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20/04/2017 | FRANCE | N°16-14349

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 avril 2017, 16-14349


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y..., originaire d'Ukraine et ayant acquis la nationalité américaine par mariage, a assigné M. Z... en recherche de paternité de l'enfant Nicole Y... ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexé :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de dire que Mme Y... et sa fille sont de nationalité américaine, que la loi applicable au litige est la loi de l'Etat fédéré de Virginie (USA), de déclarer recevable l'action

en recherche de paternité intentée par Mme Y... à l'encontre de M. Z..., avant-dire-...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y..., originaire d'Ukraine et ayant acquis la nationalité américaine par mariage, a assigné M. Z... en recherche de paternité de l'enfant Nicole Y... ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexé :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de dire que Mme Y... et sa fille sont de nationalité américaine, que la loi applicable au litige est la loi de l'Etat fédéré de Virginie (USA), de déclarer recevable l'action en recherche de paternité intentée par Mme Y... à l'encontre de M. Z..., avant-dire-droit, d'ordonner une expertise biologique ;

Attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale au regard de l'article 311-14 du code civil et de violation de l'article 455 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine de la loi ukrainienne par la cour d'appel qui a estimé que Mme Y... avait perdu la nationalité de cet Etat ; qu'il ne peut être accueilli ;

Mais sur la quatrième branche du même moyen :

Vu les articles 3 et 311-14 du code civil ;

Attendu qu'après avoir constaté qu'un passeport américain a été délivré à Mme Y... par l'Etat de Louisiane, l'arrêt relève qu'elle a obtenu un certificat de naturalisation de l'Etat de Virginie et en déduit que la loi de cet Etat est applicable au litige ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, d'après les règles américaines de conflits internes, de quel Etat fédéré la loi était applicable et le contenu de celle-ci, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit applicable au litige la loi de l'Etat de Virginie, déclare recevable l'action en recherche de paternité et ordonne une mesure d'instruction, l'arrêt rendu le 19 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. Z...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Mme Y... et sa fille Nicole Y... sont de nationalité américaine, dit que la loi applicable au litige est la loi de l'Etat fédéré de Virginie (USA), déclaré recevable l'action en recherche de paternité intentée par Mme Y... à l'encontre de M. Z..., d'avoir avant dire droit, vu les articles 16-11 et 16-12 du code civil, ordonné une expertise biologique comparative confiée à la SELAFA Biomnis avec mission, après avoir recueilli le consentement express des intéressés majeurs et de la représentante légale de l'enfant mineure, de procéder à l'analyse comparative des ADN et dire en fonction des données actuelles de la science si M. Z... peut être le père de l'enfant, préciser le cas échéant le taux de fiabilité des résultats obtenus,

AUX MOTIFS QU'il résulte des dispositions de l'article 311-14 du code civil que « la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ; si la mère n'est pas connue par la loi personnelle de l'enfant » ; qu'en l'espèce, Mme B... Y... est née en ex-Union soviétique et a obtenu la nationalité ukrainienne après la disparition de l'URSS ; que par la suite elle a épousé un citoyen américain et a obtenu la nationalité américaine ; que le couple a vécu à [...] (Virginie) puis est venu s'installer en France suite à une mutation de l'époux à Grenoble (Isère) ; que par ailleurs selon le service d'information du Ministère de la justice ukrainienne, il résulte des dispositions de l'article 19 de la loi ukrainienne du 18 janvier 2001, que « la citoyenneté ukrainienne est retirée si un citoyen ukrainien acquiert la nationalité d'un autre Etat après avoir atteint la majorité. Est considéré comme acquérant volontairement la nationalité d'un autre Etat tout citoyen qui, après en avoir fait la demande par écrit, accède de son plein gré à la nationalité d'un autre Etat ou s'il s'est procuré un document attestant de l'acquisition de la nationalité d'un Etat étranger » ; que Mme Y... a régulièrement produit son passeport américain lui ayant été délivré le 22 décembre 2004 par l'Etat fédéré de Louisiane (Etats-Unis) et valable jusqu'au 21 décembre 2014, son certificat de naturalisation en date du 13 décembre 2004, sa carte de sécurité sociale indiquant qu'elle a vécu en Virginie (Etats-Unis) et son titre de séjour délivré le 14 mars 2002 l'autorisant à vivre en France ; que Mme B... Y... était bien de nationalité américaine le 14 décembre 2010 jour de la naissance de Nicole Y... et par conséquent elle a été déchue nécessairement de la nationalité ukrainienne ; que son certificat de naturalisation lui a été délivré par l'Etat fédéré de Virginie dans lequel elle a résidé suite à son mariage du 25 mai 2001 ; qu'il convient dès lors d'appliquer la loi de l'Etat fédéré de Virginie qui est l'état ayant délivré le certificat de naturalisation américaine à Mme B... Y... ; qu'il résulte des dispositions de l'article 63-2 du code de Virginie que le Ministère peut établir le lien entre un enfant et un homme sur demande, attestée par serment ou affirmation déposée par un enfant ou un parent ; que la demande peut être déposée à tout moment avant que l'enfant atteigne l'âge de 18 ans ; que Mme B... Y... , mère de Nicole Y..., a intenté une action en recherche de paternité contre M. Pierre Z... le 19 novembre 2011 alors que Nicole n'avait pas encore 1 an ; qu'elle a donc qualité pour rechercher la paternité de sa fille Nicole Y... et son action n'est pas prescrite ; que l'action est déclarée recevable ;

1°) ALORS QUE la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ; que comme l'admet l'arrêt attaqué selon la loi ukrainienne du 18 janvier 2001 la citoyenneté ukrainienne ne fait pas l'objet d'une déchéance automatique mais elle est retirée si un citoyen ukrainien acquiert la nationalité d'un autre Etat après avoir atteint la majorité ; que l'article 20 de cette loi précise que le citoyen qui fait l'objet d'une procédure de déchéance de nationalité, jouit de tous les droits et devoirs d'un citoyen de l'Ukraine jusqu'à l'entrée en vigueur de la décision sur la cessation de la nationalité ukrainienne ; qu'en se bornant à énoncer que Mme Y... née en ex Union-Soviétique qui a obtenu la nationalité ukrainienne après la disparition de l'URSS produit son certificat de naturalisation américaine et un passeport américain ce dont il résulterait qu'elle aurait été « déchue nécessairement » de la nationalité ukrainienne, quand il lui appartenait de constater la preuve d'une décision de retrait de la nationalité ukrainienne, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 311-14 du code civil ;

2°) ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans examiner les pièces versées aux débats par M. Z... et notamment les contrats de travail de Mme Y... établis en 2007 et 2009 desquels il résultait que cette dernière continuait à mentionner sa nationalité ukrainienne postérieurement à l'acquisition de la nationalité américaine en 2004, de nature à démontrer qu'elle n'avait pas fait l'objet d'une décision de retrait de sa nationalité ukrainienne, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait sur le fondement de la loi de l'Etat de Virginie, quand en présence d'une double nationalité américaine et ukrainienne, il lui appartenait de rechercher la nationalité étrangère la plus effective, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 311-14 du code civil ;

4°) ALORS QU'en n'expliquant pas sur quel fondement elle retenait la loi de l'Etat fédéré de Virginie plutôt que celle de l'Etat fédéré de Louisiane qui avait délivré à Mme Y... son passeport américain le 22 décembre 2004, la Cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 311-14 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Mme Y... et sa fille Nicole Y... sont de nationalité américaine, dit que la loi applicable au litige est la loi de l'Etat fédéré de Virginie (USA), déclaré recevable l'action en recherche de paternité intentée par Mme Y... à l'encontre de M. Z..., d'avoir avant dire droit, vu les articles 16-11 et 16-12 du code civil, ordonné une expertise biologique comparative confiée à la SELAFA Biomnis avec mission, après avoir recueilli le consentement express des intéressés majeurs et de la représentante légale de l'enfant mineure, de procéder à l'analyse comparative des ADN et dire en fonction des données actuelles de la science si M. Z... peut être le père de l'enfant, préciser le cas échéant le taux de fiabilité des résultats obtenus,

AUX MOTIFS QU'il résulte des dispositions de l'article 63-2 du code de Virginie que le Ministère peut établir le lien entre un enfant et un homme sur demande, attestée par serment ou affirmation déposée par un enfant ou un parent ; que la demande peut être déposée à tout moment avant que l'enfant atteigne l'âge de 18 ans ; que Mme B... Y... , mère de Nicole Y... a intenté une action en recherche de paternité contre M. Pierre Z... le 19 novembre 2011 alors que Nicole n'avait pas encore 1 an ; qu'elle a donc qualité pour rechercher la paternité de sa fille Nicole Y... et son action n'est pas prescrite ; que l'action est déclarée recevable ; qu'il est de jurisprudence constante qu'en matière de filiation, l'expertise biologique est de droit sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder ; que Mme B... Y... sollicite cette mesure destinée à déterminer si M. Z... est ou non le père biologique de Nicole Y... ; que cette mesure ne peut qu'enrichir les débats et accélérer l'issue de la procédure en recherche de paternité ; qu'il convient dans l'intérêt de l'enfant et avant toute décision au fond d'ordonner une mesure d'expertise biologique des intéressés afin de confirmer ou d'infirmer de manière scientifique la paternité de M. Z... ; que M. Z... invoque le motif légitime de l'intégrité du corps humain pour refuser de se soumettre à l'expertise biologique ; que l'article 16-11 du code civil dispose qu'en vertu du respect et de l'inviolabilité du corps humain le consentement des intéressés doit préalablement et expressément être recueilli, cependant le juge se réserve le droit de tirer toutes les conséquences du refus de se soumettre à l'expertise qui n'est justifié par aucun motif légitime ; que cette disposition législative française qui est d'ordre public doit recevoir application devant la juridiction de céans nonobstant toute autre règle contraire issue de la législation de l'Etat fédéré de Virginie ; que la Cour ordonne en conséquence avant dire droit une expertise biologique et ce dans le termes énoncés au dispositif ci-après ;

1°) ALORS QU'en se fondant pour apprécier la recevabilité de l'action au regard du droit de l'Etat de Virginie, sur une traduction de l'article 63-2 du code de Virginie, sans répondre aux conclusions de M. Z... qui faisait valoir que les documents en langue étrangère versés aux débats par Mme Y... ne sont pas probants dès lors qu'ils ne sont pas traduits par un expert assermenté mais par la [...], employeur de cette dernière, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ; qu'en statuant au visa des articles 16-11 et 1-12 du code civil et en se fondant pour ordonner une expertise biologique, sur le droit français et la jurisprudence constante en matière de filiation en droit français selon laquelle l'expertise biologique est de droit sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder, après avoir constaté que la loi personnelle de la mère était la loi de l'Etat fédéré de Virginie, la Cour d'appel a violé les articles 311-14 et 3 du code civil ;

3°) ALORS QU'il incombe au juge français, pour les droits indisponibles, de mettre en application la règle de conflit de lois et de rechercher le contenu du droit étranger compétent ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans vérifier si la loi de l'état fédéré de Virginie qu'elle déclarait applicable autorisait l'expertise biologique ordonnée et sans en rechercher le contenu notamment quant aux modes de preuve de la paternité, la Cour d'appel a encore violé les articles 311-14 et 3 du code civil ;

4°) ALORS QUE la loi étrangère n'est contraire à l'ordre public international français que si elle a pour effet de priver un enfant de nationalité française ou résidant habituellement en France du droit d'établir sa filiation ; qu'en statuant comme elle l'a fait sur le fondement du droit français, sans qu'il résulte de ses constatations que l'application de la loi de l'Etat de Virginie serait de nature à priver l'enfant de Mme Y... du droit d'établir sa filiation, la Cour d'appel a encore violé les articles 311-14 et 3 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-14349
Date de la décision : 20/04/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

FILIATION - Dispositions générales - Conflit de lois - Loi applicable - Loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant - Cas - Mère de nationalité américaine - Recherches nécessaires - Etat fédéré dont la loi est applicable et contenu de celle-ci

CONFLIT DE LOIS - Application de la loi étrangère - Mise en oeuvre par le juge français - Office du juge - Etendue - Détermination LOIS ET REGLEMENTS - Loi étrangère - Mise en oeuvre par le juge français - Recherche de sa teneur - Office du juge

Prive sa décision de base légale au regard des articles 3 et 311-14 du code civil la cour d'appel saisie d'une action en recherche de paternité qui, après avoir constaté que la mère de l'enfant était de nationalité américaine, déduit de l'obtention, par celle-ci, d'un certificat de naturalisation de l'Etat de Virginie, que la loi de cet Etat fédéré est applicable au litige, sans rechercher, d'après les règles américaines de conflits internes, de quel Etat fédéré la loi était applicable et le contenu de celle-ci


Références :

articles 3 et 311-14 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 19 janvier 2016

A rapprocher :1re Civ., 6 février 2007, pourvoi n° 05-19333, Bull. 2007, I, n° 50 (cassation)

arrêt cité ;1re Civ., 20 février 2008, pourvoi n° 06-19936, Bull. 2008, I, n° 54 (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 20 avr. 2017, pourvoi n°16-14349, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.14349
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