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20/04/2017 | FRANCE | N°15-15096

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 avril 2017, 15-15096


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 26 novembre 2002, la société Banque populaire Val de France (la banque) a consenti à la société JMP créations (la société) un prêt garanti, dans le même acte, par le cautionnement solidaire de M. [U] ; que celui-ci s'est encore rendu caution solidaire, par acte séparé, de l'ensemble des sommes pouvant être dues par la société à la banque ; que la société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la société MCS et associés (MCS

), à qui la banque avait cédé sa créance, a assigné en paiement la caution, qui...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 26 novembre 2002, la société Banque populaire Val de France (la banque) a consenti à la société JMP créations (la société) un prêt garanti, dans le même acte, par le cautionnement solidaire de M. [U] ; que celui-ci s'est encore rendu caution solidaire, par acte séparé, de l'ensemble des sommes pouvant être dues par la société à la banque ; que la société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la société MCS et associés (MCS), à qui la banque avait cédé sa créance, a assigné en paiement la caution, qui a recherché la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour condamner M. [U] à payer à la société MCS une certaine somme, l'arrêt retient qu'à supposer que la responsabilité du prêteur puisse être encourue à raison du défaut de mise en garde de la caution quant à la situation irrémédiablement compromise de la débitrice principale à la date de la souscription des cautionnements, elle est subordonnée à la qualité de caution profane étrangère à la vie des affaires, mais que M. [U], qui était le gérant, associé majoritaire de la société débitrice, totalement impliqué dans la vie de l'entreprise, ne pouvait méconnaître l'activité de celle-ci et était à même de mesurer les risques pris, sauf à démontrer que la banque avait des informations que lui-même ignorait, ce qu'il ne fait pas ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la caution était avertie, ce qu'elle ne pouvait déduire de sa seule qualité de dirigeant et associé de la société débitrice principale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 1153, alinéa 3, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour condamner M. [U] au paiement des intérêts au taux légal postérieurement à la date du 11 mai 2014, l'arrêt retient que la société MCS fait valoir, à juste titre, que, dans une lettre du 10 mai 2004, M. [U] reconnaissait sa dette en qualité de caution et s'engageait à l'honorer, de sorte qu'il était parfaitement au courant de son obligation à paiement à la place de la débitrice en liquidation judiciaire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les intérêts au taux légal ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, ce qui ne résulte pas d'une reconnaissance de dette ou d'un engagement de payer, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne la société MCS et associés aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [U]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il avait dit la société MCS et ASSOCIÉS déchue du droit aux intérêts contractuels, et d'avoir, statuant à nouveau, condamné M. [U] à payer à la société MCS et ASSOCIÉS la somme de 53 396,05 euros arrêtée au 11 mai 2014, outre les intérêts postérieurs au taux légal et débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes,

Aux motifs que « Par acte sous seing privé en date du 26 novembre 2002, la BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE a consenti à la S.A.R.L. JPM CRÉATIONS, représentée par son gérant, Monsieur [C] [U], un prêt d'un montant de 45 000 euros, amortissable sur une période de 60 mois, destiné à financer divers travaux.
En garantie du crédit accordé, dans le même acte, Monsieur [C] [U] s'est porté caution solidaire à hauteur de la totalité du crédit.
Par acte séparé en date du 26 novembre 2002, Monsieur [C] [U] s'est par ailleurs porté caution solidaire de la S.A.R.L. JPM CRÉATIONS à hauteur de 15 000 euros, cet engagement de caution ayant pour objet de garantir l'ensemble des sommes pouvant être dues par la débitrice principale.
Par jugement en date du 1er septembre 2003, le Tribunal de commerce de Poitiers a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la S.A.R.L. JPM CRÉATIONS.
Par courrier recommandé avec AR en date du 21 octobre 2003, la BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE a régulièrement déclaré sa créance entre les mains du représentant des créanciers à hauteur d'un solde débiteur de compte et du prêt accordé.
Par courrier en date du 21 octobre 2003, la BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE a informé Monsieur [C] [U] de la défaillance de la débitrice principale.
Par acte de cessions de créance en date du 11 mars 2004, la BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE a cédé à la société MCS ET ASSOCIÉS un portefeuille de créances contentieuses parmi lesquelles figuraient les créances détenues sur la S.A.R.L. JPM CRÉATIONS.
Par acte extra judiciaire en date du 22 avril 2004 et conformément aux dispositions de l'article 1690 du Code civil, la société MCS ET ASSOCIÉS a régulièrement signifié cette cession de créances aux organes de la procédure collective de la S.A.R.L. JPM CRÉATIONS.

Par jugement en date du 26 mars 2004, la procédure de redressement judiciaire de la S.A.R.L. JPM CRÉATIONS a été convertie en procédure de liquidation judiciaire.
Par courrier recommandé avec AR en date du 28 juin 2004, la société MCS ET ASSOCIÉS a régulièrement déclaré sa créance entre les mains du mandataire liquidateur.
La totalité des créances déclarées a régulièrement été admise au passif de la S.A.R.L. JPM CRÉATIONS.
(...)
M. [C] [U] fait valoir que le prêt de 45 000 euros consenti à la société JPM en apparence pour une acquisition d'équipement était en réalité un prêt de restructuration, au motif que celle-ci connaissait déjà une situation obérée, comme le démontrent les pertes de - 179 838 euros sur l'année 2002, les comptes bancaires déficitaires, quand bien même son chiffre d'affaires était positif.
Il soutient que la banque avait une obligation de renseignement sur la viabilité de l'entreprise au moment de la souscription du prêt et du cautionnement en se procurant des résultats intermédiaires sans se contenter du bilan de l'année 2001 et ce, au motif que sa qualité de dirigeant et d'associé majoritaire n'était pas suffisante pour lui permettre d'appréhender les risques d'une opération inadaptée.
Il estime ainsi que l'appelante aurait dû le mettre en garde sur la situation irrémédiablement compromise de l'entreprise qu'elle connaissait parfaitement et dont elle a voulu se prémunir en lui faisant souscrire un engagement de caution à durée indéterminée.
La société MCS ET ASSOCIÉS réplique qu'elle a sollicité des documents comptables qui révélaient une croissance du chiffre d'affaires entre 2000 et 2001, un résultat courant avant impôts bénéficiaire et un résultat de l'exercice en diminution mais toujours bénéficiaire, de sorte que la situation n'apparaissait pas irrémédiablement compromise.
Elle ajoute que M. [C] [U] était parfaitement au courant de la situation de l'entreprise dont il était le fondateur associé et le gérant, ce qui en faisait une caution avertie.
En l'espèce, le banquier ne peut être tenu envers la caution d'un devoir de mise en garde à raison des capacités financières de celle-ci et des risques de l'endettement nés de l'octroi du crédit, le risque d'endettement s'appréciant nécessairement à la lumière de la disproportion manifeste du montant de l'engagement au regard de la situation patrimoniale de la caution. Or il a été démontré qu'il n'y avait pas de disproportion manifeste.
A supposer que la responsabilité du banquier puisse être encourue à raison de la situation irrémédiablement compromise de la débitrice principale à la date de la souscription des cautionnements, elle est subordonnée à la qualité de caution profane étrangère à la vie des affaires. Or M. [C] [U] était le gérant, associé majoritaire de la société JPM, totalement impliqué dans la vie de l'entreprise, ne pouvait méconnaître l'activité de celle-ci et était à même de mesurer les risques pris, sauf à démontrer que la banque avait des informations que lui-même ignorait, ce qu'il ne fait pas.
Enfin, le cautionnement à durée indéterminée n'est pas prohibé par la loi et il ne peut donc être imputé à faute à l'appelante de s'être garanti selon cette modalité.
En conséquence, la responsabilité de la banque n'est pas encourue » ;

Alors, d'une part, que faute d'avoir recherché concrètement, comme le lui demandait M. [U], si, indépendamment de sa qualité de gérant et d'associé majoritaire qui lui permettait certes de disposer d'informations sur la situation de la société emprunteuse, il disposait de capacités propres à lui permettre d'appréhender seul et dans tous leurs aspects les risques d'une opération inadaptée à la solvabilité réelle de l'entreprise au moment de la souscription de l'emprunt, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Et alors, d'autre part, que faute d'avoir recherché, comme le lui demandait M. [U], si la situation de la débitrice principale n'était pas irrémédiablement compromise à la date de souscription des cautionnements, la Cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il avait dit la société MCS et ASSOCIÉS déchue du droit aux intérêts contractuels, d'avoir, statuant à nouveau, condamné M. [U] à payer à la société MCS et ASSOCIÉS la somme de 53 396,05 euros arrêtée au 11 mai 2014, outre les intérêts postérieurs au taux légal et d'avoir débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes,

Aux motifs que « Il est constant qu'il n'est pas démontré que le prêteur a satisfait à son obligation d'information annuelle de la caution et encourt la déchéance du droit aux intérêts, ce qu'elle admet ; elle en tire les conséquences en déduisant de sa créance les intérêts contractuels.
Le seul point restant en litige est celui du point de départ des intérêts au taux légal, la société MCS ET ASSOCIÉS se prévalant d'une mise en demeure du 21 octobre 2013 adressée à M. [C] [U], ce dernier contestant que ce courrier constitue une interpellation suffisante au sens de l'article 1153 du Code civil.
Si le courrier du 21 octobre 2013 ne peut s'interpréter comme un acte équivalant à une sommation de payer en ce qu'il contient un simple rappel à M. [C] [U] de ses engagements de caution, la société MCS ET ASSOCIÉS fait valoir à juste titre que, dans une lettre du 10 mai 2004, M. [C] [U] reconnaissait sa dette en qualité de caution et s'engageait à l'honorer, de sorte qu'il était parfaitement au courant de son obligation à paiement à la place de la débitrice en liquidation judiciaire.
En conséquence, la société MCS ET ASSOCIÉS est fondée à réclamer les intérêts dus par la caution à compter de cette date et à imputer les paiements effectués sur lesdits intérêts avant le capital, contrairement à ce que soutient l'intimé.
Le décompte de créance au titre du prêt produit est donc exact en ce que les intérêts au taux légal sont calculés à compter du 10 mai 2004 et les règlements effectués imputés au fur et à mesure sur le montant total restant dû.
(...)
Il sera donc fait droit à la demande en paiement de la société MCS ET ASSOCIÉS tant en son principe qu'en son montant » ;

Alors que dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne sont dus que du jour de la sommation de payer ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit ; que la Cour d'appel, après avoir dit à juste titre que la lettre du 21 octobre 2013 par laquelle le prêteur s'était borné à rappeler à M. [U] se engagements de caution sans lui en demander l'exécution n'équivalait pas à la sommation de payer exigée par l'article 1153 du Code civil pour faire courir le point de départ des intérêts au taux légal, a retenu qu'en revanche, la lettre du 10 mai 2004 par laquelle M. [U] reconnaissait sa dette en qualité de caution et s'engageait à l'honorer, ce qui montrait qu'il était parfaitement au courant de son obligation à paiement à la place de la débitrice en liquidation judiciaire, a fait courir les intérêts dus par la caution à compter de cette date et autorisait la société MCS et ASSOCIÉS à imputer les paiements effectués sur lesdits intérêts avant le capital ; qu'en se déterminant ainsi, la Cour a violé l'article 1153 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-15096
Date de la décision : 20/04/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 02 décembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 avr. 2017, pourvoi n°15-15096


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.15096
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