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15/10/2015 | FRANCE | N°12/02377

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 15 octobre 2015, 12/02377


RG N° 12/02377

AME

N° Minute :















































































Copie exécutoire

délivrée le :







la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC



la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE







AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL D

E GRENOBLE



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI 15 OCTOBRE 2015





Appel d'une décision (N° RG 2010J380)

rendue par le Tribunal de Commerce de VIENNE

en date du 19 avril 2012

suivant déclaration d'appel du 30 Mai 2012





APPELANTS :



Monsieur [V] [D]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 1]



SCI ARTIS INVESTISSEMENT prise en la personne de son représenta...

RG N° 12/02377

AME

N° Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 15 OCTOBRE 2015

Appel d'une décision (N° RG 2010J380)

rendue par le Tribunal de Commerce de VIENNE

en date du 19 avril 2012

suivant déclaration d'appel du 30 Mai 2012

APPELANTS :

Monsieur [V] [D]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 1]

SCI ARTIS INVESTISSEMENT prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentés par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et plaidant par Me ZERBO, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE CHARVIEU-CHAVAGNIEU poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliées en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 3]

Représentée par Me GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et plaidant par Me MOLARD-BOUDIER substituant Me REBOTIER, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Dominique ROLIN, Président de Chambre,

Mme Fabienne PAGES, Conseiller,

Madame Anne-Marie ESPARBÈS, Conseiller,

Assistés lors des débats de Magalie COSNARD, Greffier.

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Septembre 2015

Madame ESPARBÈS, conseiller, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,

------0------

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

La SCI ARTIS INVESTISSEMENT (la SCI), représentée par son gérant M. [V] [D], a acquis le 16 mai 2007 un tènement immobilier sur la commune de l'[Adresse 2] en vue d'aménagement d'un bâtiment ancien et édification de biens immobiliers, au moyen principalement d'un prêt de 180.000 euros consenti par le Crédit agricole Sud Rhône-Alpes.

Pour le financement des travaux de réhabilitation afin de créer 3 logements destinés à la location ou à la vente, par acte notarié du 3 juin 2008 rédigé par Me [W], la SCI a souscrit auprès du CRÉDIT MUTUEL DE CHARVIEU-CHAVAGNEUX (le CRÉDIT MUTUEL) un prêt de 345.000 euros se décomposant en':

- un prêt immobilier dénommé Modulimmo de 180.000

euros remboursable jusqu'au 10 juin 2023 en 180 mensualités de 1.437,53 euros au TEG annuel de 5,558 % destiné au rachat du prêt du Crédit agricole, sous la garantie d'une hypothèque conventionnelle de premier rang sur l'ensemble immobilier (inscrite le 8 juillet 2008) outre engagement de cautions solidaires des trois associés,

- un prêt-relais de 165.000 euros remboursable en une

seule échéance à la date du 5 juin 2010 au TEG annuel de 5,684 %, sous la garantie notamment d'une promesse d'hypothèque et l'engagement de cautions solidaires des trois associés, avec, à prendre par acte séparé, un ordre irrévocable de virement de fonds provenant de la vente du bien cadastré section DW [Cadastre 1] et [Cadastre 2].

Suite à la vente d'un premier logement le 6 mars 2009 à hauteur de 262.500 euros et à l'échange de différents écrits en décembre 2008, le notaire a adressé au CRÉDIT MUTUEL le 10 mars 2009 un chèque d'un montant de 148.266 euros (solde du prix de vente) «'en remboursement d'une partie du prêt-relais n°20092503 d'un montant de 165.000 euros'».

Ce chèque a crédité le compte de la SCI à la date du 12 mars 2009.

Le 2 avril 2009, la SCI a déposé sur son compte au Crédit agricole un chèque tiré sur son compte Crédit Mutuel de 140.000 euros, pour financer la poursuite des deux autres appartements. Le chèque a été rejeté pour défaut de provision par le CRÉDIT MUTUEL qui a prélevé une somme de 144.459,70 euros en «'remboursement anticipé'» du prêt-relais.

Se plaignant de ce prélèvement alors que le prêt-relais n'était pas échu (échéance au 5 juin 2010), et au motif que ce rejet du chèque avait paralysé les travaux des deux autres logements, la SCI a le 6 mai 2009 saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Vienne qui, par ordonnance du 23 juin 2009, et aux motifs du non-respect de la modalité contractuelle (lettre recommandée avec accusé de réception du prêteur sous préavis de 30 jours), de l'existence d'une provision certaine, liquide et exigible, et du non-respect de la finalité du prêt-relais par le prêteur, a ordonné sous astreinte de payer le chèque précité au CREDIT MUTUEL, qui s'est exécuté.

Le chèque de 140.000 euros versé par la SCI sur son compte au Crédit agricole étant ainsi honoré, ce qui a permis à la SCI d'assurer la rénovation des deux autres appartements puis leur vente, le prêt-relais n'a pas été remboursé.

Le CREDIT MUTUEL a alors inscrit une hypothèque judiciaire provisoire le 13 juillet 2009 en garantie de ce prêt, devenue hypothèque définitive le 2 octobre 2009.

Les 11 mai 2010 et 6 juillet 2010, le CREDIT MUTUEL a prononcé l'exigibilité anticipée des deux prêts.

Par un arrêt du 24 novembre 2011, intervenu alors que le CREDIT MUTUEL avait été finalement remboursé de l'intégralité des prêts consentis, la présente Cour a infirmé l'ordonnance du 23 juin 2009 en toutes ses dispositions, en visant les écrits du notaire corroborés par ceux de M. [D] et de la qualité de mandataire apparente du notaire, partant l'absence de trouble occasionné par la banque.

Par exploit du 18 novembre 2010, délivré avant prononcé de l'arrêt sus-visé, complété ultérieurement par conclusions, la SCI et M. [D] avaient assigné le CREDIT MUTUEL devant le tribunal de commerce de Vienne pour :

- voir dire que la banque a manqué à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat du 3 juin 2008 et juger que le non-respect de la finalité du contrat leur a causé un préjudice certain, qui sera indemnisé par les sommes respectives de 250.000 euros et de 60.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts du CREDIT MUTUEL (articles L.311-8 et L.311-13 du code de la consommation),

- enjoindre au CREDIT MUTUEL de produire un nouveau décompte de ses créances en imputant la totalité des paiements effectués sur le capital et en restituant à la SCI le trop-perçu,

- ordonner la suppression des indemnités de recouvrement,

- enjoindre au CREDIT MUTUEL d'accomplir les formalités de radiation nécessaires aux fichiers des incidents de paiement,

voir ordonner la restitution de l'indemnité contractuelle de 24.479 euros (article 1152 du code civil),

- et voir condamner le CREDIT MUTUEL à leur payer 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par jugement du 19 avril 2012, le tribunal a':

- débouté les appelants de leurs demandes formées à l'encontre du CREDIT MUTUEL,

- débouté le CREDIT MUTUEL de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

- condamné in solidum la SCI et M. [D] à payer au CREDIT MUTUEL 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre charge des dépens.

La SCI ARTIS INVESTISSEMENT et M. [D] ont interjeté le 30 mai 2012.

Par conclusions du 1er septembre 2015, sur le fondement des articles 1134, 1135, 1147, 1152, 1256 et 1382 et suivants du code civil, ainsi que les articles L.312-7, L.312-8, L.312-33, L.312-7, L. 313-1 et L.313-2 du code de la consommation, la SCI et M. [D] ont sollicité par voie de réformation':

- de juger que le CRÉDIT MUTUEL a manqué à son devoir de loyauté et n'a pas exécuté de bonne foi le contrat de prêt du 3 juin 2008 au vu du programme immobilier de la SCI et du projet global de rénovation de la SCI,

- de juger qu'en mettant en place un prêt-relais en lieu et place d'un prêt travaux, le CRÉDIT MUTUEL, en tant que professionnel du crédit, n'a pas respecté son devoir de conseil,

- de juger que la déchéance du terme des prêts consentis, compte tenu du contexte, était abusive et contraire au devoir de loyauté dans l'exécution du contrat,

- de juger qu'en imputant le paiement de la somme de 145.351 euros provenant de la deuxième vente le 2 juin 2010 sur le prêt Modulimmo en violation de l'article 1256 du code civil, le CRÉDIT MUTUEL a commis une faute,

- de juger que, d'une manière générale, le non-respect de la finalité du contrat et du financement du programme immobilier par le CRÉDIT MUTUEL a causé un préjudice direct et certain à la SCI et à son gérant,

- en conséquence, de condamner le CRÉDIT MUTUEL à payer à la SCI la somme de 250.000 euros et à M. [D] celle de 60.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,

- de condamner le CREDIT MUTUEL à rembourser à la SCI le trop-perçu de 36.008 euros,

- en application de l'article 1152 du code civil, et du contexte particulier des relations contractuelles, de fixer à la somme symbolique de 1 euro les intérêts de retard et indemnités conventionnelles réclamées par le CRÉDIT MUTUEL,

- de constater que l'offre de prêt du 21 mai 2008 et l'acte définitif du 3 juin 2008 ne satisfont pas aux exigences des articles L.312-7 et L.312-8 du code de la consommation,

- de juger qu'en ne prenant pas en compte les frais de rédaction d'acte et de prise de cautionnement, le TEG des prêts consentis le 21 mai 2008 et 3 juin 2008 est erroné,

- en conséquence, compte tenu notamment de l'attitude de la banque, de prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts du CRÉDIT MUTUEL sur les prêts consentis le 21 mai et 3 juin 2008,

- d'ordonner au CRÉDIT MUTUEL de rembourser à la SCI les sommes indûment perçues au delà du remboursement du capital prêté (345.000 euros) à titre d'intérêts, de pénalités ou d'indemnités contractuelles,

- et en toute hypothèse, de condamner le CRÉDIT MUTUEL à leur payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions du 7 novembre 2014, le CRÉDIT MUTUEL a sollicité :

- la confirmation du jugement en toutes ses dispositions,

- la condamnation de la SCI et de M. [D] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- et leur condamnation solidaire aux entiers dépens avec distraction au profit de la Selarl Lexavoué Grenoble.

La procédure a été clôturée le 10 septembre 2015.

MOTIFS

Sur le caractère inadapté du prêt-relais :

Les appelants soutiennent que la commune intention des parties et l'économie de l'opération étaient de permettre à la SCI de rénover une partie bâtie existante et de créer 3 logements destinés à la location ou la vente, le remboursement des prêts devant par conséquent intervenir au fur et à mesure de façon adaptée au programme immobilier'; que le CRÉDIT MUTUEL, qui savait que les fonds allaient être affectés à des travaux, aurait dû accorder deux prêts classiques amortissables sur des durées différentes avec possibilité de remboursement anticipé partiel à chaque vente, au lieu d'un prêt-relais, inadapté ; et que l'exigence injustifiée de la part du CRÉDIT MUTUEL dans le remboursement anticipée était fautive.

Si le CRÉDIT MUTUEL ne conteste pas l'économie de l'opération immobilière, en effet stipulée dans l'offre de prêt et l'acte notarié du 3 juin 2008, il oppose à juste titre que le moyen, nouveau en cause d'appel, n'est pas fondé.

D'une part, le CRÉDIT MUTUEL rappelle que ce montage est classique en matière de promotion immobilière et que le prêt-relais, sollicité par M. [D], permettait précisément à l'investisseur de réaliser les travaux sans charge de trésorerie puis de rembourser l'intégralité du prêt lors d'une première vente, ce qui correspond parfaitement à l'économie de l'opération.

D'autre part, le CRÉDIT MUTUEL démontre par l'échange des écrits avec M. [D] que celui-ci, qui l'a reconnu et le reprend dans ses écritures, a sous-estimé le coût des travaux, cause réelle de ses difficultés.

A défaut de preuve d'un manquement du CRÉDIT MUTUEL à son obligation de conseil, aucune faute ou mauvaise foi ne peut être retenue à l'égard de la banque.

Sur la vente du 6 mars 2009':

Les appelants soutiennent que, dès la vente du premier appartement le 6 mars 2009, le CRÉDIT MUTUEL a décidé de se rembourser par anticipation sur le reliquat du prix versé sur le compte de la SCI alors qu'aucun des deux prêts n'étaient arrivés à échéance (5 juin 2010 pour le prêt-relais et 10 juin 2023 pour le prêt Modulimmo), puis a inscrit une hypothèque judiciaire le 13 juillet 2009, ce qui a retardé de 6 mois la poursuite du programme immobilier en même temps qu'il empêchait la recherche de nouveaux crédits qui ne pouvaient plus bénéficier de garanties.

Ce moyen manque de sérieux.

En effet, comme l'a relevé le premier juge au vu de l'arrêt du 24 novembre 2011, les écrits du notaire, mandataire apparent, corroborés par ceux de M. [D] qui s'était aussi expressément engagé à payer les 25.000 euros manquants, démontrent que le remboursement (partiel, puisque la SCI a prélevé 80.000 euros sur le prix de vente hors comptabilité du notaire) du prêt-relais ne résulte nullement de la volonté unilatérale du CRÉDIT MUTUEL de s'approprier les fonds, mais plutôt de celle non équivoque de la SCI de procéder au remboursement anticipé du prêt-relais, en affectant le produit de la première vente à ce remboursement, ce qui correspond bien d'ailleurs à l'économie de l'opération et confirme l'espoir de M. [D] d'obtenir du banquier une nouvelle offre de prêt, destinée à couvrir son manque du fonds.

Les appelants ne peuvent non plus invoquer l'article L.131-35 du code monétaire et financier, qui, pour un chèque non frappé d'opposition et pourvu d'une provision, exige de la banque le paiement du chèque.

Il est justifié par les relevés bancaires que le compte de la SCI, duquel avait été justement écarté le crédit du chèque du 6 mars 2009, était dépourvu de provision, ce qui empêchait à la SCI de tirer un chèque de 140.000 euros, justement rejeté par le CRÉDIT MUTUEL.

Aucune faute ne peut donc être reprochée au CRÉDIT MUTUEL relativement à l'affectation du chèque de la première vente et au rejet du chèque non provisionné.

Aucune faute non plus ne peut lui être reprochée quant à l'inscription de l'hypothèque, alors que tant l'offre de prêt que l'acte notarié du 3 juin 2008 stipulent une promesse d'hypothèque et que le CRÉDIT MUTUEL a pu craindre pour le recouvrement de sa créance, compte tenu des difficultés déclarées par la SCI à assurer les paiements de son programme.

Sur la vente du 10 mai 2010':

Le 10 avril 2010, la SCI a signé un compromis de vente du deuxième appartement concernant les lots 1 et 5 de l'ensemble immobilier pour un prix de 157.000 euros. Alors que l'acte authentique de vente était prévu le 10 mai 2010, le CRÉDIT MUTUEL a conditionné la levée de sa garantie hypothécaire sur les lots vendus à la réception de la totalité des fonds de la vente, pour finalement refuser la mainlevée au vu de la proposition d'un paiement partiel de 50.000 euros et d'un solde du prêt après vente du 3ème lot. La vente a en conséquence été retardée pour n'être conclue devant le notaire que le 28 mai 2010, et le CRÉDIT MUTUEL a donné main-levée de sa garantie sur ces lots par sa lettre du 7 juin 2010.

Une telle attitude de la part du CRÉDIT MUTUEL s'avère fautive, comme contraire au devoir de loyauté qui s'impose à tout contractant.

Certes, des échéances du prêt Modulimmo étaient non payées ou irrégulièrement payées notamment depuis février 2010, et aucune faute ne peut venir sanctionner le refus de lever une garantie lorsqu'un paiement fait défaut.

Pour autant, au 10 mai 2010, date prévue pour la conclusion de la deuxième vente, le CRÉDIT MUTUEL n'avait pas encore tiré la conséquence juridique du défaut de paiement intégral des échéances du prêt Modulimmo (il ne prononcera la déchéance du terme que le lendemain de la date prévue pour cette vente soit le 11 mai 2010).

Le prêt-relais, dû à hauteur d'un solde de 26.420 euros (après paiement partiel par le chèque du 6 mars 2009) n'était pas encore arrivé à échéance (échéance au 5 juin 2010).

De plus, comme il en est prouvé, le CRÉDIT MUTUEL avait accepté main-levée partielle de sa garantie pour permettre la vente de 2009 et il l'a aussi acceptée avant la dernière vente de novembre 2010, sans s'expliquer sur sa nouvelle exigence de maintien de sa garantie intégrale pour la seconde vente du 10 mai 2010. Et alors que sa sûreté continuait à grever les autres biens immobiliers.

Le CRÉDIT MUTUEL était pourtant assuré de recevoir à l'issue de la deuxième vente du 10 mai 2010 la majeure partie des fonds de la vente (il recevra les fonds disponibles soit 142.351 euros), avec encore la certitude d'une troisième vente, effective en décembre 2010, et à la suite de laquelle il obtiendra une somme de 164.187 euros.

Dans ces conditions, l'exigence de la banque de recevoir la totalité des fonds de la deuxième vente, ce qui a eu pour effet de la retarder au 28 mai 2010, révèle un (premier) comportement fautif du CRÉDIT MUTUEL.

En revanche, il ne sera pas retenu à l'encontre du CRÉDIT MUTUEL, pour défaut d'imputabilité certaine, le grief des appelants relatif à leur vente dite précipitée de parcelles de terrain pour 130.500 euros en avril 2011.

De même, ces derniers ne peuvent pas reprocher au CRÉDIT MUTUEL l'imputation des fonds provenant de la deuxième vente sur le remboursement du prêt Modulimmo, au lieu du prêt-relais': il est rappelé que, à cette date, M. [D] et la SCI contestaient l'affectation des fonds disponibles de la première vente sur le prêt-relais, et que, comme lors de cette première vente, l'échéance du prêt n'était pas encore survenue lors de la deuxième vente. Ils ne démontrent d'ailleurs pas avoir notifié au CRÉDIT MUTUEL une directive d'imputation particulière respectant les modalités contractuelles.

Sur la déchéance du terme':

En même temps qu'il exigeait, à tort comme jugé précédemment, de recevoir l'intégralité du prix de la deuxième vente pour donner main-levée partielle de sa sûreté sur les deux lots, le CRÉDIT MUTUEL a prononcé la déchéance du terme pour le prêt Modulimmo le 11 mai 2010, alors que, s'il avait accepté de donner main-levée en temps utile, pour permettre la vente du 10 mai 2010, l'échéance d'avril 2010 aurait été payée dans le délai de régularisation.

Le manquement du CRÉDIT MUTUEL au devoir de loyauté est par conséquent retenu de ce (second) chef.

En revanche, les appelants ne peuvent faire grief au CRÉDIT MUTUEL d'avoir prononcé la déchéance du prêt-relais au 6 juillet 2010, car, à cette date ou à celle de l'échéance du 5 juin 2010, ils ne démontrent pas qu'ils disposaient de fonds suffisants pour désintéresser la banque.

Sur le préjudice :

Les appelants ne peuvent réclamer que l'indemnisation du préjudice en lien causal avec les manquements retenus à l'encontre du CRÉDIT MUTUEL, soit celui lors de la deuxième vente de mai 2010 et le prononcé, qui a suivi, de la déchéance prématurée du prêt Modulimmo.

Ils ne peuvent pas se plaindre de l'affectation des fonds disponibles de la première vente au remboursement de l'essentiel du prêt-relais, et par suite d'avoir manqué de fonds pour la poursuite du programme immobilier, ce paiement ayant été décidé par les emprunteurs. Leur réclamation au titre d'une indemnité de résiliation relative au prêt-relais (12.741,41 euros) dite infondée et réductible au visa de l'article 1152 du code civil par la SCI, sera rejetée.

Ils ne peuvent non plus critiquer le manque de fonds par suite du rejet du chèque de 140.000 euros, qui n'était pas provisionné, alors qu'ils ont au contraire bénéficié du retour de ces fonds dans leur patrimoine au prononcé de l'ordonnance de référé le 23 juin 2009 jusqu'à l'infirmation de cette décision par l'arrêt du 24 novembre 2011.

Si le préjudice imputable est incontestable, il ne peut se chiffrer aux 250.000 euros réclamés par la SCI, au vu dit-elle de l'anéantissement des bénéfices qu'elle aurait tirés de son programme immobilier, perte dont elle ne justifie pas.

Il reste, dans cet état, que le préjudice imputable consiste en une perte de chance pour la SCI de voir conclure la deuxième vente dans un meilleur délai, de recevoir le produit de la vente 18 jours plus tôt, ce qui aurait permis à la SCI de financer des charges, dont le paiement des mensualités du prêt Modulimmo, et ainsi d'éviter la déchéance prématurée du terme de ce prêt qui avait conduit la banque à chiffrer notamment une indemnité de résiliation de 11.735,51 euros, alors justement critiquée -pour partie- par la SCI. Une telle indemnité de résiliation est en effet disproportionnée par rapport au réel préjudice subi par la banque.

Au vu des éléments de la cause, le préjudice de la SCI tous éléments réunis sera réparé par une juste somme de 10.000 euros.

En revanche, M. [D] n'est pas fondé à titre personnel à réclamer 60.000 euros en réparation de ses préjudices concernant la dénonciation par le CRÉDIT MUTUEL d'un compte courant et d'un prêt personnel, le lien causal avec les manquements fautifs n'étant pas établi s'agissant de ces deux conventions, et son préjudice n'étant pas caractérisé ni dans sa nature ni dans son ampleur.

Quant à son inscription au fichier de la banque de France, il est légitime du fait de l'émission du chèque de 140.000 euros sans provision au compte.

Sur la demande de trop-perçu de 36.008 euros':

Aux termes de leurs écritures visant les capitaux empruntés et les paiements, ceux versés par le notaire et le paiement des mensualités des prêts, les appelants sollicitent la condamnation du CRÉDIT MUTUEL à rembourser à la SCI un trop-perçu de 36.008 euros.

Cependant, leur calcul est erroné, puisqu'il intègre la modification de l'imputation des fonds disponibles de la deuxième vente sur le prêt-relais, alors qu'il a été jugé plus avant que l'imputation opérée par le CRÉDIT MUTUEL sur le prêt Modulimmo n'a pas un caractère fautif.

Leur demande est rejetée.

Sur le TEG':

Il est constant, contrairement à ce que soutient le CRÉDIT MUTUEL, que les dispositions relatives au TEG, visant sa mention effective dans l'offre et l'acte de prêt et son exactitude, sont applicables aux contrats de prêts conclus entre professionnels, cas de l'espèce, en dépit de leur placement dans le code de la consommation après abrogation de la loi du 28 décembre 1966 instaurant le TEG, mais au vu de leur caractère d'ordre public, ce qui est confirmé par l'article L.313-4 du code monétaire et financier.

Le moyen d'irrecevabilité soulevé par le CRÉDIT MUTUEL est ainsi rejeté.

Par conséquent, les prêts souscrits par la SCI sont tenus de respecter les dispositions de l'article L.313-1 du code de la consommation, qui dispose que le TEG doit comprendre non seulement les intérêts mais aussi «'les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directe ou indirecte, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels'».

Le CRÉDIT MUTUEL entend voir appliquer l'exception visée par l'alinéa 2 [«'Toutefois, (') les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global (') lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat'».].

Il n'apporte cependant pas la preuve du caractère indéterminable des frais de notaire, que la SCI justifie avoir acquitté à hauteur de 4.654,63 euros, en lien avec l'acte du 3 juin 2008 tel que le mentionne expressément l'état de frais remis à la SCI par le notaire le 27 octobre 2010, que le CRÉDIT MUTUEL conteste à tort, et qui vise notamment le coût des prises de garantie (hypothèque, caution).

De plus, les appelants justifient par un e-mail d'information adressé au CRÉDIT MUTUEL le 28 mai 2008, soit quelques jours seulement avant la passation de l'acte authentique des prêts, ce qui ne permettait pas à la SCI de modifier son acceptation, avoir appris le coût, précédemment à la signature de l'acte, ce qui atteste de son caractère déterminable.

L'inclusion des frais de notaire dans le TEG est donc exigée.

Or, l'acte du 3 juin 2008, tout comme l'offre de prêt, stipule, pour chacun des deux prêts, un taux de 0,000 % pour la ligne «'coût de la convention, des garanties et d'estimation'», ce qui atteste de la non-inclusion des frais de notaire dans le TEG.

La sanction civile du TEG erroné consiste, non pas en une déchéance totale de tout droit aux intérêts comme le soutiennent les appelants, mais plutôt en la nullité de la clause de stipulation des intérêts conventionnels depuis la date de la convention et jusqu'à son terme, ce qui revient à la substitution du taux d'intérêt légal aux intérêts conventionnels payés par la SCI sur toute cette période.

L'argument du CRÉDIT MUTUEL visant le caractère facultatif de la sanction et l'imputabilité de l'erreur au notaire mandataire de l'acquéreur est écarté, au rappel que l'offre des prêts, rédigée par le prêteur lui-même comportait aussi la même irrégularité.

Remboursement des intérêts trop-payés est donc dû à la SCI, qui ne peut toutefois prétendre à ne devoir que le capital prêté.

Pour calculer le montant de ce dû, le CRÉDIT MUTUEL est invité, dans le cadre d'une réouverture des débats, à communiquer un décompte précis de la différence exigible au titre des deux prêts.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens':

Ces demandes sont réservées jusqu'au prochain arrêt qui statuera après réouverture des débats.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Juge que le CRÉDIT MUTUEL a manqué à son devoir de loyauté par son exigence de recevoir la totalité des fonds de la deuxième vente en prononçant de façon prématurée la déchéance du terme pour le prêt Modulimmo, et en conséquence, condamne le CRÉDIT MUTUEL à payer à la SCI ARTIS INVESTISSEMENT la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice de perte de chance,

Juge erroné le TEG, prononce la déchéance des intérêts conventionnels pour les deux prêts, et en conséquence, condamne le CRÉDIT MUTUEL à rembourser à la SCI ARTIS INVESTISSEMENT la différence entre les intérêts conventionnels courus sur les deux prêts depuis le 3 juin 2008 jusqu'à leur terme et les intérêts qui sont dus au taux légal,

Pour ce faire, révoque l'ordonnance de clôture et ordonne la réouverture des débats à l'audience du 19 novembre 2015 à 14h, date pour laquelle, sans autre renvoi possible, les parties concluront sur la somme due en remboursement par le CRÉDIT MUTUEL à la SCI ARTIS INVESTISSEMENT au titre de la rectification des intérêts,

Déboute la SCI ARTIS INVESTISSEMENT de ses plus amples demandes,

Déboute M. [D] de sa demande de dommages-intérêts,

Réserve les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

SIGNE par Madame ROLIN, Président et par Madame COSNARD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12/02377
Date de la décision : 15/10/2015

Références :

Cour d'appel de Grenoble 07, arrêt n°12/02377 : Décision tranchant pour partie le principal


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-10-15;12.02377 ?
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