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20/04/2017 | FRANCE | N°15-20619

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 avril 2017, 15-20619


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 8 avril 2015), que M. [O] a acquis un véhicule vendu par la société Sodial (le vendeur) et financé par la société Diac (le prêteur) qui a été subrogée dans tous les droits et actions du vendeur, notamment dans le bénéfice d'une clause de réserve de propriété ; qu'après la mise en redressement judiciaire de M. [O], le 12 février 2013, et la désignation de Mme [A] en qualité de mandataire (le mandataire), le prêteur a revendiqué

le véhicule ;

Attendu que le mandataire fait grief à l'arrêt d'ordonner la restitu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 8 avril 2015), que M. [O] a acquis un véhicule vendu par la société Sodial (le vendeur) et financé par la société Diac (le prêteur) qui a été subrogée dans tous les droits et actions du vendeur, notamment dans le bénéfice d'une clause de réserve de propriété ; qu'après la mise en redressement judiciaire de M. [O], le 12 février 2013, et la désignation de Mme [A] en qualité de mandataire (le mandataire), le prêteur a revendiqué le véhicule ;

Attendu que le mandataire fait grief à l'arrêt d'ordonner la restitution du véhicule à la société Diac et d'autoriser celle-ci, à défaut de restitution volontaire dans un certain délai, à l'appréhender en tout lieu où il se trouve alors, selon le moyen :

1°/ que la subrogation consentie par le créancier qui reçoit son paiement d'une tierce personne doit être expresse et faite en même temps que le paiement ; qu'en ne recherchant pas ainsi qu'elle y était invitée, si la Diac justifiait que sa subrogation dans les droits du vendeur était intervenue au plus tard à la date du paiement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1250 du code civil ;

2°/ que la clause de réserve de propriété laquelle est l'accessoire de la créance dont elle garantit le paiement, ne peut être mise en oeuvre qu'en cas de non-paiement d'une créance exigible ; qu'à défaut de déchéance du terme du prêt consenti par la société Diac prononcée avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire et ce jugement n'entrainant pas non plus la déchéance du terme, la créance de la société Diac dont le paiement était par ailleurs exclu pendant la période d'observation, ne constituait pas une créance exigible lui permettant d'exercer une action en revendication du bien financé, sur le fondement de la clause de réserve de propriété ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 624-16, aliéna 2, L. 631-18, alinéa 1er, du code de commerce et 2367 du code civil ;

3°/ que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en retenant d'office qu'il serait constant qu'au jour de l'ouverture de la procédure collective la société Diac pouvait se prévaloir d'une échéance mensuelle du prêt non régularisée par M. [O], sans inviter préalablement les parties à s'expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des preuves qui lui étaient soumises que la cour d'appel a relevé que, le jour même de la livraison, le 31 juillet 2009, le vendeur avait demandé au prêteur le paiement entre ses mains des fonds correspondant au montant du prêt consenti à l'acheteur du véhicule et a, alors, expressément subrogé le prêteur dans tous ses droits, actions et privilèges à l'encontre de ce dernier ; qu'ayant ainsi fait ressortir que la subrogation conventionnelle était nécessairement intervenue antérieurement au paiement effectué par le prêteur pour répondre à la demande qui lui était faite, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle avait eu pour effet d'investir le subrogé, non seulement de la créance primitive, mais aussi de tous les avantages et accessoires de celle-ci, en ce compris la réserve de propriété ;

Attendu, en deuxième lieu, que la mise en oeuvre de l'action en revendication exercée par un créancier, ou son subrogé, sur le fondement de l'article L. 624-16 du code de commerce, n'est pas subordonnée à l'exigibilité de la créance dont la clause de réserve de propriété est l'accessoire, mais uniquement à son existence ; que le moyen procède donc d'un postulat erroné ;

Et attendu, en dernier lieu, que le rejet du moyen en sa deuxième branche rend le dernier grief inopérant ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [A], en qualité de mandataire de M. [O], aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [A]

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné à Maître [A] es qualités de mandataire judiciaire de M. [A] [O] de restituer à la Diac le véhicule Renault Espace IV 2.2 DCI-150 initial immatriculé [Immatriculation 1] et d'avoir autorisé la société Diac à défaut de restitution volontaire dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, à appréhender ce véhicule en tout lieu où il se trouve y compris au domicile de M. [O] ;

Aux motifs qu'au regard de l'article 2367 du Code civil la propriété d'un bien peut être retenue en garantie par l'effet d'une clause de réserve de propriété qui suspend l'effet translatif d'un contrat jusqu'au complet paiement de l'obligation qui en constitue la contrepartie ; que la propriété ainsi réservée est l'accessoire de la créance dont elle garantit le paiement ; que l'article 2371 du Code civil prévoit qu'à défaut de paiement complet à l'échéance, le créancier peut demander la restitution du bien afin de recouvrer le droit d'en disposer, la valeur du bien repris étant imputée à titre de paiement, sur le solde de la créance garantie et le créancier devant le cas échéant au débiteur une somme égale à la différence entre la valeur de ce bien et le montant de la dette encore exigible ; que par ailleurs en vertu de l'article L 624-16 alinéa 2 du Code de commerce, peuvent être revendiqués s'ils se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété ; que cette clause doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit au plus tard au moment de la livraison ; qu'il n'y a pas lieu à revendication si, sur décision du juge commissaire, le prix est payé immédiatement ; que Maître [A] fait valoir qu'elle n'entend pas s'opposer à l'opposabilité de la clause de réserve de propriété qu'invoque la société Diac, à la condition toutefois que cette dernière justifie que la subrogation a été délivrée au plus tard à la date du paiement et d'établir ainsi que la clause de réserve de propriété est opposable à la procédure collective ; que la société Diac affirme qu'il n'est pas contestable que le prix du véhicule n'a pas été intégralement payé au jour de l'ouverture de la procédure collective, que la subrogation est antérieure au paiement puisque si la facture est du même jour que la subrogation, le virement des fonds au concessionnaire n'a été réellement réalisé que le 6 août 2009, que l'intérêt d'une clause de réserve de propriété est enfin particulièrement évident en cas d'ouverture d'une procédure collective, puisqu'en l'absence de transfert de propriété, le créancier peut demander la restitution du bien ; qu'il résulte des dispositions susvisées que la revendication d'une marchandise couverte par une clause de réserve de propriété peut être exercée tant que la créance qui la fonde n'a pas été acquittée ; que la clause de réserve de propriété doit être stipulée dans un écrit au plus tard au moment de la livraison, être convenue entre les parties, porter sur des biens demeurant en nature dans le patrimoine, et subordonner le transfert de propriété au paiement intégral du prix ; qu'il n'est pas nécessaire que cette clause ait été stipulée dans une convention spéciale arrêtée en commun entre les parties avec apposition de leur signature, un simple accord tacite de cette clause pouvant résulter d'une réception sans réserve d'un bon de livraison mentionnant cette clause, élément d'un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties, dans l'esprit de l'ordonnance n° 206-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés ; qu'en l'espèce force est de constater que la clause de réserve de propriété a été formalisée entre les parties au jour et sur le bon de livraison du bien partiellement financé, qu'elle prévoit que le vendeur se réserve la propriété de la marchandise jusqu'à son paiement intégral, enfin qu'au jour de la procédure collective, dont fait l'objet M. [O], ce bien demeurait en nature dans le patrimoine de celui-ci et qu'était dûment exigible par la SA Diac la somme de 332,31 euros au titre du contrat de prêt ; que par ailleurs la SA Diac a déclaré sa créance résiduelle au titre du contrat de prêt et revendiqué le véhicule partiellement financé devant le juge commissaire du Tribunal de commerce de Nancy dans le délai de trois mois de la publication du jugement d'ouverture de la procédure collective dont fait l'objet M. [O], conformément aux dispositions de l'article L 624-9 du Code de commerce ; qu'il résulte de ce qui précède que la SA Diac établit que la clause de réserve de propriété dont elle se prévaut est opposable à la procédure collective ; que Maître [A] soutient que la revendication méconnait totalement le fait que le véhicule litigieux a bien été acheté par M. [O], qu'une partie du prix a d'ores et déjà été payée par ce dernier, que si un contrat de prêt est effectivement exécuté en une seule fois par le prêteur, pour l'emprunteur il s'agit bien d'un contrat à exécution successive, en l'espèce exécuté avant l'ouverture de la procédure collective et postérieurement, il ne peut l'être que dans le respect des lois impératives qui gouvernent les procédures de redressement et de liquidation judiciaire, que ce contrat n'est pas et ne peut être résilié au motif que les échéances postérieures à l'ouverture de la procédure collective ne peuvent être immédiatement réglées ; qu'elle ajoute que le contrat de prêt constitue une dette antérieure au jugement d'ouverture, que le règlement des échéances de ce prêt est suspendu durant la période d'observation, que ce prêt n'a pas fait l'objet d'une déchéance du terme antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective qui elle-même n'entraine pas la déchéance du terme stipulée dans un contrat de prêt et qu'il faut faire application des dispositions de l'article 2367 du Code civil lesquelles prévoient que la propriété réservée est l'accessoire de la créance dont elle garantit le paiement ; qu'au soutient de son appel la SA Diac fait valoir qu'un contrat de prêt n'est pas un contrat en cours dès lors que les fonds ont été intégralement remis à l'emprunteur avant l'ouverture de la procédure ; qu'elle ajoute que la seule possibilité pour le débiteur d'échapper à la revendication est le paiement immédiat du prix et qu'il n'est pas question de reporter la décision à l'issue de la période d'observation ; qu'un contrat de vente de biens mobiliers dont la propriété est réservée et dont le prix n'est pas payé lors de l'ouverture de la procédure collective n'est pas un contrat en cours au sens de l'article L 621-28 du Code de commerce, contrairement à ce qu'ont relevé à tort les premiers juges, puisque par la clause litigieuse, le vendeur a fait obstacle au transfert de la propriété du véhicule en cause à l'acquéreur, alors même que ce véhicule a été remis à ce dernier ; que la subrogation conventionnelle a pour effet d'investir le subrogé, non seulement de la créance primitive, mais aussi de tous les avantages et accessoires de celle-ci, ce en quoi la réserve de propriété constitue une sûreté efficace, puisqu'elle assortit la créance du prix de vente et l'affecte au service exclusif du subrogé pour en garantir le paiement ; que c'est en ce sens que doivent s'interpréter les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 2367 du Code civil qui ne consacrent que la circulation automatique de la réserve de propriété avec celle de la créance elle-même ; qu'aucune disposition n'exige que le créancier ait prononcé la déchéance du terme du prêt litigieux ou qu'il soit en mesure de reprocher un défaut de paiement au débiteur pour se prévaloir de la clause de réserve de propriété dont il est bénéficiaire ; qu'au demeurant il est constant qu'au jour de l'ouverture de la procédure collective, la SA Diac pouvait se prévaloir d'une échéance mensuelle du prêt non régularisée par M. [O] ; qu'il résulte de ce qui précède que la SA Diac est bien fondée en l'espèce, à revendiquer auprès des organes de la procédure la remise du bien qu'elle a partiellement financé ; que le jugement sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions ; que Maître [A] s'est opposée à la restitution du véhicule sans invoquer la faculté qui lui était offerte de solder la créance de la société Diac pour le compte de la procédure collective, alors que ce règlement constituait le seul moyen d'éviter cette restitution ; qu'il sera dès lors ordonné à Maître [A] de restituer le véhicule à la société Diac ; qu'il convient également d'autoriser la société Diac à défaut de restitution volontaire dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, à appréhender ce véhicule en tout lieu où il se trouve, y compris au domicile du débiteur ;

Alors d'une part, que la subrogation consentie par le créancier qui reçoit son paiement d'une tierce personne doit être expresse et faite en même temps que le paiement ; qu'en ne recherchant pas ainsi qu'elle y était invitée, si la Diac justifiait que sa subrogation dans les droits du vendeur était intervenue au plus tard à la date du paiement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1250 du Code civil ;

Alors d'autre part, que la clause de réserve de propriété laquelle est l'accessoire de la créance dont elle garantit le paiement, ne peut être mise en oeuvre qu'en cas de non-paiement d'une créance exigible ; qu'à défaut de déchéance du terme du prêt consenti par la société Diac prononcée avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire et ce jugement n'entrainant pas non plus la déchéance du terme, la créance de la société Diac dont le paiement était par ailleurs exclu pendant la période d'observation, ne constituait pas une créance exigible lui permettant d'exercer une action en revendication du bien financé, sur le fondement de la clause de réserve de propriété ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L 624-16 aliéna 2, L 631-18 alinéa 1er du Code de commerce et 2367 du Code civil ;

Alors enfin, que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en retenant d'office qu'il serait constant qu'au jour de l'ouverture de la procédure collective la société Diac pouvait se prévaloir d'une échéance mensuelle du prêt non régularisée par M. [O], sans inviter préalablement les parties à s'expliquer, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-20619
Date de la décision : 20/04/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 08 avril 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 avr. 2017, pourvoi n°15-20619


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP François-Henri Briard, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.20619
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