LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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M. [M] [Y],
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 16 décembre 2015, qui, pour exportation sans déclaration de marchandises prohibées, l'a condamné à une amende douanière et a prononcé sur une mesure de confiscation ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 mars 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Chaubon, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller CHAUBON, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général MORACCHINI ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-4 du code pénal, L. 111-1, L. 111-2, L. 211-1, L. 211-2, L. 211-5 et R. 111-1 du code du patrimoine, de l'annexe I-12 du code du patrimoine, des articles 38, 343, 414 et 426-7 du code des douanes, préliminaire, 500, 509, 515, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit le jugement définitif sur la culpabilité du chef d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées s'agissant des documents qualifiés de « biens culturels », a déclaré M. [Y] coupable du délit d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées s'agissant des lots n°s 368, 369, 371, 374, 379 et 390, en répression l'a condamné à payer à l'administration des douanes la somme de 20 000 euros et a ordonné au titre de la confiscation par équivalence le paiement de la somme de 134 190 euros ;
"aux motifs qu'aux termes de l'article 38 du code des douanes : « Pour l'application du présent code sont considérées comme prohibées toutes marchandises dont l'importation ou l'exportation est interdite à quelque titre que ce soit, ou soumise à des restrictions, à des règles de qualité ou de conditionnement ou à des formalités particulières ; que lorsque l'importation ou l'exportation n'est permise que sur présentation d'une autorisation, licence, certificat, etc., la marchandise est prohibée si elle n'est pas accompagnée d'un titre régulier ou si elle est présentée sous le couvert d'un titre non applicable ; que tous titres portant autorisation d'importation ou d'exportation (licences ou autres titres analogues) ne peuvent, en aucun cas, faire l'objet d'un prêt, d'une vente, d'une cession et, d'une manière générale, d'une transaction quelconque de la part des titulaires auxquels ils ont été nominativement accordés » ; qu'au titre des dispositions dérogatoires prévues à l'article 2 bis, le présent article est applicable : « - […] 3. Aux biens culturels et trésors nationaux relevant des articles L. 111-1 et L. 111-2 du code du patrimoine » ; qu'« au titre des dispositions dérogatoires prévues à l'article 2 bis, les dispositions du présent article sont également applicables aux marchandises soumises à des restrictions de circulation prévues soit par la réglementation communautaire, soit par les lois et règlements en vigueur, applicables aux échanges de certaines marchandises communautaires avec les autres Etats membres de la communauté européenne. La liste des marchandises concernée et fixée par arrêté conjoint du ministre chargé des douanes et du ou des ministres concernés » ; que, quant à l'article 426 – 7° du code des douanes, il prévoit que sont réputés importation ou exportation sans déclaration de marchandises prohibées tout mouvement de marchandises visées aux 4 et 5 de l'article 38, effectué en infraction aux dispositions portant prohibition d'exportation ou d'importation ; que sur les documents qualifiés d'« archives publiques », il convient de rappeler que l'infraction visée est celle d'exportation de biens soumis à restriction dont l'importation ou l'exportation n'est permise que sur présentation d'une autorisation, licence, certificat, etc, et que la marchandise est considérée comme prohibée si elle n'est pas accompagnée d'un titre régulier ou si elle est présentée sous le couvert d'un titre non applicable ; qu'il est donc vain d'entrer dans les débats portant sur la nature des biens acquis lors de la vente aux enchères Galiléo, tels que ressortant des échanges entre la direction des archives de France et M. [Y], et moins encore de poser une question préjudicielle sur leur nature ; qu'il est en effet établi que les biens acquis lors de la vente « Galiléo » à supposer qu'ils n'entrent pas dans la catégorie 8 des incunables et manuscrits, appartiennent à la catégorie des biens culturels tels que mentionnés à l'annexe I de la partie réglementaire du code du patrimoine défini comme « Archives de toute nature, autres que les documents entrant dans la catégorie 8 et comportant des éléments de plus de cinquante ans d'âge, quel que soit le support et d'une valeur de plus de 300 euros » ; qu'il ressort des factures remises par M. [Y] aux enquêteurs que les 6 lots acquis lors de cette vente avaient plus de 50 ans d'âge et une valeur unitaire supérieure à 300 euros ; qu'au regard de la valeur de chaque lot le prévenu fin connaisseur ne saurait utilement soutenir s'être mépris sur leur nature et avoir légitimement pensé être en présence de débris épars sans valeur comme jetés dans une poubelle ; qu'il ressort par ailleurs des déclarations réitérées de M. [Y] au cours de l'enquête que dès mars 2009 ces documents ne se trouvaient plus entre ses mains, mais entre les mains de la SA LUPB, société de droit luxembourgeois détenant ses avoirs, laquelle en était devenue propriétaire, ainsi que l'établissent les factures remises par le prévenu aux enquêteurs ; que tout en utilisant le terme « d'apport » pouvant laisser croire à un simple transfert juridique non accompagné d'un transfert matériel, il ajoutait que toutes les archives reprises sur la facture étaient au Luxembourg « par crainte d'une contestation », qu'elles s'y trouvaient dans un coffre ; qu'à la sortie du territoire national de tels documents est soumise à la production d'un certificat pour l'exportation vers un Etat membre délivré par le ministère de la culture, autorisation administrative telle que définie aux articles L. 111-2 et 3 du code du patrimoine ; qu'il est avéré au terme de l'enquête et des déclarations du prévenu lui-même que la sortie desdits documents vers le Luxembourg a été effectuée sans démarches de M. [Y] auprès du ministère compétent aux fins d'obtention d'un tel document, carence qu'il admet, arguant de sa bonne foi ; que certes M. [Y] peut prétendre avoir acquis de bonne foi les articles litigieux, mais il avait le devoir, en professionnel averti, avant de procéder à leur exportation de s'informer sur la réglementation afférente, étant rappelé qu'en matière douanière c'est au prévenu qu'il appartient de rapporter la preuve de sa bonne foi et que de simples protestations d'ignorance sont insuffisantes à écarter cette présomption ; que, comme le prévenu l'a rappelé lui-même, il est collectionneur depuis plus de 20 ans d'objets, documents et souvenirs historiques, aéronautiques et ethniques et a acheté le Palais du Roi de Rome à [Localité 1] dans le but d'y ouvrir un musée ouvert au public ; qu'il se présente d'ailleurs comme « collectionneur reconnu » notamment dans le domaine des archives et des documents anciens ; qu'investi dans ses « activités privées culturelles », selon ses propres termes, est donc un amateur éclairé et expérimenté, rompu, par ailleurs, au monde des affaires ; qu'il n'est donc pas plausible, comme il le soutient, qu'il ne fut pas au courant de la législation très spécifique et protectrice relative, notamment, aux archives et documents anciens ; que s'agissant du délit d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées portant sur les marchandises relevant de la catégorie des « biens culturels », à savoir :
- 3 manuscrits Murat/Napoléon,
- Correspondance de [F] (17 lettres),
- Mémoire en défense de la Haute cour de justice (1947),
- Brouillon de la lettre Poussiegue/Napoléon,
- Lettre de Louis XVI à la prison du temple,
- Lettre [O]/[H],
- Divers manuscrits,
- Divers manuscrits Révolution et Empire,
- Lettre de Foch à Deschanel,
- Manuscrits divers Révolution et Empire,
- Déposition [U] au procès de [F], la culpabilité de M. [Y] n'est pas remise en cause dès lors que seules les douanes sont appelantes ;
"1°) alors, sur le caractère définitif de la condamnation du chef d'exportation sans déclaration de « biens culturels », qu'en application de l'article 509 du code de procédure pénale, l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant ; que sauf indications contraires expressément formulées dans la déclaration d'appel, le recours formé par l'administration des douanes saisit la juridiction de l'intégralité de l'action dont elle a la charge ; qu'en l'espèce, l'administration des douanes n'ayant pas limité son appel, il appartenait à la cour d'appel de statuer sur l'ensemble des poursuites douanières ; qu'en refusant de se prononcer sur le délit d'exportation sans déclaration des « biens culturels » en ce que « seules les douanes sont appelantes » et sans répondre aux conclusions de M. [Y] produisant notamment l'autorisation d'exportation de ces biens, la cour d'appel a méconnu les texte et principe susvisés ;
"2°) alors que, sur les autres documents, les lots n°368, 369, 371, 374, 379 et 390 qualifiés d'« archives publiques » par la citation et requalifiés en « biens culturels » par la cour d'appel, il résulte des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 211-5 et R. 211-1 du code du patrimoine que, pour constituer des « biens culturels » dont l'exportation est soumise à autorisation préalable, les documents doivent constituer des « archives » impliquant, quel que soit leur intérêt historique, qu'ils n'ont pas été exclus, au moment où ils ont été confectionnés, par leur auteur ou par l'autorité à laquelle celui-ci appartenait ou au nom de laquelle il agissait, de toute conservation ou possibilité de conservation ; que, comme le soutenait M. [Y] dans ses conclusions, les « brouillons » visés par la poursuite, comme notamment le brouillon dactylographié du discours de [F] du 20 juin 1940 déchiré par son auteur en trente morceaux, ne peuvent, sans que soient méconnues ces dispositions, entrer dans la catégorie limitative d'« archives » ayant été destinés par leur auteur ab initio à être définitivement éliminés ; que la cour d'appel qui a estimé que les six lots, qualifiés dans la citation d'« archives publiques », constituaient des « biens culturels (…) définit comme « archives de toute nature », ne pouvait pas se prononcer ainsi sans répondre aux arguments péremptoires démontrant l'absence de toute qualité d'« archives » desdits documents ;
"3°) alors que la valeur patrimoniale des documents en cause et leur ancienneté sont sans incidence sur leur qualification, dès lors, qu'en soi ces documents n'entrent pas dans la catégorie limitative des archives, c'est-à-dire de documents ayant vocation ab initio à être conservés ; qu'en se fondant sur ces éléments pour en déduire la qualité de biens culturels, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants ;
"4°) alors que tout prévenu étant présumé innocent, la preuve de l'élément intentionnel de l'infraction poursuivie incombe à la partie poursuivante ; que ce principe est d'ordre public et que dès lors, les dispositions du code des douanes dont la cour d'appel a fait application d'où il résulte qu'en matière douanière la preuve de sa bonne foi incombe au prévenu, sont contraires à ce principe inscrit tout à la fois dans la convention européenne des droits de l'homme et dans l'article préliminaire du code de procédure pénale ;
"5°) alors que l'arrêt attaqué ne pouvait, sans se contredire et statuer par des motifs insuffisants, se borner à affirmer, pour rejeter l'exception de bonne foi invoquée par M. [Y], qu'il n'était pas plausible qu'il ne fût pas, en sa qualité de collectionneur, au courant de la législation très spécifique et protectrice relative aux archives et documents anciens, dès lors que, contrairement à ce qu'a implicitement admis la cour d'appel, cette législation ne comporte aucune précision s'agissant des « brouillons » visés par la poursuite destinés par définition par leur auteur, ab initio, à être détruits, excluant, dès lors, toute notion d'archivage possible" ;
Sur le moyen, pris en sa première branche :
Attendu que le demandeur, qui n'a pas fait appel de sa condamnation par le tribunal, est sans qualité pour reprocher à l'arrêt de ne pas avoir statué sur les faits dont le tribunal l'avait déclaré coupable ;
D'où il suit que le grief n'est pas encouru ;
Sur le moyen, pris en ses autres branches ;
Attendu que déclarer M. [Y] coupable du chef d'exportation de marchandises prohibées, l'arrêt retient que les lots litigieux, exportés sans autorisation vers le Luxembourg et notamment le brouillon dactylographié du discours de [X] [F] du 20 juin 1940 déchiré par son auteur en trente morceaux constituaient des biens culturels tels que mentionnés à l'annexe 1 de la partie réglementaire du code du patrimoine défini comme "archives de toute nature, autres que les documents entrant dans la catégorie 8 et comportant des éléments de plus de cinquante ans d'âge et d'une valeur unitaire supérieure à 300 euros" ; que les juges ajoutent qu'au regard de la valeur de chaque lot, le prévenu, fin connaisseur, ne saurait utilement soutenir s'être mépris sur leur nature et avoir légitimement pensé être en présence de débris épars sans valeur comme jetés dans une poubelle ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte notamment que M. [Y] n'a pas rapporté la preuve de sa bonne foi, et dès lors que la présomption de mauvaise foi édictée par le code des douanes est une présomption simple qui admet la preuve contraire et laisse entiers les droits de la défense, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt avril deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.