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20/04/2017 | FRANCE | N°15-10425

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 avril 2017, 15-10425


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 12 novembre 2014), qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société Tarn rénovation (la société), le 20 janvier 2012, le liquidateur a assigné Mme [R], en qualité de gérante de droit, et M. [P], en tant que gérant de fait, en responsabilité pour insuffisance d'actif de la société ;

Attendu que M. [P] fait grief à l'arrêt de reconnaître sa qualité

de gérant de fait de la société et de le condamner à payer solidairement avec Mme [R] le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 12 novembre 2014), qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société Tarn rénovation (la société), le 20 janvier 2012, le liquidateur a assigné Mme [R], en qualité de gérante de droit, et M. [P], en tant que gérant de fait, en responsabilité pour insuffisance d'actif de la société ;

Attendu que M. [P] fait grief à l'arrêt de reconnaître sa qualité de gérant de fait de la société et de le condamner à payer solidairement avec Mme [R] le montant de l'insuffisance d'actif évaluée à la somme de 22 863,58 euros alors, selon le moyen :

1°/ qu'en cas d'insuffisance d'actif d'une personne morale en liquidation judiciaire, seuls ses dirigeants de droit ou de fait, ayant commis une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, sont susceptibles d'être condamnés à la supporter ; qu'a la qualité de dirigeant de fait celui qui accomplit des actes positifs de gestion et de direction engageant la société, en toute liberté et en toute indépendance, de façon continue et régulière, ce qui n'est pas le cas de celui qui signe des contrats « pour ordre », soit sur l'ordre et pour le compte du gérant ; que la cour d'appel qui retient la responsabilité pour insuffisance d'actif de M. [P] en se fondant sur le fait qu'il avait signé seul des contrats de sous-traitance avec l'un des clients de la société alors qu'il n'était pas habilité pour le faire, sans rechercher en quelle qualité ces contrats avaient été signé par M. [P] dès lors qu'il était acquis aux débats et non contesté qu'il avait signé lesdits contrats « pour ordre », et qu'il ne disposait d'aucune délégation de pouvoirs, ni signature sociale, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 651-1 et suivant du code de commerce ;

2°/ qu'a la qualité de dirigeant de fait celui qui accomplit des actes positifs de gestion et de direction engageant la société, en toute liberté et en toute indépendance, de façon continue et régulière ; qu'il ressortait des propres constatations de la cour d'appel que : « (…) la seule qualité d'associé majoritaire de M. [P] ne suffit pas à lui conférer la qualité de dirigeant de fait » ; que la cour d'appel qui condamne cependant M. [P] pour insuffisance d'actif en retenant à son encontre le fait d'avoir assisté à un rendez-vous avec l'administration fiscale et d'avoir aidé à l'établissement de la comptabilité de la société, activités qui ressortaient pourtant de sa qualité d'associé et ne suffisaient pas à établir en quoi il aurait exercé en toute indépendance une activité de direction de la société, a derechef privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 651-1 et suivant du code de commerce ;

3°/ qu'a la qualité de dirigeant de fait celui qui accomplit des actes positifs de gestion et de direction engageant la société, en toute liberté et en toute indépendance, de façon continue et régulière ; que l'accomplissement d'actes limités ou trop isolés ne suffit pas à établir en quoi un salarié aurait exercé en toute indépendance une activité de direction de la société ; que la cour d'appel a reproché à M. [P] lequel ne disposait d'aucune délégation de pouvoirs ni signature sociale, d'avoir déposé par erreur, sur son compte, le 12 février 2011, un premier chèque émis par un client, et d'avoir conservé un second chèque établi à l'ordre de la société ; qu'en statuant ainsi cependant qu'elle avait elle-même constaté que M. [P] avait, pour le premier, dès le 16 février 2011, procédé à un virement de son compte personnel sur le compte de la société, et qu'il avait, le 14 mars 2012, restitué le second au liquidateur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des dispositions de l'article L. 651-1 et suivant du code de commerce ;

4°/ qu'a la qualité de dirigeant de fait celui qui accomplit des actes positifs de gestion et de direction engageant la société, en toute liberté et en toute indépendance, de façon continue et régulière ; que pour condamner pour insuffisance d'actif M. [P], la cour d'appel a relevé le caractère autoritaire et parfois outrancier avec lequel il se serait adressé à la gérante, Mme [R] ; que cependant il ressortait de ses propres constatations que le comportement imputé à M. [P] s'expliquait par les relations personnelles qu'il entretenait avec la gérante, la cour relevant « (…) la situation conflictuelle opposant les deux associés qui étaient liés par des relations sentimentales (….et) après la séparation des deux concubins, l'exacerbation de leurs ressentiments respectifs » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a statué par un motif inopérant au regard des dispositions de l'article L. 651-1 et suivant du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés,
que M. [P] disposait de l'accès aux comptes et de la comptabilité, se faisait remettre tous les documents relatifs à la société, signait des contrats de sous-traitance, donnait des ordres à la gérante de droit, son ancienne compagne, intervenait directement auprès des clients, dont certains ne connaissaient pas Mme [R], se présentait comme le dirigeant de l'entreprise auprès de ses clients pour obtenir le règlement des factures et encaissait sur son compte personnel des chèques établis au bénéfice de la société ; que l'arrêt relève encore que le siège social de la société était fixé au domicile du couple et qu'à compter de la séparation de celui-ci, survenue en décembre 2010, M. [P] a interdit à Mme [R] l'accès au siège social, a été destinataire de l'ensemble du courrier adressé à la société et a continué de faire fonctionner celle-ci ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que M. [P] avait exercé en toute indépendance une activité positive de gestion et de direction de la société, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa cinquième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [P] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme [F], en qualité de liquidateur de la société Tarn rénovation, la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour M. [P].

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Monsieur [P] était gérant de fait de la SARL Tarn Renovation, d'avoir dit que les gérants de fait et de droit, Monsieur [P] et Madame [R], par leurs fautes de gestion, avaient créé une insuffisance d'actif et, d'avoir condamné Monsieur [P], solidairement avec Madame [R], en leur nom personnel, à couvrir l'insuffisance d'actif générée par leurs fautes de gestion, à hauteur de la somme de 22.863,58 €.

Aux motifs propres qu': « (…) en application de l'article L. 651-2 du code de commerce, lorsque la liquidation judiciaire fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut décider, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, de mettre à la charge des dirigeants de droit ou de fait de la personne morale partie ou totalité du montant de l'insuffisance d'actif. Que la qualité de dirigeant de fait est caractérisée lorsqu'il est démontré des actes positifs d'immixtion dans la gestion de droit de la personne morale, des actes positifs de direction exercés en toute indépendance et souveraineté par une personne autre que le dirigeant de droit. (…) qu'il est constant en l'espèce que la seule qualité d'associé majoritaire de M. [P] ne suffit pas à lui conférer la qualité de dirigeant de fait ; que cependant, celui-ci ne peut se réfugier derrière une prétendue qualité de simple salarié exerçant des fonctions strictement techniques pour échapper à la qualification de gérant de fait; qu'en effet, l'examen des pièces produites par le liquidateur démontre que M. [P] a exercé effectivement la direction de fait de la société.(…que) d'une part, (…) M. [P] feint d'ignorer l'arrêt rendu le 24 avril 2014 par la Chambre sociale de cette cour qui, en rejetant le contredit formé contre la décision du conseil des prud'hommes de Castres se déclarant incompétent au profit du tribunal de commerce de Castres, a exclu tout lien de subordination entre la société et M. [P] et a reconnu à celui-ci la qualité de gérant de fait. (…que) qu'autre part, (…) loin de se comporter comme un simple subordonné, l'examen des correspondances et courriels échangés entre M. [P] et son ancienne compagne, Mme [R], révèle que celui-ci dictait sa conduite à la gérante de droit en lui intimant des ordres et en lui indiquant, de façon autoritaire et parfois en des termes outranciers, la conduite à tenir; qu'ainsi dans un courriel daté du 1er septembre 2011, M. [P] intime l'ordre à Mme [R] de procéder à un virement de 500€ sur son compte destiné au règlement d'une dette de la société et exige du gérant de droit la remise de documents, attitude qui est radicalement incompatible avec celle d'un simple salarié. (…) que ce comportement a été facilité par le fait que le siège social de la société était fixé au domicile du couple [P]-[R]; qu'à compter de la séparation du couple survenue en décembre 2010, M. [P] a interdit à Mme [R] l'accès au siège social, a été destinataire de l'ensemble du courrier adressé à la société et

a continué de faire fonctionner la société. (…) que de juin à septembre 2011, M. [P] a signé seul, au nom de la société, différents contrats de sous-traitance avec l'un des principaux clients de la société, la société [Q] alors qu'il n'était pas habilité pour le faire, se comportant ainsi comme le véritable maître de la société. (…) qu'à plusieurs reprises, Mme [R] s'est inquiétée du non-paiement de fournisseurs ou de créanciers et a demandé à M. [P] de reverser sur le compte de la société les chèques qu'il avait encaissés sur son compte personnel; qu'ainsi, M. [P] a effectué le 16 février 2011 à partir de son compte personnel sur le compte de la société un virement de la somme de 6703, 58€ correspondant au règlement de plusieurs factures dont était redevable la société [Q] (pièce n° 10 du liquidateur). Que M. [P] a encore conservé un chèque établi le 13 octobre 2011 par la société [Q] au nom de la société Tarn Rénovation, d'un montant de 3294,98€ ; que la gérante de la société [Q] indique dans un mail du 25 octobre 2011, adressé à Mme [R] (pièce n° 7 du liquidateur) que ce chèque a bien été remis à M. [P] le 13 octobre 2011 en règlement des factures du mois de septembre 2011; que ce chèque ne sera finalement restitué au liquidateur que le 14 mars 2012, soit cinq mois après sa remise. (…) que ces éléments révèlent, contrairement aux allégations de M, [P], que celui-ci ne recevait pas par erreur les chèques ainsi émis par les clients de la société mais se présentait comme le dirigeant de l'entreprise auprès de ces clients pour obtenir le règlement des factures; que la maîtrise complète par M. [P] des règlements opérés au profit de la société ressort encore d'un courrier adressé le 19 novembre 2011 à son ancienne compagne (pièce n° 12 du liquidateur) dans lequel il lui déclare « en réponse à votre courrier dans lequel vous demandez le chèque n° 6305103 remis par les Ets [Q], j'ai le regret de vous informer que celui-ci sera déposé sur le compte CA en contrepartie d'un acompte sur arriérés salaire d'un montant minimum de 1500€... ». Qu'ainsi, à l'instar d'un véritable dirigeant, M. [P] décidait seul de sa propre rémunération et détournait à son profit personnel les chèques établis au nom de la société. (…) qu'il ressort par ailleurs de la lecture de l'agenda pour l'année 2010 de M. [P] que les taches de celui-ci ne se réduisaient pas à des fonctions techniques mais englobaient des taches de direction puisqu'il prenait des rendez-vous avec la trésorerie pour résoudre un problème de taxe professionnelle et bloquait les dates des 24 et 25 décembre 2010 pour établir les comptes annuels de la société et effectuer les décomptes des salaires, révélant ainsi une immixtion complète, en toute souveraineté, dans la gestion de la société, excédant les fonctions d'un associé majoritaire ; (…qu') en conséquence, (…) il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que M. [P] avait la qualité de gérant de fait de la société ; (…) qu'il ressort de l'état des créances que le passif déclaré et vérifié de la société s'élève à la somme de 37.093, 02 € tandis que l'actif constitué par le produit de la réalisation des actifs mobiliers de la société, les comptes bancaires et le recouvrement de créances s'élève à la somme de 14 229,44 € ; que le montant de l'insuffisance d'actif ressort donc à la somme de 22 863, 58€. (…) que Monsieur [P] ne peut contester l'état de cessation des paiements de la société alors, d'une part, que l'ouverture de la procédure collective a été décidée sur déclaration même de l'état de cessation des paiements par la société, d'autre part, que le jugement ouvrant la liquidation judiciaire de la société et fixant la date de cessation des paiements au 20 janvier 2012, qui n'a fait l'objet d'aucun recours, est revêtu désormais de la force de chose jugée. (…) que la liquidation judiciaire de la société n'est pas étrangère à la situation conflictuelle opposant les deux associés qui étaient également liés par des relations sentimentales; qu'après la séparation des deux concubins, l'exacerbation de leurs ressentiments respectifs, révélés par les courriels produits aux débats, l'impossibilité pour Mme [R] d'accéder au siège social et d'exercer normalement la gérance de droit, la mainmise par M. [P] sur les comptes et la direction de la société ont rendu impossible la poursuite d'une exploitation dans des conditions sereines et pérennes; que les deux associés ne sont pas parvenus ou n'ont pas voulu procéder au changement de gérant, alors qu'il ressort de leurs courriers qu'ils étaient désireux de le faire ce qui aurait permis d'officialiser la situation de M [P]. Que cette absence de décision de la part du gérant de droit et du gérant de fait à nui aux intérêts de la société qui connaissait une situation déficitaire depuis 2011, situation que dénonçait, en vain, Mme [R] auprès de son ancien compagnon.(…) qu'en encaissant sur son compte personnel le montant des factures réglés par les clients et en tardant à reverser ces sommes sur le compte de la société, en conservant par devers lui un chèque de 3.294, 98€, sans le reverser immédiatement sur le compte de la société avant le jugement d'ouverture ou en s'octroyant unilatéralement une indemnité, au moyen de chèques réglés par les clients, sans égard pour l'intérêt de la société ou l'état du passif social, ce qui empêchait le règlement immédiat des créanciers, générait une accumulation des dettes ou provoquait un retard dans le paiement des créanciers assorti de frais ou de pénalités, M. [P] a, par son comportement obstiné, poursuivi délibérément une exploitation déficitaire et contribué ainsi à l'insuffisance d'actif. (…) qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [P] à supporter l'insuffisance d'actif, sauf à préciser, dans le dispositif, que le montant de cette condamnation s'élève à la somme de 22 863,58€ ; que la condamnation au paiement de la totalité de l'insuffisance d'actif est justifiée par le fait que M. [P], rompu au monde des affaires, a déjà été condamné le 22 février 1995 à une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de cinq ans, ce qui aurait dû le conduire à davantage de prudence dans l'exercice de la direction d'une personne morale. » ;

Et aux motifs adoptés des premiers juges que : « (…) M. [P] invoque l'incompétence de la juridiction de céans; que la décision du Conseil des Prud'hommes du 2 juillet 2013, se déclarant incompétent au profit du Tribunal de Commerce de Castres, a été attaquée le 12 juillet 2013 par M. [P] par la voie du contredit ; que le Conseil des Prud'hommes de Castres ainsi que la cour d'appel — chambre sociale - n'ont pas reconnu le statut de salarié à Monsieur [P] et ont confirmé la compétence du Tribunal de Commerce de Castres, il n'y a plus à discuter sur ces deux points : Monsieur [P] n'est pas salarié de la société Tarn Rénovation ; qu'au surplus, l'article R 662-3 du code de commerce précise que « le tribunal saisi d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connaît de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L 653-8 du code de commerce ... » ; que le Tribunal de céans a bien ouvert la procédure collective de SARL Tarn Rénovation ; que Me [F], es qualités, entreprend une action en sanction à l'encontre des anciens dirigeants, selon ses conclusions ; En conséquence, le Tribunal de céans se déclarera compétent ;

« (…) que l'action en responsabilité pouf insuffisance d'actif est ouverte à l'encontre des dirigeants de droit ou de fait de la personne morale placée en liquidation judiciaire ; que Madame [R] a été désignée en qualité de gérante de la société pour une durée illimitée dans les statuts; que sa qualité de dirigeante de la personne morale est donc clairement établie ; qu'il résulte des explications contenues dans les conclusions du demandeur que : - Monsieur [P] encaissait sur son propre compte bancaire le paiement de factures émises par la société et ce n'est qu'à la demande de la gérante de droit qu'il a certaines fois effectué le virement au bénéfice du compte de la société; - il disposait de l'accès aux comptes de la société; il signait les contrats en lieu et place de la gérante sans y être autorisé et sans avoir de pouvoir pour ce faire ; - il intervenait directement auprès des clients dont certains ne connaissaient même pas Madame [R] ; - il a empêché la gérante d'avoir accès au siège social en changeant les serrures en décembre 2010 ; - il recevait le courrier adressé à la société et il n'en informait pas nécessairement la gérante ; - il gardait toute la comptabilité et se faisait remettre tous les documents relatifs à la société ; il effectuait les actes de gestion courante de la société tel par exemple la souscription d'un abonnement téléphonique illimité professionnel ; que s'agissant de M. [P], si ce dernier n'apparaît pas comme gérant de droit, il n'en demeure pas moins qu'en réalité il est gérant de fait de la société ce qui vient d'être démontré, outre les conclusions des décisions du conseil dès Prud'hommes et de la chambre sociale de la Cour d'Appel, ne reconnaissant pas à l'intéressé la qualité de salarié ; que la condition relative à la qualité de dirigeant de la société est donc bien remplie, tant concernant Madame [R] que concernant Monsieur [P] ; (…) que l'actif de la société s'élève à 14 229.44 € : - dont 5 425.00 € provenant de la réalisation par voie d'enchères publiques des actifs mobiliers de la société - et le solde provenant du recouvrement des créances clients et de l'encaissement du solde bancaire pour 8 804.44€; que le passif déclaré et vérifié s'élève à 37 093.02 €, hors compte courant d'associés ; que Monsieur [P] a augmenté ce passif par le biais de son action devant le Conseil de Prud'hommes ; que l'insuffisance d'actif s'élève à la somme de 22 863.58 € ; (…) que Me [F], es qualités, tient à poursuivre Monsieur [P] et Madame [R] pour fautes de gestion ; que pour cela elle indique que Madame [R] était gérante statutaire de la société Tarn Renovation ; que Monsieur [P], par ses nombreux actes de gestion, était gérant de fait; qu'elle a couvert les agissements de Monsieur [P], les relations conflictuelles n'étant pas encore apparues; que l'insuffisance d'actif est constaté pour une somme de 22 863.58 €; que par ses actions Monsieur [P] a commis plusieurs fautes de gestion, comme par exemple encaisser un chèque de la société à son nom personnel, en tentant de se faire payer des sommes en tant que salarié après le redressement judiciaire, sommes non réclamées pendant l'exploitation; qu'également, Monsieur [P] et Madame [R] ont poursuivi une exploitation qu'ils savaient déficitaire; que Madame [R] a accepté les fonctions de gérante pour couvrir la situation de Monsieur [P], et que donc tous les deux ont commis des fautes de gestion; que c'est bien naturellement la façon de gérer cette société qui a entraîné une insuffisance d'actifs et qu'il y aura donc lieu à les condamner solidairement en comblement de passif » ;

1) alors, premièrement, qu'en cas d'insuffisance d'actif d'une personne morale en liquidation judiciaire, seuls ses dirigeants de droit ou de fait, ayant commis une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, sont susceptibles d'être condamnés à la supporter ; qu'a la qualité de dirigeant de fait celui qui accomplit des actes positifs de gestion et de direction engageant la société, en toute liberté et en toute indépendance, de façon continue et régulière, ce qui n'est pas le cas de celui qui signe des contrats « pour ordre », soit sur l'ordre et pour le compte du gérant; que la cour d'appel qui retient la responsabilité pour insuffisance d'actif de Monsieur [P] en se fondant sur le fait qu'il avait signé seul des contrats de sous-traitance avec l'un des clients de la société alors qu'il n'était pas habilité pour le faire (arrêt attaqué p. 4, § 5) sans rechercher en quelle qualité ces contrats avaient été signé par Monsieur [P] dès lors qu'il était acquis aux débats et non contesté (conclusions Me [F] p. 10, § 3 et M. [P] p. 7, § 9 et p. 9, § 5 et 6 produites ) qu'il avait signé lesdits contrats « pour ordre », et qu'il ne disposait d'aucune délégation de pouvoirs, ni signature sociale, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 651-1 et suivant du Code de commerce ;

2) alors, deuxièmement, qu'a la qualité de dirigeant de fait celui qui accomplit des actes positifs de gestion et de direction engageant la société, en toute liberté et en toute indépendance, de façon continue et régulière; qu'il ressortait des propres constatations de la Cour d'appel que :« (…) la seule qualité d'associé majoritaire de M. [P] ne suffit pas à lui conférer la qualité de dirigeant de fait » (arrêt attaqué p. 4, § 1er) ; que la cour d'appel qui condamne cependant Monsieur [P] pour insuffisance d'actif en retenant à son encontre le fait d'avoir assisté à un rendez-vous avec l'administration fiscale et d'avoir aidé à l'établissement de la comptabilité de la société (arrêt attaqué p. 4, dernier § et p. 5, § 1er) activités qui ressortaient pourtant de sa qualité d'associé et ne suffisaient pas à établir en quoi il aurait exercé en toute indépendance une activité de direction de la société, a derechef privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 651-1 et suivant du Code de commerce ;

3) alors, troisièmement, qu'a la qualité de dirigeant de fait celui qui accomplit des actes positifs de gestion et de direction engageant la société, en toute liberté et en toute indépendance, de façon continue et régulière; que l'accomplissement d'actes limités ou trop isolés ne suffit pas à établir en quoi un salarié aurait exercé en toute indépendance une activité de direction de la société ; que la Cour d'appel a reproché à Monsieur [P] lequel ne disposait d'aucune délégation de pouvoirs ni signature sociale, d'avoir déposé par erreur, sur son compte, le 12 février 2011, un premier chèque émis par un client, et d'avoir conservé un second chèque établi à l'ordre de la société; qu'en statuant ainsi cependant qu'elle avait elle-même constaté que Monsieur [P] avait, pour le premier, dès le 16 février 2011, procédé à un virement de son compte personnel sur le compte de la société, et qu'il avait, le 14 mars 2012, restitué le second au liquidateur (arrêt attaqué p.4, § antépénultième), la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des dispositions de l'article L. 651-1 et suivant du Code de commerce ;

4) alors, quatrièmement, qu'a la qualité de dirigeant de fait celui qui accomplit des actes positifs de gestion et de direction engageant la société, en toute liberté et en toute indépendance, de façon continue et régulière ; que pour condamner pour insuffisance d'actif Monsieur [P], la Cour de Toulouse a relevé le caractère autoritaire et parfois outrancier avec lequel il se serait adressé à la gérante, Madame [R] ; que cependant il ressortait de ses propres constatations que le comportement imputé à Monsieur [P] s'expliquait par les relations personnelles qu'il entretenait avec la gérante, la cour relevant « (…) la situation conflictuelle opposant les deux associés qui étaient liés par des relations sentimentales (….et) après la séparation des deux concubins, l'exacerbation de leurs ressentiments respectifs » (arrêt attaqué p. 5, § 5) ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant au regard des dispositions de l'article L. 651-1 et suivant du Code de commerce ;

5) alors, cinquièmement, que la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire; que pour retenir la responsabilité pour insuffisance d'actif de Monsieur [P], la Cour d'appel s'est fondée sur l'arrêt de la Cour de Toulouse du 24 avril 2014 lequel a rejeté le contredit formé contre la décision du Conseil des prud'hommes de Castres s'étant déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Castres (arrêt attaqué p. 4, § 2) ; que la cassation de cet arrêt, faisant l'objet d'un pourvoi en cours n° M. 14-19.800, ne pourra que priver de fondement l'arrêt attaqué en application des dispositions de l'article 625 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-10425
Date de la décision : 20/04/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 12 novembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 avr. 2017, pourvoi n°15-10425


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Bouthors, Me Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.10425
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