sous astreinte à cet empiétement, par la démolition de la partie litigieuse du mur, et à sa reconstruction dans le respect de son droit de propriété et conformément aux termes de l'accord constaté par jugement en date du 10 décembre 2004 du Tribunal d'instance de Poitiers ;
ALORS QU'il appartient au juge d'apprécier la proportionnalité d'une sanction en ayant égard à ses conséquences et aux intérêts et droits en présence ; qu'en condamnant les époux [G] à démolir leur mur séparatif, quand il résultait de ses constatations que l'empiétement dénoncé était marginal et n'engendrait aucun préjudice pour Mme [I], la Cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'appel en garantie formé par les époux [G] à l'encontre de MM. [J] ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'en application de l'article 1147 du Code civil, c'est aux époux [G], maîtres d'ouvrage, qu'il appartient de rapporter la preuve de la faute qu'auraient commise les consorts [J], constructeurs de l'immeuble ; qu'or, force est de constater que les époux [G] ne sont pas en mesure de démontrer que les appelés en garantie auraient édifié le mur en un emplacement autre que celui qui leur aurait été indiqué par leur donneur d'ordre et maître d'ouvrage ; que, bien au contraire, en cours de construction, les appelants ont été destinataires d'un courrier de Madame [I] leur indiquant que le mur en train de se construire empiétait de 15 cm sur son terrain ; qu'or, force est de constater que les appelants n'ont pas cru devoir porter à la connaissance de l'entreprise [J] cette doléance de la voisine ; qu'il s'ensuit que les époux [G] sont bien à l'origine de l'erreur d'implantation constatée et ne sauraient se retourner contre leur constructeur pour se voir garantir des conséquences d'une telle faute ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article 1147 dispose que « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part » ; qu'il appartient en conséquence aux époux [V] [G] et [B] [K] de rapporter la preuve d'un manquement de l'entreprise de Maçonnerie SDF [J] et [N] [J] dans l'exécution des obligations lui incombant ; que les travaux de démolition et reconstruction du mur n'ont fait l'objet d'aucune observation ou réserve à l'issue de leur réalisation ; qu'il n'est pas établi qu'[P] [I] ait fait une quelconque observation sur l'emplacement du mur reconstruit à cette entreprise lors de l'exécution des travaux ; qu'[P] [I] avait adressé à [B] [G] un courrier recommandé en date du 7 février 2005 distribué le 8 suivant, rédigé en ces termes « suite à la reconstruction en cours de votre mur séparatif de nos deux propriétés, je constate 1) – que le mur n'est pas reconstruit dans les conditions stipulées dans le devis que vous aviez fourni à l'expert judiciaire… 2) – que le mur empiète de 15 cm sur mon terrain. Je vous ai informée hier de ce vice de forme et vous m'avez dit d'envoyer un courrier. Voici chose faite. Je constate aussi ce matin 07/02 que l'entreprise de maçonnerie est en train de terminer le mur en mettant le faîtage et les tuiles, comme si de rien n'était, malgré ma mise en garde d'hier. Par la présente, j'exige de votre part que vous fassiez remettre votre mur dans les limites légales de votre propriété et ce, au plus vite » ; que les époux [V] [G] et [T] [C] ne justifient pas avoir porté à la connaissance des appelés en garantie cette difficulté élevée par [P] [I] ; qu'ils ne peuvent dès lors solliciter la garantie d'un préjudice dont ils sont à l'origine à raison du défaut d'information de leur cocontractant leur étant imputable ;
1°) ALORS QUE l'entrepreneur contractuellement chargé d'édifier un mur en limite séparative de deux fonds doit s'enquérir de l'emplacement de cette limite ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter la faute de l'entrepreneur, que « les époux [G] ne sont pas en mesure de démontrer que les appelés en garantie auraient édifié le mur en un emplacement autre que celui qui leur aurait été indiqué par leur donneur d'ordre et maître d'ouvrage » (arrêt, p. 8, 1er §), quand il appartenait à l'entrepreneur de s'enquérir de la limite sur laquelle devait être construite le mur, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil.
2°) ALORS QU'est en lien de causalité avec le préjudice invoqué toute faute sans laquelle il ne se serait pas réalisé ; qu'en retenant, pour écarter l'action en responsabilité des époux [G] dirigée à l'encontre de MM. [J] que les demandeurs à l'action étaient « à l'origine de l'erreur d'implantation constatée » pour n'avoir pas averti les entrepreneurs de l'existence du courrier par lequel Mme [I] dénonçait l'empiétement bien que, si les entrepreneurs s'étaient enquis de l'emplacement de la ligne séparatrice et avaient veillé à la bonne implantation du mur, tout litige sur ce point aurait été évité de sorte que cette faute était en lien de causalité avec le préjudice invoqué, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
3°) ALORS QUE la faute de la victime ne peut entraîner une exonération totale de l'auteur d'une faute causale que si elle présente les caractères de la force majeure ; qu'en relevant pour écarter la responsabilité de MM. [J] que les demandeurs à l'action étaient « à l'origine de l'erreur d'implantation constatée » pour n'avoir pas averti les entrepreneurs de l'existence du courrier par lequel Mme [I] dénonçait l'empiétement, sans établir que cette faute des maîtres de l'ouvrage présentait les caractères de la force majeure, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil.