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26/04/2017 | FRANCE | N°15-26410

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 avril 2017, 15-26410


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'administration fiscale a notifié à M. [P] et son épouse, Mme [B], (M. et Mme [P]) une proposition de rectification de leur impôt de solidarité sur la fortune (ISF), au titre des années 2006 et 2007, en intégrant dans son assiette la valeur de leur villa sise à [Localité 1], avec une pénalité de 40 % pour mauvaise foi ; qu'après mise en recouvrement et accueil partiel de leur réclamation amiable, M. et Mme [P] ont saisi le tribunal de grande instance afin d'être dÃ

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'administration fiscale a notifié à M. [P] et son épouse, Mme [B], (M. et Mme [P]) une proposition de rectification de leur impôt de solidarité sur la fortune (ISF), au titre des années 2006 et 2007, en intégrant dans son assiette la valeur de leur villa sise à [Localité 1], avec une pénalité de 40 % pour mauvaise foi ; qu'après mise en recouvrement et accueil partiel de leur réclamation amiable, M. et Mme [P] ont saisi le tribunal de grande instance afin d'être déchargés du surplus de l'imposition ainsi que des pénalités et d'obtenir un dégrèvement au titre de leurs parts dans une société civile immobilière (la SCI) par compensation entre la valeur de ces parts et celle de la villa ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. et Mme [P] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de compensation alors, selon le moyen, que s'il appartient en principe au contribuable de rapporter la preuve de l'inexactitude des mentions de sa déclaration, les principes qui gouvernent l'administration de la preuve devant le juge de l'impôt ne sauraient conduire à mettre à sa charge la preuve d'un fait négatif, par nature impossible à rapporter ; qu'en ce cas, le système de preuve revêt un caractère objectif, de sorte qu'il appartient au juge de l'impôt de forger sa conviction au regard des indices apportés par chacune des parties ; qu'en l'espèce, il était constant que la villa de [Localité 1] ne figurait plus dans le patrimoine social de la SCI Cypoliane au cours des années en litige dès lors que son acquisition avait été définitivement jugée simulée ; que les époux [P] faisaient valoir dans leurs conclusions que s'il leur était impossible de rapporter la preuve négative de l'inexistence d'autres actifs de la SCI au cours des années en litige, il n'en demeurait pas moins que l'administration avait elle-même admis dans ses conclusions que les recherches qu'elle avait effectuées tant dans la base de données patrimoniales recensant les transactions immobilières que dans le fichier national des comptes bancaires et assimilés s'étaient révélées infructueuses et qu'il résultait en outre des diverses propositions de rectifications afférentes aux années immédiatement antérieures aux années en litige (2003 à 2005) et immédiatement postérieures (2008 et 2009) que le service n'avait pas attribué de valeur aux parts de cette SCI ni prétendu les réintégrer dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, de sorte qu'il existait ainsi des présomptions précises et concordantes tendant à établir que cette société n'était plus qu'une coquille vide dépourvue de tout actif ; qu'en jugeant néanmoins que les époux [P] échouaient à rapporter la preuve de l'absence d'actif de cette SCI et qu'il ne pouvait être exclu que cette société ait acquis d'autre biens immobiliers ni que les époux [P] aient été titulaires de (comptes) courants d'associés créditeurs devant être déclarés au titre de l'ISF, la cour d'appel a méconnu les règles qui gouvernent l'administration de la preuve devant le juge de l'impôt, ensemble l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt constate que M. et Mme [P], qui ont fait figurer les parts de la SCI dans leur déclaration de patrimoine taxable à l'ISF en 2006 et 2007, soutiennent avoir commis une erreur, celle-ci ne possédant plus de patrimoine ; qu'il relève que cette absence de patrimoine ne peut être présumée au seul motif de l'annulation de la cession de leur villa de [Localité 1] à la SCI, définitivement jugée depuis 2000, dans la mesure où l'article 2 de ses statuts prévoit qu'elle a pour objet l'acquisition, la construction et la gestion de tous biens immobiliers ; qu'il ajoute que les bilans arrêtés aux 31 décembre 2005 et 2006, qui auraient pu établir sur quelles bases les parts litigieuses ont été évaluées, ne font pas partie des pièces communiquées, que l'absence d'évaluation de ces parts par l'administration fiscale ne signifie pas que la SCI ne disposait alors d'aucun patrimoine et que l'existence de comptes courants d'associés créditeurs caractérisait au contraire un droit de créance à l'égard de la SCI, lequel constituait un actif devant être déclaré au titre de l'ISF ; que, sans exiger la preuve d'un fait négatif, la cour d'appel a pu déduire de ces constatations et appréciations que M. et Mme [P] ne rapportaient pas la preuve de l'absence de patrimoine de la SCI en 2006 et 2007 et de la réalité de l'erreur qu'ils prétendaient avoir commise ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en ses premième, deuxième et quatrième branches :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter la demande de M. et Mme [P] tendant à l'admission partielle de leur réclamation, l'arrêt valide la décision de l'administration fiscale du 7 juin 2010 corrigée le 21 décembre 2010 après avoir dit, dans ses motifs, que l'évaluation de la villa, qui constitue un bien d'exception, nécessite la mise en oeuvre d'une expertise, les termes de comparaison produits par l'administration fiscale étant, pour l'essentiel, situés sur une autre commune et que les valeurs proposées manquent de cohérence ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel s'est contredite ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme la validation par le jugement de la décision de l'administration du 7 juin 2010 corrigée le 21 décembre 2010 et en ce qu'il déboute M. et Mme [P] de leur demande de décharge des pénalités, l'arrêt rendu le 15 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six avril deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [P]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, d'AVOIR, confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait validé la décision de rejet partiel de la réclamation du contribuable prise par l'administration le 7 juin 2010 et corrigée le 21 décembre 2010 ;

AUX MOTIFS QUE « Sur l'évaluation du bien omis dans les déclarations au titre de l'ISF pour les années 2006 et 2007 La valeur vénale d'un bien soumis à l'impôt doit s'apprécier au regard de son état matériel et de son état juridique. S'agissant d'un immeuble ou de droits de propriété afférents à un immeuble, la valeur vénale doit ainsi prendre en compte les caractéristiques de la construction, la vétusté et l'emplacement et le caractère éventuellement indivis des droits détenus. Les droits indivis résultant de la copropriété du bien entre plusieurs personnes sans qu'une fraction physique soit affectée à chacune d'elle doivent ainsi être évalués séparément puisque leur valeur diffère de la seule fraction de la valeur totale de bien correspondant à la propriété des droits indivis. Et cette valeur est, en principe, appréciée par comparaison avec des éléments concrets résultant de la cession de biens intrinsèquement similaires dans un temps voisin de la date de référence. Mais lorsque l'évaluation par comparaison n'est pas possible en raison de l'inexistence sur le marché de biens strictement similaires en fait et en droit (ce qui est le cas en l'espèce en l'absence de marché de biens indivis actif, et concentré sur la période et dans la région), l'administration peut utiliser d'autres méthodes. Elle peut ainsi procéder à l'évaluation de droits indivis par référence à la valeur du bien immobilier par production d'éléments de comparaison résultant de la cession de biens immobiliers intrinsèquement similaires avec application d'un abattement en raison de caractère indivis de la propriété qui peut rendre plus difficile l'aliénation du bien. Dès lors en l'espèce la méthode utilisée et les éléments de comparaison fournis par l'administration pour estimer la valeur du bien soumise à l'impôt sont admissibles. Et il n'y a pas lieu à annulation de la procédure de vérification suivie par l'administration dans cette affaire étant observé que l'intimée estime approprié l'abattement de 10 % accordé par le tribunal pour non conformité de la construction et classement en zone N. Pour autant force est de constater que la parfaite évaluation du bien évoqué (la villa des appelants située à [Localité 1] constitue un bien d'exception) nécessite la mise en oeuvre d'une expertise qui est, au demeurant, de droit en matière d'ISF s'agissant des litiges portant sur la valeur vénale. En effet, les termes de comparaison produits par l'administration sont relatifs pour l'essentiel à des biens situés sur la commune de [Localité 2]. Quand à ceux communiqués par les époux [P], s'agissant de mutations sur [Localité 1] pour les périodes de référence, ils ne concernent que peu de biens (dont la description et la situation juridique sont de surcroît imprécises). Il est constant, en outre, que la villa litigieuse est classée en zone N du PLU et ne bénéficie pas d'un certificat de conformité ce qui affecte nécessairement sa valeur vénale dans des proportions qui ne peuvent être précisément appréciées sans l'avis d'un technicien indépendant. Enfin et, même en tenant compte du caractère nécessairement évolutif du marché immobilier, les valeurs proposées manquent de cohérence. Ainsi l'administration a-t-elle évalué à 6.750.000 euros (2006) et 7.500.000 euros (2007) la valeur vénale du bien. Or, il ressort d'autres éléments du dossier que le même bien a été évalué en 2008 à 9.000.000 euros par le service de la fiscalité immobilière de [Localité 3] (8.800.000 euros après abattement pour indivision) et à 13.000.000 euros par la DGFP de Draguignan (12.672.000 euros après abattement). Il convient de désigner pour réaliser la mesure d'instruction Mme [Z], expert demeurant à [Localité 4] non loin de la villa litigieuse » ;

1. ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif d'une décision de justice équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a successivement énoncé, dans les motifs de son arrêt, que « la parfaite évaluation du bien évoqué (…) nécessite la mise en oeuvre d'une expertise, qui est au demeurant de droit en matière d'ISF s'agissant des litiges portant sur la valeur vénale », que les évaluations des droits immobiliers en litige proposées par le service étaient pour l'essentiel fondées sur des termes de comparaison relatifs à des biens immobiliers situés, non à [Localité 1] comme la villa en cause, mais à Saint-Tropez, que les valeurs successivement proposées par l'administration au fil des années manquaient de cohérence et que la non-conformité de la villa en cause aux règles d'urbanisme affectait sa valeur vénale dans une proportion qui ne pouvait être appréciée sans l'avis d'un technicien indépendant, ce dont elle a déduit qu'il convenait, avant dire droit, d'ordonner une mesure d'expertise ; qu'en décidant néanmoins, par un chef de dispositif d'ores et déjà revêtu de l'autorité de la chose jugée, de confirmer le jugement déféré en tant qu'il avait validé la décision de rejet partiel de la réclamation du contribuable prise par l'administration le 7 juin 2010 et corrigée le 21 décembre 2010, la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

2. ALORS, ensuite, QUE les motifs par lesquels la Cour d'appel a jugé infondée la demande des époux [P] tendant au dégrèvement des parts de la SCI Cypoliane déclarées au titre des années 2006 et 2007 n'étaient pas de nature à justifier le chef de dispositif par lequel la Cour d'appel a décidé de confirmer le jugement entrepris en tant qu'il avait validé la décision de rejet partiel de la réclamation du contribuable prise par l'administration le 7 juin 2010 et corrigée le 21 décembre 2010 ; qu'en déduisant néanmoins de l'absence de fondement de cette demande de dégrèvement des parts de la SCI Cypoliane déclarées au titre des années 2006 et 2007 que « le jugement déféré qui a rejeté la demande des époux [P] en validant « pour le surplus » la décision d'admission partielle du 7 juin 2010 (…) mérite donc confirmation » (arrêt, p. 4, alinéa 1er), la Cour d'appel a de plus fort violé l'article 455 du code de procédure civile.

3. ALORS, en outre, QUE la valeur vénale d'un bien doit être appréciée en tenant compte de tous les éléments propres à dégager une évaluation aussi proche que possible de celle qu'aurait entraînée le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel ; que lorsque l'administration entend réintégrer la valeur vénale d'un bien dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, il lui appartient, dès la proposition de rectification, de motiver l'application de la méthode d'évaluation par comparaison qu'elle retient par l'énonciation de transactions comparables portant sur des biens intrinsèquement similaires à celui qu'il s'agit d'évaluer ; qu'à défaut de pouvoir appliquer la méthode d'évaluation par comparaison, il lui appartient de justifier par une motivation suffisante de la méthode d'évaluation subsidiaire qu'elle entend appliquer ; qu'en jugeant que « la méthode utilisée et les éléments de comparaison fournis par l'administration (étaient) admissibles » (arrêt, p. 4, alinéa 9) et qu'il n'y avait pas lieu d'annuler la procédure de vérification (p. 4, alinéa 10), cependant qu'elle relevait que les termes de comparaison dont le service avait fait état dans sa proposition de rectification étaient, pour l'essentiel, relatifs à des biens immobiliers situés, non à [Localité 1], commune de situation de la villa dont les époux [P] étaient propriétaires indivis, mais à Saint-Tropez (arrêt, p. 4, alinéa 12), ce dont il s'évinçait que la proposition de rectification n'était pas motivée par la référence à des biens intrinsèquement similaires et qu'une telle situation était équipollente à une absence de motivation, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations, en violation des articles 885 S et 666 du code général des impôts, ensemble les articles L. 17 et L. 57 du livre des procédures fiscales.

4. ALORS, en toute hypothèse, QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en énonçant que « la méthode utilisée et les éléments de comparaison fournis par l'administration sont admissibles » (arrêt, p. 4, alinéa 9), pour en déduire aussitôt qu'il n'y avait pas lieu d'annuler la procédure de vérification (p. 4, alinéa 10), cependant qu'elle relevait par ailleurs que les évaluations des droits immobiliers en litige proposées par le service étaient pour l'essentiel fondées sur des termes de comparaison relatifs à des biens immobiliers situés, non à [Localité 1], mais à Saint-Tropez et que « même en tenant compte du caractère évolutif du marché immobilier, les valeurs proposées (par l'administration) manquent de cohérence » (p. 5, alinéa 2 et 3), ce dont il s'évinçait a minima que les termes de comparaison sélectionnés par l'administration ne pouvaient a priori être jugés pertinents, la Cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

5. ALORS, enfin, QUE les droits indivis portant sur un immeuble ont une valeur propre qui diffère de la seule fraction de la valeur vénale totale du bien correspondant à la proportion des droits indivis ; qu'en l'espèce, les époux [P] faisaient grief à l'administration d'avoir fait masse des droits indivis détenus par chacun d'entre-eux (51 % pour le mari et 48 % pour l'épouse) et de les avoir évalués globalement, cependant qu'il lui appartenait d'évaluer séparément la fraction de droits indivis détenue par chacun d'entre-eux, sans qu'importe la possibilité d'une cession simultanée de l'ensemble des droits indivis de nature à mettre fin à l'indivision ; qu'après avoir justement énoncé « que les droits indivis résultant de la copropriété du bien entre plusieurs personnes sans qu'une fraction physique soit affectée à chacune d'elle doivent (…) être évalués séparément puisque leur valeur diffère de la seule fraction de la valeur totale du bien correspondant à la propriété des biens indivis », la Cour d'appel a considéré que « la méthode utilisée et les éléments de comparaison fournis par l'administration (étaient) admissibles » (p. 4, alinéa 9), de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'annuler la procédure de vérification (p. 4, alinéa 10) ; qu'en se prononçant de la sorte, sans s'être concrètement assurée, ainsi qu'elle y était invitée, de ce que l'administration s'était bien conformée dans la proposition de rectification litigieuse à l'obligation d'évaluer distinctement les droits indivis détenus par chacun des époux, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 885 S et 666 du code général des impôts, ensemble l'article L. 17 du livre des procédures fiscales.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, d'AVOIR débouté les époux [P] de leur demande tendant à obtenir la compensation entre les droits sociaux de la SCI Cypoliane et la valeur de la villa dont ils sont propriétaires indivis ;

AUX MOTIFS QU' « Il est constant que les époux [P] ont déclaré dans leur déclaration de patrimoine taxable à l'ISF les parts de la SCI Cypoliane pour les sommes de 1.100.000 euros en 2006 et 1.160.000 euros en 2007 alors que suite aux décisions sus-visées de la cour d'appel de Paris, la cession de l'immeuble litigieux opérée par les consorts [P] au profit de la SCI Cypoliane a été jugée simulée. Si bien que celle-ci n'avait plus dans son patrimoine social la villa de [Localité 1]. Or les époux [P] soutiennent que cette villa était le seul actif de la SCI constituée dans le but de la détenir et de la mettre à la disposition de ses associés et qu'ils ont commis "une erreur" en continuant de déclarer les parts aux valeurs sus indiquées. Pour autant ils ne rapportent pas la preuve qui leur incombe, et alors que l'existence d'un aveu de l'administration n'est pas établie, de l'absence de patrimoine de la SCI en 2006 à 2007 et de la réalité de l'erreur qu'ils prétendent avoir commise. Il convient de considérer en premier lieu que l'absence de patrimoine de la SCI ne peut être présumée au seul motif de l'annulation de la cession de la villa et que les bilans arrêtés au 31 décembre 2005 et 2006 qui auraient pu établir sur quelles bases les époux [P] avaient pu évaluer les parts sociales déclarées à l'ISF ne font pas partie des pièces communiquées. En second lieu il apparaît que, l'article 2 des statuts de la SCI prévoyait expressément que celle-ci avait pour objet l'acquisition, la construction et la gestion de tous biens immobiliers (et notamment la villa de [Localité 1]). L'annulation de la vente de la villa n'interdisait donc pas à la SCI d'acheter, construire ou gérer d'autres biens immobiliers. Enfin, l'absence d'évaluation des droits sociaux de la SCI par l'administration ne signifie pas que la société ne dispose d'aucun patrimoine. L'existence de comptes courants d'associés créditeurs (qui ne sont pas répertoriés dans FICOBA) caractérise au contraire un droit de créance à l'égard de la SCI et constitue donc bien pour eux un actif devant être déclaré au titre de l'ISF. Il faut relever en outre que l'erreur invoquée par les époux [P] dans leur déclaration ISF 2006 et 2007 est d'autant moins plausible que l'annulation de la vente avait été définitivement jugée simulée depuis 2000. Et les premiers juges ont justement observé que la valeur des droits déclarés en 2006 et 2007 correspond à peine à la moitié de la valeur de la villa qu'ils avaient eux-mêmes invoquée, en réponse à la proposition de rectification de l'administration. Le jugement déféré qui a rejeté la demande des époux [P] en validant "pour le surplus" la décision d'admission partielle du 7 juin 2010 corrigée du dégrèvement d'office du 21 décembre 2010 mérite donc confirmation » ;

ALORS QUE s'il appartient en principe au contribuable de rapporter la preuve de l'inexactitude des mentions de sa déclaration, les principes qui gouvernent l'administration de la preuve devant le juge de l'impôt ne sauraient conduire à mettre à sa charge la preuve d'un fait négatif, par nature impossible à rapporter ; qu'en ce cas, le système de preuve revêt un caractère objectif, de sorte qu'il appartient au juge de l'impôt de forger sa conviction au regard des indices apportés par chacune des parties ; qu'en l'espèce, il était constant que la villa de [Localité 1] ne figurait plus dans le patrimoine social de la SCI Cypoliane au cours des années en litige dès lors que son acquisition avait été définitivement jugée simulée ; que les époux [P] faisaient valoir dans leurs conclusions que s'il leur était impossible de rapporter la preuve négative de l'inexistence d'autres actifs de la SCI au cours des années en litige, il n'en demeurait pas moins que l'administration avait elle-même admis dans ses conclusions que les recherches qu'elle avait effectuées tant dans la base de données patrimoniales recensant les transactions immobilières que dans le fichier national des comptes bancaires et assimilés s'étaient révélées infructueuses et qu'il résultait en outre des diverses propositions de rectifications afférentes aux années immédiatement antérieures aux années en litige (2003 à 2005) et immédiatement postérieures (2008 et 2009) que le service n'avait pas attribué de valeur aux parts de cette SCI, ni prétendu les réintégrer dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, de sorte qu'il existait ainsi des présomptions précises et concordantes tendant à établir que cette société n'était plus qu'une coquille vide dépourvue de tout actif ; qu'en jugeant néanmoins que les époux [P] échouaient à rapporter la preuve de l'absence d'actif de cette SCI et qu'il ne pouvait être exclu que cette société ait acquis d'autre biens immobiliers, ni que les époux [P] aient été titulaires de courants d'associés créditeurs devant être déclarés au titre de l'ISF, la Cour d'appel a méconnu les règles qui gouvernent l'administration de la preuve devant le juge de l'impôt, ensemble l'article 1315 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-26410
Date de la décision : 26/04/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 15 septembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 avr. 2017, pourvoi n°15-26410


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.26410
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