LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
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M. [A] [E],
M. [L] [L] [I], parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 23 mai 2016, qui les a déclaré irrecevables en leur action civile contre MM. [D] [T], [B] [O], [Z] [K] et [T] [S] du chef de construction d'une maison individuelle sans garantie de livraison et les a déboutés de leurs demandes ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 21 février 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Lavielle, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller LAVIELLE, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI, de la société civile professionnelle FABIANI, LUC-THALER et PINATEL, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CUNY ;
Joignant les pourvois en raison de leur connexité ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 186, 188, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a débouté MM. [L] [L] [I] et [A] [E] de leurs demandes, après les avoir déclarés irrecevables en leur action ;
"aux motifs propres qu'il convient au préalable de revenir sur la plainte avec constitution de partie civile initialement déposée entre les mains du doyen des juges d'instruction ; qu'il n'est pas contesté que Messieurs [L] [I] et [E] reprochaient à Messieurs [T], [O], [K] et [S], des faits d'absence de garantie de livraison à prix et délais convenus ; que certes, les personnes visées par cette plainte n'ont pas été renvoyées devant le tribunal correctionnel de ce chef ; et pour cause puisqu'elles n'ont pas été mises en examen de ce même chef ; qu'il appartenait donc à Messieurs [L] [I] et [E] d'interjeter appel contre l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction qui ne visait nullement les faits d'absence de garantie de livraison à prix et délais convenus, et ce, en application de l'article 186 du code de procédure pénale qui dispose notamment « la partie civile peut interjeter appel des ordonnances de non informer, de non-lieu, et des ordonnances faisant grief à ses intérêts civils » ; qu'appel n'ayant pas interjeté contre cette ordonnance de renvoi, Messieurs [L] [I] et [E] ont tenté de parvenir à leurs fins en citant directement devant le tribunal correctionnel, Messieurs [T], [O], [K], et [S], du chef de commencement de travaux de construction de maisons individuelles sans assurance de garantie de livraison à prix et délais convenus, visant l'article L. 241-8 du code de la construction et de l'habitation ; qu'il est constant qu'une partie civile qui s'est constituée dans le cadre d'une information contre personne non dénommée qui a été clôturée par une ordonnance de non-lieu non frappée d'appel, peut prendre l'initiative de poursuites pénales par voie de citation directe contre une personne n'ayant été ni nommément désignée dans une plainte avec constitution de partie civile, ni mise en examen dans cette information ; qu'a contrario, une partie civile qui s'est constituée contre personne dénommée d'un chef d'infraction n'ayant pas donné lieu à poursuite, est irrecevable à exercer des poursuites pénales de ce même chef d'infraction, par citation directe contre cette même personne, pour des faits contenus dans la plainte initiale ; que Messieurs [L] [I] et [E] seront déclarés irrecevables en leur action ; que la question sur la prescription devient sans objet ; que le jugement déféré sera confirmé ;
"et aux motifs adoptés que, à titre liminaire, il doit être relevé que les parties civiles n'ont pas fourni au tribunal l'ensemble des pièces visées dans leurs conclusions (contrat de construction, dépôt d'une créance à la procédure collective) et qu'en outre, elles n'ont pas non plus fourni la plainte avec constitution de partie civile déposées par elles en 2006 ; que l'autorité de la chose jugée ne peut être valablement retenue que lorsqu'il existe une identité de cause, d'objet et de parties, entre deux poursuites successives ; que M. [T] a définitivement été condamné par jugement du tribunal correctionnel de La Rochelle du 10 septembre 2010 pour avoir réalisé des travaux de bâtiment sans assurance de responsabilité au préjudice de M. et Mme [L] [I] à [Q] le 2 février 2005 et au préjudice de M. et Mme [E] à Forges le 6 juillet 2005, faits prévus et réprimés par les articles L. 241-1, L. 241-2, L. 243-3 du code des assurances et par les articles L.111-28, L. 111-29 et L. 111-34 du code de la construction et de l'habitation, et pour avoir réalisé des travaux de bâtiment sans assurance dommage-ouvrage au préjudice de M. et Mme [L] [I] à [Q] le 2 février 2005 et au préjudice de M. et Mme [E] à Forges le 6 juillet 2005, faits prévus et réprimés par les articles L. 242-1, L. 243-3 du code des assurances et par les articles L. 111-28, L. 111-30 et L. 111-34 du code de la construction et de l'habitation ; que Messieurs [K], [S], [O] ont été définitivement condamnés par arrêt de la cour d'appel de Poitiers en date du 17 février 2011 pour les mêmes infractions ; que le texte d'incrimination initialement visé, l'article L.243-3 du code des assurances prévoit une peine de 6 mois d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende en cas de défaut de souscription par un constructeur d'une assurance responsabilité ou dommage-ouvrage prévues aux articles L. 241-1 et L. 241-2 du code des assurances ; que l'article L. 241-1 du code des assurances prévoit que « toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance; ‘qu'à) l'ouverture de tout chantier, elle doit justifier qu'elle a souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité; (que) tout candidat à l'obtention d'un marché public doit être en mesure de justifier qu'il a souscrit un contrat d'assurance le couvrant pour cette responsabilité; (que) tout contrat d'assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance » ; que l'article L 241-2 précise que « celui qui fait réaliser pour le compte d'autrui des travaux de construction doit être couvert par une assurance de responsabilité garantissant les dommages visés aux articles 1792 et 1792-2 du code civil et résultant de son fait. Il en est de même lorsque les travaux de construction sont réalisés en vue de la vente » ; que contrairement à ce que les prévenus indiquent, les infractions pour lesquelles ils ont été définitivement condamnés sont donc différentes de celle visée par les parties civiles dans leurs citations directes qui s'appuient désormais sur l'article L. 241-8 du code de la construction et de l'habitation réprimant «…d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 37 500 euros, ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque, tenu à la conclusion d'un contrat par application de l'article L. 231-1 ou de l'article L. 232-1, aura entrepris l'exécution des travaux sans avoir conclu un contrat écrit ou sans avoir obtenu la garantie de livraison définie à l'article L. 231-6» ; que l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation prévoit, dans les contrats de construction de maison individuelle avec fourniture de plan l'obligation de souscrire une garantie de livraison à prix et délai convenus qui couvre le maître de l'ouvrage, à compter de la date d'ouverture du chantier, contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat, à prix et délais convenus ; que cette garantie peut être constituée par une caution solidaire donnée par un établissement de crédit, une société de financement ou une entreprise d'assurance agréée à cet effet ; que cette infraction n'a pas été expressément visée dans le dispositif du jugement du tribunal correctionnel de La Rochelle du 10 septembre 2010, pas plus que dans l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 17 février 2011, dès lors, il ne peut être considéré que Messieurs [K], [S], [O] et [T] ont été définitivement jugés de ces chefs ; qu'en outre, l'ordonnance du juge d'instruction en date du 12 février 2010, dit expressément n'y avoir lieu à poursuivre Messieurs [K], [S], [O] et [T], des chefs de perception de versements de fonds avant la date d'exigibilité de la créance et escroquerie ; que le droit pénal étant d'application stricte, il ne saurait y avoir de condamnation implicite du fait général d'absence d'assurance de responsabilité englobant l'absence de souscription de garantie de livraison, comme le soutiennent Messieurs [K], [S] et [T] ; qu'en revanche, comme le soutient M. [K], rejoint sur ce point par les autres prévenus lors des débats, l'article 188 du code de procédure pénale, s'oppose à ce qu'une personne mise en examen à l'égard de laquelle le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre soit « recherchée » à l'occasion du même fait, à moins qu'il ne survienne de nouvelles charges ; que par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article 388 du code de procédure pénale, que la victime d'une infraction peut mettre en mouvement l'action publique en usant de la voie de la citation directe à l'égard des personnes qui n'ont pas été l'objet de l'information diligentée à raison des mêmes faits à la condition que ces personnes n'aient pas été dénoncées dans la plainte, mises en cause dans les poursuites ou impliquées même en qualité de témoins, dans la procédure, et qu'enfin, la plainte initiale ou des imputations exprimées en cours d'information ne renferment pas des précisions telles que l'identification des personnes visées ne laisserait place à aucun doute ; qu'ainsi, la partie civile constituée devant le juge d'instruction ne peut abandonner la voie de l'instruction préparatoire pour traduire quiconque en raison des mêmes faits, par voie de citation directe, devant la juridiction correctionnelle ; qu'en l'espèce, il est établi que le juge d'instruction n'a pas dit explicitement n'y avoir lieu à suivre du chef de cette infraction contre les mis en examen, ayant au contraire estimé cette infraction caractérisée dans sa motivation, il ne les a pas non plus renvoyés pour être jugés de ce chef ; que par ailleurs, il résulte des pièces versées aux débats que ni M. [O], ni Messieurs [K], [S] et [T], n'ont été mis en examen, du chef d'absence de garantie de livraison à prix et délai convenus, ce qui excluait d'autant leur éventuel renvoi de ce chef ; qu'il n'est en revanche pas contesté que ces faits étaient dénoncés contre ces personnes nommément désignées dans la plainte avec constitution de partie civile déposée le 27 juin 2006 par M. [O] [I] et M. [E] ; que dès lors qu'elle s'est constituée partie civile auprès du juge d'instruction, la victime d'une infraction n'a plus la possibilité de saisir par voie de citation directe le tribunal correctionnel de poursuites contre des personnes qui n'ont pas été renvoyées devant cette juridiction par le magistrat instructeur bien qu'elles aient été visées par la plainte et mises en cause de lors de l'information sans toutefois avoir été mises en examen et renvoyées devant le tribunal de ce chef ; qu'il appartenait aux parties civiles, en application de l'article 186 du code de procédure pénale, de faire appel, dans les délais impartis, de l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction si elles estimaient que celle-ci nuisait à leurs intérêts civils ; qu'en conséquence, M. [O] [I] et M. [E] seront déclarés irrecevables en leur action et déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts.
"1°) alors d'une part, qu'une partie civile est en droit d'exercer directement l'action civile devant le tribunal correctionnel contre un prévenu lorsque ce dernier n'a fait l'objet d'aucune décision passée en force de chose jugée à raison de l'infraction qui lui est reprochée ; qu'en déclarant les parties civiles irrecevables en leur action civile du chef de commencement de travaux de construction de maisons individuelles sans assurance de garantie de livraison à prix et délais convenus quand cette infraction, déclarée constituée par le juge d'instruction dans son ordonnance de clôture de l'instruction, n'a pas fait l'objet d'une décision de non-lieu, et quand aucune condamnation n'a été prononcée de ce chef par les juges correctionnels saisis par l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen et privé sa décision de toute base légale ;
"2°) alors d'autre part, que l'autorité de la chose jugée n'interdit d'exercer de nouvelles poursuites en raison des mêmes faits que si les infractions successivement imputées au prévenu sont identiques dans tous leurs éléments matériels et légaux ; qu'en déclarant les nouvelles poursuites exercées par les parties civiles irrecevables après avoir expressément relevé que les infractions successivement reprochées aux prévenus n'étaient identiques ni dans leurs éléments légaux, ni dans leurs éléments matériels, les juges correctionnels se sont abstenus de tirer de leurs propres constatations les conséquences légales qui s'imposaient, privant leur décision de toute base légale ;
"3°) alors enfin, que si une ordonnance de non-lieu fait obstacle, à la citation directe, à raison des mêmes faits, d'une personne qui a été nommément mise en cause dans la plainte avec constitution de partie civile initiale, tel n'est pas le cas d'une ordonnance du juge d'instruction ayant explicitement constaté la caractérisation du délit reproché, tout en omettant de le viser dans les termes du renvoi ; qu'en considérant qu'une partie civile qui s'est constituée contre personne dénommée d'un chef d'infraction n'ayant nullement fait l'objet d'une décision de non-lieu, y compris implicite, au regard des motifs de l'ordonnance de clôture de l'instruction affirmant que l'infraction était constituée, était irrecevable à exercer des poursuites pénales de ce même chef d'infraction, par citation directe, contre cette même personne, pour des faits contenus dans la plainte initiale, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes visés au moyen et privé sa décision de toute base légale".
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que suivant actes du 16 janvier 2013, MM. [A] [E] et [L] [L] [I] ont fait délivrer citation à MM. [Z] [K], [T] [S], [B] [O] et [D] [T] d'avoir à comparaître devant le tribunal correctionnel pour avoir commis les faits de commencement de travaux de construction de maisons individuelles sans assurance de garantie de livraison à prix et délai convenus, prévus et réprimés par les articles L. 241-8 al.1, L. 231-6 § I al.1, L. 232-2 du code de la construction et réprimés par l'article L. 241-8 al.1 du même code ; que le tribunal correctionnel, par jugement du 4 avril 2015, a fait droit à l'exception de procédure soulevée par les prévenus et débouté les plaignants; que les parties civiles ont relevé appel de cette décision ;
Attendu que pour confirmer le jugement et dire les plaignants irrecevables en leur demande indemnitaire, l'arrêt attaqué retient que l'infraction sus mentionnée, visée à la citation directe, était contenue dans la plainte avec constitution de partie civile antérieurement déposée devant le juge d'instruction le 27 juin 2006; que les juges en concluent qu'une partie civile qui s'est constituée contre personne dénommée d'un chef d'infraction n'ayant pas donné lieu à poursuite, est irrecevable à exercer des poursuites pénales de ce même chef, par citation directe contre cette même personne, pour des faits contenus dans la plainte initiale ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que le délit d'exécution de travaux sans garantie de livraison à prix et délai convenus était mentionné dans la plainte avec constitution de partie civile de 2006, que ce fait ayant été examiné par la juridiction d'instruction sous tous les rapports qu'il pouvait avoir avec l'application de la loi pénale, il appartenait aux parties civiles d'exercer un recours contre la décision de renvoi ne les retenant pas, et que les parties civiles ne pouvaient être admises à l'invoquer à nouveau par la voie d'une citation directe, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf avril deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.