LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
-
L'Agent judiciaire de l'Etat, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 15 octobre 2015, qui, dans la procédure suivie contre M. [M] [H] du chef de violences volontaires par dépositaire de l'autorité publique, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 7 mars 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Pers, Mme Dreifuss-Netter, M. Fossier, Mmes Schneider, Ingall-Montagnier, MM. Bellenger, Lavielle, conseillers de la chambre, Mme Guého, conseiller référendaire ;
Avocat général : Mme Le Dimna ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller FARRENQ-NÉSI, les observations de la société civile professionnelle MEIER-BOURDEAU et LÉCUYER, de la société civile professionnelle GARREAU, BAUER-VIOLAS et FESCHOTTE-DESBOIS et de Me HAAS, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général LE DIMNA ;
Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, par jugement du tribunal correctionnel en date du 19 septembre 2012, M. [M] [H], policier municipal, a été déclaré coupable de violences commises sur la personne de M. [I] [M] lors de son interpellation le 15 janvier 2011 et responsable du préjudice subi par ce dernier ; que la cour d'appel de Grenoble, par arrêt du 30 mai 2013, a requalifié les faits en contravention de blessures involontaires et, sur l'action civile, après avoir dit que le prévenu n'avait pas commis de faute détachable du service susceptible de mettre en jeu sa responsabilité personnelle, a renvoyé l'affaire devant le premier juge pour la liquidation du préjudice de la victime, constituée partie civile, en invitant la partie la plus diligente à appeler dans la cause l'Agent judiciaire de l'Etat ; que par jugement du 1er décembre 2014, statuant sur intérêts civils, le tribunal correctionnel a ordonné une expertise médicale de M. [M] et condamné l'Agent judiciaire de l'Etat à lui verser une provision à valoir sur la réparation de son préjudice ; que l'Agent judiciaire de l'Etat a interjeté appel ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 551 et 385 alinéa 5 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a dit que l'Agent judiciaire de l'Etat était tenu de garantir M. [M] [H] des condamnations prononcées à son encontre ensuite de sa condamnations du chef de blessures involontaires ayant occasionné une incapacité temporaire totale d'une durée inférieure ou égale à trois mois ;
"au motif que, sur la nullité de la citation, s'il ressort des conclusions déposées devant le tribunal que l'Agent judiciaire de l'Etat a soulevé la nullité de la citation qui lui a été délivrée le 5 août 2013, en invoquant l'article 551 du code de procédure pénale, il est constant que les dispositions de ce texte ne concernent que l'exercice de l'action publique et non de l'action civile ; qu'il s'ensuit que l'argumentation de l'appelant, au demeurant non formellement qualifiée d'exception de procédure et qui aurait dû être évoquée avant toute défense au fond conformément à l'article 385 dudit code, ne peut être accueillie ;
"1°) alors que la citation devant le juge répressif ne peut être délivrée qu'à la requête du ministère public, de la partie civile et de toute administration qui y est légalement habilitée ; qu'en retenant que la citation délivrée à l'Agent judiciaire de l'Etat par M. [H], prévenu, serait recevable, la cour d'appel a violé l'article 551 du code de procédure pénale ;
"2°) alors que l'Agent judiciaire de l'Etat a fait valoir à titre principal, devant le tribunal correctionnel, que sa citation était nulle pour avoir été délivrée par un prévenu qui n'avait pas qualité à le faire selon l'article 551 du code de procédure pénale ; qu'à titre subsidiaire, il a réclamé sa mise hors de cause ; qu'il a ainsi élevé l'exception de nullité de sa citation avant toute défense au fond ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 385 al. 5 du code de procédure pénale" ;
Attendu que, contrairement à ce que soutient le demandeur au pourvoi, il ne résulte pas de ses conclusions régulièrement déposées devant les premiers juges, invoquant tout d'abord l'absence d'autorité de la chose jugée à son égard de l'arrêt du 30 mai 2013, puis l'absence de pouvoir d'interpellation d'un policier municipal, que la nullité de la citation, pour avoir été délivrée à son encontre à la requête du prévenu, ait été soulevée avant toute défense au fond, comme l'exige l'article 385 du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait, doit être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 3 du code de procédure pénale, 38 de la loi n° 85-366 du 3 avril 1955 et L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a dit que l'Agent judiciaire de l'Etat était tenu de garantir M. [H] des condamnations prononcées à son encontre ensuite de sa condamnations du chef de blessures involontaires ayant occasionné une incapacité temporaire totale d'une durée inférieure ou égale à trois mois ;
"aux motifs propres qu'il y a lieu de relever que l'appelant invoque à tort la jurisprudence selon laquelle les juges répressifs ne peuvent admettre la mise en cause d'une partie n'ayant pas été citée en vue du jugement sur l'action publique et sur l'action civile (Crim., 19 mai 2015, n° 14-81592), cette prohibition visant une partie qui n'était pas intervenue en première instance sur l'action civile ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, l'Agent judiciaire de l'Etat ayant été cité devant le tribunal statuant sur intérêts civils ; qu'il est constant que, si la cour, dans son arrêt du 30 mai 2013, a dit que M. [H] n'a pas commis une faute détachable du service susceptible de mettre en jeu sa responsabilité personnelle, elle n'a aucunement statué sur l'éventuelle prise en charge des conséquences civiles de l'action du prévenu, lesquelles ont été discutées par l'Agent judiciaire de l'Etat et la ville de [Localité 1] tant devant le premier juge que devant la cour ;
"et aux motifs adoptés que force est au tribunal de constater qu'il a été définitivement jugé par l'arrêt précité de la cour d'appel de Grenoble, 1°) que les faits délictueux avaient été commis dans le cadre d'une opération de police judiciaire, 2°) que la faute commise par le policier n'était pas détachable du service et par conséquent insusceptible d'engager la responsabilité personnelle de M. [H] ; que la cour avait du reste invité le policier à mettre en cause l'Agent judiciaire de l'Etat, montrant ainsi qu'elle considérait l'Etat comme débiteur de la réparation due à M. [M] ; qu'il s'ensuit que l'Etat ne saurait sérieusement se dérober à son obligation de garantir la responsabilité de M. [H] ; que, s'agissant d'une faute non détachable du service, l'Etat en supportera seul les conséquences ; qu'il sera fait droit à la demande d'expertise médicale ; qu'eu égard aux blessures subies par M. [M] qui, ainsi qu'il résulte d'une tomodensitométrie du pied gauche pratiquée le 20 janvier 2011, a présenté une "fracture de la base du 1er métatarsien et du deuxième métatarsien ainsi qu'une fracture avec petits arrachements osseux du bord inférieur du premier cunéiforme" et dont le pied a dû être enserré dans une botte plâtrée, la provision sollicitée de 4 000 euros n'est pas excessive ;
"alors que les juges répressifs, sous réserve des règles propres à la mise en cause et à l'intervention de l'assureur, ne sauraient, après un jugement définitif qui a statué sur l'action publique et sur la recevabilité de la constitution de partie civile de la victime, admettre la mise en cause d'une partie n'ayant pas été citée en vue du jugement sur ladite action publique ; qu'en jugeant que la mise en cause de l'Agent judiciaire de l'Etat était recevable puisqu'il avait été cité en première instance sur l'action civile, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Vu l'article 3 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon cet article, les juges répressifs ne peuvent connaître de l'action civile qu'autant qu'ils sont saisis de l'action publique ; que, dès lors, sous réserve des règles propres à la mise en cause et à l'intervention de l'assureur, ils ne sauraient, après un jugement définitif qui a statué sur l'action publique et sur la recevabilité de la constitution de partie civile de la victime, admettre la mise en cause d'une partie n'ayant pas figuré au procès lors du jugement de ladite action ;
Attendu que pour rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par l'Agent judiciaire de l'Etat en raison de sa mise en cause tardive, l'arrêt retient que la prohibition résultant de l'article 3 du code de procédure pénale vise une partie qui n'est pas intervenue en première instance sur l'action civile, et que tel n'est pas le cas en l'espèce, l'Agent judiciaire de l'Etat ayant été cité devant le tribunal statuant sur intérêts civils ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'en raison de l'indivisibilité des mentions figurant au dispositif de l'arrêt attaqué la cassation s'étendra à l'ensemble de ses dispositions ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 15 octobre 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf avril deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.