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21/04/2017 | FRANCE | N°15-26205

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 avril 2017, 15-26205


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme [N], engagée le 4 mai 2010 à temps partiel (20 heures hebdomadaires porté à 32 heures par avenant du 4 novembre suivant), par la société Restauval faisant partie d'un groupe avec les sociétés Restauval Ouest et Restauval de Seine, en qualité d'employée administrative, exerçant en dernier lieu les fonctions de secrétaire comptable, après avoir été placée en arrêt maladie le 26 octobre 2012, a été déclarée inapte selon la procédure d'urgence à l'issue de la v

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme [N], engagée le 4 mai 2010 à temps partiel (20 heures hebdomadaires porté à 32 heures par avenant du 4 novembre suivant), par la société Restauval faisant partie d'un groupe avec les sociétés Restauval Ouest et Restauval de Seine, en qualité d'employée administrative, exerçant en dernier lieu les fonctions de secrétaire comptable, après avoir été placée en arrêt maladie le 26 octobre 2012, a été déclarée inapte selon la procédure d'urgence à l'issue de la visite de reprise le 11 février 2013 et licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement par lettre du 19 mars 2013 ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes en nullité de son licenciement, paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour licenciement nul, paiement des indemnités de rupture, l'arrêt retient que la salariée produit une lettre du 7 mars 2011 de plainte de harcèlement moral par sa collègue Mme [F] adressée sur sa demande à l'employeur, un compte-rendu d'entretien individuel de janvier 2012 déplorant le climat et la période d'un an et demi de problèmes relationnels avec une collègue, une lettre du généraliste au médecin du travail du 26 octobre 2012 pour crise d'angoisse sur stress professionnel avec sentiment de harcèlement, des avis d'arrêts de travail pour syndrome anxio-dépressif réactionnel, harcèlement moral des 26 octobre et 12 novembre 2012, un document publicitaire et l'organigramme de l'équipe ne mentionnant pas la salariée, la copie d'une lettre du 16 novembre 2012 au médecin du travail de plainte d'une surcharge de travail, de mise en doute de ses compétences, de critiques, remarques désobligeantes, rabaissement au cours de l'entretien individuel, crise de nerf sur le lieu de travail le 23 octobre devant l'attitude ironique et désinvolte du responsable, de ses difficultés avec une collègue signalées par lettre de mars 2011 puis avec une seconde collègue arrivée en septembre 2011, désagréable et au langage grossier, l'ayant insultée, une lettre du médecin du travail du 27 novembre 2012 à la société l'alertant sur son état de souffrance psychique rapporté par la salariée à ses conditions de travail, une lettre du médecin spécialiste en pathologies professionnelles au CHRU de [Localité 1] du 28 novembre 2012 donnant le compte-rendu de son entretien avec la salariée et reprenant ses doléances sur ses conditions de travail, une lettre du 30 novembre 2012 de la salariée à ce médecin indiquant que leur entretien lui a permis de déculpabiliser et de réfléchir : son employeur n'a pas apprécié son refus en septembre 2011 de réduire son temps de travail et veut la pousser à bout ayant déjà organisé son remplacement ; que l'employeur, en lui ayant demandé de lui écrire sa plainte du 7 mars 2011, ne s'est pas désintéressé de sa situation, que les témoignages de Mmes [F] et [I] ne sont pas insincères parce qu'émanant de salariées de l'entreprise, que celles-ci attestent qu'elles étaient amenées à utiliser l'ordinateur de la salariée à des fins strictement professionnelles pour effectuer des recherches de courrier en son absence, que la salariée rencontrait des difficultés pour comprendre la facturation, avait sciemment envoyé des factures non vérifiées à la clientèle qui se sont avérées erronées entraînant le mécontentement de celle-ci l'ayant conduite à ouvrir et reprendre les envois de la salariée qui n'acceptait pas de faire des efforts ni d'admettre ses erreurs et lui ayant fait des reproches sur son physique sans qu'elle réagisse à ses propos désobligeants et blessants ; que le compte-rendu d'évaluation signé de la salariée en janvier 2012 confirme ses insuffisances professionnelles, que l'utilisation de son ordinateur et l'ouverture de ses envois et leur rectification sont justifiées et l'employeur a bien réagi en lui demandant de formaliser ses griefs pour pouvoir agir ; que les lettres des médecins sont insuffisantes à établir la réalité des faits dans la mesure où ils n'ont rien constaté et ne font que reprendre les doléances et ne sont étayées par aucun élément objectif et formulées en termes généraux sans précision des injures ou des propos grossiers tenus ni des dates et circonstances de fait ; que la lecture des lettres montre l'évolution des plaintes de la salariée selon son interlocuteur, qu'elle se plaint d'une surcharge de travail dont elle ne justifie pas et n'explique pas en quoi elle consisterait tout en prêtant à son employeur la volonté de celui-ci de la contraindre à démissionner afin de réduire son temps de travail, ce qui est paradoxal ; que la société justifie de ce que la salariée apparaît habituellement sur les organigrammes sous l'intitulé secrétariat ou comptabilité client et il ne peut être tiré aucune conséquence du fait qu'elle ne figure pas sur l'un d'eux dont on ignore au demeurant la date d'établissement ; que la société justifie, après l'alerte du médecin du travail, avoir invité la salariée à la contacter pour entretien à sa convenance sur l'ensemble des points dénoncés au médecin du travail, en présence, si tel est son souhait, d'un représentant du personnel ; que la salariée n'a jamais formalisé à son employeur les griefs donnés aux médecins du travail et aux deux autres et n'a pas donné suite, empêchant toute vérification et éventuelle explication ; de sorte qu'à l'issue de l'analyse des éléments dénoncés par la salariée à laquelle il vient d'être procédé pris isolément et dans leur ensemble, la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que des faits étaient matériellement établis, sans dire si, pris dans leur ensemble, ils permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement et, dans ce cas, apprécier si l'employeur démontrait qu'ils s'expliquaient par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel, qui n'a pas respecté le mécanisme probatoire applicable, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de ses demandes en nullité de son licenciement, paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour licenciement nul, paiement des indemnités de rupture, l'arrêt rendu le 17 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne la société Restauval aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Restauval à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un avril deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme [N]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme [N] de sa demande tendant à voir dire nul le licenciement prononcé, et à la condamnation de la société Restauval à lui payer les sommes de 10.000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral, 20.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul, 2.615,32 euros d'indemnité compensatrice de préavis, 261,53 euros de congés payés y afférents et 762,80 euros de complément d'indemnité de licenciement ;

AUX MOTIFS QUE sur le harcèlement, aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que l'article L. 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; QU'en l'espèce, Mme [N] se plaint de ce que ses collègues de travail Mmes [F] et [I] avaient un comportement harcelant à son égard, que ses dossiers personnels étaient fouillés, son ordinateur allumé en son absence, ses courriers lus et corrigés, qu'elle était surveillée, subissait des remarques désobligeantes, que les factures qu'elle émettait étaient contrôlées, qu'il lui a été lancé un classeur, que son employeur, informé de la situation, n'a pas réagi et l'a mise à l'écart en ne la faisant pas figurer sur les documents publicitaires de la société ; que pour étayer ses affirmations, elle produit une copie d'une lettre datée du 7 mars 2011, adressée à M. [E], dans laquelle elle écrit lui avoir fait part à plusieurs reprises du comportement exaspérant de sa collègue [D] [F] depuis son embauche en mai 2010, que ses dossiers personnels sont ouverts et fouillés, que son ordinateur est allumé sur des pages internet n'ayant rien à voir avec le travail, que ses courriers sont lus et corrigés, qu'elle est surveillée toute la journée et subi des remarques désobligeantes, que cette attitude devient insupportable et nuit à son travail voire à sa santé et qu'elle compte sur son intervention pour régler cette situation, un compte rendu d'entretien individuel du 18 janvier 2012, dans lequel elle exprime un regret sur le climat au sein du siège, déplore un manque de solidarité, de dialogue et d'information entre les postes de secrétariat, et fait état de ce que, après une période d'un an et demi de problèmes relationnels avec une collègue, elle se sent mieux dans son poste de travail et pense avoir relevé le challenge, tout en étant consciente qu'elle avait encore du travail à assimiler, une lettre du docteur [U], du 26 octobre 2012, adressée au médecin du travail dans lequel celui-ci indique avoir reçu en consultation Mme [N], pour une crise d'angoisse sur stress professionnel, avec sentiments de harcèlement, des avis d'arrêts de travail pour syndrome anxio-dépressif réactionnel, harcèlement moral établis par le docteur [U], datés des 26 octobre et 12 novembre 2012, un document publicitaire présentant la société Restauval, ainsi que l'organigramme de l'équipe, sur lequel ne figure pas le nom de Mme [N], copie d'une lettre datée du 16 novembre 2012, adressée au médecin du travail avec copie à son conseil, dans laquelle Mme [N] se plaint d'une surcharge de travail, de ce que son employeur met en doute ses compétences, que son responsable n'a eu de cesse lors d'un entretien de la diminuer, de lui asséner des critiques, des remarques désobligeantes et désagréables, indique qu'elle a fait une crise de nerf sur son lieu de travail le 23 octobre devant l'attitude désinvolte et ironique de M. [E], et dans lequel elle reprend l'historique de ses relations au travail et en particulier des difficultés rencontrées avec une de ses collègues qu'elle a signalées par courrier en mars 2011, puis avec une seconde collègue arrivée en septembre 2011 à laquelle elle reproche une attitude désagréable, un langage grossier et de l'avoir insulté, une lettre du médecin du travail, du 27 novembre 2012, à la société Restauval l'alertant sur l'état de souffrance psychique de Mme [N] que celle-ci rapporte à ses conditions de travail qu'elle lui a décrites, un courrier du docteur [H] du centre de consultation de pathologies professionnelles du CHRU du [Localité 1], daté du 28 novembre 2012, adressé au docteur [U], dans lequel il fait le compte rendu de l'entretien qu'il a eu avec Mme [N] et reprend ses doléances concernant ses conditions de travail, une copie d'une lettre datée du 30 novembre 2012, envoyée par Mme [N] au docteur [H], dans laquelle elle explique que leur entretien lui a permis de déculpabiliser et de réfléchir, qu'elle pensait que son employeur n'avait pas apprécié son refus en septembre 2011 de réduire son temps de travail, qu'il souhaitait la pousser à bout afin qu'elle démissionne ayant déjà organisé son remplacement, qu'il n'avait rien fait pour régler les problèmes ayant laissé la situation "pourrir" ; QU'il ressort du courrier du 16 novembre 2012 que Mme [N] a envoyé au médecin du travail, que c'est à la demande de son employeur auquel elle avait fait état des difficultés qu'elle rencontrait avec une de ses collègues qu'elle a adressé à M. [E] la lettre du 7 mars 2011 reprenant ses doléances afin qu'il règle le problème, ce qui démontre, contrairement à ce qu'elle soutient, qu'il ne s'est pas désintéressé de sa situation ; que la société Restauval produit les témoignages de Mmes [I] et [F] qu'il n'y a pas lieu d'écarter dès lors que le seul fait qu'elles soient salariées de l'entreprise n'est pas de nature à en faire suspecter la sincérité ; que Mme [F] atteste qu'elle a été amenée à utiliser l'ordinateur de Mme [N] à des fins strictement professionnelles pour effectuer des recherches de courrier en son absence, qu'elle explique que les postes de travail sont situées à proximité les uns des autres et conteste avoir surveillé Mme [N] ; que Mme [I] indique que Mme [N] rencontrait des difficultés à comprendre la facturation des caisses enregistreuses, qu'elle procédait à la vérification des factures avant l'envoi aux clients et que Mme [N] a sciemment envoyé des factures non vérifiées qui se sont avérées erronées, ce qui a entraîné des réactions de mécontentement des clients l'ayant conduite à ouvrir et reprendre des envois effectués par cette dernière. ; qu'elle ajoute que Mme [N] refusait de faire un effort et n'acceptait pas ses erreurs et qu'elle lui a à plusieurs reprises, fait des réflexions sur son physique sans qu'elle ne réagisse à ses propos désobligeants et blessants ; qu'à cet égard, l'examen du compte rendu d'évaluation communiqué du 12 janvier 2012 signé par Mme [N] confirme qu'elle avait des insuffisances professionnelles puisqu'elle indiquait être consciente qu'elle avait encore du travail à assimiler ; qu'ainsi outre, qu'il résulte de ces témoignages que les faits dénoncés par Mme [N] n'étaient pas fondés ou qu'ils s'expliquent pour des raisons objectives strictement professionnelles : utilisation de l'ordinateur, ouverture des envois des factures et rectification de courriers, il est justifié que l'employeur a bien réagi puisqu'il a demandé à Mme [N] de formaliser ses griefs afin de pouvoir agir ; que les courriers émanant des médecins sont insuffisants à établir la réalité de faits dont se plaint Mme [N] dans la mesure où ils n'ont rien constaté et ne font que reprendre ses doléances qui ne sont étayées par aucun élément objectif et qui sont formulées en termes généraux, sans que soient précisés, notamment, la nature des injures qui auraient été proférées, les propos grossiers tenus les dates et les circonstances de fait ; que par ailleurs, la lecture des courriers révèle que les plaintes de Mme [N] évoluent selon son interlocuteur et qu'elle ne craint pas de se contredire en se plaignant d'une surcharge de travail dont elle ne justifie pas et n'explique pas en quoi elle consisterait, tout en prêtant à son employeur dans son courrier au docteur [H], la volonté de la contraindre à démissionner afin de pouvoir réduire son temps de travail ce qui est paradoxal ; que l'employeur justifie que Mme [N] apparaît habituellement sur les organigrammes de présentation du personnel de l'entreprise sous l'intitulé secrétariat ou comptabilité client et il ne peut être tiré aucune conséquence du fait qu'elle ne figure pas sur l'un d'eux dont on ignore au demeurant à quelle date il a été établi ; qu'enfin la société Restauval justifie avoir, par lettre du 29 novembre 2012, faisant suite au courrier d'alerte du médecin du travail, invité Mme [N] à prendre contact avec Monsieur [E] afin de convenir d'un entretien à sa convenance, pour évoquer l'ensemble des points dont elle s'était plaint auprès du médecin, en présence si elle le souhaitait d'un représentant du personnel ; or, outre que Mme [N] n'a jamais formalisé à l'attention de son employeur les griefs dont elle a fait part au médecin du travail et aux autres médecins dont elle communique les courriers, elle n'a pas donné suite à sa proposition d'entretien empêchant ainsi toute vérification et éventuelle explication ; qu'ainsi en l'état des explications et des pièces fournies, et à l'issue de l'analyse des éléments dénoncés par Mme [N] à laquelle il vient d'être procédé pris isolément et dans leur ensemble, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée ; que la décision du conseil qui a débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour nullité du licenciement, dès lors que l'inaptitude n'est pas la conséquence d'un quelconque harcèlement, sera par suite confirmée ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la nullité du licenciement ou sans cause réelle et sérieuse, Mme [N] demande au conseil de considérer que son licenciement est nul compte tenu du harcèlement moral qu'elle aurait subi de la part de ses collègues ; que Mme [N], par courrier du 7 mars 2011, s'était plainte de "l'attitude" de sa collègue Mme [F] ; que Mme [N] reproche à son employeur de ne pas avoir pris en considération ses doléances ; que Mme [N] réitérera ses plaintes lors de l'entretien individuel du 18 janvier 2012 ; que le conseil constate que lors de l'évaluation annuelle Mme [N] ne désire pas changer de poste ni de fonction et qu'elle ne souhaite pas non plus changer de lieu de travail ; que si Mme [N] avait subi un harcèlement elle aurait pu profiter de cet entretien pour demander un changement éventuel de poste et/ou de fonction ; que dans son courrier du 7 mars 2011 Mme [N] a indiqué "mes courriers sont lus et corrigés, je suis surveillée" ; que sur ce point l'employeur a indiqué que sa collègue vérifiait son travail sur certains points précis ; que cet élément apparaît bien dans les appréciations de l'entretien du 18 janvier 2012 où Mme [N] "pense maîtriser la facturation client sur le principe, à elle d'en assimiler les détails", que ce document a été signé par Mme [N] ; qu'il apparaît que Mme [N] ne possédait pas encore toutes les subtilités de la facturation ; que cet élément justifie que ses collègues de travail devaient vérifier certains points sur le travail de celle-ci ; que de plus, Mme [N] a fait faire dans l'entreprise le stage de 3ème à sa fille sur la période du 9 au 14 janvier 2012 soit deux semaines avant l'évaluation annuelle ; qu'il paraît totalement improbable au conseil qu'une mère fasse faire un stage à sa fille dans l'entreprise où elle travaille et où elle dit subir un harcèlement moral ; que pour tenter encore de justifier un quelconque harcèlement Mme [N] indique ne pas apparaître sur l'organigramme des documents publicitaires, mais que sa collègue ayant moins d'ancienneté y est mentionnée, cet argument ne peut prospérer sans connaître la qualification exacte de Mme [I] qui a peut être des fonctions plus élevées que Mme [N] ; qu'il apparaît au conseil que la société Restauval ne pouvait mentionner sur un document publicitaire les noms de toutes les personnes attachées au secrétariat ; que cet argument ne peut prospérer ; que le Conseil dit que compte-tenu des éléments versés aux débats le harcèlement moral n'est pas établi et que de plus, après la visite de pré-reprise où le médecin a écrit à l'employeur, celui-ci a proposé à Mme [N] un entretien qu'elle n'a pas jugé bon d'accepter ; (…) que le Conseil n'a pas reconnu des faits de harcèlement moral de la part des collègues de Mme [N] ; que les faits que Mme [N] reproche à ses collègues sont justes des vérifications qu'elles ont établies dans le cadre du travail pour éviter toutes erreurs de facturation, faits reconnus par les intéressées qui indiquent avoir ouvert des documents non personnels de Mme [N] ;

1- ALORS QUE le salarié qui se prétend victime d'agissements de harcèlement moral doit établir des faits permettant de présumer l'existence du harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que pour débouter la salariée de ses demandes, la cour d'appel a retenu que l'employeur ne s'est pas désintéressé de la situation de Madame [N], lui demandant de lui écrire la lettre du 7 mars 2011, que les témoignages de Mmes [F] et [I] démontrent que les faits dénoncés ne sont pas fondés ou s'expliquent professionnellement, que selon le compte rendu d'évaluation du 12 janvier 2012, la salariée avait des insuffisances professionnelles, que les courriers des médecins sont insuffisants à établir la réalité des faits, que les plaintes évoluent selon les interlocuteurs, que la salariée apparaît habituellement dans les organigrammes, que le 29 novembre 2012 suite au courrier d'alerte du médecin du travail, l'employeur l'a invitée à prendre contact pour convenir d'un entretien auquel la salariée n'a pas donné suite ; qu'en statuant ainsi, en procédant à une appréciation séparée des éléments invoqués par la salariée et en lui opposant des circonstances propres à discréditer sa démarche, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis, dont les courriers médicaux, les avis d'arrêt de travail pour un syndrome anxio-dépressif réactionnel et la déclaration d'inaptitude au poste en raison d'un danger immédiat, laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2- ALORS, subsidiairement, QUE en retenant que les courriers des médecins sont insuffisants à établir la réalité des faits dont se plaint la salariée dans la mesure où ils ne font que reprendre ses doléances qui ne sont étayés par aucun élément objectif précis, alors qu'avec les arrêts de travail pour un syndrome anxio-dépressif réactionnel à compter du 26 octobre 2012 et la déclaration d'inaptitude selon la procédure d'urgence à l'issue de la visite de reprise du 11 février 2013, ils étaient de nature à établir une altération de sa santé, et partant avec d'autres éléments, une présomption de harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

3- QUE, en retenant que la salariée n'a pas donné suite au courrier de l'employeur du 29 novembre 2012 faisant suite au courrier d'alerte du médecin du travail, l'invitant à prendre contact avec le gérant afin de convenir d'un entretien, alors que la salariée était en arrêt de travail depuis le 26 octobre 2012 pour un syndrome anxio-dépressif réactionnel et qu'en raison d'un danger immédiat, elle a été ensuite déclarée inapte à son poste, en sorte que la proposition de l'employeur intervenait lorsque la salariée n'était plus dans l'entreprise, et sans rechercher quelle suite avait été donnée au courrier antérieur de la salariée du 7 mars 2011 dans lequel elle avait alerté son employeur du harcèlement moral subi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

4- QU'il ressort des constatations de l'arrêt que les faits dénoncés étaient établis tels l'utilisation de l'ordinateur de la salariée durant son absence, la vérification des factures avant envoi aux clients, ouverture des courriers pour reprise ; qu'en se contentant de relever d'une part que ces faits n'étaient pas fondés ou s'expliquent pour des raisons objectives professionnelles, d'autre part que l'employeur ne s'est pas désintéressé de sa situation au motif qu'il lui a demandé de formuler ses griefs, sans rechercher si cette mise en oeuvre d'une surveillance et d'un contrôle du travail de la salariée par des collègues étaient de nature à constituer des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible d'altérer sa santé physique ou mentale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

5- QU'en outre, en écartant le fait que la salariée ne figurait pas sur l'un des organigrammes alors pourtant qu'elle y figurait habituellement au motif qu'il ne peut en être tiré aucune conséquence et que l'on ignore à quelle date a été établi cet organigramme différent, alors que ce fait inhabituel laissait présumer avec d'autres, un harcèlement moral et qu'il appartenait à l'employeur de s'expliquer sur cet événement et sa date, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

6- QU'enfin, en s'attachant à une prétendue attitude paradoxale de la salariée en comparant le contenu de ses divers courriers (arrêt, p. 6, § 2) et en relevant l'existence du stage de découverte de l'entreprise de sa fille dans l'entreprise en janvier 2012 (jugement, p. 5, § 4 et 5) et l'absence de demande de changement de poste ou de fonction lors de l'évaluation annuelle (jugement, p. 4), alors qu'il appartient aux juges du fond de rechercher si la salariée établit des faits laissant présumer un harcèlement moral, et non de rechercher des circonstances susceptibles de mettre en doute la sincérité de la démarche judiciaire, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme [N] de sa demande subsidiaire tendant à voir juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et partant de condamner la société Restauval à lui payer les sommes 20.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2.615,32 euros d'indemnité compensatrice de préavis, 261,53 euros de congés payés y afférents et 762,80 euros d'indemnité de licenciement ;

AUX MOTIFS QUE selon l'article L. 1226-2 du code du travail lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; que Mme [N] a été déclarée inapte par le médecin du travail au poste de secrétaire comptable pour danger immédiat pour la santé et la sécurité de la salariée selon la procédure d'urgence à l'issue de la visite de reprise du 11 février 2013 ; que la société a proposé par courrier du 15 février 2013 à Mme [N] deux postes de reclassement en qualité d'employée administrative à Saint Jean de Braye et d'employée polycompétente de restauration à [Localité 1] qui ont été refusés par la salariée par courrier du 19 février 2013 ; que le médecin du travail dont l'employeur a sollicité l'avis sur les postes de reclassement, lui a répondu par lettre du 18 février 2013 que l'état de santé de Mme [N] et ses capacités résiduelles ne lui permettait pas de proposer des tâches ou des postes existants dans l'entreprise que la salariée pourrait exercer ; que la société justifie qu'elle a consulté, alors qu'elle n'y était pas tenue, la délégation unique du personnel le 5 mars 2013, suite au refus de Mme [N] des propositions de reclassement et à l'avis du médecin du travail et que le délégué du personnel a approuvé la procédure de licenciement ; qu'elle communique les registres du personnel des sociétés du groupe établissant qu'elle ne disposait pas de postes disponibles autres que ceux qui ont été proposés ; que la société Restauval ayant sérieusement et loyalement satisfait à son obligation de reclassement, le licenciement n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse et la décision du conseil qui a débouté Mme [N] de ses demandes formées à ce titre sera confirmée ; que le licenciement étant fondé, c'est à juste titre que le conseil a débouté Mme [N] de ses demandes d'indemnité de préavis et de complément d'indemnité de licenciement ; que la décision sera également confirmée de ces chefs ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE Mme [N] indique aussi que l'employeur n'aurait pas tenté de la reclasser de manière réelle et loyale ; que l'employeur a proposé deux possibilités de reclassement à Mme [N], l'un à [Localité 2], l'autre à [Localité 1] sur un autre site ; que Mme [N] a refusé les deux postes ; que de surcroît, la société SASU RESTAUVAL avait même consulté sa délégation unique du personnel bien qu'elle n'y était pas tenue ; que de plus il s'avère que le médecin du travail, interrogé sur les propositions, a indiqué à l'employeur que l'état de santé de Mme [N] et ses capacités médicales ne permettaient pas de proposer des tâches ou des postes existants dans l'entreprise qu'elle était susceptible d'exercer ; qu'en conséquence le conseil déboute Mme [N] de sa demande de licenciement (nul ou) sans cause réelle et sérieuse ;

ALORS QUE lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ; que l'avis d'inaptitude du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher une possibilité de reclassement au sein de l'entreprise et le cas échéant du groupe auquel celle-ci appartient et il appartient à l'employeur de justifier les démarches précises qu'il a effectuées pour parvenir à ce reclassement ; qu'en retenant l'employeur avait sérieusement et loyalement satisfait à son obligation de reclassement en constatant seulement le refus de la salariée de deux postes de reclassement, l'avis du médecin du travail sur ces postes et l'avis facultatif de la délégation unique du personnel ainsi que le fait que l'employeur ait communiqué les registres du personnel des sociétés du groupe établissant qu'elles ne disposaient pas de postes disponibles autres que ceux qui ont été proposés, alors qu'aucun de ses éléments n'était de nature ensemble ou séparément à justifier que l'employeur avait exécuté sérieusement et loyalement son obligation de reclassement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de article L. 1226-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-26205
Date de la décision : 21/04/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 17 septembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 avr. 2017, pourvoi n°15-26205


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.26205
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