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20/04/2017 | FRANCE | N°16-80227

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 avril 2017, 16-80227


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- Mme [E] [Q],
- la société Subrini et Cie, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 8 décembre 2015, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 22 octobre 2014, n° 13-84.488), dans la procédure suivie contre la première et MM. [A] [T] et [M] [N] du chef de falsification de chèques, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 22 février 2017

où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénal...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- Mme [E] [Q],
- la société Subrini et Cie, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 8 décembre 2015, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 22 octobre 2014, n° 13-84.488), dans la procédure suivie contre la première et MM. [A] [T] et [M] [N] du chef de falsification de chèques, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 22 février 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Pichon, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire PICHON, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général WALLON ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur le pourvoi formé par Mme [Q] :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II- Sur le pourvoi formé par la société Subrini :

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 163-3 1° du code monétaire et financier, 441-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a débouté la société Subrini de ses demandes tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de chèques falsifiés ;

" aux motifs que l'enquête a établi que Mme [E] [Q] avait encaissé sur son compte bancaire huit cent vingt-cinq chèques émis par des clients de l'hôtel Eden Park : sur trente-cinq d'entre eux, les clients avait mentionné le nom du bénéficiaire - Eden Park-, lequel avait été surchargé par ajout du nom de la salariée, le reste des chèques ayant été laissés sans ordre par les clients ; que de même, parmi les vingt-quatre chèques de clients encaissés sur le compte de M. [M] [N], un seul présentait une surcharge sur le nom du bénéficiaire, le nom du salarié ayant été ajouté sur celui de l'hôtel Eden Park ; qu'enfin, M. [A] [T] a encaissé sur son compte personnel deux cent cinquante-deux chèques et vingt-deux traveller-chèques émis par des clients de l'hôtel : seulement dix d'entre eux présentaient une surcharge au niveau du nom du bénéficiaire, le nom du salarié ayant été ajouté au-dessus de celui de l'hôtel, contrairement à ce que soutient la partie civile, les intimés n'ont pas altéré la vérité en déposant sur leurs comptes les chèques dont le nom du bénéficiaire n'avait pas été mentionné par le client ; qu'en effet, aux termes de l'article L. 131-6 du code monétaire et financier, le chèque sans indication du bénéficiaire vaut comme chèque au porteur, ce qui permet à tout détenteur du chèque de l'encaisser régulièrement sur son compte ; qu'en revanche, la surcharge figurant sur la mention du nom du bénéficiaire caractérise une altération de la vérité, laquelle a causé un préjudice à la partie civile, la falsification ayant eu pour effet de la priver de la provision dont elle était devenue propriétaire dès l'émission du chèque par le client à l'ordre de l'hôtel Eden Park ; qu'en conséquence, ne caractérise une faute commise dans les limites des faits poursuivis que la seule falsification par surcharge apposée sur le nom du bénéficiaire et l'expertise sollicitée pat la partie civile, sans intérêt pour la détermination des chèques falsifiés, sera rejetée ; que le seul chèque falsifié par surcharge du nom du bénéficiaire que M. [N] a encaissé sur son compte a été émis le 5 avril 2005 par Mme [W] [L], cliente de l'hôtel ; que la cour ne peut que constater la prescription de l'action civile qui, conformément aux dispositions de l'article 10 du code de procédure pénale, se prescrit selon les règles de l'action publique quand elle est exercée devant une juridiction répressive ; qu'en effet, le chèque a été falsifié plus de trois ans avant le 15 septembre 2008, date de l'audition de M. [V] [C] par les gendarmes et premier acte interruptif de prescription ; que la partie civile sera donc déboutée de ses demandes à l'encontre de M. [N] ; que trente-cinq chèques falsifiés par surcharge du nom du bénéficiaire ont été encaissés sur le compte de Mme [Q] entre le 9 mai 2005 et le 28 juin 2008 ( cf D 10) ; que, contrairement à ce que soutient l'intimée, la demande d'indemnisation de la partie civile est recevable : en effet, la société Subrini a assigné Mme [Q] en réparation de son préjudice devant la juridiction civile sur le fondement de l'article 1382 du code civil par acte d'huissier du 6 mai 2011, soit postérieurement au réquisitoire introductif du procureur de la République qui a mis en mouvement l'action publique, la juridiction répressive ayant été saisie par le ministère public avant qu'un jugement sur le fond ait été rendu par la juridiction civile, il y a donc lieu d'écarter le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de la partie civile fondée sur les dispositions de l'article 5 du code de procédure pénale ; qu'il y a lieu, en revanche, de constater que la partie civile ne peut demander l'indemnisation du préjudice découlant des chèques falsifiés par Mme [Q] avant le 15 septembre 2005 : en effet, le délai de prescription n'a été interrompu que le 15 septembre 2008, date à laquelle les gendarmes ont entendu le plaignant, si bien que tous les faits de falsification de chèques commis avant cette date sont prescrits ; qu'à l'examen du document figurant en cote D 11, ne sont pas couverts par la prescription les chèques falsifiés recensés dans les tableaux intitulés « année 2006 », « année 2007 » et « année 2008 », d'un montant total de 7 688,03 euros ; que Mme [Q] sera donc condamnée à verser à la partie civile la somme de 7 688,03 euros en réparation du préjudice résultant de la falsification des chèques émis par les clients de l'hôtel Eden Park ;
"alors que la falsification de chèque, qui s'interprète par référence au droit commun du faux en écriture, correspond à une altération de la vérité réalisée par quelque moyen que ce soit sur la substance de toute mention portée sur le chèque ; qu'en jugeant que les prévenus n'ont pas altéré la vérité en déposant sur leurs comptes les chèques dont le nom du bénéficiaire n'avait pas été mentionné par le client dès lors que l'article L. 131-6 du code monétaire et financier dispose que le chèque sans indication du bénéficiaire vaut comme chèque au porteur, lorsque l'endossement des chèques par les prévenus, en lieu et place du vrai bénéficiaire, constitue une falsification au sens de l'article L. 163-3 1° du code monétaire et financier, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de ce texte" ;

Vu l'article L. 163-3, 1°, du code monétaire et financier et l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'il se déduit du premier de ces textes que constitue une contrefaçon ou une falsification de chèque toute altération de la vérité dans ce titre ;

Attendu que, selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que de nombreux chèques remis en paiement par des clients de l'établissement hôtelier exploité par la société Subrini ont été encaissés sur leurs comptes personnels par MM. [T] et [N] et par Mme [E] [Q], salariés de cette société, que, pour certains chèques, le nom du bénéficiaire avait été modifié par surcharge, pour d'autres, les chèques encaissés avaient été laissés sans ordre par les clients ; que ces préposés ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel des chefs de falsification de chèques et usage, abus de confiance ou complicité d'abus de confiance ; qu'infirmant partiellement le jugement, la cour d'appel de Bastia les a relaxés et débouté la société, partie civile, de ses demandes ; que, sur le pourvoi formé par cette dernière, la Cour de cassation a cassé cette décision en ses seules dispositions ayant débouté la société de sa demande d'indemnisation du préjudice résultant des faits poursuivis sous la qualification de falsification de chèques et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Attendu que, pour débouter partiellement la partie civile de ses demandes, la cour d'appel énonce que MM. [T] et [N], et Mme [Q] n'ont pas altéré la vérité en déposant sur leurs comptes des chèques dont le nom du bénéficiaire n'avait pas été mentionné par le client ; que les juges retiennent qu'aux termes de l'article L. 131-6 du code monétaire et financier, le chèque sans indication du bénéficiaire vaut comme chèque au porteur, ce qui permet à tout détenteur du chèque de l'encaisser régulièrement sur son compte ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les porteurs des chèques sans mention d'ordre n'avaient pas apposé leur nom au lieu et place du véritable bénéficiaire, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

I - Sur le pourvoi formé par Mme [Q] :

LE REJETTE ;

II- Sur le pourvoi formé par la société Subrini :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 8 décembre 2015, mais en ses seules dispositions ayant débouté la société Subrini de sa demande d'indemnisation du préjudice résultant des faits poursuivis sous la qualification de falsification de chèques, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nîmes, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt avril deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-80227
Date de la décision : 20/04/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 08 décembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 avr. 2017, pourvoi n°16-80227


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.80227
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