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20/01/2016 | FRANCE | N°15/02523

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 20 janvier 2016, 15/02523


ARRET No 61
R. G : 15/ 02523

X...

C/
Société Y...APPLE SHOES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 20 JANVIER 2016

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/ 02523

Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 19 mai 2015 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LA ROCHE SUR YON.

APPELANTE :

Madame Claudette X... née le 21 Juillet 1960 à SAINT MALO DU BOIS (85) de nationalité Française ...85130 LA GAUBRETIERE

Représentée

par Me Sylvie ROIRAND de la SELARL BARREAU ROIRAND, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
INTIMEE :
Société Y... APPLE SHOES No SIRE...

ARRET No 61
R. G : 15/ 02523

X...

C/
Société Y...APPLE SHOES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 20 JANVIER 2016

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/ 02523

Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 19 mai 2015 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LA ROCHE SUR YON.

APPELANTE :

Madame Claudette X... née le 21 Juillet 1960 à SAINT MALO DU BOIS (85) de nationalité Française ...85130 LA GAUBRETIERE

Représentée par Me Sylvie ROIRAND de la SELARL BARREAU ROIRAND, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
INTIMEE :
Société Y... APPLE SHOES No SIRET : 302 640 008 00017 ...85130 LA GAUBRETIERE

Représentée par Mme Anne LANGLOIS (Directrice des ressources humaines) Assistée de Me Véronique LESNE-BERNAT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Novembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Eric VEYSSIERE, Président Monsieur Jean-Paul FUNCK-BRENTANO, Conseiller Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Conseiller

qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Christine PERNEY

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE
-Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Eric VEYSSIERE, Président, et par Madame Christine PERNEY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE

La société Y... Apple Shoes qui a son siège social à La Gaubretière (85 130) et qui emploie environ 240 salariés est spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de chaussures de luxe.

Elle a embauché Mme Claudette X..., à effet du 17 avril 1979, en qualité de piqueuse.
En décembre 2000, un accord de réduction du temps de travail a été signé au sein de l'entreprise, lequel prévoyait une annualisation du temps de travail pour le personnel de production ainsi qu'un système pointage.
Mme Claudette X... a été promue à compter du 1er février 2007 agent de maîtrise. Elle occupait alors un poste de piqueuse au service " échantillons ", poste qu'elle occupait toujours au dernier état de la relation de travail.
A compter de cette date et par avenant à son contrat de travail, Mme Claudette X... s'est vu appliquer un forfait jours et dispenser par voie de conséquence de se soumettre au système de pointage.
Mme Claudette X... a été placée en arrêt de travail à compter du 21 mai 2012. Des arrêts de travail lui ont ensuite été prescrits, sans interruption, jusqu'au 30 janvier 2014.
Le 24 avril 2013, Mme Claudette X... a saisi le conseil de prud'hommes de La Roche Sur Yon aux fins d'obtenir la condamnation de son employeur à lui payer un rappel de salaires pour heures supplémentaires.
Le 10 mars 2014, Mme Claudette X... a bénéficié d'une visite de pré-reprise auprès du médecin du travail.
Le 1er avril 2014, à l'issue d'une seule visite de reprise, le médecin du travail a déclaré Mme Claudette X... inapte à tous postes de travail au sein de l'entreprise ou du groupe, ce dans le cadre de la procédure de danger immédiat.

Par courrier en date du 12 mai 2014, la société Y... Apple Shoes a proposé à Mme Claudette X... deux offres de reclassement dont l'une portait sur un poste de travail à créer au sein de son site de La Gaubretière.

Mme Claudette X... n'a pas donné suite à ces deux offres.
Entre-temps et le 17 avril 2014, la société Y... Apple Shoes avait contesté devant l'inspecteur du travail l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail le 1er avril 2014.
L'inspecteur du travail a rejeté le recours de la société Y... Apple Shoes.
Le 11 juin 2014, la société Y... Apple Shoes a formé un recours hiérarchique à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail devant le ministre du travail.
Par décision datée du 25 août 2014, le ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique formé par la société Y... Apple Shoes.
Le 19 août 2014, la société Y... Apple Shoes a convoqué Mme Claudette X... à un entretien préalable à son éventuel licenciement. Cet entretien n'a pas eu lieu, Mme Claudette X... ayant indiqué à l'employeur qu'elle ne s'y présenterait pas.
Le 3 septembre 2014, la société Y... Apple Shoes a notifié à Mme Claudette X... son licenciement pour inaptitude.
En l'état de ses dernières prétentions devant le conseil de prud'hommes de La Roche Sur Yon, Mme Claudette X... sollicitait, sous le bénéfice de l'exécution provisoire du jugement à intervenir, de voir :- condamner la société Y... Apple Shoes à lui payer les sommes suivantes : * 25 938, 51 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre 2 593, 85 euros brut au titre des congés payés y afférents, * 17 734, 44 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé et pour exécution fautive du contrat en matière de durée du travail, * 2 119, 52 euros brut à titre de rappel de salaire pendant la période d'inaptitude outre 211, 95 euros au titre des congés payés afférents, * 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et exécution fautive du contrat de travail, * 72 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ou à titre subsidiaire pour licenciement abusif, * 7 607, 58 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 760, 75 euros brut au titre des congés payés y afférents, * 7 401, 07 euros à titre d'indemnité de licenciement,- dire que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif de l'instance et que ces intérêts seront capitalisés par application de l'article 1154 du code civil,- ordonner à la société Y... Apple Shoes de lui remettre des bulletins de paie rectifiés mentionnant les rappels d'heures de travail supplémentaires de 2008 à 2012, ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 8ème jour de la notification de la décision à intervenir,- condamner la société Y... Apple Shoes à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par jugement en date du 19 mai 2015, le conseil de prud'hommes de La Roche Sur Yon a :- dit que la convention de forfait jours était nulle et que le harcèlement moral n'était pas démontré,- condamné la société Y... Apple Shoes à payer à Mme Claudette X... les sommes suivantes : * 20 000 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre 2 000 euros brut au titre des congés payés y afférents, * 1 800 euros à titre de rappel de salaire pour la période d'inaptitude outre 180 euros au titre des congés payés afférents, * 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif de l'instance pour celles ayant un caractère de salaire et à compter de sa décision pour les autres sommes, et que ces intérêts seront capitalisés par application de l'article 1154 du code civil,- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire par application de l'article 515 du code de procédure civile,- débouté la société Y... Apple Shoes de sa demande reconventionnelle,- condamné la société Y... Apple Shoes aux entiers dépens.

Le 28 mai 2015, Mme Claudette X... a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions reçues au greffe le 10 juin 2015, et reprises oralement à l'audience, Mme Claudette X... demande à la cour :- de réformer le jugement déféré et statuant à nouveau :- de condamner la société Y... Apple Shoes à lui payer les sommes suivantes : * 25 938, 51 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre 2 593, 85 euros brut au titre des congés payés y afférents, * 17 734, 44 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé et pour exécution fautive du contrat en matière de durée du travail, * 2 119, 52 euros brut à titre de rappel de salaire pendant la période d'inaptitude outre 211, 95 euros brut au titre des congés payés afférents, * 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et exécution fautive du contrat de travail, * 72 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ou à titre subsidiaire pour licenciement abusif, * 7 607, 58 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 760, 75 euros brut au titre des congés payés y afférents, * 7 401, 07 euros à titre d'indemnité de licenciement,- dire que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif de l'instance et que ces intérêts seront capitalisés par application de l'article 1154 du code civil,- ordonner à la société Y... Apple Shoes de lui remettre des bulletins de paie rectifiés mentionnant les rappels d'heures de travail supplémentaires de 2008 à 2012, ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 8ème jour de la notification de la décision à intervenir,- condamner la société Y... Apple Shoes à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions enregistrées au greffe le 16 novembre 2015, et développées oralement à l'audience, la société Y... Apple Shoes sollicite de la cour qu'elle confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le harcèlement moral et la prétendue exécution fautive du contrat de travail ne sont pas établis, déboute Mme Claudette X... de l'ensemble de ses demandes, et condamne cette dernière à lui restituer la totalité des sommes qu'elle a réglées en exécution des condamnations prononcées en première instance, majorées des intérêts légaux calculés à compter du jugement déféré avec capitalisation des intérêts par application de l'article 1154 du code civil et à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées et oralement reprises à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes formées par Mme Claudette X... au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents

Au soutien de ses demandes de ce chef, Mme Claudette X... fait valoir en substance :
- que le forfait jours qui lui a été appliqué par l'employeur à compter du 1er février 2007est illégal en raison : * de ce qu'elle ne remplissait pas la condition de salarié autonome dans l'organisation de son emploi du temps, * de ce qu'il n'existait pas d'accord collectif prévoyant le forfait jours qui lui a été appliqué, en fixant les conditions et s'appliquant à sa catégorie professionnelle, l'accord d'entreprise du 22 décembre 2000 ne s'appliquant qu'à d'autres catégories de salariés de l'entreprise, * de ce que l'accord collectif du 22 décembre 2000 n'est pas conforme aux exigences posées par la jurisprudence notamment en terme de contrôle et de suivi des temps de travail destinés à garantir le droit à la santé et au repos des salariés,- qu'en conséquence l'appréciation des heures supplémentaires doit se faire dans le cadre hebdomadaire de droit commun,- qu'à cet égard, c'est à tort que la société Y... Apple Shoes soutient qu'en cas d'annulation du forfait jours le décompte des temps de travail doit être fait sur la base de l'accord d'entreprise de décembre 2000 prévoyant une annualisation du temps de travail puisque celle-ci n'a procédé à aucun suivi des heures de travail, qu'il n'existait pas de compteur d'heures, que sa carte de pointage lui avait été retirée dès 2007 et que l'employeur ne procédait à aucun bilan chaque année à la fin de la période de modulation,- qu'elle produit, pour étayer sa demande, des attestations de proches ou d'anciens salariés de la société Y... Apple Shoes ainsi qu'un tableau recensant, jour par jour, les heures de travail effectuées, étant observé que ce tableau inclut la rectification d'erreurs qu'elle avait commises initialement et que l'employeur avait pointées,- que ses décomptes de temps de travail prennent bien en considération ses jours de RTT, de congés et ses coupures méridiennes journalières.

La société Y... Apple Shoes objecte en substance :
- que l'accord d'entreprise relatif au temps de travail prévoyant un forfait jours est parfaitement licite quand bien même il ne répondrait pas aux exigences posées par la jurisprudence en la matière 10 ans après sa signature,
- qu'au demeurant, à le supposer inapplicable à Mme Claudette X..., celle-ci serait alors soumise aux modalités d'organisation du temps de travail telles que fixées par l'accord du 22 décembre 2000 ayant institué la modulation du temps de travail pour le personnel de production,- que par voie de conséquence c'est à tort que Mme Claudette X... prétend que ses temps de travail devraient être décomptés sur une base hebdomadaire,- qu'en outre les décomptes produits par Mme Claudette X... sont erronés, ne tenant pas compte des variations importantes d'activité de l'entreprise en fonction des saisons, ni de ses temps de pause ou de ses jours de congés ou de RTT,- que ces décomptes contiennent des erreurs grossières (heures de travail décomptées sur des jours d'absence),- que les attestations produites par Mme Claudette X... ne sont pas probantes car émanant de membres de sa famille ou d'anciennes salariés n'ayant pas pu connaître les temps de travail effectifs de cette dernière.

Aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge, après avoir ordonné en cas de besoin toutes mesures d'instruction, forme sa conviction.
Ainsi si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties, et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
Ces éléments doivent être suffisamment précis pour d'une part constituer des indices de nature à inverser la charge de la preuve et d'autre part permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments, ce qui suppose qu'ils fassent apparaître pour chaque jour précis de chaque semaine précise les horaires de travail accompli. Ils doivent être en outre exploitables et, lorsqu'il s'agit d'attestations, celles-ci doivent, afin d'étayer la demande du salarié, faire état de faits précis et directement constatés par leurs auteurs.
S'agissant du moyen de l'employeur tenant à l'application du forfait jours à Mme Claudette X..., l'article L 3121-39 du code du travail prévoit :
" La conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions ".
L'article L 3121-43 du code du travail énonce :
" Peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L 3121-39 :
1o Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduits pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;
2o Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui dispose d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées ".
L'article L 3121-46 du même code dispose :
" Un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié ".
Il est de principe d'une part que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, et d'autre part que si l'employeur ne respecte pas ces stipulations, le salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires.
Or en l'espèce, outre que rien ne justifie de ce que Mme Claudette X... qui a exercé la fonction de " piqueuse échantillons " à compter du 1er février 2007 entrait alors dans la catégorie des salariés dont la durée du temps de travail ne pouvait être prédéterminée et disposait d'une réelle autonomie dans l'organisation de son emploi du temps pour l'exercice de ses fonctions, il apparaît à la simple lecture de " l'accord d'entreprise sur l'aménagement et la réduction du temps de travail " du 5 décembre 2000 dont se prévaut l'employeur (pièce de Mme Claudette X... no 2) que le dispositif de forfait jours instauré par cet accord ne concernait, s'agissant de la catégorie des agents de maîtrise dont relevait Mme Claudette X..., que ceux des services " informatique, comptabilité générale, commercial, achats et expéditions " et aucunement le " service échantillons " auquel elle était affectée.
Dans ces conditions c'est à bon droit que Mme Claudette X... fait valoir que le dispositif de forfaits jours qui lui a été appliqué à compter du 1er février 2007 ne lui est pas opposable.
Si certes, comme le soutient la société Y...Appel Shoes, " le défaut de validité du forfait-jours ne saurait affecter l'existence " de l'accord du 22 décembre 2000, il reste que pour opposer à Mme Claudette X... le régime de la modulation du temps de travail également instauré par cet accord et qui concernait " le personnel de production " parmi lequel figurait bien Mme Claudette X..., il doit être recherché si et dans quelle mesure l'employeur a effectivement mis en oeuvre cette modulation pour la rendre opposable à la salariée.
Or à cet égard il ne peut qu'être relevé que si l'accord du 22 décembre 2000 mentionne bien des périodes forte et normale, la mise en place d'un programme de modulation, des plannings saisonniers, il instaure, en son article 9 intitulé " contrôle et suivi de l'accord ", une " système de pointage pour le personnel de production ".
Sur ce dernier point, il est cependant constant que Mme Claudette X... n'a jamais, à compter du 1er février 2007, été soumise à ce dispositif de pointage.
Aussi, rien ne permet de considérer que Mme Claudette X... a exercé ses fonctions strictement dans le cadre défini par l'accord de modulation du temps de travail, les pièces produites à cet égard par la société Y...Appel Shoes ne portant que sur le dispositif général (ses pièces no 3 et 28), sur son application au sein du service " échantillons " ce qui apparaît contradictoire avec la situation réservée à Mme Claudette X... que, bien qu'elle fût rattachée à ce service, l'employeur avait placée sous le dispositif du forfait en jours, sur des fiches de pointage d'une salariée (sa pièce no 23) dont rien ne permet d'assimiler la situation à celle de Mme Claudette X..., et des pièces relatives à la propre situation de cette dernière (pièces no 2, 12 à 16 et 18) mais qui, s'agissant de ses temps de travail, ne permettent pas d'appréhender avec la précision requise ceux effectivement réalisés par l'appelante, ces pièces ne rendant compte que des jours travaillés ou non par elle.
Ainsi, alors que la salariée produit un carnet (sa pièce no 40) mentionnant, pour la période ayant couru de mai 2004, date très antérieure à la période concernée par le litige, à janvier 2012, jour par jour ses temps de travail, un premier planning de ses temps de travail couvrant la période de janvier 2008 à avril 2012 mentionnant également ses temps de travail jour par jour (sa pièce no 43) ainsi que les sommes dues au titre des heures supplémentaires dans les limites de cette période et un décompte des sommes correspondant à la valorisation des heures supplémentaires qu'elle avait comptabilisées pour des semaines de travail incomplètes, et fournit de cette manière des éléments précis de nature à étayer sa demande, l'employeur ne justifie pour sa part d'aucune manière des horaires effectivement réalisés par la salariée.
La simple référence que l'employeur fait à la modulation du temps de travail issue de l'accord du 22 décembre 2000 dont il avait au demeurant exclu l'application à Mme Claudette X... à compter du 1er février 2007 et dont de surcroît il ne démontre aucunement que son application contredirait les décomptes de la salariée et enfin sur la base duquel il ne propose pas même un décompte alternatif, conduit la cour à faire droit à la demande de cette dernière et, tenant compte de la prescription quinquennale applicable en l'espèce, à condamner la société Y...Appel Shoes à lui payer la somme de 24 204, 95 euros brut majorée de celle de 2 420, 49 euros brut au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme Claudette X... au titre du travail dissimulé et pour exécution fautive du contrat de travail en matière de durée du travail

A l'appui de sa demande de ce chef, Mme Claudette X... soutient en substance :- que l'instauration du forfait jours par l'employeur était destiné à dissimuler ses temps de travail effectifs et traduit le caractère intentionnel de l'employeur à cet égard,- qu'au demeurant sa demande de dommages et intérêts repose également sur la violation par l'employeur de son obligation de loyauté contractuelle.

Outre l'existence d'heures de travail supplémentaires non payées, la société Y... Apple Shoes conteste que l'élément intentionnel de l'infraction de travail dissimulé soit établi en l'espèce, celui-ci ne pouvant, selon la jurisprudence, se déduire de l'application par l'employeur d'une convention de forfait jours illicite.

L'article L 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.
Aux termes de l'article L 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
La dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'espèce, il est établi d'une part que la société Y...Appel Shoes a placé Mme Claudette X... sous le régime du forfait en jours à compter du 1er février 2007 en méconnaissance des dispositions de l'accord d'entreprise instaurant ce régime au profit de catégories de salariés auxquelles l'appelante n'appartenait pas, ce en la dispensant concomitamment de pointage et d'autre part que la salariée a accompli des heures de travail supplémentaires au cours des années 2008 à 2012 dont l'employeur ne pouvait avoir ignoré l'existence eu égard à leur régularité et leur très grand nombre.
Ces circonstances conduisent la cour à retenir la dissimulation intentionnelle d'emploi salarié prévue par les textes précités et par voie de conséquence à condamner la société Y...Appel Shoes à payer à ce titre à Mme Claudette X... la somme de 17 734, 44 euros.

Sur la demande formée par Mme Claudette X... à titre de rappel de salaire pour la période de la procédure d'inaptitude

Mme Claudette X... fait valoir que si l'employeur lui a bien payé un salaire durant la période ayant couru de mai à août 2014, le montant versé à ce titre était erroné pour ne pas avoir pris en compte les heures supplémentaires effectuées en moyenne au cours de la période de référence, soit l'année 2012.
La société Y...Appel Shoes ne formule aucun moyen spécifique tant en droit qu'en fait à ce sujet.
L'article L 1226-4 du code du travail qui trouve à s'appliquer en cas d'inaptitude consécutive à une maladie ou un accident non professionnel énonce :
" Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ".
Le code du travail contient, sous l'article L 1226-11, des dispositions identiques en cas d'inaptitude consécutive à une maladie ou un accident professionnel.
Pour l'application de ces dispositions, il est de principe que le salaire correspondant à l'emploi que le salarié occupait avant la suspension de son contrat de travail, et au paiement duquel l'employeur est tenu, comprend l'ensemble des éléments constituant la rémunération du salarié et notamment les heures supplémentaires et ouvre droit, par application de l'article L 3141-22 du même code, à une indemnité de congés payés.
En conséquence de quoi la société Y...Appel Shoes sera condamnée à payer à Mme Claudette X... la somme de 2 119, 52 euros brut à titre de rappel de salaire outre 211, 95 euros brut au titre des congés payés afférents, ces montants ne faisant pas débat.

Sur la demande formée par Mme Claudette X... en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral et subsidiairement pour exécution fautive du contrat de travail

A l'appui de sa demande, Mme Claudette X... soutient :
- que son supérieur hiérarchique de l'époque, Mme Z..., exerçait sur les employés placés sous sa responsabilité, dont elle, une pression excessive et adoptait un management irrespectueux,
- qu'elle justifie de ces conditions de travail en produisant : * un récit détaillé des faits rédigé de sa main, * les observations du médecin du travail faites à la suite des engagements pris par l'employeur pour remédier aux difficultés qu'elle avait dénoncées, * deux attestations d'anciennes collègues,

- que les dirigeants de l'entreprise ont en outre manifesté un manque de respect pour sa santé tant avant son arrêt de travail qu'au cours de celui-ci,
- que ce manque de respect s'est manifesté de manière très nette dans un courrier que l'employeur a adressé à son médecin traitant le 27 juillet 2012,
- que les manquements de l'employeur sont encore établis tant par les différentes pièces médicales qu'elle produit que par les décisions prises d'abord par le médecin du travail puis par l'inspecteur du travail et enfin par le ministre du travail.
La société Y... Apple Shoes objecte que :
- les attestations produites par Mme Claudette X... ne sont pas probantes, notamment celles émanant de membres de sa famille,
- les faits évoqués par la salariée ne ressortent que du récit qu'elle a elle-même rédigé,
- les pièces médicales, tout comme les décisions de l'inspection du travail et du ministre du travail, versées aux débats par Mme Claudette X... ne peuvent permettre de faire le lien entre l'éventuelle dégradation de son état de santé et les causes de cette dégradation puisque leurs auteurs n'ont jamais été témoins des conditions réelles de travail de la salariée,
- que rien n'interdit à un employeur d'interroger le médecin traitant de l'un de ses salariés.
Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article 1154 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Dans le but d'établir l'existence de faits laissant présumer qu'elle a été victime de harcèlement moral, Mme Claudette X... verse aux débats notamment les éléments suivants :
- sa pièce no 5 : Il s'agit d'une pièce intitulée " document retraçant certains épisodes difficiles de ma vie professionnelle " qui contient un récit certes très détaillé notamment de ses rapports avec Mme Eliane Z...mais qui rédigé de sa main ne peut s'analyser comme rapportant de manière objective ses rapports avec sa supérieure hiérarchique,
- sa pièce no 20 : Il s'agit d'un courrier en date du 6 septembre 2012, rédigé par le docteur Odile A..., médecin du travail, laquelle y indique notamment que Mme Claudette X... a présenté une " rhizarthrose " au niveau des deux mains et " surtout gauche ", laquelle a été décelée par " radios ", que la salariée a alors travaillé avec " des orthèses de la main gauche " et " n'a pas été ménagée par sa responsable qui n'en tenait pas compte ", que " la remise d'un certificat médical au PDG de l'entreprise n'a pas fait changer l'attitude de sa responsable qui lui faisait régulièrement remarquer que ses collègues faisaient son travail à sa place ", que Mme Claudette X... était épuisée, devant faire 44 heures de travail par semaine... ", que le 21 mai 2012 " elle a craqué, épuisée physiquement et moralement, déçue de ce manque de reconnaissance ", que " ayant fourni un arrêt de travail d'un mois, elle a été contrôlée au bout de 10 jours.... par un médecin envoyé par l'employeur ", lequel a considéré que l'arrêt en question était justifié et qu'il ferait l'objet d'une prolongation, que la salariée a été orientée vers un psychologue qu'elle a consulté deux fois, a " pris du Zoloft et du Xanax ", " déprime, pleure, fait des cauchemars, culpabilise " et " a reçu un recommandé lors de sa dernière prolongation l'a critiquant encore ", que " 4 piqueuses sur 6 dans ce service ont été ou sont toujours en arrêt de travail ", qu'elle a, elle-même, fait " un signalement de cette dégradation des conditions de travail " auprès de l'entreprise le 5 juillet 2012 et qu'une " rencontre a eu lieu le 12 juillet avec la direction ". Ce médecin du travail ajoute : " Des solutions concrètes vont être mises en place....... le travail saisonnier des deux collections avec des pics d'activité importants sera réparti sur l'ensemble des piqueuses ce qui évitera l'épuisement des piqueuses échantillons. Il y aura l'embauche de jeunes pour éviter le surmenage des plus anciennes...... L'ancienne responsable piqûre et piqûre échantillons partira à la retraite en mars 2013..... on lui a demandé de s'améliorer en respectant les ouvrières ", et encore : "... elle Mme Claudette X... devra changer de travail ne pouvant plus faire des gestes manuels, répétés, forcés... ",
- sa pièce no 72 : Il s'agit d'une attestation rédigée par Mme Bernadette B..., ancienne salariée intérimaire employée par la société Y... Apple Shoes laquelle y déclare : " je peux confirmer que les salariés en piqûres se plaignaient des agissements de Mme Z...". Le fait relevé par l'employeur que ce témoin " n'ait jamais été qu'intérimaire sur une période de 18 mois " et " n'a pas eu pour supérieure Mme Z...", n'est pas susceptible de remettre en cause ses déclarations, l'intéressée ne soutenant pas le contraire et faisant état d'observations parfaitement compatibles avec sa position passée dans l'entreprise,
- sa pièce no 73 : Il s'agit d'une attestation rédigée par Mme Martine C..., laquelle y déclare notamment : " Sous la pression permanente de Mme Z..., avec l'avis de mon mari, j'ai préféré démissionner plutôt que d'aller jusqu'à la dépression ". L'argument de l'employeur selon lequel Mme C...a quitté l'entreprise en 2008 et Mme Z...y avait été embauchée en mars 2003 est sans aucune portée. Par ailleurs il ne justifie aucunement de ce que Mme C...n'a jamais été placée sous l'autorité de Mme Z..., se limitant à cet égard à des allégations,
- sa pièce no 58 : Il s'agit de la décision du ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social du 12 août 2014, prise sur recours formé par l'employeur contre la décision de l'inspection du travail du 26 mai 2014 ayant déclaré Mme Claudette X... inapte à tous postes dans l'entreprise et le groupe Y... Apple Shoes, par laquelle le ministre a déclaré Mme Claudette X... inapte à tous postes dans l'entreprise et le groupe Y... Apple Shoes,
- sa pièce no 23 : Il s'agit d'un courrier en date du 27 juillet 2012, rédigé par le président directeur général de la société Y... Apple Shoes, M. Guy Y..., et adressé au médecin traitant de Mme Claudette X..., aux termes duquel, après avoir rappelé le certificat médical émis par ce dernier en avril 2012 rendant compte de ce que la salariée présentait une rhizarthrose du pouce gauche, la prescription d'arrêts continus depuis le 21 mai 2012, les démarches de Mme Claudette X... auprès du médecin du travail et l'entretien que celui-ci avait provoqué et qui s'est tenu dans les locaux de l'entreprise le 12 juillet 2012 à l'occasion duquel ce médecin avait évoqué " des problèmes de dépression ", son rédacteur poursuivait ainsi qu'il suit :
" Nous n'avons certes pas les compétences médicales requises pour juger de la pathologie dont souffre Mme Claudette X..., mais nous émettons toutefois certaines réserves sur son état de santé.
Effectivement, Mme Claudette X..., depuis le début de son arrêt de travail, se complaît à se rendre très fréquemment à notre magasin d'usine l'Entrepôt et à roder autour de son lieu de travail plusieurs fois par jour, au point de perturber l'activité de nos salariés, qu'elle ne manque pas d'interpeller à la moindre occasion.
C'est pourquoi, par le présent courrier, nous tenions à vous exprimer notre plus grande consternation face à un tel comportement, que nous qualifions de malsain, ambigu et enclin à la critique et au dénigrement à l'égard de la société.
Nous sommes aussi très surpris, compte-tenu des problèmes de santé soulevés chez votre patiente, qui plus est en situation d'arrêt de travail prolongés, que celle-ci profite de ses horaires libres de sortie pour déployer toute son énergie à semer volontairement le trouble au sein de notre personnel. "
La mise en perspective de ces éléments fait clairement apparaître que l'employeur a non seulement négligé de prendre en compte dans toutes leurs mesures les souffrances physiques supportées par la salariée en raison d'une pathologie dont celle-ci était affectée au niveau des mains, mais a laissé se développer au sein de l'atelier où travaillait Mme Claudette X..., un mode de management ou d'encadrement du travail de cette salariée qui reposait sur des pressions hiérarchiques et générait un état de surmenage qui, combiné à la négation de son état de santé notamment sur le plan psychologique, a été à l'origine de la succession des arrêts de travail prescrits, étant observé que cette analyse repose, non pas sur des faits dont ceux qui les relatent n'auraient pas été témoins, comme le soutient l'employeur, mais bien sur des faits qu'ils ont constatés, et pour ce qui concerne la position du médecin du travail, sur des observations qui ont été portées à la connaissance de l'employeur au plus tard le 12 juillet 2012 et dont celui-ci avait alors nécessairement admis la pertinence et la gravité puisqu'il s'en était suivi l'annonce de modifications concrètes et d'ampleur pour remédier aux difficultés.
Ces éléments établissent la réalité d'agissements répétés de harcèlement moral ayant eu pour effet la dégradation des conditions de travail de Mme Claudette X... ainsi qu'une atteinte à sa dignité, et l'altération de sa santé physique et mentale.
Aussi il sera fait droit à la demande de Mme Claudette X... formée de ce chef à titre principal et la société Y... Apple Shoes sera condamnée à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre.

Sur la demande formée par Mme Claudette X... tendant à voir juger son licenciement nul et subsidiairement abusif et ses demandes subséquentes en paiement des indemnités de rupture

Mme Claudette X... soutient que son licenciement pour inaptitude est la conséquence d'un harcèlement moral et se trouve donc frappé de nullité.
A titre subsidiaire elle fait valoir que son licenciement est abusif pour avoir été la conséquence directe des fautes de l'employeur.
L'employeur objecte :- que les pièces produites par Mme Claudette X... ne permettent pas d'établir un lien de cause à effet entre les prétendues détériorations de ses conditions de travail et l'altération de son état de santé,- qu'il est difficile d'admettre un harcèlement moral alors que Mme Claudette X... avait cessé de travailler plus de deux années avant son licenciement.

L'article L 1152-3 du code du travail énonce : " Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L 1152-1 et L 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul ".
La cour retenant l'existence de faits caractérisant un harcèlement moral au préjudice de Mme Claudette X..., son licenciement se trouve frappé de nullité, étant surabondamment observé que les éléments du dossier déjà exposés rendent compte que l'inaptitude au motif de laquelle la salariée a été licenciée a été consécutive à des actes de harcèlement moral.
Il est de principe que le salarié victime d'un licenciement nul et qui, comme en l'espèce, ne réclame pas sa réintégration, a droit aux indemnités de rupture et à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement. Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme Claudette X..., de son âge (54 ans au jour de la rupture), de son ancienneté (35 ans), de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer la somme de 45 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul.

Mme Claudette X... fait valoir que son licenciement étant nul elle peut prétendre au versement d'une indemnité compensatrice de préavis, laquelle doit être calculée en tenant compte des heures supplémentaires effectuées en moyenne durant la période de référence, soit l'année 2012.
Elle expose les bases de son calcul de l'indemnité de licenciement qui lui était due et fait valoir que son salaire moyen à prendre en compte doit inclure les heures supplémentaires effectuées.
L'employeur oppose qu'il a fait une exacte application des règles en matière de calcul de l'indemnité de licenciement et a à juste titre retenu pour base de ce calcul un salaire de référence sans heures supplémentaires, la salariée ne justifiant pas avoir effectué des heures de cette nature.
Il est encore de principe que le salarié dont le licenciement est nul a droit à l'indemnité compensatrice de préavis, peu important qu'il soit dans l'impossibilité d'exécuter ce préavis.
L'indemnité compensatrice de préavis correspond aux salaires et avantages, y compris l'indemnité de congés payés, qu'aurait perçu le salarié s'il avait travaillé pendant cette période. Elle se calcule sur la base du salaire brut soumis à cotisations sociales avec prises en compte des heures supplémentaires qu'aurait accomplies le salarié s'il avait travaillé dès lors que celles-ci constituaient un élément stable et constant de sa rémunération sur laquelle il était en droit de compter.
En l'espèce, il a été démontré et retenu par la cour que Mme Claudette X... accomplissait régulièrement un nombre d'heures de travail supplémentaire important. La régularité de l'exécution de ces heures sur une longue période conduit à considérer qu'il s'agissait d'un élément stable constitutif de sa rémunération et qu'elle était en droit d'y compter pour l'avenir si elle avait continué de travailler pour le compte de la société Y... Apple Shoes.
Aussi, il sera fait droit aux demandes de Mme Claudette X... au titre des indemnités de rupture, leurs calculs reposant à bon droit, sur la réalisation d'heures supplémentaires durant les mois de l'année 2012 ayant précédé son premier arrêt de travail, soit une période suffisamment significative.
En conséquence la société Y... Apple Shoes sera condamnée à payer à Mme Claudette X... les sommes suivantes :-7 607, 58 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 760, 75 euros brut au titre des congés payés afférents,-7 401, 07 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement.

Sur les dépens et les frais irrépétibles
Mme Claudette X... ayant obtenu gain de cause pour une large partie de ses demandes, les dépens tant de première instance que d'appel seront supportés par la société Y... Apple Shoes.
En outre il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme Claudette X... les frais par elle exposés et non compris dans les dépens, et il sera donc mis à la charge de la société Y... Apple Shoes une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel, la cour confirmant par ailleurs la décision des premiers juges qui ont alloué à Mme Claudette X... une indemnité de 1 200 euros sur ce même fondement au titre des frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la société Y... Apple Shoes à verser à Mme Claudette X... la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ainsi qu'aux dépens de première instance ;

Et statuant à nouveau :
Condamne la société Y... Apple Shoes à payer à Mme Claudette X... les sommes suivantes :-24 204, 95 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre 2 420, 49 euros brut au titre des congés payés y afférents,-17 734, 44 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé et pour exécution fautive du contrat en matière de durée du travail,-2 119, 52 euros brut à titre de rappel de salaire pendant la période d'inaptitude outre 211, 95 euros brut au titre des congés payés afférents,-5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et exécution fautive du contrat de travail,-45 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ou à titre subsidiaire pour licenciement abusif,-7 607, 58 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 760, 75 euros brut au titre des congés payés y afférents,-7 401, 07 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif de l'instance pour celles ayant un caractère de salaire ou d'accessoire de salaire, et à compter de la présente décision pour les autres sommes, et que ces intérêts seront capitalisés par application de l'article 1154 du code civil ;
Ordonne à la société Y... Apple Shoes de remettre à Mme Claudette X... des bulletins de paie rectifiés mentionnant les rappels d'heures de travail supplémentaires de 2008 à 2012, ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un délai de deux mois de la notification du présent arrêt ;
Condamne la société Y... Apple Shoes à verser à Mme Claudette X... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel ainsi qu'aux entiers dépens de l'appel.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15/02523
Date de la décision : 20/01/2016
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.poitiers;arret;2016-01-20;15.02523 ?
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