LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 24 juin 2010), que la société SMAM mutuelle, devenue la Mutuelle Apivia, a cédé à la société Kapa santé les parts sociales qu'elle détenait dans des sociétés exploitant des cliniques ainsi que dans des sociétés civiles propriétaires des immeubles dans lesquels ces établissements exerçaient leur activité, en vertu d'un protocole de cession de titres du 5 juin 2008, modifié par deux avenants, et d'un acte de cession de titres du 25 novembre 2008 stipulant une révision du prix et comportant une clause compromissoire ; qu'à la suite d'un litige survenu avec la société SMAM mutuelle sur les modalités de détermination du prix définitif des titres des sociétés concernées, la société Kapa santé a mis en oeuvre cette clause en proposant la désignation en qualité d'arbitre d'un membre du cabinet d'expertise de la cédante qui a déposé un rapport d'arbitrage puis un second rapport rectificatif comportant une proposition du prix définitif des titres ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Kapa santé fait grief à l'arrêt de fixer le prix définitif des titres cédés et de la condamner à payer à la société SMAM mutuelle le solde du prix des titres alors, selon le moyen, que l'acte de cession de titres en date du 25 novembre 2008 prévoit la « prise en compte d'une perte estimée de 500 000 euros, qui s'impute en diminution du prix » antérieurement prévu, d'où « un prix total pour l'ensemble des titres cédés de 6 380 937,50 euros » ; qu'en affirmant néanmoins que la prise en compte de la somme de 500 000 euros correspondait à une application anticipée de la clause de révision de prix et que le prix de cession s'élevait en réalité à la somme de 6 880 937,50 euros, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cet acte, en violation de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que c'est par une interprétation, exclusive de dénaturation, des termes de l'acte de cession de titres daté du 25 novembre 2008, que leur ambiguïté rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu que la prise en compte, par les parties, d'une perte estimée de 500 000 euros s'imputant sur le prix des titres des sociétés Clinique arc en ciel Cognac et [Établissement 1] constituait, à partir d'une évaluation forfaitaire de certaines pertes, une révision anticipée du prix des titres, stipulée dans les accords des parties, et dont le calcul n'avait cependant pu être matériellement opéré à partir du montant réel des pertes, faute de connaissance, en temps utile, des résultats des comptes ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Kapa santé fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de remboursement au titre de la mise en oeuvre de la clause de révision de prix du chef du litige opposant [Établissement 2] aux docteurs [S] et [Z] alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article L. 123-20 du code de commerce, les comptes annuels doivent respecter le principe de prudence, et même en cas d'absence ou d'insuffisance du bénéfice, il doit être procédé aux provisions nécessaires ; qu'il résulte de l'article 312-1 du plan comptable général qu'une provision doit être constatée lorsque l'entreprise a une obligation à l'égard d'un tiers et qu'il est probable ou certain que cette obligation provoquera une sortie de ressources au bénéfice de ce tiers sans contrepartie au moins équivalente attendue de celui-ci ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour écarter l'application de la clause de révision du prix de cession des titres à raison du défaut de constitution d'une provision concernant le litige opposant [Établissement 2] aux docteurs [S] et [Z], qu'aucune prétention chiffrée ne permettait d'apprécier la nécessité d'une provision au 31 août 2008, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le litige existant rendait probable une sortie de ressources, même en l'absence de formulation d'une prétention chiffrée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l‘article 1134 du code civil, ensemble les dispositions susvisées ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le litige opposant [Établissement 2] au docteur [S] et au docteur [Z] n'avait donné lieu à la présentation par ces derniers d'une réclamation chiffrée que courant février 2009, soit postérieurement à la date d'établissement des comptes, ce dont il résultait que, quoique connu à cette date, le litige en question ne rendait pas probable une sortie de ressources au bénéfice d'un tiers sans contrepartie équivalente attendue de celui-ci, la cour d'appel, qui en a déduit qu'il n'y avait pas lieu de constituer une provision, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que la société Kapa santé fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de remboursement au titre de la mise en oeuvre de la clause de révision de prix du chef du litige opposant [Établissement 2] au docteur [R] alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article L. 123-20 du code de commerce, les comptes annuels doivent respecter le principe de prudence, et même en cas d'absence ou d'insuffisance du bénéfice, il doit être procédé aux provisions nécessaires ; qu'il résulte de l'article 312-1 du plan comptable général qu'une provision doit être constatée lorsque l'entreprise a une obligation à l'égard d'un tiers et qu'il est probable ou certain que cette obligation provoquera une sortie de ressources au bénéfice de ce tiers sans contrepartie au moins équivalente attendue de celui-ci ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour écarter l'application de la clause de révision du prix de cession des titres à raison du défaut de constitution d'une provision concernant le litige opposant [Établissement 2] au docteur [R], que ce litige avait été évoqué lors de l'établissement des comptes, qu'il n'avait fait l'objet d'une assignation que le 25 septembre 2009 et que le conseil de la société Kapa santé avait indiqué que ce litige mettait en jeu la garantie de passif, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la réclamation chiffrée présentée en 2007 par le docteur [R] rendait probable une sortie de ressources, nécessitant la constitution d'une provision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, ensemble les dispositions susvisées ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le litige opposant [Établissement 2] au docteur [R] avait donné lieu à une réclamation chiffrée portée dans une assignation délivrée le 25 septembre 2009, soit postérieurement à la date d'établissement des comptes, ce dont il résultait que, quoique évoqué à cette date, le litige en question ne rendait pas probable une sortie de ressources au bénéfice d'un tiers sans contrepartie équivalente attendue de celui-ci, la cour d'appel, qui en a déduit qu'il n'y avait pas lieu de constituer une provision, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Kapa santé aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société la Mutuelle Apivia la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six avril deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Kapa santé.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR jugé que le prix définitif des titres cédés le 25 novembre 2008 par SMAM Mutuelle à la Kapa Santé s'établissait, après application de la clause de révision, à la somme de 6.495.683,50 € et d'avoir, par suite, condamné la société Kapa Santé à payer la somme de 43.091,20 € à la société SMAM Mutuelle au titre du solde du prix des titres ;
AUX MOTIFS QUE le litige qui oppose les cocontractants sur la prise en compte de la somme de 500.000 € visée dans l'acte de cession de titres du 25 novembre 2008 requiert l'interprétation de cette convention, dans la mesure où celle-ci énonce en page 1 que cette somme « s'impute en diminution de prix sur les titres Clinique Arc en Ciel - Châtellerault et Cognac », puis cite en page 3 un « prix total pour l'ensemble des titres cédés de 6.380.937,50 € », soit inférieur de 500.000 € à celui visé dans les actes précédents auxquels se réfère pourtant explicitement son exposé liminaire ; qu'à cet égard, il ressort des actes souscrits par les parties que celle-ci avait arrêté un « prix provisoire » de 6.880.037,50 € (en réalité 6.680.937,50 €, l'addition détaillée en page 4 de l'acte étant entachée d'une erreur de calcul) en attendant de connaître les pertes que révéleraient les situations comptables arrêtées au 31 juillet 2008 en vue de la prise d'effet des cessions au 1er août, et qu'au moment de conclure la cession elles sont convenues d'arrêter un prix « après prise en compte d'une perte estimée de 500.000 € qui s'impute en diminution de prix » ; que cette référence à une perte encore seulement « estimée » persuade que les cocontractants ne disposaient pas encore à cette date du 25 novembre 2008 des comptes arrêtés au 31 juillet, ni donc du montant réel des pertes, et la pièce n° 12 de l'intimée démontre d'ailleurs que ces éléments comptables ne furent connus qu'au printemps suivant, Kapa Santé les ayant transmis à SMAM Mutuelle par courrier du 15 avril 2009 ; qu'alors que l'acte de cession ne contient aucune référence à une modification du prix précédemment convenu et qu'il n'est justifié d'aucun élément ni indice propres à accréditer une telle modification, cette « prise en compte d'une perte estimée » et le fait que le prix stipulé dans la convention du 25 novembre 2008 y soit encore dit « révisable dans les conditions du protocole du 5 juin 2008 et de ses avenants » persuadent que le prix était encore provisoire, qu'il était toujours celui de 6.880.937,50 € convenu depuis que le périmètre de cession avait été arrêté aux établissements de [Établissement 3] et [Établissement 2] et que les parties, certaines de l'importance des pertes, avaient décidé, plutôt que de s'en tenir au prix provisoire et de procéder ensuite au « remboursement » visé dans ladite clause de révision, d'en anticiper l'application en diminuant la somme à débourser d'un montant forfaitairement arbitré à 500.000 € qui ne préjugeait pas des comptes à tirer ultérieurement et qui restait sans incidence sur la détermination du prix ; que cette interprétation est au demeurant conforme aux propres écrits de la société Kapa Santé, puisque dans deux courriers (ses pièces n° 11 et n° 2) que celle-ci a adressés à la mutuelle SMAM les 15 puis 22 avril 2009, soit peu avant la mise en oeuvre de la clause compromissoire, elle a revendiqué une créance de 839.554 € au titre de l'application de la clause de révision de prix en indiquant ensuite « retenue sur le prix : - 500.000 € » et en concluant « Reste dû par SMAM à Kapa Santé : 339.554 € », ce qui démontre qu'elle voyait bien dans la prise en compte de cette somme de 500.000 € une application anticipée de la révision, appelée à être revue - en l'occurrence selon elle par un remboursement complémentaire - lorsque l'état réel des pertes serait connu ; que la société SMAM Mutuelle est ainsi fondée à demander que la somme de 6.880.037,50 €, en réalité 6.880.930,50 €, soit retenue comme correspondant au prix de cession avant application de la clause de révision, laquelle détermine un prix de cession définitif de (6.880.937,50 – 385.254) = 6.495.683,50 €.
ALORS QUE l'acte de cession de titres en date du 25 novembre 2008 prévoit la « prise en compte d'une perte estimée de 500.000 €, qui s'impute en diminution du prix » antérieurement prévu, d'où « un prix total pour l'ensemble des titres cédés de 6.380.937,50 € » ; qu'en affirmant néanmoins que la prise en compte de la somme de 500.000 € correspondait à une application anticipée de la clause de révision de prix et que le prix de cession s'élevait en réalité à la somme de 6.880.937,50 €, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cet acte, en violation de l'article 1134 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR rejeté la demande de la société Kapa Santé tendant à voir condamner la société SMAM Mutuelle à lui rembourser une somme de 80.000 € au titre de la mise en oeuvre de la clause de révision de prix, du chef du litige opposant [Établissement 2] aux docteurs [S] et [Z], d'avoir en conséquence limité à la somme de 71.654,85 € le montant total du remboursement dû par la société SMAM Mutuelle à la société Kapa Santé au titre de la révision du prix de cession des titres, et d'avoir, par suite, condamné la société Kapa Santé à payer la somme de 43.091,20 € à la société SMAM Mutuelle au titre du solde du prix des titres ;
AUX MOTIFS QUE, s'agissant du litige opposant l'établissement de [Établissement 2] aux radiologues [S] et [Z], il n'est pas justifié qu'une quelconque prétention chiffrée permettant d'apprécier, fût-ce par voie d'estimation, la nécessité d'une provision, ait été connue de la direction à la date d'établissement de la situation comptable arrêtée au 31 août 2008, et la société Kapa Santé indique elle-même en page 11 de ses conclusions que les médecins chiffrèrent leur réclamation en février 2009, de sorte que le grief tiré de l'absence de provision à la date de cession n'est pas justifié ;
ALORS QU'aux termes de l'article L.123-20 du Code de commerce, les comptes annuels doivent respecter le principe de prudence, et même en cas d'absence ou d'insuffisance du bénéfice, il doit être procédé aux provisions nécessaires ; qu'il résulte de l'article 312-1 du plan comptable général qu'une provision doit être constatée lorsque l'entreprise a une obligation à l'égard d'un tiers et qu'il est probable ou certain que cette obligation provoquera une sortie de ressources au bénéfice de ce tiers sans contrepartie au moins équivalente attendue de celui-ci ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour écarter l'application de la clause de révision du prix de cession des titres à raison du défaut de constitution d'une provision concernant le litige opposant [Établissement 2] aux docteurs [S] et [Z], qu'aucune prétention chiffrée ne permettait d'apprécier la nécessité d'une provision au 31 août 2008, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le litige existant rendait probable une sortie de ressources, même en l'absence de formulation d'une prétention chiffrée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l‘article 1134 du Code civil, ensemble les dispositions susvisées.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR rejeté la demande de la société Kapa Santé tendant à voir condamner la société SMAM Mutuelle à lui rembourser une somme de 1.118.600 € au titre de la mise en oeuvre de la clause de révision de prix, du chef du litige opposant [Établissement 2] au docteur [R], d'avoir en conséquence limité à la somme de 71.654,85 € le montant total du remboursement dû par la société SMAM Mutuelle à la société Kapa Santé au titre de la révision du prix de cession des titres, et d'avoir, par suite, condamné la société Kapa Santé à payer la somme de 43.091,20 € à la société SMAM Mutuelle au titre du solde du prix des titres ;
AUX MOTIFS QU'il en va de même pour le litige opposant depuis l'été 2007 la clinique au docteur [R], dont l'existence avait été évoquée lors de l'établissement des comptes, mais qui n'a fait l'objet d'une assignation que le 25 septembre 2009, étant relevé que la société Kapa Santé a elle-même fait écrire par son conseil le 12 janvier 2010 à SMAM Mutuelle que ce litige mettait en jeu la garantie de passif ;
ALORS QU'aux termes de l'article L.123-20 du Code de commerce, les comptes annuels doivent respecter le principe de prudence, et même en cas d'absence ou d'insuffisance du bénéfice, il doit être procédé aux provisions nécessaires ; qu'il résulte de l'article 312-1 du plan comptable général qu'une provision doit être constatée lorsque l'entreprise a une obligation à l'égard d'un tiers et qu'il est probable ou certain que cette obligation provoquera une sortie de ressources au bénéfice de ce tiers sans contrepartie au moins équivalente attendue de celui-ci ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour écarter l'application de la clause de révision du prix de cession des titres à raison du défaut de constitution d'une provision concernant le litige opposant [Établissement 2] au docteur [R], que ce litige avait été évoqué lors de l'établissement des comptes, qu'il n'avait fait l'objet d'une assignation que le 25 septembre 2009 et que le conseil de la société Kapa Santé avait indiqué que ce litige mettait en jeu la garantie de passif, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la réclamation chiffrée présentée en 2007 par le docteur [R] rendait probable une sortie de ressources, nécessitant la constitution d'une provision, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil, ensemble les dispositions susvisées.