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26/04/2017 | FRANCE | N°15-15863

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 avril 2017, 15-15863


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu les articles 15,16,779 et 783 du code de procédure civile ;

Attendu que s'ils disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier si des conclusions ou des pièces ont été déposées en temps utile au sens du premier de ces textes, les juges du fond sont tenus de répondre à des conclusions en sollicitant le rejet, peu important que le dépôt de ces dernières intervienne avant ou après le prononcé de l'ordonnance de clôture ;

Attendu que la cour d'appel a statué s

ur les prétentions respectives des parties en considération des dernières conclusions de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu les articles 15,16,779 et 783 du code de procédure civile ;

Attendu que s'ils disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier si des conclusions ou des pièces ont été déposées en temps utile au sens du premier de ces textes, les juges du fond sont tenus de répondre à des conclusions en sollicitant le rejet, peu important que le dépôt de ces dernières intervienne avant ou après le prononcé de l'ordonnance de clôture ;

Attendu que la cour d'appel a statué sur les prétentions respectives des parties en considération des dernières conclusions de la société Lenne et fils du 30 octobre 2014, et non du 22 novembre 2013 comme elle l'a indiqué par erreur, sans répondre aux conclusions déposées le 10 novembre 2014 par la société Henri Abelé tendant au rejet de ces écritures et pièces au motif qu'elles ne leur avaient pas été communiquées en temps utile pour lui permettre d'en prendre connaissance et d'y répondre avant l'ordonnance de clôture intervenue le 4 novembre 2014 ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne la société Lenne et fils aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Champagne Henri Abelé la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six avril deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Champagne Henri Abelé.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'action de la société SCEV Lenne et Fils, d'avoir ensuite infirmé le jugement entrepris rendu par le tribunal de grande instance de Reims le 22 mars 2013 en ce qu'il a condamné la société SCEV Lenne et Fils à payer à la société Champagne Henri Abelé la somme de 150.000€ à titre de remboursement de prêt et, statuant à nouveau de ce chef, d'avoir dit que la société SCEV Lenne et Fils devra rembourser le prêt de 150.000€ qui a été consenti par la société Champagne Henri Abelé à la SCEV Lenne en 10 annuités de 15.000€ chacune à compter de l'année 2010, outre les intérêts conventionnels, d'avoir en conséquence, condamné la société SCEV Lenne et Fils à payer à la société Champagne Henri Abelé la somme de 75.000€ au titre des annuités 2010 à 2014 outre les intérêts conventionnels, d'avoir, au visa de l'article 1289 du code civil, ordonné la compensation entre les créances des parties, d'avoir confirmé le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions, et y ajoutant, d'avoir débouté la société Champagne Henri Abelé de sa demande d'indemnité de procédure ;

Aux motifs que « la société Champagne Henri Abelé a relevé appel de ce jugement le 16 mai 2013 ; que par conclusions en date du 29 octobre 2014, elle demande à la cour de réformer le jugement entrepris, de constater que la SCEV Lenne et Fils est irrecevable en toutes ses demandes et de condamner cette dernière au paiement d'une indemnité de procédure de 5.000€ ; que subsidiairement, elle prie la cour de rejeter les demandes de la SCEV Lenne et Fils, de juger que la rupture des relations commerciales n'a été ni abusive, ni brutale, que la SCEV Lenne et Fils ne justifie d'aucun préjudice légitime indemnisable et de condamner cette dernière à lui rembourser immédiatement la somme de 150.000€ augmentée des intérêts au taux Euribor à 3 mois majoré d'un point à compter de la signature du contrat de prêt ; qu'elle prie la cour également de juger qu'elle est elle-même redevable envers la SCEV Lenne et Fils de la somme de 166.350,07€ au titre des factures impayées à la SCEV Lenne et Fils et d'ordonner la compensation entre les sommes dues de part et d'autre en application des dispositions de l'article 1289 du code civil ; qu'elle sollicite la condamnation de la SCEV Lenne et Fils à lui payer une indemnité de procédure de 5.000€, ainsi qu'aux entiers dépens avec faculté de distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ; qu'elle soutient que les deux contrats n'envisageaient par de tacite reconduction, ni même de modalités de renouvellement ; que l'article 4 du contrat de prêt prévoyait que « La SCEV Lenne s'engage en cas d'impossibilité pour lui d'honorer le contrat d'approvisionnement susmentionné, à rembourser à la SA Champagne Henri Abelé la somme prêtée », avec intérêts au taux Euribor à 3 mois majoré d'un point, à compter de la signature du contrat ; qu'aucun contrat d'approvisionnement de raisins n'a été conclu pour les vendanges 2010 à 2019, alors que la société Champagne Henri Abelé avait déjà prêté à son fournisseur la somme de 150.000€ ; que la société Lenne n'a engagé aucune discussion avec la concluante après les vendanges de 2009 pour discuter des termes du futur contrat d'approvisionnement ; qu'à la suite d'une réunion le 28 juin 2010, elle a confirmé à la société SCEV LENNE que le contrat initial était venu à échéance et que les prochaines vendanges ne feraient pas l'objet d'un nouveau contrat, sollicitant le remboursement des 150.000€ prêtés en 2008 en contrepartie de l'approvisionnement en raisins pour les vendanges 2010 à 2019 ; qu'elle invoque l'indivisibilité des deux contrats en précisant que le contrat de prêt qui stipulait expressément que le paiement se ferait par compensation avec la livraison des raisins et en fonction des modalités convenues par le contrat d'approvisionnement à intervenir est devenu sans cause ; qu'elle soutient que l'intimée ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice indemnisable ; qu'elle indique que nombre de pièces versées aux débats par l'intimée établissent que la SCEV Lenne et Fils, déjà très endettée, a commencé à rencontrer de sérieuses difficultés financières en 2007 ; que les chiffres communiqués en première instance au titre de la perte d'exploitation invoquée par l'intimée correspondent aux vendanges antérieures puisque la perte de 2010 correspond aux vendanges de 2009 ; que les bilans arrêtés au 31 juillet 2011 et au 31 juillet 2012 font apparaître une absence totale d'activité depuis le 1er août 2010 et l'absence de stock ; que la SCEV Lenne a vendu son stock 2010 ; que sont inscrites au bilan une valeur de 286.665€ correspondant à la vente de deux millésimes ainsi qu'une valeur de 117.058€ à titre de cession d'immobilisations ; qu'elle relève que les bilans établissent que la SCEV Lenne a remboursé une dette de 107.111€ à la SCEV Lenne et Fils, remboursement qui n'a pu être rendu possible que grâce aux produits de la vente du millésime 2010 ; que par conclusions en date du 22 novembre 2013, la société Lenne demande à la cour de juger que l'action de la SCEV Lenne et Fils est recevable au motif qu'elle a repris le contrat conclu par la SCEV Lenne, et à titre subsidiaire, de juger recevable l'intervention volontaire de la SCEV Lenne ; qu'elle prie la cour de juger que la société Champagne Henri Abelé a commis un abus de non-renouvellement en ayant laissé croire que le contrat d'approvisionnement la liant à la SCEV Lenne serait renouvelé ; qu'elle a rompu brutalement une relation commerciale établie sans préavis et, en conséquence, de condamner la société Champagne Henri Abelé à payer à la SCEV Lenne et Fils la somme de 80.000€ en réparation de son préjudice financier et moral, et 140.000€ en réparation de son préjudice commercial ; qu'elle prie la cour également de juger que la société Champagne Henri Abelé est débitrice au titre de la sortie de vins mis en réserve d'une somme de 127.522,54€, puis de 39.148,52€ et la condamner aux intérêts courus depuis l'assignation ; qu'elle demande à la cour de juger que la SCEV Lenne et Fils devra rembourser à la société Champagne Henri Abelé le prêt de 150.000€ à raison de 15.000€ par an pendant 10 ans ou subsidiairement qu'elle disposera d'un délai de deux ans à compter de l'arrêt d'appel ; qu'elle sollicite la condamnation de la société Champagne Henri Abelé à payer à la société Lenne et Fils et, à titre subsidiaire à la SCEV Lenne, une indemnité de procédure de 7.000€ ; que la société Lenne soutient que s'il existe en effet deux société, dans l'esprit des parties, les relations contractuelles se sont poursuivies avec la SCEV Lenne et Fils ; qu'elle indique qu'au cours de ces dix années, les contractants ont entretenu des relations cordiales, voire amicales ; qu'à aucun moment la société Champagne Henri Abelé n'a émis la moindre critique à propos des raisins fournis par la SCEV Lenne ; que la SA Champagne Henri Abelé représentait sur les dernières années plus de 95% de son chiffre d'affaires ; qu'elle soutient que la SA Champagne Henri Abelé a refusé de renouveler le contrat d'approvisionnement la liant à la SCEV Lenne ; que tant par son comportement que par la signature du contrat de prêt, elle a entretenu l'illusion que le contrat serait renouvelé et a ainsi commis un abus ouvrant le droit à des dommages et intérêts ; qu'en l'absence de préavis, elle a dû, dans la rapidité trouver d'autres partenaires, modifier sa stratégie commerciale, et que le principal préjudice réside dans la perte des avantages procurés par la convention de prêt résidant dans une avance de trésorerie autofinancée par la vente de raisins ; qu'en refusant de renouveler le contrat d'approvisionnement et en considérant que le prêt de 150.000€ devenait immédiatement exigibles, la SA Champagne Henri Abelé a refusé de régler deux factures établies à la suite de la sortie de vins mis en réserve pour les années 2010 et 2011, alors que la société Lenne comptait légitimement sur le règlement de ces deux factures, ce qui au pour effet d'assécher de manière drastique et inopinée sa trésorerie ; que le résultat global d'exploitation a chuté de 90.356€ du 1er août 2009 au 31 juillet 2010 11 (époque de la résiliation) à – 60.499 euros, soit une différence de plus de 151.000€ ; qu'au 31 juillet 2012, le résultat d'exploitation était de 3.090€ ; qu'elle soutient que doivent s'ajouter aux indemnités réparant les préjudices subis, la facture impayée et non contestée d'un montant de 127.064,80€ et ce qui est dû au titre du déblocage ultérieur, soit 39.285,90€, soit 166.350,70€ ; que la SCEV Lenne et Fils indique qu'elle ne conteste pas devoir rembourser le prêt de 150.000€ qui lui a été consenti, mais selon les modalités de remboursement, à savoir un remboursement étalé jusqu'en 2019 et donnant lieu à des annuités de 15.000€, ce qui correspond à la volonté des parties ; qu'elle soutient que le contrat de prêt prévoit l'obligation de rembourser « en cas d'impossibilité d'honorer le contrat par la SCEV Lenne » ; que cette obligation de remboursement ne saurait s'imposer lorsque l'impossibilité est le fait du prêteur ; qu'à titre subsidiaire, si la société Lenne était condamnée à rembourser le prêt dès à présent, elle sollicite un délai de grâce de deux ans, conformément à l'article 1244-1 du code civil, et invoque à ce titre les difficultés financières qu'elle rencontre du fait de la rupture fautive de la société Champagne Henri Abelé ; que la clôture des débats est intervenue par ordonnance du novembre 2014 » (arrêt, p. 2-4) ;

Alors que si le juge dispose d'un pouvoir souverain pour apprécier que des conclusions et / ou des pièces ont été déposées en temps utile, il est tenu de répondre à des conclusions en sollicitant le rejet, peu important que le dépôt de ces dernières intervienne avant ou après le prononcé de l'ordonnance de clôture ; qu'au cas présent, la cour d'appel a d'abord indiqué qu'elle aurait statué au vu de conclusions qui auraient été déposées par la société Lenne et Fils, selon la cour, le « 22 novembre 2013 » (arrêt, p.3, avant-dernier al.) ; qu'en réalité, la lecture du rappel des prétentions et moyens de la société Lenne et Fils par la cour d'appel, permet d'identifier des éléments qui ne figuraient que dans les dernières conclusions déposées par cette société le 30 octobre 2014 (productions n°6 et n°3), et en particulier de nouveaux éléments relatifs aux deux sociétés « Lenne » et « Lenne et Fils » en défense à la fin de non-recevoir invoquée par la société Champagne Henri Abelé dans ses dernières conclusions, qui elles, dataient du « 22 novembre 2013 » (productions n° 2 et n° 5), et non du « 29 octobre 2014 » comme l'a indiqué à tort la cour (arrêt, p. 2, dernier al.) ; que les conclusions du 30 octobre 2014 de la société Lenne et Fils comprenaient en outre une demande d'intervention volontaire, formulée à titre subsidiaire, de la société « Lenne » ; qu'en outre, la société Lenne et Fils avait communiqué simultanément au dépôt de ces conclusions, soit à quatre jours de la clôture, un nombre important de pièces (pièces n° 11-4, 11-5 et 20 à 31) ; qu'au vu des ces nouveaux éléments qui étaient portés à sa connaissance quelques jours à peine avant l'ordonnance de clôture fixée au 4 novembre 2014, la société Champagne Henri Abelé a formé, le 3 novembre 2014, une demande de report de l'ordonnance de clôture qui a été écartée ; qu'après la clôture des débats, soit le 10 novembre 2014, la société exposante a déposé des conclusions tendant au rejet des débats tant des conclusions déposées par la société Lenne et Fils le 30 octobre 2014 que des nombreuses nouvelles pièces dont elles étaient assorties (conclusions du 10 novembre 2014, production n° 7) ; qu'en statuant sur les prétentions des parties, en considération du contenu des conclusions de la société défenderesse du 30 octobre 2014, sans même répondre aux conclusions déposées par la société exposante le 10 novembre 2014, qui tendaient précisément au rejet de ces dernières écritures, déposées après près d'un an d'inaction, à quatre jours de la clôture, et accompagnées d'un nombre important de pièces, conclusions par lesquelles la société Champagne Henri Abelé faisaient valoir que ces écritures et pièces de dernière heure ne lui avaient pas été communiquées en temps utile pour lui permettre d'organiser sa défense et d'y répondre avant l'ordonnance de clôture intervenue le 4 novembre 2014, la cour d'appel a violé les articles 15, 16 et 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'action de la société SCEV LENNE ET FILS ;

Aux motifs que « sur la recevabilité de l'action de la société SCEV LENNE ET FILS ; que la société CHAMPAGNE HENRI ABELE soulève, en cause d'appel, l'irrecevabilité des demandes de la SCEV LENNE ET FILS, au motif que le contrat initial a été conclu entre la SCEV LENNE, société distincte, et elle-même ; que la société SCEV LENNE ET FILS soutient qu'elle est recevable en son action, au motif qu'elle a repris le contrat conclu entre la société CHAMPAGNE ABELE et la société SCEV LENNE ; qu'il convient de souligner que la société CHAMPAGNE HENRI ABELE, qui soulève l'irrecevabilité des demandes de la SCEV LENNE ET FILS sollicite et cela de manière contradictoire, la condamnation de cette dernière à lui rembourser la somme de 150.000€ qu'elle a prêtée initialement à la société SCEV LENNE, et se reconnaît débitrice à l'égard de la société SCEV LENNE ET FILS de la somme de 166.350,07€ au titre de factures impayées en sollicitant la compensation entre les créances réciproques des parties ; qu'elle reconnaît ainsi que la société SCEV LENNE ET FILS a repris le contrat qu'elle avait initialement conclu avec la société SCEV LENNE ; que l'action de la SCEV LENNE ET FILS est, dès lors, recevable » (arrêt, pp. 4-5) ;

1° Alors que le juge ne peut modifier l'objet du litige, lequel est exclusivement déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'ainsi, le juge ne peut tenir pour contradictoires deux séries de demandes, dès lors que la première est formulée à titre principal, et la seconde, à titre subsidiaire ; qu'au cas présent, dans le dispositif de ses conclusions, la société Champagne Henri Abelé exposante avait, à titre principal, formulé une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société SCEV « Lenne et Fils », société distincte de la société « Lenne », puis, à titre subsidiaire, autrement dit en cas de rejet de cette fin de non-recevoir, formulé diverses demandes reconventionnelles dirigés contre la société « Lenne et Fils » (conclusions de l'exposante du 22 novembre 2013, dispositif, p. 23) ; que, pour écarter la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société « Lenne et Fils », la cour d'appel a considéré que l'exposante se serait contredite en invoquant une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société « Lenne et Fils » et, selon la cour, dans le même temps, en formulant diverses demandes visant la même société « Lenne et Fils », ce dont la cour d'appel a déduit que la société Champagne Henri Abelé aurait nécessairement reconnu que la société « Lenne et Fils » aurait effectivement repris le contrat qu'elle avait initialement conclu avec la société « Lenne » ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs qui procèdent d'une modification des termes du litige tel qu'il était déterminé par les conclusions des parties, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2° Alors que la reconnaissance de l'existence d'un droit ne peut résulter que d'une déclaration ou d'une manifestation de volonté non équivoque ; qu'au cas présent, la société exposante avait fait valoir, à titre principal, l'irrecevabilité des demandes dirigées contre elle par la société Champagne Henri Abelé, et que ce n'est qu'à titre subsidiaire, qu'elle formulait ses autres moyens de défense et demandes reconventionnelles, ce qui résultait clairement du dispositif de ses conclusions ; qu'en croyant pouvoir déduire de l'énoncé desdites demandes reconventionnelles formulées par la société Champagne Henri Abelé que la société exposante aurait ainsi reconnu que « la société SCEV Lenne et Fils [aurait] repris le contrat qu'elle avait initialement conclu avec la société SCEV Lenne » (arrêt, p. 5, al. 2), cependant que l'existence d'une reconnaissance expresse et non équivoque ne saurait être déduite de moyens ou de demandes formulées à titre purement subsidiaire, la cour d'appel a violé les articles 1354 et 1356 du code civil ;

3° Alors que le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui n'interdit pas à une partie de formuler des propositions formellement contradictoires, dès lors que l'une est formulée à titre principal, l'autre à titre subsidiaire ; qu'au cas présent, pour écarter la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société « Lenne et Fils », la cour d'appel a considéré que l'exposante se serait contredite en invoquant une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société « Lenne et Fils » et, selon la cour, simultanément, en formulant diverses demandes visant le même société « Lenne et Fils », ce dont la cour a déduit que la société Champagne Henri Abelé aurait reconnu que la société « Lenne et Fils » aurait repris le contrat qu'elle avait initialement conclu avec la société « Lenne » ; qu'en statuant par ces motifs, qui procèdent d'une conception erronée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, la cour d'appel a violé le principe susvisé.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris, en ce qu'il a jugé que la SA CHAMPAGNE HENRI ABELE avait commis un abus en ne renouvelant pas le contrat d'approvisionnement de raisins avec la SCEV LENNE ET FILS à compter des vendanges 2010 et d'avoir condamné en conséquence la SA CHAMPAGNE HENRI ABELE à payer à la SCEV LENNE ET FILS la somme globale de 50.000€ de dommages-intérêts ;

Aux motifs propres que « sur le contrat d'approvisionnement de raisins ; qu'il résulte des pièces produites aux débats que la société SCEV LENNE aux droits de laquelle intervient la SCEV LENNE ET FILS, d'une part, et la société CHAMAGNE HENRI ABELE, d'autre part, ont conclu le 19 septembre 2005 un contrat de vente de raisins enregistré auprès du comité interprofessionnel du vin de [Localité 1] ayant pour objet, pour le vendeur, de garantir la sécurité et la stabilité de la commercialisation des raisins provenant de son exploitation et du paiement de ses livraisons, et pour l'acheteur, la sécurité et la stabilité de l'approvisionnement nécessaire à son activité d'élaborateur et d'expéditeur de vins de [Localité 1] ; que le contrat a été conclu de la vendange 2005 à la vendange 2009 ; que parallèlement, les parties ont signé une convention de prêt d'un montant de 150.000€ consenti par la société CHAMPAGNE HENRI ABELE à la société SCEV LENNE remboursable par compensation avec les sommes dues par la société CHAMPAGNE HENRI ABELE à la SCEV LENNE, en application d'un contrat d'approvisionnement pour les vendanges 2010 à 2019 inclus qui devait être signé à [Localité 2] après la vendange 2009, et enregistré auprès du CIVC, ce qui établit la subordination de l'exécution de l'exécution du remboursement du contrat de prêt à la conclusion d'un nouveau contrat de vente de raisins ; qu'ainsi que l'a retenu le premier juge, la société CHAMPAGNE HENRI ABELE a entretenu la société SCEV LENNE dans l'illusion que le contrat de vente de raisins serait renouvelé en ce que l'économie du contrat de prêt était basée sur la compensation entre les sommes dues au titre du prêt et celles dues au titre des raisins livrés en vertu du contrat d'approvisionnement au titre des vendanges 2010 à 2019 ; que la société CHAMPAGNE HENRI ABELE est mal fondée à reprocher à la SCEV LENNE de n'avoir pas entrepris de démarches auprès d'elle pour négocier les conditions d'un nouveau contrat d'approvisionnement, dès lors que c'est elle-même qui a informé la SCEV LENNE par courrier reçu le 9 juillet 2010, soit deux mois avant le vendanges de 2010, de son intention de ne pas mettre en place un nouveau contrat d'approvisionnement de raisins ; que ce comportement brusque et inopiné est constitutif d'un abus de droit qui ouvre droit à l'allocation, au profit de son co-contractant, de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ; que sur le préjudice subi par la société SCEV LENNE ET FILS ; que la société SCEV LENNE ET FILS soutient que la société CHAMPAGNE HENRI ABELE aurait dû respecter un préavis d'au moins une année et l'aviser, dès l'été 2009, qu'elle ne se porterait pas acquéreur de la récolte de 2010 ; que cependant, il ne saurait être tenu compte d'un délai de préavis puisqu'en l'espèce, il n'y a pas eu de rupture contractuelle, mais absence de conclusion d'un nouveau contrat, certes dans la continuité du précédent, qui avait été promis par la société CHAMPAGNE HENRI ABELE ; qu'elle sollicite la condamnation de la société CHAMPAGNE HENRI ABELE à lui payer la somme de 80.000€ en réparation de son préjudice financier et moral et 140.000€ en réparation de son préjudice commercial ; que cependant, elle ne justifie pas plus en cause d'appel qu'en première instance le fait que les raisins des vendanges 2010 et 2011 n'auraient pas été vendus à d'autres acheteurs ou à un prix moindre que celui qu'elle pouvait escompter, et que les difficultés rencontrées avec ses créanciers seraient la conséquence directe de la faute commise par la société CHAMPAGNE HENRI ABELE ; que cependant, le fait que la société CHAMPAGNE HENRI ABELE n'ait informé qu'en juillet 2010, soit deux mois avant les vendanges, qu'elle n'entendait pas conclure un nouveau contrat d'approvisionnement de raisons, d'une part, et exigé le remboursement immédiat du prêt, et refusé de payer les factures émises par la société LENNE au titre de la sortie des vins mis en réserve, en opérant une compensation à tort entre ces deux sommes, a nécessairement causé à la SCEV LENNE ET FILS un préjudice financier constitué par la perte des avantages procurés par la convention de prêt résidant dans une avance de trésorerie autofinancée par le contrat de vente de raisins ; que ce préjudice a justement été évalué par le tribunal à 50.000€ ; que le jugement entrepris sera dès lors confirmé sur ce point » (arrêt, pp. 5-6) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « sur la portée des conventions signées entre la SA CHAMPAGNE HENRI ABELE et la SCEV LENNE ET FILS ; qu'aux termes de l'article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise ; qu'elles doivent être exécutées de bonne foi ; qu'aux termes de l'article 1161 du code civil, toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier ; que le contrat de vente de raisins signé entre les parties le 19 septembre 2005, et enregistré auprès du comité interprofessionnel du vin de champagne sur la superficie de 4 hectares énonce que : "1-Préambule : Les signataires entendent conclure, dans le respect des règles édictées par le comité interprofessionnel du vin de champagne et rendues obligatoires en application de la loi du 12 avril 1941 modifiée, notamment la décision n° 163 du 21 juin 2004 relative à l'amélioration du fonction du marché et ses décision d'application, un engagement réciproque de vente et d'achat de raisins revendiqués en appellation d'origine contrôlée champagne. En cas de modifications des règles interprofessionnelles ou si de nouvelles règles sont fixées ultérieurement par le comité interprofessionnel du vin de champagne, les parties déclarent expressément accepter que ces règles se substituent de plein droit aux présentes dispositions contractuelles qui ne seraient pas compatibles avec elles. Le présent contrat a pour but de garantir : - au vendeur : la sécurité et la stabilité de la commercialisation des raisins provenant de son exploitation et du paiement de ses livraisons, - à l'acheteur : la sécurité et la stabilité de l'approvisionnement nécessaire à son activité d'élaborateur et d'expéditeur de vins de champagne. 3- Durée du contrat – Le présent contrat s'applique de la vendange 2005 à la vendange 2009 comprise (…)" ; que parallèlement les parties ont signé une convention de prêt d'un montant de 150.000€ aux termes de laquelle, il est stipulé que : "La SA Champagne Henri Abelé consent à la SCEV Lenne et Fils un prêt d'un montant de 150.000€ qui sera remboursé par compensation avec les sommes dues par la SA Champagne Henri Abelé à la SCEV Lenne et Fils en application du contrat d'approvisionnement pour les vendanges 2010 à 2019 inclus qui sera signé à [Localité 2] après la vendange 2009 et fera l'objet d'un enregistrement auprès du CIVC" ; que le versement de ce prêt a été réalisé par la remise de trois chèques émis le 5 mai 2008 de montants respectifs de 40.000, 50.000 et 60.000€ ; que la lecture de ces deux contrats démontre l'existence de relations commerciales établies entre les deux sociétés et surtout met en exergue la subordination de l'essence même de l'exécution de la convention de prêt à la conclusion d'un nouveau contrat de vente de raisins ; que contrairement à ce que soutient la SA CHAMPAGNE HENRI ABELE, arguant de la caducité du contrat de prêt en raison de l'absence de conclusion d'un nouveau contrat d'approvisionnement, l'article 4 de la convention de prêt ne prévoit le remboursement de la somme prêtée qu'en cas d'impossibilité pour la SCEV LENNE ET FILS d'honorer le contrat d'approvisionnement, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, puisque c'est l'acheteur qui n'a pas souhaité renouveler le contrat de vente de raisins ; qu'il résulte de l'examen des pièces produites aux débats que le litige s'est cristallisé entre les parties à compter de l'envoi début juillet 2010 d'une missive du directeur général de la SA CHAMPAGNE HENRI ABELE à la SCEV LENNE ET FILS, aux termes de laquelle, il écrit : "Le contrat d'achat de raisins par la maison Henri Abelé signé en 2005 est arrivé à l'échéance à l'issue des vendanges 2009. Suite à votre entrevue le 28 juin dernier avec M. [X], chef de caves, nous vous confirmons par la présente que nous ne souhaitons pas mettre en place un nouveau contrat pour les prochaines vendanges. En conséquence, le prêt d'un montant de 150.000€ qui vous avait été consenti en 2008 en contrepartie de la livraison de raisins pour les vendanges 2010 à 2019 devient sans objet. Nous vous demandons de bien vouloir rembourser cette somme selon les échéances ci-dessous : - 127.000€ à l'échéance au 15 septembre 2010, - 13.000€ à l'échéance au 15 octobre 2010" ; que si aucun délai de préavis n'a été prévu dans le contrat d'approvisionnement de raisins, toutefois, il n'a pas été stipulé au profit de l'acheteur d'obligation de remboursement immédiat du prêt dans l'hypothèse de la non-reconduction du premier contrat, de sorte que la SA CHAMPAGNE HENRI ABELE n'est pas légitime à réclamer le remboursement immédiat de la somme prêtée, puisque c'est elle, qui est à l'origine de la rupture de l'économie des relations contractuelles établies entre les parties depuis l'année 2000 ; qu'ainsi, dès le 19 août 2010, le conseil de la SCEV LENNE ET FILS écrivait à la SA CHAMPAGNE HENRI ABELE, que sa cliente était "disposée à livrer les quantités de raisins nécessaires au remboursement de la somme empruntée (…) A sa disposition pour étudier les modalités de ces livraisons (…). A sa disposition pour étudier amiablement ses conditions d'indemnisation de ce chef, le cas échéant, par voie de compensation avec le prêt de 150.00€" ; qu'au cas présent, l'analyse des relations contractuelles instaurées entre les parties établit que la SA CHAMPAGNE HENRI ABELE, en signant la convention de prêt en 2008, a entretenu la SCEV LENNE ET FILS dans l'illusion que le contrat de vente de raisins serait renouvelé, puisque l'économie du contrat de prêt était basée sur la compensation entre les sommes dues au titre du prêt et les sommes dues au titre des raisins livrés en vertu du contrat d'approvisionnement ; que dès lors, le non-renouvellement du contrat d'approvisionnement imputable à la SA CHAMPAGNE HENRI ABELE, alors que le comportement adopté par cette dernière qui a signé la convention de prêt en 2008, a donné l'apparence d'une volonté de renouvellement du contrat d'approvisionnement de raisins, est constitutif d'un abus ouvrant le droit à des dommages et intérêts sanctionnant le manque de cohérence de l'attitude et le défaut de loyauté ; que sur le préjudice et l'indemnisation ; que le préjudice subi par la SCEV LENNE ET FILS à raison de la rupture brutale des relations commerciales réside, d'une part, dans le manque à gagner calculé sur la marge brute escomptée durant la période d'insuffisance de préavis, et d'autre part, sur la perte subie à raison de l'existence d'investissements non amortis et difficiles à reconvertir ; qu'en l'espèce, la SCEV LENNE ET FILS ne justifie pas avoir subi une perte par le fait que les raisins de la récolte 2010 et 2011 n'auraient pas été vendus, dans la mesure où si lesdits raisins n'ont pas été vendus à la SA CHAMPAGNE HENRI ABELE, ils l'ont été à d'autres acheteurs, et à ce titre la SCEV LENNE ET FILS est défaillante dans l'administration de la preuve, puisqu'elle n'invoque qu'une perte de chiffre d'affaires à défaut de justifier d'une perte de marge brute ; que toutefois, il est indéniable que le nonrespect raisonnable a impliqué un manque à gagner pour la SCEV LENNE ET FILS qui a dû, dans la rapidité, trouver d'autres partenaires, modifier sa stratégie commerciale et engager pour ce faire des dépenses supplémentaires ; que le principal préjudice de la SCEV LENNE ET FILS réside dans la perte des avantages procurés par la convention de prêt résidant dans une avance de trésorerie autofinancée par le contrat de vente de raisins ; que dès lors, en réparation de ce préjudice global subi, il convient d'allouer à la SCEV LENNE ET FILS la somme globale de 50.000€ à titre de dommages-intérêts et de condamner la SA CHAMPAGNE HENRI ABELE au paiement de ladite somme ; que la SA CHAMPAGNE HENRI ABELE reconnaît aux termes de ses dernières écritures être débitrice de deux factures respectivement de 127.522,54€ et de 39.148,52€ au titre de la sortie de vins mis en réserve pour les années 2010 et 2011, montants réclamés par la SCEV LENNE ET FILS ; qu'il convient en conséquence de condamner la SA CHAMPAGNE HENRI ABELE au paiement de la somme globale de 166.671,06€ avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation en date du 13 avril 2012 ; que l'équilibre contractuel régissant l'économie du contrat de prêt d'un montant de 150.000€ a été rompu brutalement et unilatéralement par la SA CHAMPAGNE HENRI ABELE, celle-ci ne peut dès lors réclamer le remboursement immédiat à compter de la mise en demeure adressée en juillet 2010 outre les intérêts conventionnels ; qu'au vu des éléments ci-dessus développés, eu égard à la rupture des relations conventionnelles entre les parties et aux circonstances de cette rupture, il convient de condamner la SCEV LENNE ET FILS à rembourser à la SA CHAMPAGNE HENRI ABELE la somme globale de 150.000€ à compter de la décision à venir et de rejeter l'application des intérêts contractuels réclamés à tort par la SA CHAMPAGNE HENRI ABELE ; que par application des dispositions de l'article 1289 du code civil, il convient d'ordonner la compensation entre les sommes précitées et de rejeter tout délai de paiement » (jugement, pp. 3 à 6) ;

1° Alors que le principe de la liberté contractuelle impliquant, sous réserve de stipulations contractuelles contraires, le droit de ne pas offrir le renouvellement d'un contrat après l'échéance de son terme, le refus de conclure un nouveau contrat ou de s'engager dans de nouveaux pourparlers à cette fin ne saurait, en tant que tel, être qualifié d'abusif ; qu'au cas présent, la société Champagne Henri Abelé, exposante, avait fait valoir, en cause d'appel, que la décision qu'elle avait prise de ne pas s'engager dans des pourparlers en vue de la conclusion d'un nouveau contrat ne pouvait lui être imputée à faute, contrairement à ce qu'avait jugé le tribunal, lequel avait estimé que cette décision aurait été, en tant que telle, constitutive d'un abus ; qu'en décidant de confirmer la décision des premiers juges, qui avaient retenu que le « non-renouvellement du contrat d'approvisionnement » aurait, en tant que tel, caractérisé un abus imputable à la société Champagne Henri Abelé, pour pouvoir ensuite indemniser une prétendue perte des avantages attendus dudit renouvellement, la cour d'appel, qui a vidé de sa substance le principe de la liberté contractuelle, a violé l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 1134 du code civil et le principe constitutionnel de la liberté contractuelle ;

2° Alors subsidiairement que dans ses conclusions d'appel, la société Champagne Henri Abelé faisait valoir qu'après l'achèvement des vendanges de 2009, la société Lenne n'avait jamais manifesté à son égard un quelconque intérêt pour la négociation d'un nouveau contrat d'approvisionnement, dont elle savait pourtant qu'il était venu à expiration après l'achèvement des vendanges de 2009, comportement qui a perduré jusqu'au mois d'août 2010, et plus précisément, jusqu'au moment où la société Champagne Henri Abelé lui a réclamé le remboursement du prêt consenti en 2008 (conclusions d'appel de l'exposante du 22 novembre 2013, spéc. p. 10-13) ; qu'en se bornant à relever, ce qui n'était nullement contesté par la société exposante, que c'est bien la société Champagne Henri Abelé qui avait, à la fin du mois de juin 2010, informé la société Lenne de sa décision de ne pas renouveler le contrat, pour considérer que cette décision aurait revêtu un caractère abusif, mais sans rechercher, comme elle y était invitée, si la circonstance que la société Lenne et Fils n'ait exprimé aucun intérêt pour la conclusion d'un nouveau contrat jusqu'au mois d'août 2010, ni pris la moindre initiative en vue d'ouvrir des pourparlers, n'était pas de nature à retirer à la décision prise par la société Champagne Henri Abelé de ne pas s'engager dans de nouveaux pourparlers en vue de la conclusion d'un nouveau contrat d'approvisionnement son caractère prétendument brutal ou attentatoire aux attentes légitimes de la société Lenne (et Fils), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

3° Alors que ne peut être qualifiée d'abus dans l'exercice d'un droit ou dans l'exercice de la liberté contractuelle, une décision prise, non dans un intérêt égoïste ou indifférent aux attentes légitimes d'autrui, mais dans le but d'échapper à des difficultés économiques ou financières dans un contexte de crise économique ; qu'au cas présent, la société Champagne Henri Abelé, exposante, avait fait valoir, sans être contredite par la société Lenne et Fils, que peu de temps après la conclusion du contrat de prêt en 2008, le secteur viticole avait été affecté par la crise, ce qui l'avait conduite à revoir à la baisse ses programmes de production et de commercialisation (conclusions de l'exposante, spéc. p. 10-11) ; qu'en considérant que la société Champagne Henri Abelé aurait entretenu la société Lenne et Fils dans l'illusion de la conclusion d'un nouveau contrat postérieurement aux vendanges 2009, mais sans rechercher, comme elle y était invitée, si la décision prise par la société Lenne et Fils ne pouvait s'expliquer par les difficultés économiques auxquelles elle était confrontée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

4° Alors que l'abus dans le non-renouvellement d'un contrat ne peut être la cause d'un préjudice consistant dans la perte des avantages attendus du renouvellement dudit contrat ; qu'au cas présent, en acceptant d'indemniser un préjudice qualifié par elle de « perte des avantages procurés par la convention de prêt résidant dans une avance de trésorerie autofinancée par le contrat de vente de raisins » (arrêt, p. 6, al. 2), la cour d'appel, qui a en réalité indemnisé un préjudice consistant dans les avantages attendus du renouvellement du contrat, a violé l'article 1382 du code civil ;

5° Alors au surplus que seul constitue un préjudice réparable le préjudice uni par un lien de causalité direct avec une faute identifiée ; qu'au cas présent, pour condamner la société exposante au paiement de dommages-intérêts, la cour d'appel a elle-même constaté que le préjudice qualifié par elle de « perte des avantages procurés par la convention de prêt résidant dans une avance de trésorerie autofinancée par le contrat de vente de raisins » (arrêt, p. 6, al. 2), aurait été causé non par le refus de renouvellement du contrat d'approvisionnement, mais par une conjonction de faits, à savoir, d'une part, l'exigence d'un remboursement immédiat du capital prêté, d'autre part, et peut-être surtout, le refus opposé par la société Champagne Henri Abelé de s'acquitter immédiatement du montant de factures devenues exigibles, refus qui aurait eu pour effet, selon la société Lenne et Fils, d'assécher sa trésorerie déjà obérée (arrêt, p. 6, al. 2) ; qu'en condamnant néanmoins la société Champagne Henri Abelé à indemniser la société Lenne et Fils d'une perte de trésorerie que lui aurait causée le caractère prétendument abusif de sa décision de ne pas renouveler le contrat-cadre d'approvisionnement, cependant qu'elle constatait elle-même que ce prétendu préjudice n'avait pas été directement causé par cette décision de non-renouvellement, mais par une conjonction de faits postérieurs à cette prise de décision, ce qui avait pour effet de rompre le lien de causalité direct entre l'abus prétendument commis et le préjudice prétendument subi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1382 du code civil ;

6° Alors en tout état de cause que seul constitue un préjudice matériel réparable une perte subie ou un gain manqué ; qu'au cas présent, il est constant que la société Lenne et Fils avait refusé de s'acquitter immédiatement du montant de sa créance de remboursement au titre du prêt qui lui avait été consenti par la société exposante en 2008 ; que la cour d'appel a, d'une part, constaté que la société Lenne et Fils ne justifiait pas de ses prétendues difficultés à trouver un autre acheteur à compter des vendanges de 2010, d'autre part, considéré que la créance de remboursement née du contrat de prêt devait être exécutée de façon échelonnée sur dix ans, conformément à ce qu'elle a estimé être l'économie du contrat initial, et non immédiatement comme l'avaient retenu les premiers juges ; qu'en considérant que la société Lenne et Fils aurait néanmoins subi une perte de trésorerie, étrangement qualifiée de perte des avantages résultant de la convention de prêt, cependant qu'il ressortait de l'ensemble de ses constatations et des faits constants du litige que la société Lenne et Fils avait conservé l'intégralité des sommes mises à sa disposition depuis 2008 par la société Champagne Henri Abelé, et qu'elle ne justifiait par ailleurs d'aucune difficulté dans la commercialisation des raisins depuis cette date, cependant qu'en cas de renouvellement, elle n'aurait perçu aucune contrepartie financière pour les raisins qu'elle aurait pu livrer à l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

7° Alors que les dommages-intérêts alloués en réparation d'un préjudice doivent réparer ledit préjudice sans perte ni profit pour la victime ; qu'une détermination globale et forfaitaire d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts laisse nécessairement subsister une perte ou un profit pour la victime ; qu'au cas présent, les premiers juges avaient considéré que la faute prétendument commise par la société exposante aurait causé à la société Lenne et Fils deux chefs de préjudice (nécessité de trouver de nouveaux partenaires commerciaux en urgence et perte des avantages résultant du contrat de prêt), préjudices qu'ils avaient décidé d'évaluer à la somme globale, et en réalité forfaitaire, de 50.000€, somme curieusement très proche du montant de la créance dont était titulaire l'exposante à l'égard de la société Lenne ; qu'en consacrant cette évaluation des premiers juges, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir dit que la société SCEV LENNE ET FILS devra rembourser le prêt de 150.000€ qui a été consenti à la société CHAMPAGNE HENRI ABELE à la SCEV LENNE en 10 annuités de 15.000€ chacune à compter de l'année 2010 outre les intérêts conventionnel, et d'avoir en conséquence, condamné la société SCEV LENNE ET FILS à payer à la société CHAMPAGNE HENRI ABELE la somme de 75.000€ au titre des annuités 2010 à 2014 outre les intérêts conventionnels ;

Aux motifs que « sur le prêt consenti par la société CHAMPAGNE HENRI ABELE ; que les parties avaient conventionnellement prévu que le remboursement du prêt de 150.000€ s'effectuerait par compensation avec les livraisons des vendanges pour les années 2010 à 2019 ; que par lettre recommandée reçue le 9 juillet 2010, la société CHAMPAGNE HENRI ABELE a informé la SCEV LENNE qu'elle n'entendait pas mettre en place un nouveau contrat pour les prochaines vendanges et, qu'en conséquence, le prêt de 150.000€ qu'elle lui avait consenti pour les vendanges 2010 à 2019, était devenu sans objet ; qu'elle en sollicitait le remboursement ; que contrairement à ce que soutient la société CHAMPAGNE HENRI ABELE, l'absence de conclusion d'un nouveau contrat d'approvisionnement n'a pas entraîné la caducité du contrat de prêt pour absence de cause, puisque la sanction de l'absence de cause d'un contrat est la nullité et non la caducité, d'une part, et que seul l'article 4 du contrat de prêt prévoit le remboursement de la totalité de la somme prêtée qu'en cas d'impossibilité par le producteur d'approvisionner la société CHAMPAGNE ABELE, d'autre part, ce qui n'est pas le cas puisque c'est cette dernière qui a refusé de conclure un nouveau contrat pour les vendanges postérieures à celles de l'année 2009 ; que le tribunal a estimé que la société CHAMPAGNE HENRI ABELE ne pouvait réclamer le remboursement immédiat du prêt de 150.000€ à compter de la mise en demeure adressée en juillet 2010, mais en même temps et de manière surprenante, condamné néanmoins la société SCEV LENNE ET FILS à payer cette somme à la société CHAMPAGNE HENRI ABELE, et ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties ; qu'ainsi, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la société SCEV LENNE ET FILS à payer à la société CHAMPAGNE HENRI ABELE la somme de 150.000€ au titre du remboursement du prêt et ordonné la compensation de cette somme avec celles dues par cette dernière à la SCEV LENNE ET FILS ; que le remboursement par la SCEV LENNE ET FILS de la somme de 150.000€ au titre du prêt consenti, dont le montant n'est pas contesté par cette dernière, interviendra, conformément à l'économie initiale du contrat de prêt (par compensation avec les vendanges de 2010 à 2019), en 10 versements annuels de 15.000€, à compter de l'année 2010 : qu'ainsi, et compte tenu du temps écoulé entre l'année 2010 et le jour du présent arrêt, la cour condamnera la société LENNE ET FILS à payer à la société CHAMPAGNE HENRI ABELE la somme de 15.000€ × 5 ans (de 2010 à 2014), soit 75.000€, outre intérêts conventionnels et ordonnera la compensation entre les créances réciproques des parties ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société SCEV LENNE ET FILS de sa demande de délais de paiement » (arrêt, pp. 6-7) ;

1° Alors que le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des écritures des parties ; qu'au cas présent, la société Champagne Henri Abelé faisait valoir que la non-conclusion d'un nouveau contrat d'approvisionnement avait entraîné la disparition de la cause du contrat de prêt conclu en 2008, disparition qui devait être sanctionnée par la caducité dudit contrat de prêt (conclusions de l'exposante du 22 novembre 2013, p. 19 à 21) ; que la cour d'appel est partie du postulat que la société exposante aurait prétendu que le non-renouvellement du contrat d'approvisionnement en raisins aurait privé le contrat de prêt de sa cause lors de sa formation, d'une part, et que cette absence de cause devrait être sanctionnée par la caducité du contrat de prêt et non par la nullité ; qu'en se déterminant ainsi, elle a dénaturé les écritures de la société Champagne Henri Abelé, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2° Alors que dans ses conclusions d'appel, la société Champagne Henri Abelé faisait valoir que l'absence de conclusion d'un nouveau contrat d'approvisionnement avait entraîné la disparition de la cause du contrat de prêt conclu en 2008, disparition qui devait être sanctionnée par la caducité du contrat dudit contrat de prêt (conclusions de l'exposante, p. 19 à 21) ; que la cour d'appel s'est bornée à rappeler que l'absence de cause lors de la formation du contrat était sanctionnée par la nullité du contrat et non par la caducité ; qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen invoqué par la société exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3° Alors subsidiairement que si le juge n'est pas tenu de relever d'office un fondement de nature à justifier une prétention, il ne peut, lorsqu'il prend l'initiative d'énoncer un tel moyen, s'abstenir d'en faire application au cas d'espèce ; qu'au cas présent, à supposer que la cour d'appel ait considéré que la non-conclusion du contrat d'approvisionnement ait constitué une hypothèse d'absence de cause sanctionnée par la nullité et non par la caducité, elle ne pouvait, dès lors que ces prétentions ont le même objet, s'abstenir de constater la nullité du contrat de prêt litigieux ; qu'en se bornant à relever que l'hypothèse litigieuse relèverait de l'absence d'une condition de validité d'un contrat, sanctionnée par la nullité, et non de la disparition de ladite condition au cours de l'exécution dudit contrat, mais sans faire application de ce moyen au cas d'espèce, la cour d'appel a méconnu les règles de son office, en violation de l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-15863
Date de la décision : 26/04/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 20 janvier 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 avr. 2017, pourvoi n°15-15863


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.15863
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